Parmi les huit associations qui ont obtenu cette semaine le statut d’intervenant auprès de la Cour suprême du Canada dans l’affaire qui oppose une famille drummondvilloise à sa commission scolaire et au procureur général du Québec, on retrouve l’Alliance évangélique du Canada. Chaque association a soumis une requête à la Cour suprême où elle explique pourquoi le plus haut tribunal devrait l'entendre, ce qu'elle apportera d'original comme information ou éclairage.
Nous avons résumé cette requête ci-dessous.
Qui est l’Alliance évangélique du Canada ?
L'Alliance évangélique du Canada (AÉC) (anglais : Evangelical Fellowship of Canada) est une association pancanadienne regroupant 39 confessions protestantes, 125 établissements d’enseignement supérieur et près de 1 000 assemblées locales au Canada. Tous les groupes affiliés (à l'exception de l'Église anglicane catholique du Canada) s'auto-identifient comme faisant partie du mouvement évangélique.
L'Alliance évangélique fut fondée en 1964 afin de faciliter la participation conjointe des évangéliques dans les arènes politique et sociale au Canada. L'organisme cherche à améliorer l'information du public sur des questions qui préoccupent la communauté évangélique, et agit en tant que groupe de lobbying pour influencer les activités législatives touchant aux questions telles que la liberté de religion, la définition du mariage, la pornographie infantile, et les droits à l'avortement et droits du fœtus. En 1982, ils ont demandé, avec succès, à ce que « la suprématie de Dieu » soit reconnue dans le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés.
Point de vue original : évangélique et interprétation de l’article 2(a) de la Charte
L’AÉC entend défendre le point de vue des églises protestantes et évangéliques du Canada et leur conception de l’instruction morale et religieuse.
L’AÉC propose de défendre devant la Cour suprême du Canada une interprétation de l’article 2(a) de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel déclare que « chacun a les libertés fondamentales suivantes a) liberté de conscience et de religion ».
Pour l’AÉC, à la lumière de cet article, il ne revient pas à l’État d’imposer une instruction morale ou religieuse particulière. Cet article protègerait les citoyens d’une coercition indirecte par la substitution de leurs opinions au sujet de la religion par celle d’experts ou même de juges.
Dans une société réellement pluraliste, toute limite imposée à la liberté de religion de la part d’un croyant sincère ne peut l’être que dans le cadre de l’article premier de ladite Charte qui stipule que ces droits « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. »
Selon l’AÉC, la nature obligatoire du programme ECR et les violations de la Charte ne peuvent être « sauvées » par la section 1 de la Charte qui permet d’imposer des limites raisonnables aux libertés individuelles.
Imposer une éducation morale et religieuse obligatoire viole la liberté de conscience
Pour l’AÉC, imposer à tous les enfants, quelles que soient leurs croyances ou opinions religieuses et celles de leurs parents, une éducation morale et religieuse (ou une conception des religions) particulière brime la liberté de conscience de ceux-ci.
En outre, un tel programme viole le rôle de premier éducateur réservé aux parents.
Imposer la tolérance, c’est s’en dispenser
Selon ses concepteurs, le cours ECR cherche à rassembler tous les étudiants plutôt que de les diviser afin de promouvoir le dialogue, la tolérance, le respect et l’ouverture. Or, imposer la tolérance, c’est s’en dispenser. Chaque religion est, par nature, exclusive. Imposer la tolérance religieuse par un programme gouvernemental, c’est enfreindre la liberté de conscience.
En présentant toutes les religions d’une manière dite « neutre » et en accordant à chacune la même crédibilité ou absence de crédibilité, le programme ECR relativise la religion, bannit l’exclusivité de vérité métaphysique qui les sous-tend en prétendant par là supprimer toute source de désaccord. Le programme ECR établit les bases d’une laïcité non inclusive qui s’immisce dans l’interprétation des religions. Il ne s’agit pas là d’un environnement propice à une société démocratique et réellement pluraliste où l’on accepte autrui malgré des comportements ou des croyances que l’on peut réprouver, mais plutôt d’une forme d’endoctrinement laïque non inclusif qui menace l’existence même du mode de vie qu’il prétend défendre et dit vouloir enseigner.
La liberté de ne pas se voir imposer le prêt-à-penser idéologique
C’est ainsi que dans Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario, la juge McLachlin déclarait : « La liberté de ne pas s'associer, tout comme la liberté d'association, doit se fonder sur la valeur de l'épanouissement individuel au moyen des relations avec autrui. La justification du droit de ne pas s'associer semble résider dans l'intérêt qu'a un individu d'être libre de ne pas être forcé de s'associer à des idées et à des valeurs auxquelles il ne souscrit pas volontairement. J'appellerai cela, aux fins de la présente affaire, l'intérêt de la liberté de ne pas se voir imposer la conformité idéologique. »
Mme McLachlin est désormais la juge en chef de la Cour suprême du Canada.
Pour l’AÉC, la morale est fermement ancrée dans la religion
L’AÉC souligne que la plupart des évangéliques trouvent l’enseignement d’une éthique ou d’une morale relativiste profondément répugnante et un affront à leur liberté de religion et de conscience. Pour les évangéliques, la religion, l’éthique et la morale ne se conçoivent que dans une perspective biblique.
L’enseignement « sur les religions » peut aussi contredire les croyances des parents
Les tribunaux ont reconnu par le passé que les parents devaient être libres de choisir la formation religieuse de leurs enfants. Bien que le cours ECR prétende ne pas être un cours de religion, mais une approche « neutre » au sujet du phénomène religieux, le point de vue utilisé pour présenter ce « phénomène » peut contredire les croyances sincères de parents évangéliques au sujet de ces différentes religions ou de la moralité. Il en va ainsi de l’absence de Dieu quand on évoque l’éthique ou de la morale ou même lors du cours sur le phénomène religieux, alors que pour ces personnes Dieu est au centre de ces questions.
Se demander si ces croyances parentales sont raisonnables serait contraire à la philosophie adoptée par la Cour suprême selon laquelle, même si ces croyances sont subjectives, elles sont néanmoins protégées d’interférence indue de la part de l’État.
Le test d’Oakes à la rescousse du cours ECR ?
Comme nous l’avons dit plus haut, les libertés de l’article 2 de la Charte peuvent être enfreintes si les conditions de l'article 1 sur la limite raisonnable de ces libertés s’appliquent.
Pour déterminer si c’est le cas, on utilise ce qu’on appelle le « test d’Oakes&nbdp;», qui prend son nom de l'arrêt R. c. Oakes (1986), rédigé par le juge en chef Brian Dickson. Le test s'applique lorsque le demandeur a prouvé qu'une disposition de la Charte a été violée. Il incombe à la Couronne de prouver que sa restriction satisfait les exigences du test Oakes.
Selon ce test, la violation d’un droit fondamental n’est justifiée que si la mesure violatrice cherche à atteindre un objectif réel et urgent et que les moyens utilisés à cette fin ont un lien rationnel avec l'objectif, portent le moins possible atteinte au droit en question et s’il y a proportionnalité entre la restriction et l'objectif.
L’AÉC rappelle que les intimés (la commission scolaire et le procureur général du Québec) n’ont jamais cherché à prouver que l’imposition du cours ECR satisferait au test d’Oakes. Pour l’Alliance, l’imposition du cours ECR ne peut de toute évidence satisfaire ni au critère de moindre atteinte possible du droit en question ni à celui de proportionnalité.
Le gouvernement n’a apporté aucune preuve qui tendrait à démontrer que les enfants qui ne suivent pas le programme ECR (évangéliques par exemple) sont moins « tolérants » que ceux qui ont suivi ledit programme. L’histoire même de la société canadienne, fondée sur une instruction et une tradition religieuse et chrétienne fortes, démontre l’inverse. En outre, même si on en venait à conclure que les croyances des parents religieux étaient intolérantes envers les autres religions, il faut faire la distinction entre croyance exclusive et comportements intolérants.
Quant à la proportionnalité elle est difficilement soutenable, car une imposition, sans exemption possible, ne peut se justifier que si l’État prouve une nécessité impérieuse à empêcher toute exemption, ce qu’il n’a pas fait.
Nous avons résumé cette requête ci-dessous.
Qui est l’Alliance évangélique du Canada ?
L'Alliance évangélique du Canada (AÉC) (anglais : Evangelical Fellowship of Canada) est une association pancanadienne regroupant 39 confessions protestantes, 125 établissements d’enseignement supérieur et près de 1 000 assemblées locales au Canada. Tous les groupes affiliés (à l'exception de l'Église anglicane catholique du Canada) s'auto-identifient comme faisant partie du mouvement évangélique.
L'Alliance évangélique fut fondée en 1964 afin de faciliter la participation conjointe des évangéliques dans les arènes politique et sociale au Canada. L'organisme cherche à améliorer l'information du public sur des questions qui préoccupent la communauté évangélique, et agit en tant que groupe de lobbying pour influencer les activités législatives touchant aux questions telles que la liberté de religion, la définition du mariage, la pornographie infantile, et les droits à l'avortement et droits du fœtus. En 1982, ils ont demandé, avec succès, à ce que « la suprématie de Dieu » soit reconnue dans le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés.
Point de vue original : évangélique et interprétation de l’article 2(a) de la Charte
L’AÉC entend défendre le point de vue des églises protestantes et évangéliques du Canada et leur conception de l’instruction morale et religieuse.
L’AÉC propose de défendre devant la Cour suprême du Canada une interprétation de l’article 2(a) de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel déclare que « chacun a les libertés fondamentales suivantes a) liberté de conscience et de religion ».
Pour l’AÉC, à la lumière de cet article, il ne revient pas à l’État d’imposer une instruction morale ou religieuse particulière. Cet article protègerait les citoyens d’une coercition indirecte par la substitution de leurs opinions au sujet de la religion par celle d’experts ou même de juges.
Dans une société réellement pluraliste, toute limite imposée à la liberté de religion de la part d’un croyant sincère ne peut l’être que dans le cadre de l’article premier de ladite Charte qui stipule que ces droits « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. »
Selon l’AÉC, la nature obligatoire du programme ECR et les violations de la Charte ne peuvent être « sauvées » par la section 1 de la Charte qui permet d’imposer des limites raisonnables aux libertés individuelles.
Imposer une éducation morale et religieuse obligatoire viole la liberté de conscience
Pour l’AÉC, imposer à tous les enfants, quelles que soient leurs croyances ou opinions religieuses et celles de leurs parents, une éducation morale et religieuse (ou une conception des religions) particulière brime la liberté de conscience de ceux-ci.
En outre, un tel programme viole le rôle de premier éducateur réservé aux parents.
Imposer la tolérance, c’est s’en dispenser
Selon ses concepteurs, le cours ECR cherche à rassembler tous les étudiants plutôt que de les diviser afin de promouvoir le dialogue, la tolérance, le respect et l’ouverture. Or, imposer la tolérance, c’est s’en dispenser. Chaque religion est, par nature, exclusive. Imposer la tolérance religieuse par un programme gouvernemental, c’est enfreindre la liberté de conscience.
En présentant toutes les religions d’une manière dite « neutre » et en accordant à chacune la même crédibilité ou absence de crédibilité, le programme ECR relativise la religion, bannit l’exclusivité de vérité métaphysique qui les sous-tend en prétendant par là supprimer toute source de désaccord. Le programme ECR établit les bases d’une laïcité non inclusive qui s’immisce dans l’interprétation des religions. Il ne s’agit pas là d’un environnement propice à une société démocratique et réellement pluraliste où l’on accepte autrui malgré des comportements ou des croyances que l’on peut réprouver, mais plutôt d’une forme d’endoctrinement laïque non inclusif qui menace l’existence même du mode de vie qu’il prétend défendre et dit vouloir enseigner.
La liberté de ne pas se voir imposer le prêt-à-penser idéologique
C’est ainsi que dans Lavigne c. Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario, la juge McLachlin déclarait : « La liberté de ne pas s'associer, tout comme la liberté d'association, doit se fonder sur la valeur de l'épanouissement individuel au moyen des relations avec autrui. La justification du droit de ne pas s'associer semble résider dans l'intérêt qu'a un individu d'être libre de ne pas être forcé de s'associer à des idées et à des valeurs auxquelles il ne souscrit pas volontairement. J'appellerai cela, aux fins de la présente affaire, l'intérêt de la liberté de ne pas se voir imposer la conformité idéologique. »
Mme McLachlin est désormais la juge en chef de la Cour suprême du Canada.
Pour l’AÉC, la morale est fermement ancrée dans la religion
L’AÉC souligne que la plupart des évangéliques trouvent l’enseignement d’une éthique ou d’une morale relativiste profondément répugnante et un affront à leur liberté de religion et de conscience. Pour les évangéliques, la religion, l’éthique et la morale ne se conçoivent que dans une perspective biblique.
L’enseignement « sur les religions » peut aussi contredire les croyances des parents
Les tribunaux ont reconnu par le passé que les parents devaient être libres de choisir la formation religieuse de leurs enfants. Bien que le cours ECR prétende ne pas être un cours de religion, mais une approche « neutre » au sujet du phénomène religieux, le point de vue utilisé pour présenter ce « phénomène » peut contredire les croyances sincères de parents évangéliques au sujet de ces différentes religions ou de la moralité. Il en va ainsi de l’absence de Dieu quand on évoque l’éthique ou de la morale ou même lors du cours sur le phénomène religieux, alors que pour ces personnes Dieu est au centre de ces questions.
Se demander si ces croyances parentales sont raisonnables serait contraire à la philosophie adoptée par la Cour suprême selon laquelle, même si ces croyances sont subjectives, elles sont néanmoins protégées d’interférence indue de la part de l’État.
Le test d’Oakes à la rescousse du cours ECR ?
Comme nous l’avons dit plus haut, les libertés de l’article 2 de la Charte peuvent être enfreintes si les conditions de l'article 1 sur la limite raisonnable de ces libertés s’appliquent.
Pour déterminer si c’est le cas, on utilise ce qu’on appelle le « test d’Oakes&nbdp;», qui prend son nom de l'arrêt R. c. Oakes (1986), rédigé par le juge en chef Brian Dickson. Le test s'applique lorsque le demandeur a prouvé qu'une disposition de la Charte a été violée. Il incombe à la Couronne de prouver que sa restriction satisfait les exigences du test Oakes.
Selon ce test, la violation d’un droit fondamental n’est justifiée que si la mesure violatrice cherche à atteindre un objectif réel et urgent et que les moyens utilisés à cette fin ont un lien rationnel avec l'objectif, portent le moins possible atteinte au droit en question et s’il y a proportionnalité entre la restriction et l'objectif.
L’AÉC rappelle que les intimés (la commission scolaire et le procureur général du Québec) n’ont jamais cherché à prouver que l’imposition du cours ECR satisferait au test d’Oakes. Pour l’Alliance, l’imposition du cours ECR ne peut de toute évidence satisfaire ni au critère de moindre atteinte possible du droit en question ni à celui de proportionnalité.
Le gouvernement n’a apporté aucune preuve qui tendrait à démontrer que les enfants qui ne suivent pas le programme ECR (évangéliques par exemple) sont moins « tolérants » que ceux qui ont suivi ledit programme. L’histoire même de la société canadienne, fondée sur une instruction et une tradition religieuse et chrétienne fortes, démontre l’inverse. En outre, même si on en venait à conclure que les croyances des parents religieux étaient intolérantes envers les autres religions, il faut faire la distinction entre croyance exclusive et comportements intolérants.
Quant à la proportionnalité elle est difficilement soutenable, car une imposition, sans exemption possible, ne peut se justifier que si l’État prouve une nécessité impérieuse à empêcher toute exemption, ce qu’il n’a pas fait.
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