jeudi 17 janvier 2013

Le non-dit pour mieux tromper sur l'euthanasie ?

Lettre ouverte du Dr Marc Beauchamp, chirurgien orthopédiste.

Après avoir regardé la conférence de presse sur les moyens légaux d'appliquer les recommandations de la commission «Mourir dans la dignité», plusieurs constats surprennent sur ce qui a été dit, mais bien plus encore plus sur ce qui n'a pas été dit. À commencer par certains mots tabous qui ont été judicieusement maintenus sous silence.

Étrangement, ce dont il était question était bien l'euthanasie. Or ce mot n'a pas été prononcé une seule fois pour définir leur projet. Politiciens et avocats connaissent très bien la valeur des mots. On dira «aide médicale à mourir» plutôt qu'euthanasie ou suicide. Ou encore mieux «aide médicale à la fin de vie». C'est plus vendeur. On ne dira pas homicide non plus, même si c'en est un techniquement. Ce n'est pas vendeur. Un médecin tient une seringue dans ses mains, il appuie sur le piston, le cœur cesse de battre, le patient est mort.

La ministre Véronique Hivon et l'avocat Jean-Pierre Ménard considèrent qu'il s'agit de « médecine ». Or, ce n'est pas vrai, ça n'en est pas. Techniquement, c'est un homicide. Justifié ? Peut-être. Acceptable ? Charitable ? Humanitaire ? On peut débattre. On peut avoir son opinion. Mais on ne peut pas mentir.

Faisons une analogie. Ceux qui ont dit à l'époque des référendums que les questions volontairement ambiguës dans des consultations populaires sont des fraudes avaient raison. On ne peut pas fonder un nouveau pays sur une fraude, tout le monde en convient. Ceux qui évitaient de prononcer le mot indépendance (les protagonistes du Parti québécois) alors que c'était ce qu'ils voulaient faire, évitant ainsi le terme qui faisait peur, ont été accusés de chercher de façon trompeuse une adhésion à leur projet.

[...]

Mme Hivon et Me Ménard n'ont pas dit «euthanasie», ils ont dit « aide médicale à la fin de vie », et « aide médicale à mourir ». Ne soyons pas dupes, leur but est de forcer l'adhésion à leur projet et de mettre la table pour un geste unilatéral face au gouvernement fédéral, qui a autorité sur le droit criminel, et donc sur la légalité de l'homicide ou l'euthanasie. Homicide, c'est criminel, mais « aide médicale à la fin de vie », c'est médical, n'est-ce pas ?

Il faut mesurer les impacts d'un tel raccourci de politicien, et ils sont beaucoup plus profonds qu'il n'y paraît. Le plus important, pour moi qui suis médecin, est que ces deux avocats, avec leurs jeux de mots subtils, sont en train de placer une jolie bombe sur la médecine elle-même. Leur redéfinition de ce qu'est la médecine, de ce qu'on peut appeler médecine, serait dictée par l'opinion générale, l'évolution des mentalités. Or, ce n'est pas vrai. Vrai que les connaissances médicales évoluent, tout comme le droit. Mais d'aucune façon, la définition même de la médecine ne peut être définie par le pouvoir, leur pouvoir.

Aussi, Mme Hivon, outre son utilisation de termes trompeurs, a décrété dans son allocution aujourd'hui que le débat sur « l'euthanasie » (excusez le terme, il est de moi) était terminé au Québec et qu'il y avait consensus depuis le dépôt de son rapport de la commission « Mourir dans la dignité » [Note du carnet: toujours les mêmes ficelles, consensus auprès de qui ?]. Et elle affirme qu'elle veut aller vite. Pour elle et son parti, fini les discussions, fini le débat, pas question de négociation (surtout pas avec le fédéral).

Une attitude finalement déplorable et, disons-le, idéologique sur un enjeu sensible et complexe qui mérite beaucoup mieux qu'un tel traitement « bulldozer ».

Tout le monde veut le bien, l'absence de souffrance, la justice, la liberté. Le cœur humain tend vers ça, et nous, médecins, donnons tout ce que nous pouvons pour traiter et soulager nos semblables. Mais nous ne pouvons accepter l'usage des mensonges pour progresser, et encore moins l'abus des gens de bonne volonté qui forment encore la grande majorité de notre peuple.

Rappel sur le « consensus » : L'association Vivre dans la dignité a mené une analyse indépendante exhaustive des quelque 427 mémoires et présentations orales à la Commission sur mourir dans la dignité. « Les chiffres sont clairs. Parmi les mémoires et présentations faites devant la CSQMD, 99 % considèrent que les soins palliatifs constituent le choix digne pour les Québécois en fin de vie. De plus, 60 % sont totalement opposés à l’euthanasie et au suicide assisté. « Seulement un tiers (34 %) des personnes qui ont participé aux auditions étaient favorables à l’euthanasie. »


Voir aussi

Des médecins contre « l'assistance à mourir » par euthanasie

« Même si code criminel canadien interdit formellement l'euthanasie...»

Sondage — 81 % des Québécois craignent que, si l’euthanasie est légalisée, on ne mette fin à la vie des malades sans leur consentement

Grande Bretagne — proches non informés que leur parent est sur le chemin de l'euthanasie

Euthanasie — comité d'experts de la SRC partial ? Outil politique pour justifier un choix préétabli sur un sujet sensible ?




Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)

De l'acharnement politique et juridique... en faveur de l'euthanasie plutôt que les soins palliatifs

Réaction de Vivre dans la Dignité face au rapport du comité Ménard :

La complexité de la fin de vie ne peut pas se réduire à ses aspects juridiques et politiques. Le gouvernement en place doit faire porter tous ses efforts sur l'amélioration des soins palliatifs et les rendre accessibles à tous les citoyens qui en ont besoin. Les soins palliatifs sont LA SEULE SOLUTION HUMAINE. Travaillons à renforcer ce qui fait consensus (les soins palliatifs) plutôt qu'à instaurer des pratiques qui nous divisent (l'euthanasie et le suicide assisté déguisés en « aide médicale à mourir »).

La protection des personnes n'est pas négociable! Rappelons aux citoyens et citoyennes du Québec que l'euthanasie et le suicide assisté sont des gestes relevant du code criminel, passibles d'emprisonnement et qui le resteront à moins d'un changement constitutionnel majeur. Comment penser qu'on modifie les actes eux-mêmes en remplaçant les termes euthanasie et suicide assisté par « aide médicale à mourir »? La nature criminelle de ces actes peut-elle être modifiée en jouant sur les mots?

Le code criminel est clair: quiconque cause la mort d'un être humain, directement ou indirectement, commet un homicide (article 222). En entérinant le rapport de Me Ménard, qui propose de permettre aux médecins de provoquer la mort de leurs patients (par injection létale ou d'autres moyens) dans certaines circonstances sans qu'ils soient poursuivis, le Barreau du Québec et le Collège des médecins cautionneraient la transgression d'un interdit et le viol de la loi. Est-il nécessaire de rappeler à la population québécoise que le Barreau du Québec et le Collège des médecins ont le mandat et le devoir de PROTÉGER la population ? Ils sont soumis, comme tous les individus et associations, aux lois protégeant la population de l'euthanasie et du suicide assisté.

Dans un contexte de coupures budgétaires et de pénurie de médecins et de personnel dans le système de santé, comment peut-on espérer que les patients aient une alternative véritable entre soins palliatifs et euthanasie (impliquant que les soins palliatifs soient disponibles pour tous les Québécois)? Combien coûteraient des mesures de sauvegarde dites sécuritaires? Voici quelques questions pour faire réfléchir nos concitoyens...

http://www.vivredignite.com/docs/40question.pdf
http://www.vivredignite.com/docs/ppt_faits_risques.pdf

Comment éviter de penser que l'introduction de l'euthanasie dans le système de santé serait une façon de pallier l'insuffisance des ressources du système de santé et de mettre fin à des vies considérées comme inutiles (avec ou sans consentement du patient)? De telles inquiétudes ont été exprimées maintes fois durant les audiences de la Commission sur la question de mourir dans la dignité.





Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)