vendredi 1 mars 2013

Dilemme multiculturel : musulman contre lesbienne. Quel droit l'emporte ?

Mise à jour du 1er mars 2013

Les deux parties sont parvenues à s'entendre lors d'une séance de médiation. Au cours de cette réunion tenue à huis clos, Faith McGregor et le propriétaire du salon de coiffure Omar Mahrouk  en sont venus à un accord. Les deux parties ont signé un accord de confidentialité qui leur interdit de rendre public tout détail lié à cet arrangement, une pratique courante lorsqu'un conflit se termine par la médiation plutôt que devant un tribunal.

On ne saura donc pas pour cette fois laquelle des deux « minorités protégées » (l'homosexuelle et la musulmane) aurait eu le dessus dans la course à la victimisation.



Billet original du 12 novembre 2012

Faith McGregor, une lesbienne revendiquée, est entrée en juin dernier chez un barbier, Terminal Barber Shop, sur la rue Bay à Toronto.

Elle voulait se faire couper les cheveux – une coupe « homme d'affaires » dit-elle – cheveux courts sur les côtés, le haut raccourci et effilé. Le barbier, comme beaucoup d’autres à Toronto, ne fait pas dans les coupes de cheveux de femmes. Mais McGregor, âgée de 35 ans, insiste sur une coupe masculine.

Faith McGregor devant le barbier musulman sur la rue Bay à Toronto
Le copropriétaire, Omar Mahrouk, lui répond que sa foi musulmane lui interdit de toucher une femme qui n'est pas une membre de sa famille. Tous les barbiers présents répondent de même.

« Pour moi, il s’agissait simplement d’une coupe de cheveux. Maintenant, on parle de religion, de sexe, de libertés fondamentales et commerciales en Ontario », a affirmé Faith McGregor.

Elle a aussitôt déposé une plainte auprès du « Tribunal » des droits de la personne en Ontario en disant qu'elle se sentait traitée comme une « citoyenne de second ordre. »

Omar Mahrouk a répondu, par le truchement de son avocat David Kolinsky, qu’il ne conteste pas les faits exposés par Faith McGregor, mais il réitère que d’être obligé de couper les cheveux d'une femme violerait sa liberté de religion.

« Nous vivons pour nos valeurs. Nous sommes des gens qui ont des valeurs et nous nous accrochons à elles. Je ne vais pas changer ce que notre foi nous enjoint de faire. Ce n'est pas extrême — c'est juste une valeur fondamentale que nous suivons », a déclaré Karim Saaden, copropriétaire du salon de coiffure.

Il a souligné qu'il s'agissait d'une question de respect de la liberté religieuse, et non d’une question de sexe.

Dans le passé, le « Tribunal » des droits de la personne a penché pour les homosexuels

Par le passé, les commissions des droits de la personne ont été un grand allié pour les militants homosexuels. Peut-être, parce que, traditionnellement, les militants homosexuels ont porté plainte contre des chrétiens. Et les chrétiens blancs constituent la seule communauté à laquelle les commissions des droits semblent n'accorder aucune valeur.

Récemment, les commissions canadiennes des droits de la personne ont condamné un club de santé réservé aux femmes qui refusait à un transsexuel mâle (avant son opération) qu'il se change dans le vestiaire des femmes.

Ils ont obligé des propriétaires chrétiens de pensions familiales d'accepter dans leur maison des couples homosexuels. Ils ont censuré des pasteurs et des prêtres qui ont osé critiquer le mariage homosexuel. Les homosexuels gagnent parce qu’il suffit de dire qu’ils sont outrés et choqués,  qu'ils se se sentent lésés, des citoyens de seconde zone. En effet, pour qu'il y ait offense dans la majorité des provinces il suffit que des actes ou propos soient « susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris ». Il est important de noter que les lois ne punissent pas uniquement les propos ou les actes haineux, mais la possibilité que des propos ou des actes puissent être interprétés par un quidam (peut-être très susceptible) de telle sorte qu'il conçoive un certain mépris envers un groupe fondé sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

Mais dans le cas des coiffeurs musulmans, les militants homosexuels ont enfin des adversaires dignes et à leur taille.  Il n’est pas évident que les lesbiennes seront les gagnantes. Qu’est-ce qui prime? Le respect des convictions religieuses ou la non-discrimination envers les homosexuels ? La lutte contre l’homophobie ou celle contre l’islamophobie ? Pour Ezra Levant qui a été poursuivi par des militants musulmans « offensés » les musulmans ont de bien meilleures cartes que les lesbiennes dans ce cas-ci. Ils sont l'emblème même du multiculturalisme et du correctivisme politique que les commissions des droits de la personne veulent protéger. (Voir la section Liens connexes ci-dessous).

Blancs chrétiens non protégés

Par contre le mâle blanc (et pire chrétien !) ne semble pas protégé par ces commissions si sourcilleuses. En effet, en 2003 un certain Quintin Johnson porta plainte auprès de la commission des droits de la personne de l'Alberta. Il se plaignait de discrimination sur la base de sa race, son sexe et sa religion. La source de cette plainte ? Deux disques de « musique ». Pour Johnson, deux chansons de  ces albums «  étaient susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris » les mâles blancs chrétiens. L'un était « Tuez les chrétiens » d'un groupe sataniste nommé Déicide (paroles ici, vidéo pour les masochistes ici) et l'autre « Tuez tous les blancs » par un groupe qui se fait appelé « Type O Negative » (leur bruit ici).

Dans son recours, Johnson demandait à la commission que ces albums soient retirés de la vente. Les disquaires se sont défendus en disant qu'ils n'avaient pas produit les disques incriminés et que les acheteurs offensés n'étaient pas obligés d'acheter lesdits albums.  L'affaire fut entendue par la même commissaire, Andreachuk, qui avait condamné le pasteur Boissoin à une amende de 7.000 $ pour avoir publié dans un journal local un article rappelant la doctrine chrétienne sur l'homosexualité (avec citations bibliques). Elle avait également interdit au révérend de reparler en public de ce sujet.

Que déclara la Kommissaire Andreachuk dans l'affaire Quintin Johnson ?
« ...bien que le contenu et le ton des communications soient à première vue discriminatoires, le groupe ciblé est très peu vulnérable »
Eh, voilà ! Peu importe si les blancs, les chrétiens sont exposés à de la haine, ils ne sont pas vulnérables. Circulez ! (Plus de détails sur l'affaire Quintin Johnson c. Music World Ltée, ici.)

Au moins un des droits est bidon ?

La Commission des droits de la personne dit que deux « droits » s’opposent dans le cas du barbier musulman et de la lesbienne à la coiffure virile.

Karen Selick, directrice du litige, de la Fondation canadienne pour la Constitution (FCC), est d’accord avec ce constat si on présente les choses de la sorte. Une seule des prétentions pourra sortir gagnante. Un des prétendus droits sera violé.

Mais le concept même de « droit », pour Mme Selick, comprend l'inviolabilité de celui-ci. Un véritable droit est quelque chose qui ne peut légitimement être violé par un simple pronunciamiento de la part d’une commission.

Pour la directrice de la FCC, chaque fois qu'il semble y avoir un conflit de « droits », au moins une des demandes — peut-être les deux — doit être fausse. Les seules demandes qui peuvent véritablement être des droits sont celles qui sont à la fois universelles et réciproques pour Mme Selick. Le droit à la vie, par exemple, signifie que vous ne tuez pas autrui et qu'on ne vous tue pas. Mais il ne s'agit pas d'un droit qui impose à d'autres de nous nourrir par exemple. Ils doivent simplement ne pas tuer. Dans ce cas, pour l’avocate, il est facile de discerner quelle est la prétention qu’il faut rejeter. L’affirmation de Faith McGregor, selon laquelle, elle a droit de ne pas subir de discrimination basée sur le sexe n'est pas réciproque. Si l’on devait lui donner raison, on imposerait aux coiffeurs une obligation de faire quelque chose pour elle, quelque chose qu'ils n'ont aucune envie de faire et ne demandent pas qu'elle fasse pour eux. Selon Mme Selick, il s’agit en fait d’imposer une forme de servitude aux barbiers, même si elle les paie pour la coupe de cheveux. 

Le prix d'une coupe de cheveux n'est clairement pas suffisant aujourd'hui pour les inciter à violer leurs pratiques religieuses, de sorte qu'elle les forcerait à travailler contre leur gré. Pour la FCC, les barbiers défendent un véritable droit dans ce cas. Ils doivent pouvoir refuser de couper les cheveux de quiconque — mais pas en vertu de leur liberté de conscience, mais plutôt de la bonne veille et toute simple liberté. La liberté signifie l'absence de coercition. Il comprend la liberté contractuelle. Un contrat implique un accord des parties sur les termes du contrat, y compris l'identité des parties. Pour Karen Selick, si on ne veut pas faire affaire avec quelqu'un pour une raison quelconque – que soit parce que ce sont des femmes, une personne étrangère à sa famille, ou parce qu’ils sont gauchers ou sentent mauvais — vous devriez pouvoir refuser de les servir. S’ils ont le droit de vous forcer à traiter avec eux, on revient à une forme de servitude involontaire.

Précédent du malheureux imprimeur chrétien

Il ne s’agit pas d’un conflit nouveau pour l’appareil des « droits de la personne » ontarien. Un conflit similaire a eu lieu en 1996 quand un imprimeur, Scott Brockie, un fervent chrétien, a refusé d'imprimer du papier à entête et des cartes d'affaire pour une organisation homosexuelle. Scott Brockie s’est prévalu de sa liberté de religion garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, mais cela a laissé de glace la Cour divisionnaire de l'Ontario, qui lui a ordonné de payer 5000 $ en dommages et intérêts et de réaliser le travail demandé par l'organisation homosexuelle. Le tribunal avait alors estimé qu'il était justifié de violer la liberté de religion de M. Brockie, droit pourtant inscrit dans la Charte, parce que cette liberté « causait un préjudice à autrui. » La cour concédait que l'imprimeur aurait pu refuser d'imprimer du matériel plus dérangeant pour ses convictions comme des ouvrages de prosélytisme ou de propagande.

M. Brockie avait dépensé plus de 100.000 $ pour sa défense. Il a également dû payer des dépens s'élevant à 40.000 $. Il sera intéressant de voir, dans un cas très similaire, si la demande d'un musulman au nom de sa liberté de religion connaîtra un meilleur sort aux mains de la commission.

Liens connexes

Gay activists have met their match with Muslim barbers (vidéo et article en anglais d'Ezra Levant: McGregor devrait boycotter, militer mais la justice ne doit pas intervenir, c'est le résultat du multiculturalisme et d'une immigration massive voulus par les gouvernements du Canada.)

Cour suprême et arrêt Whatcott  — « toutes les déclarations véridiques » ne doivent pas « être à l’abri de toute restriction »

« Extirper l'hérésie et le blasphème » ? (sur les commissions des droits de la personne au Canada)

 Projet de loi fédérale C-304 visant à abroger des sections liberticides de la Loi

Faut-il continuer à réprimer les propos qui peuvent exposer à la haine ou au mépris, des « pré-crimes », des crimes  ? (Ezra Levant)

Cour suprême du Canada — limites aux propos chrétiens « haineux » « homophobes » ?





Vidéo en anglais sur le sujet

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