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vendredi 8 décembre 2023
Le Napoléon de Ridley Scott : une caricature qui ridiculise l'Empereur selon plusieurs critiques (m à j)
L'avis de Jean Tulard, grand spécialiste, est plus nuancé. Certes c'est un film qui n'est pas historique, mais il n'est pas anti-français. Il a de belles scènes de bataille mais Austerlitz ne s'est pas passé comme le dépeint Ridley Scott. Il aurait dû s'appeler Napoléon et Joséphine, car c'est là l'unité du film, une histoire d'amour.
Billet du 21 novembre 2023
Le descendant du maréchal Joachim Murat a été voir le dernier film de Ridley Scott. Au lieu d’une fresque épique, le réalisateur nous offre une œuvre crépusculaire qui caricature l’Empereur, regrette-t-il. Toutefois, selon lui, les Français auraient tort de bouder ce grand spectacle. Le prince Joachim Murat est le descendant, à la septième génération, du maréchal Joachim Murat (1767-1815). Il s'exprime sur FigaroVox.
Bien sûr, je ne suis pas objectif. Je m'attendais de la part du réalisateur des «Duellistes» et de «Gladiator» à une fresque épique et shakespearienne. Une explosion d'énergie. Le panache, la gloire sans précédent, les victoires impensables, la galerie de personnages héroïques, la destinée messianique, le vent de liberté, l'épopée, l'aventure, la fougue, les possibilités infinies offertes par l'Empire, en un mot : la Grandeur.
«Parlons de l'Empereur, cela nous fera du bien» comme l'écrivait Victor Hugo.
Mais Ridley Scott signe une œuvre crépusculaire. Filmées dans une lumière froide, presque toutes les scènes sont tournées en automne, la brume prise dans les branches d'arbres sans feuilles. Très peu d'acteurs jeunes, alors que toute l'épopée impériale a été portée par la jeunesse. Bonaparte incarné par un Joaquin Phoenix de 50 ans, essoufflé du début à la fin, le teint grisâtre. Ce film est, dans l'ensemble, sombre. Presque triste. J'en suis sorti déçu, très déçu. Mais je le rappelle : je ne suis pas objectif.
Quant aux libertés prises avec les faits historiques, elles sont si nombreuses qu'on ne peut plus parler d'erreurs. Volonté du réalisateur de réécrire l'Histoire pour qu'elle corresponde à l'image qu'il veut donner de Napoléon et de Joséphine. Une série de raccourcis et d'inventions pour faire tenir toute l'épopée impériale dans un film de deux heures et demie. Et pourquoi pas ? Ridley Scott n'a jamais prétendu faire œuvre d'historien. Bonaparte faisant tirer au canon sur les pyramides. C'est absolument faux évidemment. Ce serait une allégorie pour montrer que Bonaparte n'avait rencontré aucune difficulté à vaincre les Ottomans. Napoléon quitte l'Égypte pour retrouver Joséphine dont il croit qu'elle a un amant et il fuit l'Île d'Elbe encore pour récupérer Joséphine. Toutes les décisions de Napoléon auraient été dictées par sa passion pour Joséphine. C'est très romantique comme vision mais c'est historiquement indéfendable. Plus gênant, il donne à Laetitia, mère de Napoléon, le rôle d'une maquerelle castratrice qui met une jeune fille dans son lit pour lui prouver qu'il peut avoir un fils. L'histoire est vraie mais Laetitia n'a rien à voir là-dedans. C'est salir inutilement l'image de la mère de l'Empereur.
« Les Français ne s'aiment pas » selon Ridley Scott. Il a raison. Sauf précisément dans le cas de son film qui semble avoir réalisé l'exploit de mettre à peu près tout le monde d'accord.
Joachim Murat
Voilà l'angle du film : l'amour que Napoléon a pour Joséphine résume toute la personnalité, les faiblesses de l'Empereur et toute l'histoire de l'Empire. Il lui doit tous ses succès mais il le conduit également à sa perte. C'est en fait un drame sentimental sur fond d'épopée impériale.
On y découvre un Napoléon sous l'emprise d'une mère abusive, un homme brutal avec Joséphine. Amoureux comme un petit garçon malhabile, pataud et peureux. Joaquin Phoenix incarne un Napoléon maladroit, infantile, cruel, indécis et faible.
Napoléon et Joséphine dans le film « sentimental » de Ridley Scott |
Finalement ce film n'humanise pas Napoléon, il le ridiculise.
Ridley Scott livre la vision anglaise, la légende noire du bandit corse (dans la dernière scène il meurt comme Dom Corleone dans «le parrain», le parallèle n'est pas d'une grande subtilité), un usurpateur mal élevé et rustre. Il en rajoute même sur la prétendue petite taille de Napoléon (la scène de la momie en Égypte) alors que Napoléon est dans la moyenne des tailles de l'époque. Sa petitesse est une invention de la propagande anglaise qui manifestement perdure. [Peut-être due à la différence de valeurs du pied français [32,48 cm] plus grand que le pied anglais [30,48 cm]. Sa taille est donnée à 5 pieds, 2 pouces, 4 lignes en unités françaises soit 1,686 m, alors qu'à Saint-Hélène, captif des Anglais, le Journal d'Andrew Darling, tapissier anglais qui fut chargé de prendre des mesures exactes assisté par le général Montholon donne comme taille : « 5 feet, 7 inches », soit en mesures anglaises : 30,48 x 5 + 2,54 x 7 = 1,702 m]
«Les Français ne s'aiment pas» selon Ridley Scott. Il a raison. Sauf précisément dans le cas de son film qui semble avoir réalisé l'exploit de mettre à peu près tout le monde d'accord. Pour les publications de tous bords, Ridley Scott frise le ridicule dans sa caricature de l'ogre impérial. Le film présente la France de la Révolution et de l'Empire comme un épisode malheureux d'un pays aux mains d'un peuple de canailles sanguinaires et mal élevées auquel miraculeusement le très distingué Duc de Wellington va rapporter un peu de dignité en mettant fin à cette malheureuse parenthèse plébéienne et grossière. Il semble, d'après la réaction des critiques et des premiers spectateurs français, que c'est pousser un peu loin le dénigrement historique.
Quoi qu’il en soit ça reste du grand spectacle. Alors ne boudons pas notre plaisir. Ce film propose une nouvelle vision sur l'Empereur, une vision que je ne partage pas, mais qui n'enrichit pas moins la réflexion sur Napoléon et son époque.
Quel sera le destin de ce film et quel sera son impact sur le grand public ? Bien malin qui pourrait le dire. À la fin du film une moitié de la salle l'a trouvé formidable, donnant une image humaine et sympathique de l'Empereur, tous très émus par sa relation avec Joséphine. L'autre moitié a eu l'impression d'une parodie mal jouée. Allez voir Napoléon, s'il provoque tant de réactions il doit bien y avoir de bonnes raisons.
L'avis mitigé de Christopher Lannes :
Billet du 17 novembre
Les critiques fustigent le film biographique de Ridley Scott sur Napoléon et s’en prennent à Joaquin Phoenix, un « homme-enfant pétulant », ainsi qu’à un film « ennuyeux » dont les scènes sont « profondément maladroites » et historiquement inexactes.
L’historien Patrice Gueniffey, écrivant dans Le Point, a critiqué le film comme étant « le film d’un Anglais… très anti-français » et a reproché au réalisateur d’avoir des « préjugés wokistes ».
Un critique de GQ a déclaré que le film l’avait « ennuyé », ajoutant qu’il y avait quelque chose de « maladroit », mais « involontairement drôle » dans le fait de voir des soldats français crier « Vive la France » avec des accents américains. [Pourquoi aller voir la version anglaise, il y a quelque chose d’anglomane à cela, quand il s’agit d’un film sur Napoléon, non ?]
Pour IndieWire, « Ridley Scott et Joaquin Phoenix livrent un film qui tient plus de la comédie que de l’épopée historique. Ceux qui craignent une glorification du dictateur n’ont pas à s’inquiéter. Vous ne serez pas prêts à la façon dont ce film humilie totalement l’ancien empereur des Français. La décision de Scott de retrouver Joaquin Phoenix aurait dû me mettre la puce à l’oreille que son “Napoléon” ne serait pas très flatteur pour son personnage historique, car le rôle de Phoenix en tant que jeune empereur [romain, Commode] pleurnichard dans “Gladiator” (Gladiateur) lui a ouvert la voie pour analyser l’insécurité masculine dans des films comme “The Master” (Le Maître) et celui où il jouait un clown vicieux. [...].
En regardant “Napoleon” — ou du moins la version hachée et quelque peu informe de 157 minutes qui sortira en salles avant le montage beaucoup plus long du réalisateur que les admirateurs qualifieront inévitablement de chef-d’œuvre à une date ultérieure — je n’ai pas pu m’empêcher de penser que Scott a peut-être été lui-même pris au dépourvu. Il ne fait aucun doute qu’il savait que le film serait drôle, mais il semble avoir été surpris par l’ampleur que prendrait cette drôlerie, et/ou peu enclin à admettre que le reste n’aurait que peu d’importance. »
Selon Le Figaro, le film devrait être rebaptisé « Barbie et Ken sous l’Empire » et a ajouté que Napoléon est dépeint comme une « brute sentimentale avec un fusil à la main prompte à verser une larme ».
Le journal québécois Le Devoir a titré « Pas Waterloo, mais pas non plus Austerlitz », faisant référence au dernier combat de Napoléon en Belgique et à son chef-d’œuvre tactique contre les Russes et les Autrichiens dans l’actuelle Tchécoslovaquie. L’article décrit le Napoléon de Phoenix comme un « un homme-enfant pétulant qui ne semble pas trop savoir ce qu’il fait ».
Pour The Economist, « Ce film raté est une étude de cas ». Deux versions de Napoléon Bonaparte cohabitent à l’écran. La première est celle d’un titan de l’histoire qui fait marcher de vastes armées à travers l’Europe, forgeant son propre destin et celui du continent. […] Le second Napoléon apparaît dans les dessins animés et les comédies avec un chapeau bicorne. Il est complexé par sa taille (en réalité, moyenne pour son époque) et parle avec un accent français de comédie (le vrai Napoléon avait un accent corse). Une version le présente comme l’incarnation de la puissance martiale, l’autre la tourne en dérision. On pourrait s’attendre à ce que le héros de « Napoléon », un film somptueux réalisé par Sir Ridley Scott [..], se range fermement dans le camp des potentats. Curieusement, il a un pied dans les deux.
Les critiques sur la réalisation du film s’ajoutent aux accusations de plus en plus nombreuses concernant les inexactitudes du film de la part d’historiens, dont Dan Snow, avant la sortie du film dans les salles de cinéma le 22 novembre.
Pour le critique du Devoir « Le problème fondamental du film “Napoléon”, du réalisateur Ridley Scott, est, paradoxalement, ce qui s’annonçait comme son principal atout : Joaquin Phoenix. » |
Un critique de GQ a titré : « Joaquin Phoenix grimace, Ridley Scott s’ennuie et nous aussi ».
S’exprimant ce matin dans l’émission Today de la BBC Radio 4, l’universitaire française Estelle Paranque a reconnu les inexactitudes du film, mais a insisté sur le fait que « c’est un film, ce n’est pas un documentaire ».
Mais en parlant de la représentation de l’exécution de Marie-Antoinette par Scott, elle a déclaré : « Cela m’a un peu agacée parce qu’il l’a rendue un peu intrépide et un peu fougueuse, alors qu’à l’époque, honnêtement, elle ne l’était pas ».
D’autres critiques ont souligné que Napoléon n’était pas présent lorsque Marie-Antoinette a été guillotinée. Le Dr Paranque a ajouté : « Elle a essayé de rester digne à la fin, mais je ne pense pas qu’elle aurait été aussi audacieuse. Et Napoléon n’était évidemment pas là ».
Le réalisateur Ridley Scott a répondu vertement aux accusations d’« inexactitudes » historiques. Dans une interview accordée au New Yorker, il a répondu à un critique qu’il devait « profiter de la vie » alors qu’il était interrogé à ce sujet. Dans un entretien au Sunday Times, Ridley Scott est nettement moins poli : « Lorsque j'ai des problèmes avec des historiens, je leur demande : "Excusez-moi, mon ami, étiez-vous là ? Non ? Alors, fermez votre gueule." »
Il y a 400 livres écrits sur lui. Peut-être que le premier était le plus exact, mais le suivant donne déjà une version de l’auteur », a-t-il déclaré. Lorsque vous arrivez au livre 399, devinez quoi, il y a beaucoup de spéculations.
Cette rebuffade n’a pas empêché les commentateurs de s’attaquer au portrait que le film peint du premier empereur des Français et de son cadre historique.
Sur la chaîne CNews, on a déclaré que le personnage du film était « trop linéaire pour apprécier la portée [de Napoléon] » et qu’il n’avait jamais « abordé la substance de ce qui a fait de [lui] un homme d’État incontournable.
La critique du Devoir s’en prend également à la performance de Phoenix, qu’elle qualifie de “problème fondamental” du film.
Dans une vidéo TikTok virale publiée au cours de l’été, Dan Snow a critiqué certaines scènes de la bande-annonce du film.
Un montage du réalisateur d’une durée de 270 minutes serait également en préparation, ce qui donnerait à Scott plus d’espace pour raconter son histoire.
L'immigration, ce tabou dans l'effondrement scolaire de la France
En 1989, dans Le niveau monte, Christian Baudelot et Roger Establet se proposaient de « réfuter une vieille idée concernant la prétendue décadence de notre école ». Le déclin éducatif de la France y était jugé absurde et la notion de niveau impossible à définir. Pendant des décennies, cette culture du déni a caractérisé l’essentiel des discours au sein de l’éducation nationale. La publication des évaluations communes à l’ensemble des collèges comme l’effondrement historique de notre pays dans le classement Pisa publié cette semaine ont depuis contribué à faire céder un certain nombre de digues. Et l’actuel ministre n’a désormais plus d’autre choix que d’en appeler à « un choc des savoirs » et à des mesures ambitieuses pour « élever le niveau de l’école » et « redonner de l’autorité aux enseignants ». L’inflexion à laquelle nous assistons va dans le bon sens, mais le redressement éducatif de la France, pour être plus qu’un vœu pieux, suppose une politique qui traite l’ensemble des causes à l’origine des effets que l’on déplore. Au regard de la nécessité du sursaut et du rôle d’accélérateur que l’immigration joue dans la crise de notre système éducatif, un état des lieux de ses répercussions devrait s’imposer. L’immigration demeure pourtant l’éléphant dans la pièce, le tabou suprême de la Rue de Grenelle.
(Nous pensons qu'il faudrait se pencher sur le type d'immigrés, on sait que, en moyenne, les enfants asiatiques en France ont de meilleurs résultats que les africains ou maghrébins par exemple). |
Cette incapacité à penser les liens entre les deux sujets s’avère d’autant plus absurde au regard de la réalité de nos établissements. Une récente note de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance révèle par exemple une augmentation de 20 % des élèves allophones en un an (près de 80 000 à la rentrée 2021).
Cette évolution spécifique s’inscrit dans un contexte d’accélération brutale de l’immigration. 40 % des moins de 4 ans en France sont immigrés ou d’origine immigrée. Près d’un demi-million d’étrangers y entrent chaque année et le nombre de naissance d’enfants dont les deux parents viennent de l’étranger a augmenté de 59 % en vingt ans. Des académies comme Aix-Marseille, Créteil, Mayotte et la Guyane sont particulièrement touchées par ces dynamiques, mais aucun pan du territoire national n’y échappe désormais, parfois avec de belles réussites. Les travaux de Christophe Guilluy nous apprennent ainsi qu’une partie significative des enfants de l’immigration connaît une ascension sociale. Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui dira l’inverse tant il sait, par sa trajectoire familiale, ce qu’il doit à l’assimilation républicaine. Force est de constater néanmoins que la machine à faire des citoyens est en panne et que l’immigration, pour au moins deux raisons, exacerbe le déclin éducatif auquel la France est en proie.
Les résultats scolaires des jeunes issus de l’immigration sont tout d’abord nettement inférieurs à la moyenne, ce qui contribue à notre déclassement dans les études internationales. Cela favorise par ailleurs l’hétérogénéité des classes, déjà importante du fait de la massification, et conduit dès lors de nombreux professeurs à aligner leurs exigences sur le niveau des plus faibles. L’ensemble des statistiques à notre disposition accrédite ce constat. Les allophones sont par exemple largement en décrochage en comparaison de leur classe d’âge, et 20 % d’entre eux n’étaient pas scolarisés dans leur pays d’origine. De fortes inégalités persistent au-delà de cette population, comme le montre l’enquête Pisa 2018 en lecture. Les jeunes Français « autochtones ou descendants d’immigrés de troisième génération ou plus » y obtiennent un score très élevé, du niveau de Taïwan et du Danemark, tandis que le score des « enfants d’immigrés » est inférieur de 9 % et celui des « immigrés » de 18 %. Dans le volet 2022 fraîchement publié de cette enquête, le verdict demeure sans appel. Il apparaît en effet que les élèves issus de l’immigration ont 2,4 fois plus de risques que ceux dits « autochtones » de se retrouver parmi les élèves peu performants en mathématiques (écart moyen entre les scores de ces deux groupes de 51 points, contre 32 en moyenne dans L’OCDE). Ces données complètent utilement un rapport alarmant de 2015 du Centre national d’étude des systèmes scolaires ainsi qu’une étude du ministère de 2019 sur la nature plus chaotique des « trajectoires scolaires des enfants d’immigrés jusqu’au baccalauréat » : redoublements fréquents, résultats plus faibles, réussite moindre au baccalauréat, orientation accrue dans les filières professionnelles.
À cette divergence de niveau s’ajoute la réalité de chocs culturels qui entravent l’aspiration républicaine à « faire un ».
Il ne s’agit pas de dire que les sociétés homogènes sont exemptes de violences et de crispations : le harcèlement scolaire est par exemple enraciné dans la culture japonaise. Dans le cas français, les dynamiques migratoires des quarante dernières années sont néanmoins particulièrement corrélées à la prolifération des actes de séparatisme à l’école, des contestations d’enseignements et des atteintes à la laïcité. Par incapacité à sanctuariser notre école, nous avons fait de celle-ci le réceptacle des forces centrifuges du corps social. Et nous avons fermé les yeux aussi bien sur l’ethnicisation des rapports sociaux que sur le caractère explosif de la « distance culturelle » (Didier Leschi) et du ressentiment colonial qui travaillent nombre des élèves d’origine immigrée. La France est ainsi devenue l’un des pires pays au monde du point de vue de la discipline en classe, avec de lourdes conséquences sur l’attractivité du métier d’enseignant et sur la capacité de l’institution à transmettre des savoirs.
Ces problèmes spécifiques posés par l’immigration à l’école n’ont rien à voir avec un quelconque « racisme d’État » ou une volonté de reléguer certaines populations. Les réformes des quarante dernières années ont systématiquement été conduites au nom de l’impératif d’inclusion. Et la France met en oeuvre une politique généreuse d’investissements [de dépenses importantes] dans les réseaux d’éducation prioritaire, largement concernés par le fait migratoire, dont un rapport de 2018 de la Cour des comptes prouve l’inefficacité. À rebours de ces fantasmes, gageons que le problème tient davantage au volume des flux migratoires et à leur nature de plus en plus extra-européenne (en provenance notamment du Maghreb et d’Afrique subsaharienne) et sous-diplômée. Près d’un élève immigré sur deux en France est par exemple issu d’un milieu défavorisé, contre 37 % en moyenne dans L’OCDE. Il faut avoir le courage de dire, sans stigmatiser qui que ce soit, que cette situation n’est plus tenable et qu’un seuil de tolérance a été franchi. L’immigration est certes un facteur parmi d’autres de la crise de l’école, mais elle aggrave l’ensemble des problèmes que connaît celle-ci. Et il y a quelque chose d’abject à écarter le sujet d’un revers de la main pour se donner bonne conscience, échapper à la vindicte antiraciste et satisfaire des pulsions iréniques douteuses. « Le courage, c’est dire la vérité sans subir la loi du mensonge triomphant qui passe », disait Jaurès. Ayons aujourd’hui ce courage. Et prenons enfin au sérieux la question du redressement de l’école dont dépend ce que vaudra la France demain.