Ce bref article propose un survol de la performance scolaire des immigrés au Danemark, en mettant particulièrement l’accent sur le degré d’assimilation observé d’une génération à l’autre.
Première génération : une progression initiale limitée
Une récente étude issue des travaux de Hassan et al. (2023) met en lumière les résultats scolaires des réfugiés au Danemark. Sans surprise, ces derniers accusent, à leur arrivée, un retard beaucoup plus marqué en danois qu’en mathématiques — un écart aisément compréhensible compte tenu de la barrière linguistique.
Au fil du temps, on observe des progrès dans les deux matières, mais nettement plus prononcés en danois. Après environ sept années, les résultats tendent à se stabiliser : l’écart entre les matières s’estompe, mais le niveau moyen demeure à environ un demi écart-type en dessous de la moyenne nationale — et légèrement plus bas encore que celui des natifs danois. Passé ce point, le rattrapage ne progresse plus de manière importante. C’est statistiquement significatif. Ce n’est pas énorme, mais c’est un retard réel et stable, surtout quand il ne se comble plus avec le temps.
De la première à la deuxième génération : des gains substantiels
Les enfants d’immigrés — communément appelés immigrés de seconde génération — présentent des résultats scolaires sensiblement meilleurs que leurs parents. Cela ne saurait étonner, dans la mesure où ces enfants grandissent au sein du système scolaire danois, avec le danois pour langue maternelle — un avantage dont leurs parents ne bénéficiaient pas.
Les données fournies par Statistiques Danemark révèlent une amélioration marquée. Chez les garçons, les notes moyennes augmentent de manière significative entre la première et la seconde génération, tous tests confondus. L’amélioration est particulièrement notable en danois, plus modéré en mathématiques — une tendance attendue.
Autre fait notable : les descendants d’immigrés originaires de pays occidentaux obtiennent des résultats très proches de ceux des Danois d’origine. En revanche, les enfants d’immigrés non occidentaux accusent toujours un retard scolaire important, même en seconde génération.
De la deuxième à la troisième génération : une stagnation inattendue
Si le passage de la première à la deuxième génération s’accompagne d’un net progrès, l’idée selon laquelle chaque génération bénéficierait d’une assimilation croissante n’est pas confirmée par les données.
En effet, tant la deuxième que la troisième génération ont grandi dans un contexte linguistique et scolaire identique : danois comme langue maternelle, scolarité complète au Danemark. Statistiquement, aucune différence notable n’apparaît entre les deux groupes. Les données de officielles danoises (2023) indiquent des résultats presque parfaitement superposés.
Cela remet en question l’hypothèse d’une assimilation linéaire et continue au fil des générations. Il convient néanmoins de nuancer cette conclusion : des différences de composition selon les origines nationales entre la deuxième et la troisième génération pourraient masquer de faibles évolutions.
Pourquoi les immigrés non occidentaux restent-ils à la traîne ?
Au Danemark, les descendants d’immigrés occidentaux affichent en moyenne des résultats comparables à ceux des natifs. Le retard persistant concerne essentiellement les descendants d’immigrés non occidentaux.
Ce phénomène n’est pas propre au Danemark. De nombreuses études internationales ont établi une corrélation entre les performances scolaires des élèves issus de l’immigration et celles des populations de leurs pays d’origine. Cette corrélation perdure à travers les générations (De Philippis & Rossi, 2020 ; Carabaña, 2011). Les différences observées semblent être le reflet de disparités de capital humain existant entre pays, qui se transmettent de manière intergénérationnelle.
Dans les cas où les immigrés surpassent nettement la moyenne de leur pays d’origine — comme c’est parfois le cas pour les immigrés provenant d'Inde —, cela s’explique souvent par une forte sélection à l’entrée (van de Werfhorst & Heath, 2019 ; Cattaneo & Wolter, 2015).
Conclusion
En matière de performance scolaire, l’assimilation des immigrés au Danemark est nette entre la première et la deuxième génération — un phénomène logique, lié à l’exposition complète à la langue et à l’école danoise.
En revanche, au-delà de la deuxième génération, aucune amélioration significative n’est observable. En moyenne, les descendants d’immigrés non occidentaux continuent de présenter des résultats scolaires inférieurs à ceux des Danois d’origine, et ce constat reste vrai pour la troisième génération.
Comment lire le graphique ci-dessus.
La ligne pointillée est la bissectrice 𝑦 = 𝑥
Elle indique l’égalité parfaite entre les deux moyennes (natifs et immigrés de deuxième génération).
Si un pays se trouve sur cette ligne, cela signifie que les enfants d’immigrés obtiennent le même score moyen que les natifs.
Si un pays est au-dessus, les enfants d’immigrés réussissent mieux que les natifs.
Si un pays est en dessous, ils réussissent moins bien.
La ligne pleine est une droite de régression : elle montre la tendance moyenne entre les deux variables (la relation empirique observée entre scores des natifs et scores des enfants d’immigrés).
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Elle a souvent une pente proche de 1 : les pays où les natifs ont de bons scores sont aussi ceux où les enfants d’immigrés réussissent bien.
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Mais l’interception (et les écarts autour de cette droite) indiquent des différences structurelles selon les pays.
Un score de +1 veut dire une performance supérieure d’un écart-type à la moyenne mondiale, et -1 une performance inférieure d’un écart-type. C’est donc une échelle relative.
Le point USA est sous la ligne pointillée, ce qui signifie :
Les enfants d’immigrés de 2e génération obtiennent des scores plus faibles que les natifs américains.
Et comme ce point est aussi en dessous de la ligne de tendance, cela veut dire que les États-Unis font un peu moins bien que la moyenne internationale, même compte tenu du niveau des natifs. Autrement dit, l’écart entre natifs et enfants d’immigrés y est plus marqué que dans d’autres pays au même niveau de performance globale.
Le point IND dans le graphique.
Position sur l’axe horizontal (x) : score moyen des natifs indiens — souvent plutôt faible en comparaison internationale (l’Inde a un système éducatif très inégal, et les évaluations internationales y sont limitées à des régions pilotes).
Position sur l’axe vertical (y) : score moyen des enfants d’immigrés indiens (de 2ᵉ génération) vivant dans d’autres pays.
Le point IND est donc très au-dessus de la diagonale,l es enfants d’immigrés indiens réussissent donc beaucoup mieux que les natifs indiens.
Pourquoi un tel écart ? Cela tient à la sélection migratoire.
L’émigration indienne moderne (vers les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, etc.) est hautement sélective sur le plan éducatif et socioéconomique :
- une très grande part des migrants sont diplômés universitaires (souvent en ingénierie, informatique, médecine) ;
- ils viennent de couches moyennes et supérieures ;
- leurs enfants bénéficient d’un capital éducatif et linguistique élevé et d’une forte pression académique.