Victoire sur un programme clair:
- remigration d'immigrés non assimilés;
- critique de la gestion excessive de la pandémie Covid;
- recherche de la paix entre l’Ukraine et la Russie.
Malgré sa victoire historique, le FPÖ devrait avoir du mal à former une coalition.
Pour la première fois dans l'histoire de l'Autriche contemporaine, le parti de droite anti-immigré FPÖ est arrivé en tête dimanche des élections législatives. Selon les premières estimations de la chaine publique ORF, le parti de la liberté, selon son acronyme remporte une nette victoire, avec 29%, et améliore son score de 13 points par rapport au scrutin de 2019. Avec 26% des voix, le parti conservateur ÖVP du chancelier Karl Nehammer ne pointe qu'à la deuxième place, trois points derrière et en recul de 11,2 points. « Le FPÖ a écrit l'histoire », s'est félicité son secrétaire général, Michael Schnedtlitz. Et c’est à son nouveau leader qu’il le doit, Herbert Kickl. Ce dernier est parvenu à normaliser son parti - ainsi que ses idées - dans la vie politique autrichienne. Herbert Kickl a salué dans la soirée, «l'ouverture d'une porte sur une nouvelle ère». «Savourez ce résultat. C'est un morceau d'histoire que nous avons écrit ensemble aujourd'hui», a-t-il lancé à ses partisans réunis à Vienne. «Ce que nous avons accompli dépasse mes rêves les plus fous».
Sous l'empreinte de ce dernier, le FPÖ est devenu un parti profondément nationaliste. Anti-migrants, ses électeurs portent volontiers leur racisme en bandoulière et leur leader Herbert Kickl se déclare partisan d'une «remigration» pour les étrangers « qui pensent ne pas devoir respecter nos règles ». Ce concept a été forgé par le mouvement identitaire.
« Je ne vois pas du tout ce qu'il y a de mal dans ce mot », a déclaré Kickl lors de son dernier meeting public à Vienne. Au parlement européen, le FPÖ siège avec le Fidesz hongrois de Viktor Orban et le RN français. Pourtant Marine Le Pen avait exclu de siéger à Strasbourg avec l'AfD allemand précisément parce que des responsables de ce parti prônaient la «remigration». Dimanche soir, la chef de file du Rassemblement national a salué sur 𝕏 la victoire du FPÖ, y voyant après les scrutins italiens, néerlandais et français une «lame de fond» qui «confirme partout le triomphe des peuples».
Par ailleurs, le FPÖ se montre hostile aux sanctions contre la Russie. Durant la pandémie, Herbert Kickl a accusé l'Organisation mondiale de santé (OMS) de «vouloir former un nouvel homme». Il dénonce par ailleurs la « folie du genre et le culte de l'arc-en-ciel » (mouvement LGBT).
Une coalition difficile à bâtir
Sa victoire dans les urnes ne signifie pas pour autant qu'Herbert Kickl, le leader du parti, sera investi chancelier de la République fédérale. Avec 29% des voix, ce dernier doit trouver d'autres partenaires pour gouverner et les candidats potentiels sont très peu nombreux. À la différence de l'Allemagne, où son statut reste strictement protocolaire, le président Alexander Van der Bellen, membre du parti Verts, devrait logiquement refuser à Herbert Kickl le privilège de former un gouvernement, estimant que ce dernier ne recueille pas sa « confiance ». Par ailleurs, le chancelier actuel, Karl Nehammer, seul homme susceptible de nouer sous conditions une coalition avec le FPÖ, nourrit une forte animosité à l'égard du personnage Kickl.
Le dirigeant de centre-droit a exclu de former une coalition avec le parti de droite anti-immigré, dans l'hypothèse où son chef devait entrer au gouvernement. Si son veto devait se confirmer, les membres du FPÖ devraient alors renoncer à investir leur dirigeant pour espérer pouvoir gouverner : ce scénario est peu probable compte tenu du culte du chef dont Herbert Kickl fait l’objet parmi ses troupes. En revanche, certains milieux d'affaires affichent volontiers leur préférence pour une coalition entre droite anti-immigré et centre-droite.
Au nom du respect d’un cordon sanitaire de plus en plus fragile, la logique arithmétique et politique pourrait conduire l'OVP de Karl Nehammer à former une grande coalition avec le parti social-démocrate (SPÖ). Celui-ci a enregistré le pire score de son histoire (21 %). Les programmes économiques des deux sont également divergents et l'ajout d'une troisième force libérale devrait être nécessaire : ainsi l'Autriche serait pour la première fois dotée d'une coalition tripartite. Si l'on en juge l'expérience allemande, cette constellation n'augure pas d'une grande stabilité.
Dans ce cas, Herbert Kickl attendrait son heure. Le vainqueur des élections caresse un objectif politique qui semble peu compatible a priori avec la tradition démocratique de la République autrichienne. «Nous menons une lutte de libération contre le système » a-t-il annoncé.