lundi 19 décembre 2022

Climat : on a cueilli des fraises mûres à Noël à Liège au Moyen-âge (en 1116)

 

À l’heure du réchauffement climatique, devenu changement climatique (c’est plus sûr, ça marche à tous les coups, le climat changeant sans cesse), puis dérèglement climatique pour certains militants afin de « mobiliser » les bourgeois assoupis, il est grand temps de lire l’excellent livre d’Olivier Postel-Vinay, Sapiens et le climat, une histoire bien chahutée, consacré aux changements climatiques qu’a connu notre espèce.

Olivier Postel-Vinay montre que notre espèce fut confrontée tout au long de son histoire à des changements climatiques brutaux de durées et intensités sans commune mesure avec ceux de notre époque. 


Sapiens et le climat

Une histoire bien chahutée
par Olivier Postel-Vinay,
paru aux Presses de la Cité,
à Paris,
le 8 septembre 2022,
352 pp,
ISBN-13 : 978-2258200937

 

Résumé de quelques changements climatiques récents mentionnés par Olivier Postel-Vinay

L’Optimum Romain est marqué par un climat d’une stabilité exceptionnelle avec des siècles chauds bien arrosés et des pluies de printemps abondantes, favorisant l’essor de Carthage et de Rome, sur le pourtour méditerranéen.

C’est au cours de cet Optimum qu’Hannibal traversa (en 218 av. J.-C) les Alpes avec ses éléphants, situation impensable aujourd’hui. Cet Optimum climatique romain (OCR) connu depuis assez longtemps (au moins depuis 1999 avec la première mention dans un article de Nature) est resté assez discret dans la littérature, cette dernière se portant plus volontiers sur l’Optimum climatique médiéval (autour de l’an mil), plus proche de nous. Pourtant de nombreux articles suggéraient que l’OCR est l’Optimum le plus chaud de la période récente, du moins pour les deux ou trois derniers millénaires. Un article récent de Maragritelli et coll. (2020), en Open Access dans Nature, a montré que c’est bien le cas, à savoir que l’OCR fut la période la plus chaude de ses 2000 dernières années (de plus 2 °C, en moyenne par rapport à aujourd’hui dans la région étudiée de la Sicile et de la Méditerranée occidentale) et que l’augmentation de température fut principalement le fait de l’activité solaire (Margaritelli et coll., 2016).

Selon Olivier Postel-Vinay, « les années 21-50 apr. J.-C. représentent les trente années les plus chaudes de notre ère jusqu’aux années 2000, avec des températures de juillet d’au moins 2 °C supérieures à celles du milieu du XXe siècle. Une détérioration du climat a lieu vers 150 apr. J.-C. et le climat devient plus instable à partir de 250 apr. J.-C. avec refroidissement et sécheresse. Le grand glacier d’Aletsch en Suisse recommence à grossir. Il existe une coïncidence entre “la crise climatique” du IIIe siècle et la première chute de Rome. Cette crise du climat en Méditerranée et en Europe de l’Ouest a aussi affecté l’Europe centrale, et une terrible sécheresse entre 338 et 377 apr. J.-C. dans les steppes d’Asie centrale sera à l’origine d’une migration des Huns vers l’Europe ». Notons également, sur d’autres continents, « une sécheresse centenaire, par exemple dans le bassin de Mexico vers 550 apr. J.-C., à l’origine de migrations de populations à la recherche de meilleurs pâturages, suivie par trois siècles de grande sécheresse qui verront l’abandon des populations mexicaines de Monte Alban ». 

L’épisode PEGAT (ou Petite ère glaciaire de l’Antiquité tardive) marque un refroidissement avec multiplication des famines. La température de la Méditerranée baisse, deux énormes éruptions volcaniques dans l’hémisphère Nord font des années 536 apr. J.-C. et 540 apr. J.-C. des années « sans été ». Les cernes des arbres des Alpes autrichiennes et de l’Altaï suggèrent que la décennie 540 apr. J.-C. est dans cette région du monde la plus froide de tout l’Holocène. Une synthèse est proposée par Büntgen et coll. (2016) pour la période de 536 apr. J.-C. à 660 apr. J.-C.

L’Optimum médiéval est la dernière période la plus chaude proche du XXe siècle. Le premier Viking arrive accidentellement en Islande en 860 apr. J.-C. à la faveur d’une tempête au large des Hébrides, au nord-ouest de l’Écosse. Ensuite Erik le Rouge découvrira le Groenland en 982 apr. J.-C.. Lors de cet Optimum, il faisait un peu plus chaud qu’aujourd’hui et aussi chaud (voire plus) que lors de la première partie de l’Optimum romain, de 230 av. J.-C. à 40 apr. J.-C.. Vers 1100 un chroniqueur de Liège note que les fraises sont mûres à Noël… Tous les hivers ne sont pas aussi doux, ils furent par exemple plus froids qu’aujourd’hui entre 1070 apr. J.-C. et 1179 apr. J.-C.. La Meuse gèle à Waulsort (près de Dinant) en 1143 apr. J.-C.. La tendance générale pendant deux siècles au moins, jusqu’en 1300 apr. J.-C., est qu’il faisait aussi chaud qu’aujourd’hui.

En se basant sur les différents types de cultures, les dates de moissons et vendanges, etc., les historiens ont accumulé de nombreuses données paléoclimatiques et par exemple montré que le vignoble européen s’étendait à l’époque de 500 km au-delà de sa limite septentrionale actuelle (Lamb, 1964, Le Roy Ladurie, 1967, Deconinck, 2009). La vigne était cultivée dans des régions où elle était absente auparavant, comme la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne dès le IXe siècle. Elle disparaîtra de ces régions vers l’an 1350. Durant l’Optimum climatique médiéval, on note aussi la faible extension des glaciers alpins bien en dessous des valeurs actuelles (Le Roy Ladurie, 1967). Une des premières études détaillées de cet épisode est celle de Lamb (1964) de l’Office Météorologique d’Angleterre. Il estima à partir de données historiques, faunistiques, botaniques, glaciologiques et météorologiques que la température en Angleterre fut de 1,2-1,4 °C supérieur à « la température moyenne globale » actuelle et que les précipitations étaient de 10 % supérieures. À l’échelle mondiale, des températures plus élevées d’environ 1-2 °C étaient la règle, et localement jusqu’à 4 °C de plus le long de la côte du Groenland.

La vigne est remontée vers le nord, à la suite de la petite période chaude de Charlemagne en 800, ensuite le climat se refroidit jusqu’en 1200 avec des tempêtes monstrueuses (Van Vliet-Lanoë et coll. 2014) en relation avec une forte instabilité des courants-jets (contraste thermique entre Arctique froid et tropiques chauds, comme actuellement). Ensuite la vigne remontait jusqu’au sud du Danemark. Le glacier du Théodull à côté du Cervin dans les Alpes n’existait plus et le col qu’il recouvrait servait de passage pour les échanges commerciaux avec l’Italie.

Le Groenland connaissait des « températures moyennes annuelles » de 2-4 °C supérieures à l’actuelle. Il faut simplement retenir que l’OCM était caractérisé par des températures élevées, au moins égales aux actuelles, probablement supérieures. De nombreux indicateurs historiques montrent clairement que l’OCM était en effet une période particulièrement chaude, mais instable. 

Terminons cet Optimum Médiéval avec la question très discutée des températures. Selon Olivier Postel-Vinay (p.207) « Après des décennies de débats parfois houleux, les paléoclimatologues confirment que les étés entre 1100 apr. J.-C. et 1320 apr. J.-C. étaient chauds et secs, avec des températures de 1 °C à 2 °C supérieures à celles de la période de référence des années 1961-1990 ».

La Petite Ère glaciaire met un terme à l’Optimum climatique médiéval avec l’apparition d’une période de plus en plus froide illustrée dans les tableaux de Brueghel et caractérisée par une forte poussée des glaciers alpins. Emmanuel Le Roy Ladurie (1967, 2009) en a donné une excellente description résumée ci-dessous. 

 
Paysage hivernal (1565) près d’Anvers (Belgique). Il ne gèle plus ainsi depuis longtemps en Flandre belge. Peinture de Pierre Brueghel l’ancien.

Les premières manifestations apparaissent à la fin de XVIe siècle, précisément en 1588 dans les Alpes suisses où le glacier de Grindelwald défonce sa moraine terminale. Dès lors, la fin de la décennie et les trois siècles suivants verront les glaciers descendre de plus en plus bas dans les vallées avec tous les dégâts que cela suppose. Une chronologie des poussées glaciaires « agressives » est établie à partir de nombreux documents historiques (dates des vendanges, datation des arbres fossiles pris sous les moraines, avancées morainiques et modifications des topographies). Les maxima historiques des glaciers alpins se situent en 1599-1600 et entre 1640 et 1650. Dès 1660 un reflux modéré a lieu dans les Alpes témoignant d’une variabilité du climat à l’échelle décennale. Ces périodes d’avancées (« crues glaciaires ») et de reflux sont la règle tout au long de ces siècles de période globalement plus froide. Ces reflux sont également moindres que les reflux de notre époque plus chaude : par exemple le retrait alpin à la fin du XVIIe siècle et à l’extrême début du XVIIIe siècle est limité à 500 m au plus, au lieu de 1 à 2 km au XXe siècle. Il faut noter que ces oscillations présentent un caractère local à l’échelle pluridécennale (entre 25 et 50 ans) comme le montrent notamment les positions des langues glaciaires terminales (Lliboutry, 1964). Pour cet auteur, ce décalage serait plus le fait de facteurs météorologiques (locaux) que des caractéristiques intrinsèques des glaciers (temps de réaction, dimension, débit). Au final les phases paroxysmales des glaciers alpins de la Petite Ère Glaciaire se sont individualisées en 1660-1610, 1628, 1640-1650, 1676-1680 et 1716-1720 avec la plupart du temps des glaciers nettement plus importants qu’au XXe siècle. Des périodes de décrue secondaire ont parfois lieu avec par exemple 200 à 300 m de retrait horizontal à Chamonix en 1784-1790. La période paroxysmale des glaciers est autour de 1740-1750 pour l’hémisphère Nord.

Le reflux commencera ensuite dès les années 1860-1870 et concerne tous les glaciers alpins : l’ampleur du recul est considérable, et pour la première fois depuis trois siècles un point de non-retour est assez rapidement atteint. La mer de Glace (Chamonix) recule de 150 m en un an (1867-1868) et de 757 m en dix ans (4 nov. 1868 – 27 sept. 1878), soit 76 m par an. La phase multiséculaire de crue glaciaire est donc terminée et inaugure la période actuelle. Le réchauffement se marquera par de premières neiges plus tardives et de dernières neiges plus précoces, traduisant le raccourcissement de la saison froide. Pour visualiser ces oscillations, se reporter à Emmanuel Le Roy Ladurie (2007) retraçant l’histoire complexe des grands glaciers alpins du XVIe au XXe siècle.

Ces événements sont documentés par Olivier Postel-Vinay qui en élargit la géographie hors Europe : « famines, pandémies, tempêtes de sable et neige récurrentes (1368, 1587, 1618) en Chine à Pékin et dans le delta du Yang Tsé (fleuve Bleu). En 1587, la population du fleuve Jaune se nourrit d’herbes et de plantes sauvages… Dans le Guangxi (Kouang-Si) les gens se mangent les uns les autres et les cadavres jonchent le sol… le froid s’accentue en décembre 1633 et le cours moyen du fleuve Jaune est pris par les glaces… les affamés mangent jusqu’aux graines trouvées dans les excréments des oies.. ». Une éruption volcanique aux Philippines accentue les effets de la Petite Ère glaciaire. En Europe, « le vin gèle dans les caves, il faut le casser à la hache… l’encre gèle dans les encriers… le Rhin et le Rhône gèlent jusqu’au fond de leur lit… le port de Marseille gèle… il pleut des grêlons de 600 grammes… ». L’éruption en 1815 du Tambora en Indonésie injectant des aérosols soufrés dans l’atmosphère, est ressentie dans de nombreuses régions : « année sans été appelée année du mendiant en Allemagne… famine et épidémie en Irlande… destruction des récoltes aux États-Unis… sécheresse dramatique en Afrique du Sud… famine dans le Yunnan… ».

Hors Europe où il fut défini, la Petite Ère glaciaire a connu aux XIVe et XVe siècles une série de fortes sécheresses, sans équivalent actuel, pendant plusieurs années et décennies (presque un siècle) en Asie, dans le nord de Chine, l’Inde centrale et le Vietnam Sud. Elles étaient liées à un régime des moussons particulièrement actif (Sinha et al. 2010).   

• La Période Moderne connaît aussi de nombreux aléas climatiques. Citons quelques événements repris par Olivier Postel-Vinay : « dans les années 1930, le Dust Bowl, dans les plaines centrales des États-Unis, représente la plus grande catastrophe climatique de ce pays. L’arrivée de tsunamis de particules de terre et de sables hauts comme un gratte-ciel ou davantage ensevelit tout… Les cultures étaient anéanties par la couche de poussière, ou “blizzards noirs”, jusqu’à 6 m par endroits, et le bétail mourrait… ». L’événement est lié à plusieurs années de sécheresse de grande étendue accompagnée par une forte augmentation des températures. « D’autres sécheresses encore plus sévères étalées sur des décennies avaient déjà affecté ce territoire, et par exemple avaient conduit à la disparition de la civilisation des Pueblos à la fin du XIIIe siècle ». L’URSS « connaît dans les années 1930 une série de sécheresses catastrophiques de l’Ukraine à l’Oural ». Un refroidissement « est sensible dans tout l’hémisphère Nord, de l’Europe à la Chine… En 1956, la lagune gèle à Venise et en France les ceps gèlent… En Angleterre, c’est l’hiver le plus froid depuis 1740… ».

Les alertes à un mini retour de la Petite Ère glaciaire ou d’un refroidissement planétaire firent la une de la presse américaine (Newsweek, New York Times, Time). Citons l’exemple du « The Coming Ice Age » annoncé par Stephen Schneider, 1978. Olivier Postel-Vinay mentionne un rapport de la NASA (1971) montrant que la densité d’aérosols dans l’atmosphère l’emporte de beaucoup sur le réchauffement de l’augmentation du gaz carbonique : « ce rapport conclut qu’un accroissement seulement d’un facteur 4 de la concentration moyenne d’aérosols peut suffire à entraîner une baisse de température de 3,5 degrés ».

Les températures étant redevenues clémentes, la thèse du refroidissement global passe aux oubliettes. Elle est remplacée à partir de 1988 par la thèse du réchauffement climatique sans précédent d’origine anthropique (Hansen, 1988). Depuis lors le réchauffement est entièrement expliqué par le « bouton CO2 », toute autre explication pour le phénomène complexe qu’est la variabilité du climat reçoit une fin de non-recevoir.

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