jeudi 24 octobre 2019

Socialisation — Plus du tiers des jeunes Canadiens victimes de violence à l’école

Environ 35 % des jeunes Canadiens de 14 à 21 ans disent avoir subi une agression physique à l’école et 12 % ont été agressés sexuellement par un ou plusieurs élèves, selon un sondage mené pour le compte de CBC/Radio-Canada. Un grand nombre de ces gestes ne sont pas rapportés au personnel de l’école.

Cette proportion de jeunes qui disent avoir subi au moins une fois un geste violent est sensiblement la même au primaire et au secondaire, selon les résultats issus d’une consultation en ligne faite auprès de 4065 jeunes du pays.

À l’affirmation Vous avez été agressé physiquement, par exemple, en étant poussé, giflé, frappé ou mordu ou en recevant un coup de pied, 36 % des jeunes ont répondu que cela leur était arrivé au moins une fois au deuxième cycle du secondaire (qui correspond au high school hors Québec). 35 % donnent la même réponse pour ce qui est des années passées au primaire et au premier cycle du secondaire.

Les garçons sont en proportion plus nombreux que les filles à avoir été victimes de violence physique (environ 40 % contre 30 %).

Environ le tiers des jeunes disent avoir été menacés de violence au moins une fois au primaire et au secondaire.




Par ailleurs, au deuxième cycle du secondaire, 57 % des jeunes disent avoir été la cible de propos ou de commentaires haineux au moins une fois, en personne ou en ligne, de la part d’autres élèves. Cette proportion est de 47 % pour les années antérieures.


Parmi ceux qui disent avoir été victimes de violence (que ce soit des insultes, des menaces ou des agressions physiques), deux sur cinq ne l’ont pas rapporté au personnel de l’école.

Environ la moitié des jeunes interrogés dans le cadre de cette enquête étaient toujours à l’école secondaire au moment de répondre au sondage, tandis que l’autre moitié suivaient des études postsecondaires ou n’étaient plus à l’école. Ces jeunes étaient donc appelés à se remémorer leurs années passées au primaire et au secondaire.

Violences sexuelles à l’école

Une section du sondage concerne les actes à caractère sexuel non désirés, le harcèlement et les agressions sexuelles.


Pour toutes les années passées à l’école (de la maternelle à la fin du secondaire), environ le quart des jeunes disent avoir reçu des commentaires non désirés à caractère sexuel de la part d’autres élèves (y compris par les textos ou les réseaux sociaux) ; la même proportion dit avoir été l’objet de rumeurs ou de messages de nature sexuelle les concernant. La proportion est notablement plus élevée chez les filles.

Un jeune sur cinq dit avoir subi des contacts sexuels non désirés (26 % chez les filles, 14 % chez les garçons).

Finalement, 12 % des jeunes disent avoir été agressés sexuellement à l’école par un autre jeune ou par un groupe de jeunes (15 % chez les filles, 9 % chez les garçons).



Dans 62 % des cas, les jeunes n’ont pas rapporté ces faits au personnel de leur école.

Parmi ceux et celles qui ont subi du harcèlement sexuel ou une agression sexuelle à l’école, un quart disent que c’est arrivé la première fois avant le secondaire. Environ la moitié affirment que c’est arrivé entre le secondaire 1 et le secondaire 4.



Peu de signalements

Une faible proportion de jeunes rapportent la violence subie, et surtout la violence sexuelle, mais ceux qui dénoncent ces gestes sont plutôt contents du suivi fait par l’établissement : 70 % se disent très satisfaits ou assez satisfaits de la réponse de leur école.

Les élèves rapportent peu ces gestes, et ça ne nous surprend pas, c’est corroboré par les études sur les agressions, explique en entrevue l’auteure de la recherche, Heather Scott-Marshall.

Particulièrement en matière de violence sexuelle, il y a une stigmatisation associée au fait de rapporter et il y a souvent une crainte de subir des représailles. Il peut aussi y avoir un sentiment de honte ou de culpabilité. De jeunes femmes pensent aussi que ce n’est pas assez important pour le rapporter ou qu’on ne les croira pas.

Une jeune fille se protège le visage à l’aide de son bras et fait « stop » avec son autre main.

La violence sexuelle entre élèves est fréquente au secondaire, mais se produit aussi au primaire.

 
Entretemps, les parents qui instruisent leurs enfants à la maison s’inquiètent

De légères différences régionales

De façon générale, les jeunes du Québec étaient proportionnellement un peu moins nombreux à avoir subi de la violence physique ou sexuelle que les jeunes ailleurs au Canada. Pour ce qui est de la violence sexuelle, les jeunes des Prairies étaient proportionnellement un peu plus nombreux à en avoir été victimes.


Par exemple, 12 % des répondants au Québec affirment avoir été menacés avec une arme (tous types confondus) au moins une fois au deuxième cycle du secondaire, alors que la proportion est de 18 % dans l’ensemble du Canada.

Et 14 % des jeunes au Québec disent avoir eu au moins un contact sexuel non désiré dans leur parcours scolaire, alors que c’est 20 % dans l’ensemble du Canada et 25 % dans les Prairies.

Une étude d’envergure
À notre connaissance, c’est la première étude pancanadienne sur la violence entre les élèves à l’école, dit l’auteure de la recherche, Heather Scott-Marshall, présidente de Mission Research et professeure de santé publique à l’Université de Toronto.

Les études publiées jusqu’ici se penchaient surtout sur la violence dont sont victimes ou dont sont témoins les enseignants et le personnel de l’école, explique-t-elle. Ici, on a interrogé directement les élèves, ce qui est une des forces de la présente étude, précise-t-elle.

Gros plan de profil sur les mains d’élèves du secondaire qui écrivent dans leurs cahiers ou textent sur leur téléphone, en classe.

La violence psychologique s’exerce souvent par l’entremise de la messagerie et des réseaux sociaux.


Et les résultats ne sont pas si surprenants, poursuit-elle, en considérant les études qui existent sur la violence rapportée par les enseignants : plus de la moitié rapportent avoir été victimes ou témoins de violences commises par des élèves.

Source : Maria Yau et Janet O’Reilly, « 2006 Student Census, Grades 9–12 »

Une étude qui renforce les constats

Des données provinciales recueillies au fil des ans, au Québec par exemple, pointent aussi vers ces problématiques dans des proportions similaires, même si les méthodologies, les questions et les échantillons sont différents de ceux de l’étude actuelle.

Par exemple, pour 2017, 37,3 % des jeunes Québécois questionnés disent avoir été bousculés intentionnellement et 26,6 % affirment avoir été frappés quelquefois, souvent ou très souvent dans le contexte scolaire au primaire, selon les données du Groupe de recherche sur la sécurité et la violence dans les écoles québécoises.

Le Québec recueille aussi des données sur les violences sexuelles dans le contexte de relations amoureuses. En 2016-2017, 5,4 % des garçons et 16,8 % des filles au secondaire disent avoir subi de la violence sexuelle dans le cadre d’une relation amoureuse dans la dernière année.

Les données [que nous venons de recueillir pour l’ensemble du Canada] sont préoccupantes, compte tenu des politiques et des procédures mises en place qui sont censées réduire la violence dont sont victimes les élèves, dit Mme Scott-Marshall. « Il y a eu le projet de loi 56 au Québec, le projet de loi 13 en Ontario et d’autres ailleurs » qui s’attaquent notamment à l’intimidation et à la violence.

Je pense qu’on a atteint une limite des ressources. Aussi, les réseaux sociaux représentent un médium de plus où les jeunes peuvent être intimidés, harcelés. Et je ne crois pas que les écoles disposent des moyens suffisants pour mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour s’attaquer à ces problèmes.

Au Québec, l’an dernier, le Comité contre les violences sexuelles dans les écoles réclamait une loi pour s’attaquer au problème, qui, selon les milieux, serait beaucoup plus répandu que ne le laissent croire les chiffres officiels.


 

mercredi 23 octobre 2019

Mathieu Bock-Côté : la démographie a chassé les nationalistes de Montréal

Discussion avec Mathieu Bock-Côté, chroniqueur blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec et animateur du balado « Les idées mènent le monde » à QUB radio : Retour sur son texte : « Deux Québec dans un ».




Un texte de Frédéric Lacroix sur le même sujet :

La débâcle du Parti Libéral du Québec (PLQ), en octobre 2018, est en train de nous faire oublier quelque peu la chape de plomb que ce parti a fait peser sur le Québec pendant de trop longues années. Mais ignorer l’histoire, c’est se condamner à la revivre. Rappelons-nous que le PLQ a fait main basse sur le pouvoir pendant 15 ans, grâce à une stratégie électorale reposant sur deux piliers : Maximiser les volumes d’immigration et s’assurer que les immigrants admis au Québec se « québécisent » le moins possible. Au cours du temps, cela a consolidé et augmenté le nombre de circonscriptions « sûres », où les fédéralistes sont quasi certains de remporter une éventuelle élection.

Les résultats d’octobre 2018 sont révélateurs. Alors que le PLQ a subi la pire débandade de son histoire avec le score électoral le plus faible depuis la Confédération (24,8 %), il a tout de même réussi à récolter 31 sièges. Ce n’est pas anodin. Il domine ainsi outrageusement l’île de Montréal où il a raflé 19 sièges sur 27. On notera que si sa domination se limitait autrefois au « West-Island », elle fait maintenant tache d’huile vers l’est. Le PLQ a raflé non seulement la totalité des sièges dans l’ouest (13 sur 13), mais également six sièges sur quatorze dans l’est. Vers l’est seulement ?


Non ! Vers le nord aussi.

Le Parti Québécois arrivait autrefois (il y a 15 ans à peine !) à faire élire des candidats sur l’île de Laval. C’est chose du passé. À Laval, le PLQ a remporté cinq sièges sur six en 2018. Lors des élections fédérales d’octobre 2019, son frère jumeau le PLC a raflé TOUTES les circonscriptions fédérales de l’île de Montréal et de Laval à l’exception de deux, le Bloc québécois n’ayant réussi qu’à conserver la circonscription de la Pointe-de-l’île.

Laval est entièrement tapissé de rouge. Pourquoi ? L’immigration massive a provoqué l’effondrement de la proportion de francophones langue d’usage (langue parlée le plus souvent à la maison). De 2001 à 2016, le pourcentage de francophones à Laval a chuté de 77,5 % à 65,1 %, tandis que la proportion d’anglophones augmentait de 11,5 % à 15,4 %.

En 15 ans seulement, grâce à de forts volumes d’immigration combinés à une volonté hypocrite de ne pas québéciser, le PLQ/PLC a réussi à verrouiller plusieurs circonscriptions supplémentaires dans la région de Montréal, c’est-à-dire à y rendre l’alternance politique pratiquement impossible. Aujourd’hui, les partis nationalistes sont éjectés de l’île de Laval. J’en ai parlé plus longuement ici.



Cet effondrement du poids des francophones dans la région de Montréal va se poursuivre dans l’avenir prévisible. Je ne l’invente pas. Statistique Canada nous l’a confirmé dans une publication relativement récente sur les projections démolinguistiques jusqu’en 2036.

En voici le résumé. Le français va reculer au Québec, selon tous les scénarios projetés. Le pourcentage de francophones (langue maternelle) baissera de 78,9 % en 2011 à 69 % en 2036. En parallèle, fait nouveau, le pourcentage d’anglophones augmentera de 8,2 % à 8,7 %. Le déclin du français se fera sentir sévèrement sur l’île de Montréal, mais aussi dans toute la grande région de Montréal. Malheureusement, Statistique Canada n’a pas fourni un découpage géographique plus précis dans ses projections, découpage qui aurait permis d’estimer concrètement les impacts du recul du français hors de l’île de Montréal (sûrement un simple oubli ?).

Heureusement, la thèse de doctorat de Patrick Sabourin, rédigée dans le cadre du groupe d’Alain Bélanger à l’INRS, offre un découpage spatial plus adéquat pour ceux qui cherchent à extraire la signification politique des projections démolinguistiques. Cette thèse utilise une méthode analogue à celle de Statistique Canada et effectue des projections jusqu’à l’horizon 2056.

Donc, vers le nord seulement ?

Non ! Vers le sud également !

Prenons, par exemple, la division de recensement de Longueuil, l’exemple typique d’une banlieue « francophone ». Que s’y passera-t-il si la tendance se maintient ? Mais oui. La même chose qui s’est passée à Laval, qui était encore, il n’y a pas si longtemps, une banlieue « francophone » typique.

Dans la division de recensement de Longueuil, les projections démolinguistiques de l’INRS indiquent que le pourcentage de francophones, langue maternelle, passera de 76,5 % en 2006 à 55,7 % en 2056, soit une perte de 20,8 points en 50 ans. Le pourcentage d’anglophones restera quant à lui quasi stable (8,7 % à 8,4 %). Pour la langue d’usage, le pourcentage de francophones passera de 79,6 % à 68,2 %. Fait important à noter, le pourcentage d’anglophones, langue d’usage augmentera de 10,8 % à 11,9 %.

L’essentiel de cette augmentation du pourcentage d’anglophones, langue d’usage, sera dû aux transferts linguistiques vers l’anglais effectués au Québec même. Il faut savoir qu’en 2011, par exemple, le taux de transfert vers le français des allophones était de seulement 54 %, le reste, soit 46 %, allant vers l’anglais. Ceci alors que les anglophones ne représentent globalement qu’une petite minorité au Québec.

Mais les anglophones recueillent une quantité absolument disproportionnée des transferts linguistiques effectués au Québec. Il faudrait qu’environ 90 % des transferts aillent vers le français pour que nous soyons assurés que le solde des transferts linguistiques ne favorise pas indûment l’anglais. Nous sommes loin, très loin du compte.

Les conséquences de cet effondrement du poids des francophones à Longueuil seront les mêmes que celles que nous subissons actuellement à Laval. Les partis nationalistes seront expulsés de cette région. Graduellement, les partis fédéralistes vont devenir compétitifs à Longueuil. On peut prévoir qu’ils deviendront bientôt indélogeables. On notera d’ailleurs que le PLC a remporté sans trop de difficultés deux des comtés de la Rive-Sud de Montréal inclus dans la division de recensement de Longueuil lors des élections fédérales d’octobre 2019. L’avenir est déjà là…

Vers l’est, vers le nord et maintenant vers le sud. On peut s’écrier, comme dans le conte de Perrault : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie ».

Si Anne continue de ne rien voir, il se passera ceci : Longueuil, comme Laval, va se « West-Islandiser ». Le résultat des élections fédérales d’octobre 2019 est un avertissement supplémentaire. Le Québec français doit bouger. Sinon, il sera laminé politiquement. À assez court terme.

La CAQ ne semble pourtant pas être en faveur d’un renforcement de la loi 101. Il semble que la CAQ ne voie rien venir.


mardi 22 octobre 2019

Médias canadiens silencieux — L'indignation de Yaniv a fait du Canada la risée du monde (mà-j vidéo)

Le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique s’est prononcé aujourd’hui contre l’activiste transgenre Jonathan « Jessica » Yaniv, qui avait officiellement déposé des plaintes pour « discrimination » contre un certain nombre d’esthéticiennes immigrantes qui avaient refusé d’épiler ses parties génitales en partant du principe qu’en tant que « femme » autodéclarée, il y avait droit comme toute autre femme. Le tribunal a décidé que les esthéticiennes, travailleuses à domicile, avaient le droit de refuser de manipuler les organes génitaux masculins contre leur gré.

« La législation sur les droits de la personne n’exige pas qu’un fournisseur de services épile un type d’organes génitaux pour lequel il n’a pas été formé et qu’il n’a pas consenti à épiler », a déclaré le tribunal.

La décision a en outre conclu que Yaniv « s’était livré à une conduite inappropriée », « avait déposé une plainte à des fins inappropriées » et que le témoignage de Yaniv était « de mauvaise foi et intéressé. »

Le tribunal a condamné Yaniv aux dépens.

Billet originel du 16 août 2019

L’ancien chroniqueur de la CBC, le Terre-neuvien Rex Murphy s’est insurgé contre les poursuites frivoles de Yaniv, cet homme qui se dit femme, et la lâcheté médiatique qui les a accompagnées.

Le passage sous silence de l’affaire Yaniv symbolise pour lui la lâcheté journalistique, la peur de critiquer les lubies pieuses du progressisme militant.

Jessica Yaniv, un Britanno-colombien qui se dit femme, a porté plainte devant le Tribunal des droits de l’homme contre des entreprises parce que celles-ci auraient discriminé contre Yaniv à cause de son identité de genre.

Un de mes amis s’est récemment rendu à son garage local, affirmant qu’il était une Chevrolet Nova 1979 restaurée et il leur a demandé de vérifier le carburateur et d’équilibrer ses pneus. Les garagistes ont répondu qu’ils n’en feraient rien parce qu’il n’avait pas de carburateur et pas plus de pneus et qu’ils ne travaillaient que sur les « voitures ». Ils ont été convoqués au Tribunal local des droits de la personne (après un arrêt pour acheter des pièces de rechange).

Cette étrange, inquiétante et effrayante affaire dont a été saisi le Tribunal des droits de la personne de Colombie-Britannique a eu des répercussions dans le monde entier. Il s’agit de cette personne aux identités diverses sur Internet, parfois Jonathan ou d’autres fois Jessica Yaniv, qui a lancé une campagne pour forcer des esthéticiennes à lui faire une « épilation brésilienne » sur ses testicules et son pénis toujours bien présents. Yaniv a porté plainte contre toutes ces dames. [Rappelons que porter plainte ne coûte rien à celui qui se plaint à ces tribunaux des droits de l’homme.]

Comme je l’ai écrit la semaine dernière, il s’agit uniquement de femmes, certaines immigrantes et souvent économiquement défavorisées et culturellement marginalisées — 16 au total, selon la plupart des sources. Au moins une, d’origine brésilienne, a dû fermer sa petite entreprise. Toutes ont été soumises à d’intenses pressions. Le désagréable plaintif, Yaniv, est connu pour son hostilité envers les immigrants : il a publié sur les réseaux sociaux, alors qu’il se alors faisait appelé Jonathan, des messages particulièrement insultants à l’encontre des nouveaux arrivants au Canada. Certaines des esthéticiennes ont payé 2500 dollars à Yaniv pour qu’il les laisse tranquilles, tandis que Yaniv a abandonné sa plainte envers d’autres qui avaient embauché un avocat, à leurs frais.


Yaniv dans ses œuvres (vidéo en anglais, Yaniv et sa mère agressent un homme)

C’est une affaire très troublante à plusieurs égards, au-delà du harcèlement de ces femmes. Cela soulève des questions non seulement sur ce tribunal des droits de la personne, mais également sur bon nombre des principaux médias au Canada.

Commençons par la fin : le Times de Londres a publié un article sur cette histoire, une émission de radio irlandaise populaire a parlé à Yaniv (irrité des questions qu’on lui posait, Yaniv a raccroché, mais seulement après avoir dit être capable de tomber enceint). Aux antipodes, The Australian a relaté par le menu cette affaire. Des centaines d’autres sites d’actualités et de blogues sérieux et largement suivis au Canada, aux États-Unis et à l’étranger ont fait de même.

Ce n’est pas une histoire purement d’intérêt local. Et quand Ricky Gervais, le maître du tweet, a lancé ce missile de lucidité condensée, l’affaire a connu sur Twitter l’équivalent d’un décollage de mission Apollo : « Une femme a le droit de dire : “Je n’épile pas les testicules. Ni sur un homme ni sur une femme.” Fin de la discussion. Pas de sexisme. Pas d’homophobie. Pas de transphobie. » Le monde entier a tendu l’oreille, surpris par ce conte sordide.

Pour ma part, Yaniv n’est pas l’essentiel de l’histoire, il m’apparaît comme un opportuniste, cruel, égocentrique et narcissique qui instrumentalise les fixations sans cesse changeantes de la politique d’identité et de genre à la recherche (a) de notoriété (b) d’un gain potentiel et (c) d’un certain plaisir à pousser et à insulter les personnes démunies, en particulier les Asiatiques et les nouveaux arrivants (voir ma chronique de la semaine dernière), plaisir personnel très discutable.

Mais qui a couvert cette affaire — en dehors du National Post et du Toronto Sun — dans les grands médias de ce pays ? CTV, CBC, le Globe and Mail, le Toronto Star ? Silence. [Le site de Radio-Canada ne semble avoir aucun article récent mentionnant un Yaniv.] Les chaînes de télévision ont peut-être une excuse. Après tout, vous ne pouvez pas vous attendre à passer sept heures à écouter le témoignage de Mueller [Note du carnet : qui bredouillait, ne pouvait rien dire, car ce n’était pas de son ressort, ne se souvenait pas, etc.], à couvrir la présidence de Trump toutes les 15 minutes et à raconter une histoire de harcèlement d’immigrants et de comportement pour le moins étrange et glauque à Vancouver. (Si Trump avait tweeté sur le sujet, bien sûr, les journalistes en discuteraient sans fin d’un ton infiniment indigné.)

N’est-ce pas une nouvelle nationale que le Tribunal des droits de la personne de Colombie-Britannique accorde à cette personne apparemment agressive et très controversée une telle attention, un tel crédit respectueux ? Alors même que 16 femmes passent à travers ce qui doit leur apparaître comme l’effrayant broyeur de la justice qui vient les tourmenter ? Pourquoi les médias canadiens ne relatent-ils pas au moins ce par quoi ces femmes passent ?

Est-ce simplement parce que même le mot « transgenre » est de la « kryptonite » pour les courageux médias qui, dans d’autres circonstances, sont toujours soucieux de dire la « vérité aux puissants » ? Le passage sous silence de cette histoire est de la lâcheté journalistique, la peur d’offenser les lubies pieuses du progressisme militant.

Pour ce qui est du Tribunal, suffit-il — voir l’épigraphe sarcastique ci-dessus — que quelqu’un entre dans leurs bureaux déclare « Je suis une femme trans et je ne peux pas m’épiler le scrotum » pour qu’il décide de bien vouloir entendre officiellement la cause ? Est-ce vraiment tout ce qu’il suffit de faire ?

Les membres de ce tribunal [dont les règles sont différentes des autres tribunaux de justice] ont-ils pensé peut-être si 16 - 16 ! – femmes ont unanimement refusé d’épiler Yaniv, le problème était plus probable avec ce client potentiel et non avec les prestataires ? Ont-ils considéré le bouleversement de leur vie aussi solennellement qu’ils ont accepté cette plainte manifestement nuisible, frivole, insensée et narcissique ?

Dans mon article de la semaine dernière, je déplorais le manque de bon sens du Tribunal. Cette semaine, je me demande où est leur sympathie, leur compassion pour les nouveaux venus — et utiliser l’un de leurs termes préférés, pour les marginaliser ? La femme du Brésil a perdu son revenu alors que Yaniv jouit d’une grande publicité [et de quelques revenus supplémentaires extorqués à des femmes apeurées par ces poursuites en justice.]

Ces femmes ne choisissent pas d’épiler les organes génitaux d’autrui par amour pour cette occupation. Elles sont pauvres. Elles tiennent probablement à subvenir aux besoins de leurs enfants afin que ceux-ci ne soient jamais confrontés à la corvée déplaisante consistant à s’occuper des parties privées d’autres personnes, hommes ou femmes. Ces personnes désintéressées qui sont prêtes à faire ce travail sont, à juste titre, des figures héroïques. Des parents qui font ce que tous les parents dignes font : travailler pour le bien de leurs enfants. Mais maintenant, les voilà « accusées » devant un tribunal canadien, accusées d’être des bigots transphobes.

Je ne vous dérangerai pas en énumérant longuement les autres activités présumées de Yaniv. Mais imaginez une fixation sur les tampons sanitaires et sur les très jeunes filles, l’envoi de textos à de jeunes filles en y joignant des images de pornographie enfantine, des propositions de baignades entièrement nues avec des enfants de 12 ans et vous pourrez facilement vous faire une idée du personnage.

Certaines personnes ont réellement besoin de la protection d’un tribunal des droits. Mais pas cet être dérangé et menaçant qui veut que ses parties privées soient épilées sous la force de la loi.

Le Canada est la risée de la moitié du monde à cause de cette farce manifeste, mais non moins cruelle.

Jessica/Jonathan Yaniv


lundi 21 octobre 2019

« Dans Histoire de France, c’est le mot “France” qui dérange ! »

Dimitri Casali, historien spécialiste de Napoléon, auteur du « Grand procès de l’histoire de France » (aux éditions Robert Laffont) discute de l’histoire de France.



Nous ne partageons pas l'enthousiasme pour Voltaire qui n'a jamais écrit et sans doute jamais prononcé « Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire », car sa conduite était tout autre : il a fait enfermer par lettres de cachet (qu'il dénonçait par ailleurs) des rivaux (La Beaumelle et Clément).

Présentation de l’éditeur


Non, l’histoire de France n’est pas un crime contre l’humanité !

Des statues qu’on veut déboulonner, des noms de rues et d’écoles qu’on veut changer, des manuels scolaires dont on édulcore le propos, des pièces qu’on veut faire interdire... Gare ! Le politiquement correct est de retour.

C’est l’histoire de France qui est attaquée. Et dont on fait le procès.

De Clovis à Mitterrand, la représentation de nos grands personnages historiques est instrumentalisée. Saint Louis est réduit à un croisé fanatique, Jeanne d’Arc à une « égérie FN », Colbert à un esclavagiste, Ferry à un « salaud de colonialiste », les généraux Faidherbe et Gallieni à des « génocidaires ». Napoléon devient l’homme qui a rétabli l’esclavage, Louis XIV, un dictateur et Voltaire, un vulgaire homophobe.

Le Grand Procès de l’histoire de France veut rouvrir les pages du passé pour enseigner notre histoire, au lieu de la déformer.

Biographie de l’auteur

Historien, spécialiste du 1er Empire, ancien professeur d’histoire en ZEP, Dimitri Casali a notamment écrit le Nouveau Manuel d’Histoire (préface de J-P Chevènement, La Martinière 2016), De la Gaule à nos jours (Armand Colin, 2014), L’Altermanuel d’Histoire de France (Perrin, lauréat du prix du Guesclin 2011), L’Histoire de France Interdite (Lattès, 2012), La Longue Montée de l’Ignorance (First, 2017). Par ailleurs, il est le compositeur du « Napoléon, l’Opéra rock », spectacle musical historique et pédagogique.

Voir aussi

France révision programme d’histoire : élimination de l’histoire du français et de la francophonie américaine

Voltaire, cet inconnu, ce mythe, ce sectaire

Le côté sombre des Lumières

Voltaire : méprisant, ami des despotes étrangers, flagorneur, anglomane, raciste, hypocrite et pingre mais adulé aujourd'hui


Capital et idéologie de Piketty, une idéologie naïve de l'égalitarisme et de la confiscation

Texte de Drieu Godefridi, juriste et auteur, sur le dernier ouvrage de Thomas Piketty, Capital et idéologie.



Si « Le Capital au XXIe siècle, » précédent ouvrage de Monsieur Piketty, a pu faire illusion, notamment par l’originalité de son appareil statistique, il est rationnellement impossible d’accorder à « Capital et idéologie » le moindre crédit intellectuel.


L’objet d’étude que se donne Monsieur Piketty est la façon dont toute société doit justifier ses inégalités — inégalité étant prise dans son sens le plus rigoureusement matériel.

L’assertion selon laquelle toute société humaine se doit de justifier ses inégalités matérielles est, en soi, une « boîte noire » qui aurait mérité, à tout le moins, qu’on la problématise, ne serait-ce qu’en introduction, à défaut de pouvoir complètement l’élucider. Au lieu de quoi Monsieur Piketty se contente d’asséner son obsession personnelle comme évidence rationnelle : la grande question « idéologique » de toute société humaine est la justification de ses inégalités matérielles !

Tout indique, au contraire, que la plupart des sociétés humaines n’ont jamais considéré la justification de leurs inégalités comme prioritaire — ni que cette justification conditionnait leur subsistance, comme le soutient l’auteur -- si même elles n’en ont jamais problématisé le principe.

Au vrai, l’institution de l’inégalité matérielle en alpha et oméga des sociétés humaines est un choix qui appartient à Monsieur Piketty — et la tradition socialiste dans laquelle il s’inscrit — et ce choix est un choix en valeur.

Quel ennui que ce choix, notre auteur ne l’assume pas en tant que tel -- un parmi d’autres choix possibles : la liberté, la réduction de la pauvreté... -- à supposer qu’il ait conscience de la contingence historique et subjective de sa perspective.

Prenons un exemple : les Grecs. À Sparte comme Athènes, dans toutes les cités du bassin égéen, on pratiquait l’esclavage, figure ultime et la plus extrême de l’inégalité (dans un sens plus profond que la seule « inégalité matérielle » qui obsède Monsieur Piketty). Les penseurs grecs étaient conscients de l’inégalité radicale qui existait — y compris dans un sens matériel — entre l’esclave et l’homme libre.

Des auteurs tels Aristote ne se sont pas fait défaut de tenter, au détour d’un paragraphe, de justifier cette inégalité et l’institution de l’esclavage. Mais il ne serait jamais venu à l’idée d’aucun auteur grec d’aucune école de considérer l’inégalité matérielle comme le grand problème de son temps ni d’aucune société humaine, et l’on ne sache pas qu’un traité de philosophie politique grecque se soit jamais donné pour objet l’inégalité réelle entre les hommes. L’isonomos (ἰσόνομος) — l’égalité en droits — fut la grande affaire des cités grecques — mais le concept de cette égalité en droit est radicalement étranger et sans rapport, ni empirique ni logique, avec celui de l’égalité en fait chère à Monsieur Piketty ; et nul auteur du grand siècle philosophique grec, pas plus Platon qu’Aristote, ne s’avisa d’y inclure les esclaves.

Il ne s’agit évidemment pas de soutenir que la conception des Grecs était meilleure que la nôtre ; seulement de constater que leur appareil de références morales, philosophiques et politiques, divergeait du nôtre et que c’est une erreur de méthode, voire d’amateur, que de leur prêter des préoccupations propres à notre époque -- tout du moins la frange socialisante du monde intellectuel.

Les mille deux cents pages que Monsieur Piketty consacre à l’étude de son ambitieux projet le conduisent à considérer toutes sortes de sociétés, depuis les esclavagistes occidentaux jusqu’à nos jours. Mais ce qu’il gagne en extension, il le perd en pertinence. Quand on se donne un objet aussi vaste — rien moins que l’histoire humaine — le risque est de se montrer superficiel. Force est de constater que Monsieur Piketty y succombe. Les chapitres grecs et américains, par exemple, atteignent péniblement le niveau d’un article de quotidien, tant l’auteur reste à la surface des faits, qu’il égrène en quelques paragraphes rapides avant de les engluer dans l’épais mélange de sa propre idéologie.

La lecture laborieuse de « Capital et idéologie » fait apparaître, de façon limpide et immédiate, que la vraie préoccupation de Monsieur Piketty est moins la connaissance de l’histoire des inégalités, que de justifier ses conclusions « programmatiques » — qui tiennent en quelques pages (comme on aurait aimé le même esprit de synthèse dans les chapitres précédents).

Monsieur Piketty préconise des taux d’imposition qu’il qualifiait dans son précédent opus, avec une gourmandise assumée, de confiscatoires : 80-90 %. Le fait que certains individus perçoivent des revenus, héritent de patrimoines, largement supérieurs à ceux des moins nantis, est insupportable à Monsieur Piketty ; à cette réalité, il faut porter remède. Ce remède est la confiscation.

Le mal est l’inégalité, le remède est la confiscation : telle est la seule équation rationnelle — sur le mode de l’impératif hypothétique kantien — de l’œuvre de Monsieur Piketty.

Un quidam lisant « Capital et idéologie » concevra que nous suffoquons dans des enfers horriblement inégalitaires et que l’absence de taux d’imposition de 90 % sur les plus élevés revenus et patrimoines est une injustice en soi, et même la grande injustice de notre temps ; qu’en y portant remède, tout ira mieux -- y compris dans le domaine climatique (sic), glisse Monsieur Piketty, fidèle à l’esprit « gretiste » [adepte de Greta Thunberg] de notre temps.

Considérons les faits :

1°) Nos sociétés ouest-européennes sont parmi les plus égalitaires dans le monde, ce dont atteste le coefficient « Gini » ;
2°) Nos sociétés ouest-européennes n’ont jamais été aussi taxées, et sont les plus imposées de la planète — si l’on excepte des cas pathologiques tels la Corée du Nord.

Ces deux réalités, Monsieur Piketty ne peut les ignorer. Alors il se contente, d’une part, de récuser le coefficient Gini, non par des motifs rationnels — ce coefficient n’est contesté dans sa rigueur scientifique et synthétique par personne — mais parce que sa préférence le conduit à comparer, par exemple, les revenus des 10 % les plus « riches » et ceux des 10 % les plus « pauvres ». Un choix possible, mais partial et subjectif, qui ne permet en rien de récuser « Gini ».

D’autre part, Monsieur Piketty ne s’occupe pas de l’impôt en général — qui indique en effet que nos sociétés sont taxées comme jamais — seulement des taux les plus élevés. Car, il lui est facile de montrer que les taux supérieurs étaient plus élevés à certaines époques de l’histoire récente. Toutefois, la considération du taux sans celle de l’assiette est dénuée de valeur. Si le taux de 90 % s’impose à partir de 1 million de revenu, le prélèvement global — y compris sur les « riches » ! — sera nettement moindre qu’avec un taux marginal supérieur de 55 % qui s’applique dès 30 000 euros. Ce truisme ne manquera pas d’échapper au lecteur rapide de Piketty, comme à son étudiant.

Ne perdons pas notre temps à relever les innombrables outrances -- Monsieur Piketty taxe nos sociétés de pratiquer la même « quasi-sacralisation » de la propriété que les sociétés esclavagistes, il qualifie le philosophe et prix Nobel d’économie F.A. Hayek de penseur « semi-dictatorial » (sic) — pour aller au système proposé dans la conclusion : un socialisme participatif, instituant une forme temporaire et collective de la propriété, par le moyen de taux d’imposition confiscatoires.

Ces « remèdes » n’ont de neuf que leur habillage verbal ; ils sont aussi anciens que les premières formes de proto-socialisme — « l’égalité réelle ou la mort ! », s’écriait Gracchus Babeuf — et se heurtent à autant d’arguments rationnels et moraux que de difficultés pratiques. Parmi ces difficultés : la fuite des capitaux, qui ne manquerait pas de se produire si un pays devait s’aviser d’instituer le néocommunisme pikettien. Eh bien, c’est fort simple, rétorque Monsieur Piketty : il suffit de supprimer la libre circulation des capitaux ; en revenir donc à des formes strictement nationales de l’économie financière. Ce qui ne paraît pas de trop bon augure pour un pays aussi endetté — sur les marchés financiers internationaux — que la France. Quid si, ne pouvant soustraire leur capital à la confiscation, les Français quittaient en masse leur pays, pour échapper aux colonnes infernales de la confiscation ? Monsieur Piketty ne le dit pas, pourtant le remède est simple : il suffit de renoncer à la libre circulation des personnes ! On perçoit aisément les contours sympathiques et humanistes d’un régime qui s’inspirerait des préceptes de Monsieur Piketty.

On perçoit surtout les ravages produits par ce que l’on a nommé par ailleurs « la passion de l’égalité » [1] sur un grand nombre de penseurs socialistes. Leur seul impératif, intégralement moral — résultant d’un choix de valeur, non d’une analyse du réel, contrairement à ce soutient naïvement et fautivement Thomas Piketty — est, pour emprunter nos mots à l’un des principaux penseurs du socialisme italien au XXe siècle, « la réduction des inégalités sociales » ; « et si l’on ne peut faire que tous soient égaux et riches, on fera que tous seront égaux et pauvres ! »[2]

Au final, le succès de Monsieur Piketty doit être vu comme symptôme, celui d’une radicalisation à l’extrême gauche des universités occidentales, radicalisation dûment attestée par les enquêtes statistiques, qui permet à des penseurs aussi obsessionnels et, disons-le, superficiels, de prospérer en toute impunité.



[1] Essai sur la civilisation socialiste, Texquis, 2017.

[2] L’auteur de cette formule universelle du socialisme est Benito Mussolini, cité par son ministre des affaires étrangères Ciano, Journal politique, au 8 mars 1939. Mussolini fut l’un des dirigeants du parti socialiste italien (PSI), et directeur du quotidien socialiste L’Avanti, avant de colorer son socialisme de nationalisme militariste pour fonder le fascisme.

mercredi 16 octobre 2019

Québec — La construction d'une nouvelle citoyenneté par l'école

Extrait de la thèse de doctorat (soumise en 2015) de Joëlle Quérin qui porte sur l'analyse des programmes scolaires québécois.

La construction d’une nouvelle citoyenneté figure également parmi les objectifs visés par l’école québécoise. Puisqu’il s’agit « d’un apprentissage complexe auquel tous les programmes d’études doivent contribuer »1638, elle est au cœur du DGF [Domaine général de formation] Vivre-ensemble et citoyenneté, qui est construit autour de trois axes de développement :

  • valorisation des règles de vie en société et des institutions démocratiques [...] ;
  • engagement, coopération et solidarité [...] ;
  • contribution à la culture de la paix1639.

Bien que la citoyenneté ait acquis un caractère transversal dans les nouveaux programmes, c’est dans le cours HÉC [Histoire et éducation à la citoyenneté] qu’elle constitue un objet d’étude central. Ce cours poursuit deux visées de formation :

  • amener les élèves à comprendre le présent à la lumière du passé [...] ;
  • préparer les élèves à participer de façon responsable, en tant que citoyens, à la délibération, aux choix de société et au vivre-ensemble dans une société démocratique, pluraliste et ouverte sur le monde1640.

Le cours HÉC et le DGF Vivre-ensemble et citoyenneté participent donc conjointement à la définition d’une nouvelle citoyenneté, qui doit remplacer une ancienne conception jugée dépassée en contexte pluraliste. Cette ancienne conception, que l’on retrouvait notamment dans les anciens programmes d’histoire, est clairement rejetée, comme en témoigne l’extrait suivant, tiré du programme HÉC du premier cycle du secondaire :

En Occident, dans le contexte de l’avènement des États-nations au XIXe siècle, la généralisation de l’éducation historique à l’école publique s’est faite à partir de préoccupations relatives à l’éducation citoyenne. Au moyen d’un récit historique, il s’agissait alors d’enseigner aux citoyens leur identité nationale ainsi que la validité de l’ordre social et politique. Dans le cadre du programme actuel, il ne s’agit pas d’aborder l’enseignement de la discipline dans un tel esprit, mais plutôt de lui confier la responsabilité de contribuer à former des citoyens capables d’une participation sociale ouverte et éclairée, conformément aux principes et aux valeurs démocratiques1641.

Le même projet de redéfinition de la citoyenneté est réitéré en des termes semblables dans le programme du deuxième cycle du secondaire :

En Occident, dans le contexte de l’avènement des États-nations au XIXe siècle, la généralisation de l’éducation historique à l’école publique s’est faite à partir de préoccupations relatives à l’éducation citoyenne. Au moyen d’un récit historique, il s’agissait entre autres d’inculquer aux citoyens une identité nationale et la validité de l’ordre social et politique établi. De nos jours, l’éducation à la citoyenneté occupe encore une large place dans l’enseignement de l’histoire et vise à former des citoyens capables d’une participation sociale ouverte et éclairée au sein de l’espace public, conformément aux principes et aux valeurs démocratiques. Le présent programme s’inscrit dans ce courant de pensée : il devrait aider les élèves à développer une éthique citoyenne considérée dans ses dimensions sociale et politique1642.

Dans ce même programme, on définit la citoyenneté à partir de trois composantes, soit les principes, les valeurs et les comportements :

L’exercice de la citoyenneté constitue l’expression tangible de la conscience citoyenne. Il prend forme à la fois dans les principes auxquels le citoyen choisit d’adhérer (comme l’État de droit ou le suffrage universel), les valeurs qu’il privilégie (comme la justice, la liberté ou l’égalité) et les comportements qu’il adopte (comme la participation, l’engagement ou la prise de position)1643.

Dans les pages qui suivent, nous verrons comment cette nouvelle définition de la citoyenneté transforme les représentations de la communauté politique. Dans un premier temps, nous verrons que la redéfinition de la citoyenneté à partir de principes et de valeurs a pour effet de redéfinir la nation comme communauté de valeurs, plutôt que comme communauté culturelle ou historique. Dans un deuxième temps, nous verrons que la définition de la citoyenneté à partir de comportements considérés comme « citoyens » mène, quant à elle, à l’évacuation complète de la communauté politique.

La citoyenneté : une affaire de principes et de valeurs

Dans les programmes issus du renouveau pédagogique, la citoyenneté est fréquemment définie à partir de principes et de valeurs, qui sont associés à la démocratie. Dans le cours HÉC comme ailleurs, éduquer à la citoyenneté consiste donc avant tout à transmettre des valeurs. L’école doit « promouvoir les valeurs à la base de la démocratie »1644 et permettre aux élèves de « faire l’expérience des principes et des valeurs démocratiques sur lesquels se fonde l’égalité des droits dans notre société »1645. Elle doit défendre « des valeurs humanistes dont certaines apparaissent nécessaires à l’exercice de la démocratie »1646. La construction de la citoyenneté s’effectue par l’apprentissage des « savoirs relatifs aux principes et aux valeurs qui caractérisent une société démocratique »1647. Il s’agit donc d’« acquérir des connaissances relatives aux valeurs et aux principes qui caractérisent une société démocratique »1648. L’élève doit « construire sa conscience citoyenne, notamment sur la base des principes et des valeurs de la vie démocratique »1649 en plus de « prendre conscience des fondements, des valeurs et des principes à l’origine de la démocratie »1650.

La démocratie n’est donc plus présentée avant tout comme un régime politique, mais comme un ensemble de principes et de valeurs, qui se substituent à l’identité nationale comme fondement de la citoyenneté. Ces « valeurs essentielles à l’exercice du rôle de citoyen »1651 agiraient comme lien unissant les membres d’une même communauté politique au-delà de leur diversité identitaire, puisque « l’identité est à la fois personnelle et plurielle et que le pluralisme n’est pas incompatible avec le partage de valeurs communes, notamment celles rattachées à la démocratie »1652. L’identité québécoise est donc redéfinie à partir de ces « valeurs démocratiques propres à notre société »1653. Pour favoriser la construction de la citoyenneté, l’école doit alors faire « la promotion d’un ensemble de valeurs partagées »1654. C’est notamment auprès des élèves immigrants que l’école doit faire connaître les « valeurs communes de la société québécoise que sont l’égalité, la justice, la liberté et la démocratie »1655, mais aussi auprès de l’ensemble des élèves, puisque chacun d’entre eux est appelé à « saisir son appartenance à une collectivité qui partage des valeurs communes, notamment celles qui sont associées à la démocratie »1656. Le cours ÉCR doit notamment permettre aux élèves « de connaître et d’apprécier les valeurs fondamentales de la société québécoise »1657. Il doit aussi faire « la promotion des principes et des idéaux démocratiques de la société québécoise »1658. Le cours Monde contemporain doit, quant à lui, « favorise [r] chez les élèves l’acquisition de connaissances et de valeurs partagées par la collectivité à laquelle ils appartiennent »1659. Comme en témoignent les extraits qui précèdent, la communauté politique est présente dans les programmes scolaires, mais elle prend davantage la forme d’une « société » ou d’une « collectivité », définie à partir de ses valeurs, que d’une nation, qui serait définie à partir de sa culture et de son histoire. Dans le cours HÉC du deuxième cycle du secondaire, on insiste d’ailleurs sur le fait que « l’appartenance nationale » n’est plus ce qu’elle était et on invite les élèves à « définir leur propre conception de la nation, ce qui constitue un exercice formateur de citoyenneté »1660.

Les principes et les valeurs qui fondent la nouvelle citoyenneté sont ceux que l’on retrouve dans les chartes de droits, qui sont présentées comme des documents fondateurs de l’appartenance citoyenne. Dans le cours ÉCR, par exemple, on affirme que « les principes et valeurs inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne »1661 constituent « des repères fondamentaux qui sous-tendent la vie publique au Québec »1662. Le cours doit permettre aux élèves d’étudier « des chartes de droits qui fondent des principes, des normes et des valeurs démocratiques que partagent les membres de la société dans laquelle ils évoluent »1663. Le DGF Vivre-ensemble et citoyenneté doit offrir la « connaissance des principes de la démocratie ainsi que des chartes et des lois fondamentales qui en garantissent l’application »1664. Concernant « les exigences de la vie en commun pour personnes différentes », on souhaite que l’élève apprenne « ce que la Charte des droits et libertés dit au sujet des droits des personnes différentes, sur quel principe elle s’appuie »1665.

Les chartes de droits agissent donc comme des repères moraux devant guider la conduite des individus dans leur rapport à la diversité. Dans le cours HÉC du deuxième cycle du secondaire, on souligne le rôle important joué par la Charte canadienne des droits et libertés depuis son enchâssement dans la Constitution en 1982, sans toutefois souligner que le gouvernement du Québec s’était alors opposé à l’adoption d’une telle charte. On affirme simplement qu’« avec l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Loi constitutionnelle de 1982, les tribunaux ont confirmé l’encadrement juridique des droits des citoyens et ont reconnu l’exercice de libertés fondamentales »1666. Si on souligne que « les prises de position et les revendications qui y sont liées occupent désormais une place prépondérante dans les débats de société »1667, on passe sous silence le fait que la Charte elle-même demeure un document controversé.

La citoyenneté comme affaire de comportements

En plus d’être fondée sur un ensemble de principes et de valeurs définis par les chartes, la nouvelle citoyenneté se définit à partir de comportements adoptés par l’individu. À plusieurs reprises dans le programme, on présente la citoyenneté comme une forme de participation. C’est par son implication dans le débat public et dans les causes sociales que l’individu exerce sa citoyenneté. Cet engagement est donc bien différent de l’engagement civique d’autrefois, quand l’exercice du droit de vote était le geste démocratique et citoyen par excellence. La participation citoyenne telle qu’entendue dans ce programme relève davantage de la démocratie participative et de l’implication communautaire et humanitaire, comme en témoigne l’utilisation répétée du concept de « citoyenneté responsable ». On affirme par exemple que « l’exercice d’une citoyenneté responsable est fortement marqué par la capacité de prendre du recul à l’égard des réalités sociales » 1668. Cet « apprentissage d’une citoyenneté responsable »1669 peut être effectué par l’individu « en se responsabilisant par rapport à son avenir, à sa santé, à son environnement et à ses habitudes de consommation »1670. Toutes les situations d’apprentissage peuvent ainsi devenir des occasions d’exercer sa citoyenneté. Le simple fait de respecter des règles de sécurité dans un laboratoire de chimie peut être considéré comme un geste citoyen : « Diverses activités, par exemple, celles qui se rapportent à la manipulation sécuritaire des gaz, peuvent offrir des canevas de situations susceptibles de les aider à faire l’apprentissage d’une citoyenneté responsable »1671.

La citoyenneté devient ainsi une forme d’« engagement personnel »1672 dans une cause noble. Parmi les causes dans lesquelles peut s’impliquer l’élève-citoyen, la question environnementale occupe une place de choix. Avec le DGF Environnement et consommation, l’environnement devient non seulement un objet d’étude transversal, mais une cause à défendre. En effet, au-delà des connaissances factuelles sur « les éléments constitutifs de son environnement »1673, l’élève est surtout incité à s’engager activement pour protéger l’environnement. Il doit apprendre à « évaluer les conséquences des actions humaines sur l’environnement, y compris les siennes propres »1674. De plus, « il se situe à la fois comme partie intégrante et comme agent de transformation de son environnement et comprend qu’il a un rôle de protection, de conservation et d’utilisation rationnelle des ressources à assumer »1675. Il doit également « appréhender les rapports de l’homme à l’univers dans une perspective de développement durable »1676 et « adopter un comportement responsable à l’égard de son environnement »1677.

La question environnementale est donc abordée dans plusieurs cours, surtout au secondaire, dans une perspective militante. Au primaire, en Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté, on prévoit que les connaissances acquises favoriseront « la responsabilisation de l’élève face à l’environnement considéré comme bien collectif »1678. Au premier cycle du secondaire, en Science et technologie, on aborde différents thèmes liés à l’environnement « dans une perspective de responsabilisation et de développement durable »1679. En anglais, langue seconde, on propose d’organiser une SAÉ [activité et évaluation] interdisciplinaire visant à faire participer les élèves aux activités entourant le Jour de la Terre1680. La géographie doit apprendre à l’élève à « se responsabiliser dans une perspective de développement durable associée à une gestion responsable des ressources »1681, alors que le cours HÉC doit l’aider à « garder une distance critique à l’égard de la consommation et de l’exploitation de l’environnement »1682. En éducation physique, « les activités de plein air permettent d’aborder, sous l’angle de la réflexion, de la responsabilisation et des actions à entreprendre, la problématique de la pollution et de la destruction du milieu naturel liées à l’inconscience individuelle et collective »1683. En enseignement moral, « le réchauffement de la planète »1684 figure parmi les questions éthiques au programme. L’élève qui aborde un problème éthique doit d’ailleurs être en mesure de « décrire les répercussions du problème sur les personnes ou sur l’environnement »1685.

Au deuxième cycle du secondaire, le thème de l’environnement est encore plus présent. En espagnol, on propose d’organiser une SAÉ [activité et évaluation] ayant pour thème Sauvons la planète (Salvemos el planeta)1686. En HÉC, on affirme que « les élèves ont un rôle important à jouer, à titre de citoyens, dans ce domaine particulier en s’interrogeant notamment sur leurs habitudes de consommation »1687. Dans le cours Monde contemporain, on invite les élèves à s’interroger sur la manière d’exercer « une régulation environnementale efficace »1688. On déplore « le manque d’uniformité et de cohérence dans les actions posées »1689 par les différents États en matière d’environnement. Dans le cours de Sensibilisation à l’entrepreneuriat, on encourage les élèves à proposer des projets ayant pour objet « l’adoption de comportements respectueux de l’environnement »1690. C’est toutefois dans les cours du domaine de la Mathématique, de la science et de la technologie que le thème de l’environnement est le plus exploité. Les élèves inscrits au cours Science et technologie, offert sur une période de deux ans, consacrent une année sur deux au thème de l’environnement1691. Durant cette année, la finalité ultime des apprentissages est d’utiliser la science et la technologie au service de la protection de l’environnement. Le cours doit permettre aux élèves d’« adopter un comportement responsable »1692 à l’égard de l’environnement et doit servir de « sensibilisation à l’état de la Terre »1693. Quant aux cours de Science et environnement, ainsi que ceux de Science et technologie de l’environnement, ils sont entièrement consacrés à la question environnementale et doivent impérativement adopter une perspective militante :

Au-delà de la simple transmission de connaissances concernant l’environnement et les problématiques qui y sont associées, l’éducation relative à l’environnement privilégie la construction, dans une perspective critique, de savoirs susceptibles d’accroître le pouvoir d’action des individus. Elle fait appel à une éthique environnementale et vise l’adoption d’attitudes, de valeurs et de conduites imprégnées de cette éthique1694.

Dans ces cours, on souhaite faire appel à l’« expertise citoyenne »1695 des élèves, pour les inciter à s’impliquer pour améliorer leur environnement. On y fait également la promotion du « principe des “NJ”, associé à l’achat d’aliments nus (sans emballage), naturels (non transformés), non loin (provenant du marché local) ou justes (qui n’encouragent pas l’exploitation de la main d’œuvre) »1696. Ce principe est présenté comme « une piste de solution orientée vers le changement des comportements individuels de consommation »1697.

L’importance accordée à l’environnement comme enjeu par excellence d’implication citoyenne illustre bien la tendance du programme à délier la citoyenneté de la communauté politique. En effet, l’environnement est un enjeu global qui interpelle l’ensemble des êtres humains. C’est ainsi que l’élève « prend peu à peu conscience qu’il est, lui aussi, un citoyen du monde »1698, avant d’être membre d’une communauté politique particulière. Le cours de géographie, en particulier, doit amener l’élève à « construire sa conscience citoyenne à l’échelle planétaire, c’est-à-dire à se sentir partie prenante du monde et à développer, à l’égard des grandes réalités d’ordre planétaire, un sentiment de responsabilité personnelle »1699.

Toutefois, conformément à l’expression connue selon laquelle il convient de Penser globalement et d’Agir localement, l’élève est aussi invité à exercer sa citoyenneté à l’échelle locale. Les disciplines de l’Univers social, notamment « le préparent à l’exercice de son rôle de citoyen, dans son milieu immédiat, l’école, et au sein d’une plus grande communauté »1700, sans que l’on précise de quelle communauté il s’agit. L’élève doit « participer à la vie démocratique de son école ou de sa classe »1701. C’est au sein des « microsociétés que constituent la classe et l’école »1702 qu’ils ont « l’occasion de réfléchir et d’agir dans un esprit citoyen, consolidant ainsi l’exercice de leur citoyenneté »1703. Comme nous l’avions remarqué dans les documents d’orientation, c’est la nation qui est évacuée de cette conception de la citoyenneté, qui va directement de l’échelle locale à l’échelle mondiale. 

Cette vision de la citoyenneté comme implication dans une cause noble à l’échelle locale ou mondiale correspond à ce que le politologue Danic Parenteau a appelé le « citoyennisme » et qui désigne, selon lui, « un mouvement par lequel tout un chacun, en sa qualité de citoyen conscientisé est invité à rompre avec l’apathie ambiante afin de prendre part à des initiatives dites “citoyennes” »1704 et qui « trouve son expression dans l’idéal du citoyen responsable »1705. Il en résulte, à son avis, une dépolitisation de la citoyenneté, puisque celle-ci s’exerce loin de l’appareil de l’État, sans toutefois être porteuse d’une contestation radicale des institutions politiques1706. Cette citoyenneté ne s’exerce donc ni par l’État ni contre l’État, mais bien à côté de l’État, dans la vie quotidienne de chaque individu.



Notes

1638 PRI_US_01, p. 165 [programme du Domaine de l’univers social, Présentation, primaire]
1639 SEC1_GEN_03, p. 29 [Les domaines généraux de formation, secondaire, 1er cycle]
1640 SEC2_US_02, p. 1 [Domaine de l’univers social, Histoire et éducation à la citoyenneté, secondaire, 2e cycle].
1641 SEC1_US_03, pp. 337-338 [Histoire et éducation à la citoyenneté. 1er cycle secondaire]
1642 SEC2_US_02, p. 1
1643 SEC2_US_02, p. 22
1644 PRI_GEN_02, p. 3 [Présentation du Programme de formation au primaire]
1645 PRI_GEN_04, p. 50 [Domaines généraux de formation au primaire]
1646 PRI_DP_03, p. 272 [Domaine du développement personnel, Enseignement moral, primaire]
1647 SEC1_US_03, p. 340
1648 SEC2_US_03, p. 5
1649 SEC1_US_03, p. 341
1650 SEC1_US_03, p. 346
1651 PRI_US_02, p. 174 [Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté, primaire]
1652 SEC1_US_03, p. 348
1653 SEC1_DP_05, p. 556 [Enseignement moral et religieux protestant (retiré)]
1654 SEC1_GEN_03, p. 28
1655 SEC1_LAN_03, p. 20 [Intégration linguistique scolaire et sociale, secondaire, 1e cycle]
1656 SEC2_GEN_05, p. 64 [Les domaines d’apprentissage, secondaire, 2e cycle]
1657 PRI_DP_06, p. 294 [Éthique et culture religieuse (ajout 2008), primaire]
1658 PRI_DP_06, p. 280
1659 SEC2_US_03, p. 4
1660 SEC2_US_02, p. 48 [Géographie, secondaire, 2e cycle]
1661 PRI_DP_06, p. 281
1662 PRI_DP_06, pp. 280–281
1663 PRI_DP_06, p. 317
1664 SEC2_GEN_03, p. 14 [Les domaines généraux de formation, secondaire, 2e cycle]
1665 PRI_DP_03, p. 279
1666 SEC2_US_02, p. 60 [Histoire et éducation à la citoyenneté, secondaire, 2e cycle]
1667 SEC2_ US_ 02, p. 60
1668 SEC2_ US_ 02, p. 22
1669 SEC1_ MST_03, p. 270 [Science et technologie, secondaire, 2e cycle]
1670 SEC1_ MST_03, p. 270
1671 SEC2_MST_07, p. 5 [Chimie, secondaire, secondaire, 2e cycle]
1672 PRI_US_02, p. 174
1673 PRI_GEN_ 04, p. 46
1674 PRI_GEN_04, p. 46
1675 PRI_GEN_04, p. 46
1676 SEC1_GEN_03, p. 25
1677 SEC2_GEN_03, p. 10
1678 PRI_US_02, p. 172
1679 SEC1_MST_03, p. 270
1680 SEC1_LAN_04, p. 177 [Anglais, langue seconde, secondaire, 1er cycle]
1681 SEC1_US_02, p. 301
1682 SEC1_US_03, p. 340
1683 SEC1_DP_02, p. 472
1684 SEC1_DP_03, p. 504
1685 SEC1_DP_03, p. 505
1686 SEC2_LAN_08, p. 42 [Espagnol, langue tierce, secondaire, 2e cycle]
1687 SEC2_US_ 02, p. 61
1688 SEC2_US_03, p. 24
1689 SEC2_US_03, p. 24
1690 SEC2_PRO_04, p. 5 [Sensibilisation à l’entrepreunariat, secondaire, 2e cycle]
1691 L’autre année étant consacrée au thème de l’être humain.
1692 SEC2_MST_03, p. 4
1693 SEC2_MST_03, p. 66
1694 SEC2_MST_05, p. 12 [Science et technologie de l’environnement, secondaire, 2e cycle]
1695 SEC2_MST_05, p. 3
1696 SEC2_MST_05, p. 58
1697 SEC2_MST_05, p. 58
1698 PRI_GEN_ 04, p. 50
1699 SEC1_US_ 02, p. 312
1700 SEC1_GEN_05, p. 64 [Les domaines d’apprentissage, secondaire, 1er cycle]
1701 SEC1_MST_02, p. 234 [Mathématique, secondaire, 1er cycle]
1702 SEC2_US_02, p. 22 [Domaine de l’univers social, présentat1on, secondaire, 1er cycle]
1703 SEC2_US_02, p. 22
1704 Parenteau, Danic. « Le citoyennisme ou le militantisme intégral », Argument : Politique, société, histoire, vol.l3, n° l, 2010-2011, p. 46
1705 Ibid.
1706 Ibid., pp. 49-50

mardi 15 octobre 2019

« PMA pour toutes » (bébé éprouvette pour lesbiennes), « fausses familles », la lutte contre la nature et l'argent



Pour Éric Zemmour, les opposants à la légalisation des bébés-éprouvettes pour couples de lesbiennes (appelé PMA pour toutes par le gouvernement Macron) qui ont manifesté en masse il y a deux semaines en France sont bien trop élevés pour faire reculer (seuls) le gouvernement Macron.


Ils étaient nombreux. Plus nombreux que ne le disent les chiffres minorés de la Préfecture. Plus nombreux qu’on s’y attendait. Plus nombreux qu’ils s’y attendaient. La manifestation de dimanche dernier contre la PMA pour toutes est un succès par cela même que tout le monde attendait un échec, y compris certains de ses soutiens eux-mêmes.

Des manifestants dont la sociologie n’avait pas changé depuis les Manifs pour tous depuis 2013. Toujours ces familles catholiques, plutôt bourgeoises, avec leurs nombreux enfants, justement. Bienveillantes, réfléchies, légitimement inquiètes. La manif de 2019 est la fille de celle de 2013, comme la PMA pour toutes est la fille du Mariage pour tous. Qui sera la grand-mère de la GPA pour tous, quoi qu’en disent les menteurs professionnels.

Des manifestants qui ne vont pas brûler le Fouquet’s ou piller l’Arc de Triomphe. Des manifestants qui laissent plus propres après leur passage les rues qu’ils traversent. Des manifestants modèles qui rendent les CRS inutiles. Des représentants d’une France bien élevée et courtoise, qui met le débat démocratique avant la violence. Des manifestants qui n’ont pas « la haine ». C’est leur force. Et leur faiblesse.


Leur force, car leurs arguments sont intelligents, fondés : les drames des enfants sans père sont devant nous ; la phrase terrible d’Agnès Buzyn, « Une femme peut être un père », dit tout de la confusion des esprits ; celle de la députée Aurore Bergé « nous n’interdirons pas par la loi la reproduction charnelle des couples hétérosexuels » montre par sa bêtise même, les fantasmes eugénistes des partisans de la PMA.

Mais leur faiblesse aussi, car nos institutions sont si solides que le pouvoir n’a peur que de la violence, et ne cède que devant la violence. C’est le paradoxe de la Ve que de Gaulle n’avait pas prévu, lui qui faisait parler le peuple par des référendums où il mettait son destin en jeu. Quand il n’y a plus cette soupape, ne reste que la violence. Mais elle n’est pas dans les gènes de ces manifestants-là. L’éducation l’explique avant tout. Mais la sociologie aussi : comme on l’avait remarqué en 2013, ces manifestants ne sont pas dans le camp des vaincus de la mondialisation, mais dans celui des vainqueurs. Ils sont issus des classes sociales favorisées, sans être dans celle des riches. Ils ne sont pas hostiles à la mondialisation, encore moins à l’économie de marché. Ils ne sont pas des victimes du « système ».

Ils sont simplement victimes d’un rapport des forces au sein de ce système où la balance penche toujours en faveur des libéraux-libertaires qui veulent imposer l’individualisme et la loi du marché à tous les domaines, y compris la famille, le sexe, la culture, l’identité même. Ce rapport de force est inscrit dans le marbre des métropoles mondialisées où ils habitent souvent. Les « conservateurs » sont condamnés à perdre tous leurs combats face aux « progressistes » dans le cadre d’un combat entre seuls vainqueurs de la mondialisation. Leur seule chance de renverser la table est de s’allier aux vaincus de la mondialisation, aux « gilets jaunes », aux populistes, bref aux classes populaires. Sans cette alliance, sans ce « compromis historique », toutes les manifestations du monde ne serviront à rien.

Quels sont les véritables objectifs du cours ECR ? Entretien avec Joëlle Quérin

Depuis plusieurs années, au Québec, on parle du cours Éthique et culture religieuse, plus communément appelé ECR. Il est au cœur de nombreuses controverses. Les uns le voient comme un instrument privilégié pour favoriser « l’ouverture à la diversité », les autres s’inquiètent d’un cours qui fait la promotion active ou implicite de l’idéologie multiculturaliste. Mais qu’en est-il véritablement de ce cours ? Comment s’est-il installé dans le curriculum ? Quels sont ses objectifs ? Et comment s’insère-t-il plus largement dans la philosophie qui commande l’école québécoise ? Pour en parler, je reçois Joëlle Quérin, professeure de sociologie au Cégep de Saint-Jérôme, qui a publié au fil du temps de nombreux écrits sur ECR en plus d’avoir consacré sa thèse de doctorat à l’idéologie pédagogique dominante au Québec.



Voir aussi

Québec — La construction d'une nouvelle citoyenneté par l'école (extrait de la thèse de Joëlle Quérin)

La thèse de doctorat de Joëlle Quérin : Le Nouveau Discours pédagogique québécois et les transformations de la communauté politique

Joëlle Quérin répond à ses détracteurs chez Denise Bombardier (vidéo)

Joëlle Quérin et « La face cachée du cours Éthique et culture religieuse »

Joëlle Quérin explique son étude sur le cours ECR à RDI (vidéo)

Joëlle Quérin sur VTélé (Mario Dumont) au sujet du cours ECR (vidéo)

Livre sur le cours ECR : Au-delà des apparences
(Guy Durand)

Livre Regards sur le cours ECR : La Religion sans confession


Le Devoir (Louis Cornellier) : « L'école n'est pas au service des parents. »



lundi 14 octobre 2019

É-U. — Forte augmentation des maladies sexuellement transmissibles (malgré les cours d'éducation sexuelle...)

Les cas de syphilis, de gonorrhée et de chlamydia ont atteint un niveau record en Amérique en 2018, selon un rapport publié la semaine dernière par les Centres de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis (le CDC).

Les trois maladies sexuellement transmissibles (MST) les plus courantes ont atteint plus de 115 000 cas pour la syphilis, plus de 580 000 cas pour la gonorrhée et plus de 1,7 million de cas pour la chlamydia, a indiqué le CDC dans un communiqué de presse. Bien que toutes trois puissent être traitées avec des antibiotiques, en l’absence de traitement elles peuvent être transmises à d’autres personnes et entraîner un risque accru de VIH, de stérilité et de grossesse extra-utérine.

Parmi les informations les plus alarmantes dans ce nouveau rapport, l’on note une augmentation de 40 % du nombre (1300) de nourrissons nés avec la syphilis.

« Il existe des outils pour prévenir tous les cas de syphilis congénitale », a déclaré Gail Bolan de la Division de la prévention des MST du CDC. « Le test est simple et peut aider les femmes à protéger leur bébé de la syphilis — une maladie évitable aux conséquences potentielles irréversibles. »


Le rapport du CDC attribue ces augmentations en partie à l’usage de drogues et à la diminution de l’utilisation de préservatifs, ainsi qu’à « la pauvreté, la stigmatisation et les logements instables » réduisant « l’accès à la prévention et aux soins des MST » tant au niveau des États de la fédération qu’au niveau local.

Pour certains commentateurs, ces explications du CDC occultent des aspects fondamentaux. Le président du Family Research Council (FRC), Tony Perkins, a interviewé jeudi passé la Dr Michelle Cretella, de l’American College of Pediatricians sur le sujet.

Mme Cretella a reproché au communiqué du CDC de mettre l’accent sur le traitement secondaire, après coup, et de taire toute action de prévention primaire, c’est-à-dire de commencer par décourager les comportements à risque. Elle a noté que le gouvernement et la société n’hésitaient pas à dire de façon très catégorique et très franche aux jeunes de s’abstenir de fumer (en employant souvent un langage sans fioriture et des images effrayantes), mais tend à traiter différemment la promiscuité sexuelle à la base de la recrudescence de ces maladies vénériennes.


C’est ainsi que les cours d’éducation sexuelle à l’école ne mettent nullement en avant l’abstinence, mais valorisent souvent l’expérience et le plaisir sexuel pour peu que l’adolescent se protège. Il n’est pas évident que ces cours d’éducation sexuelle, en banalisant la sexualité, ne contribuent pas à une certaine promiscuité qui se révèle bien peu prudente. Un rapport en 2016 (sous Obama) du Bureau de la santé des adolescents avait ainsi constaté que les 3500 élèves de 87 écoles affiliées à Planned Parenthood (un organisme de « planification familiale » à gauche du spectre politique) qui avaient suivi un programme d’éducation sexuelle soutenu par Planned Parenthood étaient « beaucoup plus susceptibles d’avoir déjà été enceintes ou d’avoir provoqué une grossesse que les élèves témoins » n’ayant pas suivi ces cours d’éducation sexuelle.


samedi 12 octobre 2019

Législatives en Pologne : les « ultra-conservateurs » natalistes conservent la majorité absolue

Avec plus de 7 millions de voix, le PiS, Droit et Justice, totalise le meilleur résultat de son histoire. « Je pense que c’est le plus grand succès populaire depuis la fin du communisme. Notre résultat est même encore meilleur qu’il y a quatre ans. Cela veut dire que notre politique sociale et nos résultats économiques sont très bons. Et que nous avons une croissance qui bénéficie à tout le monde », se félicite Jerzy Kwiecynski, le ministre du développement économique.

Le chômage est au plus bas, à 5 %. La croissance est très élevée et le PiS se targue d’avoir redistribué les richesses, avec son programme d’allocations familiales pour tous. Avec une forte participation de 61 %, dix points de plus que lors des dernières élections, en 2015, le PiS interprète cette élection comme un plébiscite et un encouragement à poursuivre les réformes menées depuis 4 ans.

« Pour moi, nous avons deux mesures très importantes. L’exonération d’impôts pour les moins de 26 ans, et les allocations familiales. Moi, je veux fonder une famille et tout cela va m’aider », explique Mateusz Lewicki, un jeune militant du parti.

L’opposition loin derrière

Avec la poursuite des programmes sociaux, et du « bon changement », le slogan des précédentes élections, le chef du PiS, Jaroslaw Kaczynski, trace la ligne pour les quatre années à venir. « La Pologne doit encore changer, pour le meilleur. Notre principale force, c’est la crédibilité, et nous devons la conserver. Ce que nous faisons est bon, réaliste, et responsable », affirme-t-il.

Allusion à l’opposition, qui n’aurait jamais tenu ses promesses de campagne selon de nombreux Polonais. Le principal parti d’opposition, la Plate-forme civique, est relégué loin derrière avec 27,4 % des voix. La gauche, avec 12,4 % des voix, refait son entrée au Parlement après avoir disparu depuis 2015. L’opposition peut déjà se tourner déjà vers la présidentielle au printemps pour tenter de contrebalancer la victoire écrasante du PiS au Parlement.

Billet originel du 12 octobre

Une famille heureuse, trois enfants et leur mère dans un parc de Varsovie. À trois jours des élections législatives en Pologne, le parti conservateur au pouvoir Droit et Justice (PiS) compte récolter les fruits de sa politique nataliste.

Chaque mois elle perçoit de l’état une allocation, 115 euros par enfant soir 345 euros au total.




« Je peux ajouter cet argent pour les vacances, je peux acheter quelque chose aux enfants, je peux l’utiliser pour la maison... Il y’a beaucoup de possibilités », témoigne, Ewelina Wolska Knapp, jeune maman.

En Pologne le salaire moyen se situe sous les mille euros. Dans les zones rurales, plus pauvres, le programme baptisé 500 plus, est devenu essentiel pour certaines familles. Dans ces conditions, difficile de donner sa voix à un autre parti que le PiS

_ » Il s’agit bien évidemment d’une sorte d’appât, un moyen d’attirer les votants potentiels, car la majorité des habitants ici, y compris ma famille et moi, sommes reconnaissants », reconnaît Karolina Burczyk. « Nous allons voter pour le parti du droit et de la justice ».

À l’origine l’allocation était destinée aux couples avec deux enfants, mais il y a trois mois, elle a finalement était ouverte à tous. Un message politique fort dans une société très marquée par la religion catholique.


« L’allocation équivaut à une augmentation de 10 % si l’on compare au revenu moyen polonais. Depuis le début du programme, la pauvreté extrême a chuté d’un cinquième¨ », analyse l’envoyé spécial d’Euronews, Oliver Whitfield-Miocic.

Avec une croissance à 5,1 % et un taux de chômage au plus bas depuis 30 ans, le PiS surfe sur la bonne santé économique du pays. Mais pour l’opposition, le gouvernement en place depuis 2015 n’a pas de vision à long terme.

« Comme nous le savons tous, tôt ou tard la crise économique frappera l’Europe et la Pologne. Ce gouvernement n’a pas du tout préparé le pays à une crise », prophétise Marin Bosacki, candidat au Sénat de la Plateforme Civique, mouvement d’opposition.

Pas de quoi refroidir les supporters du PiS, donné utra-favori du scrutin de dimanche. Il pourrait rassembler près de 45 % des votants. Seule inconnue : parviendra-t-il a obtenir la majorité absolue ?

vendredi 11 octobre 2019

La politique nataliste hongroise

Placardé dans toutes les rues de la capitale hongroise Budapest, le modèle familial traditionnel prôné par le gouvernement. Une maman, un papa, deux enfants et bientôt un troisième. Des publicités géantes pour la natalité avec la promotion du moment : 30 000 euros pour les jeunes parents. Dora et Laszlo Devenyi attendent leur premier enfant dans les prochains mois. Ils viennent de recevoir l’argent du gouvernement. Pour ce couple de cadres, ces 30 000 euros [50 000 $ canadiens] représentent une année de salaire à deux. « On peut dépenser cet argent comme on veut. Nous, on a décidé d’utiliser cet argent pour acheter une maison ou un appartement », explique Laszlo Devenyi.


Hongrie pour favoriser la natalité, le gouvernement donne de from PM21 on Vimeo.


L’indice de fécondité est remonté de 1,23 enfant/femme en 2011 à 1,49 enfant/femme en 2018 (le même niveau que celui des francophones du Québec) alors même que le pays a subi l’hémorragie de nombreux jeunes partis travailler en Europe occidentale. À cela s’ajoute une démographie déficiente depuis des décennies. La Hongrie fut, en effet, le premier pays d’Europe à enregistrer pour la première fois une chute de la natalité sous le seuil des 2,1 enfants par femme, nécessaire à l’époque pour assurer le simple remplacement des générations. Cela se produisit en 1959-1960, après un décrochage qui durait depuis 1956. En Allemagne, second pays d’Europe à casser vers le bas le seuil de reproduction simple de la population, cela n’eut lieu qu’en 1970-1971.


La déjà longue ancienneté de la dénatalité en Hongrie a fait en sorte que la population est fort vieillie, et que le nombre des décès dépasse actuellement de beaucoup le nombre des naissances. Depuis 1982-1983, le solde naissances/décès ne cesse d’être négatif et le pays a déjà perdu plus de 600 000 habitants.

Conditions d’attribution qui favorisent la classe moyenne et supérieure et des familles stables

Plus les Hongrois ont d’enfants, plus les conditions du crédit sont favorables. Si le premier bébé naît dans les cinq ans, le couple n’aura plus à payer les intérêts sur les 30 000 euros. Lors du deuxième enfant, l’État offre 30 % du capital. Au troisième enfant, il n’y a plus besoin de rembourser la somme. Pour prendre ce crédit, il faut s’engager : s’il y a divorce ou si l’enfant n’arrive pas sous cinq ans, il faut rembourser le crédit sous 120 jours. Des conditions draconiennes régissent aussi l’obtention du prêt : il faut être marié, habiter en Hongrie depuis longtemps, avoir un travail fixe depuis trois ans, etc. Le but semblant être de favoriser la classe moyenne et supérieure hongroise plutôt que les familles monoparentales ou immigrées.

jeudi 10 octobre 2019

Bellamy : « La crise de l’éducation nationale n’est pas un problème technique qu’on pourrait régler par une énième loi. »

Tribune de François-Xavier Bellamy est professeur de philosophie et député européen. Il est l’auteur des Déshérités : L’urgence de transmettre (Plon, 2014) et de Demeure (Grasset, 2018). Le suicide d’une directrice d’école à Pantin révèle une crise de l’Éducation nationale qui n’est que le signe d’une crise de la société dans son ensemble, estime le philosophe François-Xavier Bellamy. Il appelle à agir pour soutenir et protéger les enseignants, premières victimes de cet échec collectif.

Présent samedi matin à Pantin, parmi des centaines de personnes venues à la marche blanche en hommage à Christine Renon. Cette directrice d’école, qui se donnait sans compter, s’est donné la mort un samedi matin, il y a quinze jours. Elle laissait derrière elle une lettre bouleversante, qui dit à la fois son engagement total, son épuisement et sa détresse.

Comme elle, tant d’enseignants et de chefs d’établissement se retrouvent seuls, en première ligne pour absorber les échecs et les incohérences d’une école en crise depuis si longtemps, mais aussi les tensions et les violences qui touchent désormais le quotidien des salles de classe. Christine Renon décrit la « goutte d’eau qui l’a anéantie », un soupçon d’agression sexuelle entre deux élèves de maternelle… et signe : « directrice épuisée. »

Ces drames sont le symptôme de la crise profonde d’une école qui ne peut plus assurer correctement sa mission. C’est notre éducation nationale dans son ensemble qui est épuisée. Pour ne m’arrêter qu’à des faits parus dans la presse cette semaine… :

Ce lundi, une enseignante du Cap d’Agde est insultée, menacée de mort et frappée à plusieurs reprises, dans son établissement, par les parents d’un élève qu’elle avait empêché de se battre avec d’autres.

Le même jour, à Sarcelles, un professeur de sport demande à un élève de retirer sa casquette : le lycéen le frappe de plusieurs coups de poing. Les élèves présents autour filment la scène ; aucun ne tente de protéger leur enseignant. La violence des coups lui vaut cinq semaines d’interruption de temps de travail.

Jeudi, à Osny, un professeur d’histoire veut confisquer un portable ; le lycéen concerné lui répond par un croche-pied brutal, qui le jette au sol. Il est hospitalisé et souffre d’un traumatisme crânien.

Vendredi, aux Lilas, pendant un cours de sport, un élève de quinze ans meurt poignardé, alors qu’il tentait de s’interposer pendant une rixe. Tous les jeunes impliqués dans ce meurtre ont entre quatorze et quinze ans.

J’ai écrit les Déshérités pour Samy, tué devant la porte du lycée où j’avais, quelques mois plus tôt, commencé à enseigner. Lui aussi avait quinze ans. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Il ne s’agit pas d’utiliser ces drames pour faire de la mauvaise politique. Ils sont le symptôme d’une crise profonde, celui d’une école qui ne peut plus assurer correctement sa mission depuis trop longtemps déjà. La mort de Christine Renon est le résultat d’un immense échec collectif, qui remonte à plusieurs décennies. Distribuer les mauvais points serait stérile. Mais ne pas réagir enfin serait coupable.

Pendant trop longtemps, on a voulu nier cette crise, taire cette violence, étouffer la souffrance. Il y a quelques mois, alors qu’une enseignante avait été menacée en plein cours par un élève, braquant sur elle une arme factice, et filmée là encore par des élèves riant de la voir humiliée, des centaines d’enseignants se sont mis à témoigner.

Racontant sur les réseaux sociaux, sous le slogan « pas de vague », ces agressions qu’on leur avait demandé de ne pas ébruiter : il valait mieux préserver le calme apparent… Peut-être certains, en lisant ce simple résumé de la semaine, me reprocheront-ils aussi de susciter l’inquiétude. Mais la tragédie que traverse notre école devrait tous nous empêcher de dormir.

Le drame, c’est que cet échec collectif pèse d’abord sur les milieux les plus défavorisés : notre école est la plus inégalitaire des pays de l’OCDE. Et ainsi, même si la crise éducative se fait sentir partout, son ampleur reste largement sous-évaluée par l’essentiel de la classe dirigeante en France, dont les enfants sont scolarisés bien souvent à l’abri de ce climat de violence, dans des îlots de plus en plus restreints — et de plus en plus inaccessibles pour une majorité de Français.

Ainsi peut-on se bercer encore d’illusions, si l’on a les moyens de ne pas ouvrir les yeux. Mais nous n’avons pas le choix maintenant. Comment ne pas voir ce qui se joue quand une directrice d’école courageuse, généreuse, engagée, finit par mettre fin à ses jours ?

Comment ne pas voir qu’une société n’a pas d’avenir, quand se donnent la mort ceux qui préparent la vie, ceux qui nourrissent la vie, ceux qui protègent la vie — enseignants, agriculteurs, policiers et gendarmes ? Ils meurent, parce que leur travail n’est plus respecté ; et ils ont ceci en commun que, si leur travail n’est pas respecté, il n’est tout simplement plus possible. Comment ne pas voir qu’il s’agit de la même tragédie – celui de l’abandon, de la défiance, de la violence que vivent, isolés, ceux qui pourtant devraient recevoir le plus notre reconnaissance collective ?

La crise de l’éducation nationale n’est pas un problème technique qu’on pourrait régler par une énième loi. Ce n’est pas une crise de l’école ; c’est une crise de la société. Péguy écrit, dans L’Argent : « Les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; elles sont des crises de vie. (…) Quand une société ne peut pas enseigner, ce n’est pas qu’elle manque accidentellement d’un appareil ou d’une industrie ; quand une société ne peut pas enseigner, c’est qu’une société ne peut pas s’enseigner ; c’est qu’elle a honte, c’est qu’elle a peur de s’enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c’est s’enseigner. »

Quand notre humanité ne sait plus s’enseigner, c’est l’inhumain qui resurgit. De ce climat de tension, de violence, de cet échec éducatif, tant de jeunes sont aujourd’hui victimes, tant d’enseignants, tant de familles. Il serait coupable de ne pas réagir enfin.

Il faut permettre à l’école d’assumer sa mission, soutenir enfin les enseignants, mieux les former, mieux accompagner leurs parcours, mieux les rémunérer aussi — ce n’est pas un détail, et sur ce point-là aussi le déni de réalité auquel nous avons assisté récemment n’est pas une réponse valable. Il faut ensuite leur faire confiance, les laisser faire leur travail, au lieu de leur faire tomber sur la tête, avec la régularité du supplice chinois, la réforme suivante qui réorganisera tout sans les consulter, et qu’il faudra comme toujours appliquer en urgence, avant que celle d’après n’arrive. Et surtout, il faut enfin leur garantir le respect qui leur est dû, et la sérénité nécessaire pour exercer leur métier, en ne négociant plus jamais avec les paroles et les actes qui méprisent leur mission — que ce mépris vienne d’élèves, de parents ou de supérieurs…

Je sais que les « il faut » peuvent paraître trop faciles ; mais au fond notre école a besoin de réponses simples. Et avec tous ceux qui le voudront, travaillons pour faire des propositions concrètes, dans l’esprit d’ouverture et d’exigence à la fois qu’exige une telle urgence nationale. La France est capable de relever ce défi, j’en suis sûr. Et elle peut compter pour cela sur ses enseignants de terrain, si elle sait leur tendre la main.

La mort de Christine Renon est un drame. Mais sa vie a été un miracle. Comme enseignant, j’ai eu la chance de rencontrer des collègues et des chefs d’établissement exceptionnels, qui malgré l’ampleur des difficultés ont, comme elle, tout donné pour faire grandir leurs élèves. Notre pays tient par le courage de ceux qui tiennent encore, envers et contre tout. Nous n’avons plus le droit de laisser seuls ceux qui se sentent à bout. Nous leur devons notre soutien. Et le travail qui nous attend pour leur apporter ce soutien, nous le devons à Christine Renon.

Source : Figaro