samedi 15 novembre 2008

Pour le Mouvement laïque québécois « Le nouveau programme d'éthique et culture religieuse est un outrage à l'intelligence »

Le Mouvement laïque québécois poursuit son opposition au programme d'éthique et de culture religieuse.

Dans le numéro 13 de Cité Laïque, hiver 2008, la revue du Mouvement laïque québécois, Marie-Michelle Poisson, professeur de philosophie au Collège Ahuntsic à Montréal mène une charge sévère contre le volet « culture religieuse » du cours d'éthique et de culture religieuse.

Extrait :
Incohérence inavouable

Les finalités du programme sont tellement incompatibles avec certains faits religieux que les enseignants ne pourront aborder les religions autrement que de manière partielle et partiale. Ne pourront être présentés que les manifestations religieuses compatibles avec la reconnaissance de l'autre et la recherche du bien commun en passant sous silence tout ce qui est moins compatible avec ces finalités. Seront alors occultées les manifestations religieuses qui accordent une supériorité de l'homme sur la femme ou encore une supériorité d'un peuple « élu de dieu » [Dieu ?] sur les autres peuples. Seraient aussi omises les interventions religieuses qui ont longtemps été ouvertement hostiles à la recherche du bien commun comme le fait indéniable que certaines religions réprouvent les plaisirs, méprisent les bonheurs terrestres, font obstacle aux progrès de la science et à l'acquisition des richesses matérielles pour les plus démunis. Un enseignement religieux amputé de sa part la plus sombre serait alors un enseignement partial des religions assimilable à de la propagande ou à de la fausse représentation.

À l'impossible, nul n'est tenu

La « posture professionnelle » de l'enseignant qui doit se soumettre à un « devoir supplémentaire de réserve » tel que stipulé dans le préambule du nouveau programme s'avère dès lors intenable. Trois cas de figure, tous aussi impraticables l'un que l'autre, sont envisageables.
  1. Un professeur intègre [dans une perspective « laïque »] pourrait décider de respecter intégralement les finalités propres de l'éthique en soumettant les contenus religieux aux critiques qui découlent nécessairement de l'application rigoureuse du principe de respect de la dignité humaine et du bien commun. En ce cas l'enseignant pourrait être accusé de manquer de réserve en exprimant des opinions critiques envers les religions qui ne manifestent pas spontanément une réelle reconnaissance de l'autre ni un réel soucis du bien commun.
  2. Un professeur conscient des erreurs et incohérences du programme mais peu combattif pourrait décider d'appliquer le programme à la lettre tout en maintenant une attitude distanciée. En ce cas il fait, même de manière passive, le jeu de la propagande pro-religieuse et de la fausse représentation et court le risque de s'exposer aux critiques de ceux, parents et/ou élèves qui souhaiteraient un enseignement rigoureux et conséquent de l'éthique. Ces enseignants seraient donc aussi susceptibles d'être accusés de manquer de réserve.
  3. Mais les plus à plaindre sont les enseignants qui adhèrent sincèrement aux finalités erronées du programme et qui sont par conséquent incapables de percevoir les incohérences que cela suscite. En reproduisant candidement les inepties prescrites par le programme, ces professeurs seraient de la même façon accusés de manquer de réserve par ceux qui ont une approche plus réaliste et donc plus critique des « faits » religieux.
Outrage à l'intelligence et injure à la philosophie

Le nouveau programme d'éthique et culture religieuse est un outrage à l'intelligence dont souffriront d'une manière ou d'une autre les enseignants qui auront à pâtir des incohérences insolubles inhérentes à un programme dont la structure est bancale.

Le nouveau programme d'éthique et culture religieuse est aussi une injure à la philosophie, discipline pourtant directement interpelée par deux des trois compétences du nouveau programme à savoir l'éthique philosophique et l'aptitude au dialogue (ou dialectique [hmmm, pas sûr de cette identité avec la dialectique]). Pourtant les contenus philosophiques de portée universelle ont été escamotés cavalièrement pour laisser place à un étalage encyclopédique de connaissances religieuses extrêmement détaillées, trop souvent anecdotiques ou désuètes.

Ce programme a été conçu en vase clos, dans le plus mystérieux des secrets par des gens moins soucieux du bien commun que de la promotion de leurs propres intérêts corporatistes ou de leurs convictions personnelles. Des gens qui, au vu des erreurs, des incohérences et des graves lacunes relevées dans le programme sont ou bien des incompétents ou de sinistres manipulateurs qui se seraient évertués à « trouver de nouvelles façons de sauvegarder l'essentiel de la confessionnalité scolaire, tout en la faisant évoluer ». [1]

Le plus navrant dans toute cette histoire c'est que la ministre de l'Éducation ainsi que ses conseillers du Comité sur les affaires religieuses semblent insensibles au sort des jeunes enfants et des adolescents qui, à cause d'un programme qui s'avère inadéquat en ce sens qu'il n'a pas su proposer une solution viable et définitive à l'épineux problème de l'enseignement religieux en milieu scolaire, se trouvent au cœur de querelles d'adultes. Finalement ce sont les êtres les plus vulnérables et influençables de notre société qui font actuellement les frais de ce gâchis lamentable qui a mené, à ce jour, à plus de 1200 demandes d'exemptions [dans les écoles publiques] et qui mènera encore à bien des malentendus et des déconvenues si la ministre ne daigne pas y apporter les rectificatifs qui s'imposent.


[1] Le CJF : l'incarnation d'un christianisme critique au sein de l'Église Propos tenus par par Christine Cadrin-Pelletier le 10 mars 2008 lors de l'événement soulignant les 25 ans du Centre Justice et Foi. Rappelons que Madame Christine Cadrin-Pelletier, théologienne de formation, fut sous-ministre associé de foi catholique de 1995 à 2000, responsable du Comité catholique avant d'occuper le poste de Secrétaire aux affaires religieuses de 2000 à 2005.

Charest prétend que l'imposition du cours d'ECR est le reflet de la volonté générale, décidément plus c'est gros !

Le Soleil rapporte diligemment que pour M. Charest, il n'est pas question d'abolir le cours d'éthique et de culture religieuse pour favoriser le retour de l'enseignement catholique dans les classes du Québec, dit Jean Charest.

« C'est un cours qui est là pour rester, a dit le chef libéral, samedi. On va le mettre en place [euh, il n'est pas déjà en place ?] et on l'évaluera comme on le fait normalement. Je respecte le point de vue de ceux qui ne sont pas d'accord, mais je pense que ça reflète le consensus général de la population du Québec. »

Est-ce que M. Charest est à ce point mal renseigné ? Les médias ne lui ont peut être pas rappelé que
  1. un sondage Léger-Marketing commandé par le Devoir nous apprend que 45 % des Québécois sont contre ! C'est un consensus général ça ?
  2. qu'un autre sondage Léger-Marketing nous révèle que 69 % des Québécois et 72 % des parents sont justement pour le choix entre le cours d'ECR et un cours confessionnel !
Le Soleil ne fait pas mention de ces contradictions flagrantes.

Manifestants attendaient M. Charest

À un de ses arrêts, la caravane libérale était attendue par une trentaine de parents qui refusent le nouveau cours implanté par le gouvernement Charest.

Jean Tremblay contre le cours d'ECR

Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, fervent partisan libéral qui prédit deux sièges à Jean Charest dans sa région, est de ceux qui s'opposent au cours d'éthique et de culture religieuse. Selon lui, on devrait enseigner les religions catholiques, musulmanes ou autres là où le nombre le permet et en fonction du désir des parents.

« On se méprise nous-même, a déclaré M. Tremblay. On méprise nos valeurs et on est à genoux devant des valeurs qui nous viennent de nulle part et qu'on comprend plus ou moins. C'est un cours qui ne mène à rien. On devrait l'abolir. »

Malgré ces nombreuses protestations, Jean Charest n'a pas l'intention de faire marche arrière. Selon Le Soleil, il aurait justifié cette intransigeance par cette déclaration : « Les choix religieux que nous faisons relèvent d'abord des familles et ce sont des choix individuels, souligne-t-il. L'État ne peut pas se substituer aux individus dans le choix
qu'ils sont appelés à faire sur des questions morales ou de religion. »

M. Charest a-t-il lu le programme d'éthique et de culture religieuse ? Pense-t-il vraiment qu'il n'aura aucun effet sur la formation morale, éthique ou religieuse des élèves ? Aucun effet ? Alors pourquoi le donner ?

L'ancienne juge Ruffo pour les parents comme véritables éducateurs pas l'État

Dans une érablière pleine à craquer à Lévis, 'ancienne juge de la Chambre de la jeunesse Andrée Ruffo a pris la parole devant près de 300 militants adéquistes ce samedi. L'ancienne juge Ruffo est connue pour sa défense des droits des enfants ; elle avait démissionné en 2006 afin de pouvoir jouir d'une pleine liberté de parole et de dénoncer certains errements.

Rappelant les paroles de Clemenceau qui disait que l'État avant trop d'enfants pour être un bon père de famille, Mme Ruffo a déclaré « Je crois encore aux familles. [...] Ce n'est pas vrai que c'est l'État qui donne de l'amour aux enfants », a-t-elle lancé en allusion au programme de garderies. Et d'ajouter : « Il faut revenir à la communauté et c'est urgent de le faire ».



Opposée au cours d'éthique et de culture religieuse dès six ans

Au sujet du cours d'éthique et de culture religieuse, auquel Mario Dumont s'oppose, elle a déclaré que « des enfants de 6 ans, ça ne peut pas avoir accès à une large culture, à l'histoire des religions ».

Qui va vraiment aider les familles ?

Elle estime qu'il y a « urgence de se recentrer sur les enfants », notamment ceux qui sont « parqués » dans les centres de réadaptation.

« Mais qui va se lever et va vraiment aider les familles à faire en sorte que leurs enfants deviennent de grands et beaux citoyens ? », s'est interrogée Mme Ruffo.