Extraits du livre Le Monopole public de l'Éducation par Jean-Luc Migué et Richard Marceau publié en 1989 aux Presses universitaires de Laval (on verra que bien peu a changé en bien depuis 1989) :
Les bien-pensants chez nous sont révoltés. L’observation de certaines pratiques des écoles privées suscite chez eux le scandale. Et quelle est la source de l’indignation qui étreint ces inquisiteurs modernes ? C’est la coutume ingrate, dont se rendent coupables les écoles privées de pratiquer la sélection des étudiants, celle de ne pas automatiquement fondre dans la même classe ou la même école les plus doués et les cancres, les studieux et les fainéants, les mieux équilibrés et les « difficiles », etc. On aura compris que ces sentiments s’inspirent de la même philosophie égalitariste qui alimente l’activisme contre la stratification sociale. Les individus naissent égaux en aptitudes scolaires, ou s’ils ne le sont pas, il faut s’abstenir d’incorporer la dimension dans la composition des classes ou dans la confection des programmes, de crainte de briser l’uniformité absolue qui doit caractériser la population des diplômés au terme de la filière scolaire.
Il serait probablement difficile d’identifier un pédagogue sérieux qui soutienne l’idée saugrenue qu’il faille soumettre tous les enfants au même programme, dans une même école, dans une même classe. Même s’il s’en trouvait, les parents dans leur sagesse naturelle n’en auraient cure. Comme notre compétence en cette matière équivaut à celle du parent type, nous nous contenterons de réaffirmer la position à peu près unanime des pédagogues sur le principe de l’école uniforme pour tous : l’idée n’est rien moins que farfelue.
C’est d’ailleurs en partie ce qui fait que l’école publique est médiocre. D’un point de vue strictement pédagogique, la permanence de cette philosophie de l’uniformité reste incompréhensible. La recherche en éducation confirme ce que le sens commun suggère : le rythme d’apprentissage varie selon les groupes socio-économiques, et tous les étudiants ne répondent pas de la même façon aux différentes méthodes pédagogiques.
Pourtant le régime continue à adhérer à l’idéal du programme standard pour enfants « normaux ».
Nous voulons plutôt consacrer nos efforts à expliquer pourquoi l’école privée de notre régime ne fait pas que de la sélection, ce qui est une vertu, mais qu’elle cantonne son recrutement principalement aux niveaux supérieurs du bassin intellectuel de la population. Pourquoi l’école privée sélectionne-t-elle surtout l’élite intellectuelle de la population ? C’est un reproche que lui adressent les égalitaristes.
Cet aboutissement, tout comme son élitisme économique relatif, découle directement de la réglementation et du régime actuel de financement, imposés par le législateur. Pour s’en convaincre, il suffit de faire l’exercice d’imaginer ce que serait la structure de l’industrie scolaire concurrentielle, en l’absence de la réglementation centralisée et de la tarification arbitraire qui caractérisent notre régime. Comme toujours dans un régime de marché, le prix des services convergerait vers le coût de production minimum et la composition des différents services correspondrait aux préférences des parents. Or, il arrive qu’il en coûte moins cher de former un étudiant doué qu’un enfant moyen ou sous-doué ; il en va de même de l’élève studieux ou discipliné relativement au fainéant ou à l’enfant difficile. Ce qui revient à dire que moyennant les mêmes efforts (coût), on peut obtenir un produit de meilleure qualité avec des enfants aux caractéristiques favorables. Un vrai régime de marché pratiquerait donc la sélection de façon serrée, mais non pas uniquement en faveur des meilleurs élèves, des moins coûteux. Les écoles, ou même les classes se spécialiseraient dans des clientèles particulières. Le prix à payer varierait aussi en fonction de la qualité des étudiants, en raison des coûts relatifs variables de leur formation. Les programmes et la pédagogie s’adapteraient aussi vraisemblablement aux clientèles variables. Tous les types d’élèves trouveraient des maisons où s’inscrire, suivant leur rythme et leurs dispositions propres. Un grand nombre d’entre eux se déplaceraient constamment d’une catégorie à l’autre selon leur évolution et leur performance conjoncturelle. Le secteur de l’enseignement aurait ainsi évolué vers une diversification, aujourd’hui inimaginable, des formations, des régimes pédagogiques et des méthodes d’enseignement. Chacun y trouverait son compte.
Deux contraintes insurmontables interdisent aujourd’hui à l’école libre d’évoluer dans le sens prédit par l’analyse économique. La première et la plus déterminante provient de la réglementation en vigueur.
Les bien-pensants chez nous sont révoltés. L’observation de certaines pratiques des écoles privées suscite chez eux le scandale. Et quelle est la source de l’indignation qui étreint ces inquisiteurs modernes ? C’est la coutume ingrate, dont se rendent coupables les écoles privées de pratiquer la sélection des étudiants, celle de ne pas automatiquement fondre dans la même classe ou la même école les plus doués et les cancres, les studieux et les fainéants, les mieux équilibrés et les « difficiles », etc. On aura compris que ces sentiments s’inspirent de la même philosophie égalitariste qui alimente l’activisme contre la stratification sociale. Les individus naissent égaux en aptitudes scolaires, ou s’ils ne le sont pas, il faut s’abstenir d’incorporer la dimension dans la composition des classes ou dans la confection des programmes, de crainte de briser l’uniformité absolue qui doit caractériser la population des diplômés au terme de la filière scolaire.
Il serait probablement difficile d’identifier un pédagogue sérieux qui soutienne l’idée saugrenue qu’il faille soumettre tous les enfants au même programme, dans une même école, dans une même classe. Même s’il s’en trouvait, les parents dans leur sagesse naturelle n’en auraient cure. Comme notre compétence en cette matière équivaut à celle du parent type, nous nous contenterons de réaffirmer la position à peu près unanime des pédagogues sur le principe de l’école uniforme pour tous : l’idée n’est rien moins que farfelue.
C’est d’ailleurs en partie ce qui fait que l’école publique est médiocre. D’un point de vue strictement pédagogique, la permanence de cette philosophie de l’uniformité reste incompréhensible. La recherche en éducation confirme ce que le sens commun suggère : le rythme d’apprentissage varie selon les groupes socio-économiques, et tous les étudiants ne répondent pas de la même façon aux différentes méthodes pédagogiques.
Pourtant le régime continue à adhérer à l’idéal du programme standard pour enfants « normaux ».
Nous voulons plutôt consacrer nos efforts à expliquer pourquoi l’école privée de notre régime ne fait pas que de la sélection, ce qui est une vertu, mais qu’elle cantonne son recrutement principalement aux niveaux supérieurs du bassin intellectuel de la population. Pourquoi l’école privée sélectionne-t-elle surtout l’élite intellectuelle de la population ? C’est un reproche que lui adressent les égalitaristes.
Cet aboutissement, tout comme son élitisme économique relatif, découle directement de la réglementation et du régime actuel de financement, imposés par le législateur. Pour s’en convaincre, il suffit de faire l’exercice d’imaginer ce que serait la structure de l’industrie scolaire concurrentielle, en l’absence de la réglementation centralisée et de la tarification arbitraire qui caractérisent notre régime. Comme toujours dans un régime de marché, le prix des services convergerait vers le coût de production minimum et la composition des différents services correspondrait aux préférences des parents. Or, il arrive qu’il en coûte moins cher de former un étudiant doué qu’un enfant moyen ou sous-doué ; il en va de même de l’élève studieux ou discipliné relativement au fainéant ou à l’enfant difficile. Ce qui revient à dire que moyennant les mêmes efforts (coût), on peut obtenir un produit de meilleure qualité avec des enfants aux caractéristiques favorables. Un vrai régime de marché pratiquerait donc la sélection de façon serrée, mais non pas uniquement en faveur des meilleurs élèves, des moins coûteux. Les écoles, ou même les classes se spécialiseraient dans des clientèles particulières. Le prix à payer varierait aussi en fonction de la qualité des étudiants, en raison des coûts relatifs variables de leur formation. Les programmes et la pédagogie s’adapteraient aussi vraisemblablement aux clientèles variables. Tous les types d’élèves trouveraient des maisons où s’inscrire, suivant leur rythme et leurs dispositions propres. Un grand nombre d’entre eux se déplaceraient constamment d’une catégorie à l’autre selon leur évolution et leur performance conjoncturelle. Le secteur de l’enseignement aurait ainsi évolué vers une diversification, aujourd’hui inimaginable, des formations, des régimes pédagogiques et des méthodes d’enseignement. Chacun y trouverait son compte.
Deux contraintes insurmontables interdisent aujourd’hui à l’école libre d’évoluer dans le sens prédit par l’analyse économique. La première et la plus déterminante provient de la réglementation en vigueur.