dimanche 23 février 2014

Europe — Reflux du « droit » à l'avortement sur demande

Texte de Grégor Puppinck, juriste, directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ).

L’actualité récente a beaucoup parlé du projet de loi espagnol adopté par le Conseil des ministres, le 20 décembre 2013, qui abolit l’avortement sur demande et remplace la logique du « droit » unilatéral à l’avortement par une « protection [bilatérale] de la vie de l’enfant conçu et des droits de la femme enceinte », selon le titre même du projet. Cette initiative a choqué l’Europe occidentale — peut-être était-ce voulu pour provoquer le débat. Le ministre espagnol de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardón, indique en ce sens qu’il est « convaincu que cette initiative aura une suite dans d’autres parlements d’autres nations européennes ». Cette conviction ne semble pas irréaliste : un nombre croissant d’États européens et américains révisent leur législation dans un sens restrictif. Ils reconsidèrent l’avortement davantage comme un problème social que comme un droit ou une liberté individuelle. Généralement, ces législations visent à réduire le délai légal de l’avortement afin de mieux protéger l’enfant et à éviter les actes dépourvus de motif suffisamment sérieux.

Mère pleurant son enfant avorté. Œuvre du sculpteur Martin Hudáčeka,
statue inaugurée en présence du ministre slovaque de la Santé, Ivan Uhliarik.

Ainsi, en Suisse, un référendum d’initiative populaire demandant la fin du financement public de l’avortement sur demande a été proposé. Soumis au vote le 9 février, un tiers des électeurs s’y sont montrés favorables. Au Royaume-Uni, le Parlement discute régulièrement de réduire le délai légal d’avortement, avec le soutien du premier ministre David Cameron. En cause : la révélation qu’une soixantaine de « fœtus » survivent chaque année à leur avortement tardif et sont abandonnés à la mort ou tués par l’équipe médicale. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a été saisi de cette question. Peut-être pour éviter cette situation, la Norvège, début janvier 2014, a totalement interdit l’avortement au-delà de 22 semaines, qui est le seuil de viabilité hors de l’utérus déterminé par l’Organisation mondiale de la santé. On pourrait multiplier les exemples…

L’évolution est aussi perceptible au sein des institutions européennes qui ont, jusqu’à présent, exclu de créer un droit européen à l’avortement. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a refusé d’énoncer un tel droit en juillet 2013, tandis que la Commission européenne rappelle régulièrement que cette question n’est pas de sa compétence. Le 10 décembre 2013, le Parlement européen a rejeté une résolution voulant faire de l’avortement un droit fondamental ; en revanche, il a condamné les avortements selon le sexe et les politiques abortives, comme en Chine. L’Assemblée et le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont fait de même.

Déjà, le 7 octobre 2010, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait adopté une résolution affirmant vigoureusement le droit à l’objection de conscience, alors que la rédaction initiale voulait à l’inverse le restreindre.

Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle s’est toujours refusée à créer un droit à l’avortement opposable aux États. Elle y a pourtant été souvent invitée. Elle reconnaît que l’enfant à naître existe, sans être nécessairement une personne juridique, qu’il appartient à « l’espèce humaine » et mérite protection à ce titre. La Cour ajoute que si les États décident de légaliser l’avortement, ils doivent alors tenir compte des droits des différents protagonistes : la femme, l’enfant et la société. De façon similaire, la Cour de justice de l’Union, à Luxembourg, a reconnu dans un arrêt du 18 octobre 2011 que l’embryon humain mérite la protection de la loi au titre du respect dû à la dignité humaine, car il est une étape dans le processus de développement d’un être humain.

Ainsi, tant politiquement que juridiquement, le droit européen ne garantit pas de droit à l’avortement, pas plus que le droit international qui garantit seulement un droit à la vie pour tout être humain et encourage les États « à réduire le recours à l’avortement » qui « doit être évité, autant que possible ».

Signe que cette tendance bénéficie d’un soutien dans la société civile, l’initiative citoyenne européenne « Un de nous » a obtenu le soutien de près de deux millions de personnes. Elle demande à l’Union européenne, selon un mécanisme de démocratie participative, de ne plus financer l’avortement et la recherche destructrice sur l’embryon.

La Commission et le Parlement européens devront se prononcer sur cette demande dans les prochains mois. Cette évolution culturelle provoque des oppositions brutales, car elle va à l’encontre d’une culture dominante héritée des années 1960. C’est dans ce contexte de remise en cause de l’avortement que peut se comprendre la volonté du gouvernement français de le normaliser et d’en faire un droit intouchable. Mais ce « droit », pour être durablement établi, implique d’être perçu comme une véritable « liberté », or cela ne peut être le cas d’un acte traumatisant. Il implique également que l’embryon et le fœtus humains puissent être tenus pour négligeables. Or les progrès de la science et de la conscience œuvrent conjointement, lentement mais sûrement, à leur meilleure connaissance, voire à la reconnaissance de leur humanité. Ainsi, la logique du « droit » à l’avortement recule sous la pression de deux motifs puissants. Un motif d’expérience : les législations libérales se sont révélées insatisfaisantes ; et un motif théorique : les progrès de la science reconnaissent que la vie individuelle débute bien avant la naissance.

Voir aussi

De l'avortement à l'infanticide... pour le bien-être de la famille

Dérapage en ECR : enfant prône élimination des trisomiques, devant le frère d'un tel enfant, silence complice de l'enseignant

Le paiement de la contraception et de l'avortement imposé aux établissements confessionnels

« Taire le sexe des foetus pour sauver des fillettes »

Cour de justice de l’Union européenne : respect de l'embryon humain dès fécondation

Royaume-Uni — L'État dépense 1 million de livres par semaine sur des avortements répétés

Les Canadiens favorables à une restriction du droit à l’avortement ainsi qu’à la peine de mort (sondage Ipsos Reid, 2012)

Avortement au Québec — « le débat est clos » selon les médias et l'intelligentsia autoproclamée

Débat sur l'avortement : l'ainée est pro-avortement et défend l'ordre établi, la cadette pro-vie veut dialoguer

La Russie entend limiter l’avortement pour éviter une contraction démographique

La Russie veut lutter contre l'avortement pour faire repartir la natalité (janvier 2010)



Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)