Lise Ravary et Andrew Coyne (Le suicide assisté nous rend tous complices de la mort d’autrui) s’inquiètent du projet de loi fédérale sur l’euthanasie (C-14) imposée en quelque sorte par la décision de la Cour suprême non élue du Canada que nous avions déjà critiquée : Suicide assisté : décision disproportionnée de la Cour suprême dans ses effets prévisibles et potentiels ?.
Pour Andrew Coyne, il est désormais clair ce que le « suicide assisté » signifie et ce qu’il ne signifie pas. Il ne s’agit pas du droit d’adultes sains d’esprit de mettre fin à leur propre vie ou de refuser un traitement qui pourrait sauver : ce droit existe longtemps et il n’est pas remis en question.
En effet, il ne s’agit pas du tout d’adultes sains d’esprit qui souffriraient des douleurs insupportables à l’article de la mort. C’est sans doute la façon dont la plupart des gens voient la question et c’est peut-être la façon dont elle est encore justifiée par ceux qui ne font pas attention. C’est peut-être encore, pour l’instant, les limites énoncées dans le projet de loi C-14, une loi fédérale autorisant « l’aide médicale à mourir ».
Mais il est également clair que nous n’en sommes qu’au début. Ce qui constituait naguère les limites les plus extrêmes imaginables, quelque chose autorisé que dans quelques autres pays sur la Terre, est devenue la ligne de base. Les sénateurs, armés d’aucun mandat démocratique, qui promettent de retarder ou d’abroger le projet de loi n’y opposent pas parce qu’il va trop loin : parce que, par exemple, il ne nécessite pas dans tous les cas le consentement du patient, car il permet à une autre adulte de signer en leur nom ; ou parce que la période d’attente de 15 jours est facultative, à la discrétion du médecin ; ou parce qu’il ne nécessite pas que la mort soit imminente et inévitable, mais seulement qu’il soit « raisonnablement prévisible ». Pour ce carnet, la mort est raisonnablement prévisible dès la naissance...
Non, la raison pour laquelle le projet de loi est critiqué par ces sénateurs c’est qu’il n’irait pas assez loin : en particulier, car il ne permet pas la mettre la fin aux jours des enfants, ni à ceux des malades mentaux, ni à ceux qui prévoient officiellement leur disparition à l,avance de peur de ne pouvoir consentir à leur suicide assisté le moment venu. Pire encore, le projet de loi oserait encore exiger pour ces sénateurs que la mort soit vaguement à l’horizon : la souffrance physique ou psychologique ne suffirait pas. Les sénateurs reprochent cette condition qui n’est pas stipulée dans la décision de la Cour suprême de l’année dernière, laquelle décision est brusquement devenue parole d’Évangile.
Pour Lise Ravary, « nous a chanté la sérénade à l’effet qu’il existe un vaste consensus autour de la loi québécoise, admirablement élaborée dans un contexte non partisan, mais rapidement, des voix dissidentes se sont fait entendre, tant du côté des médecins que des patients, certains trouvant que la loi n’allait pas assez loin. Qu’elle devrait permettre aux personnes souffrantes, mais dont la vie n’est pas menacée, d’être admissible à l’aide à mourir. »
Le Canada pourrait le permettre — et le Québec devrait suivre —, car son projet de loi retire la condition de fin de vie pour la remplacer par cette phrase ambigüe : « la mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de sa l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie. »
De plus, C-14 permet aux médecins, infirmiers ou pharmaciens d’aider activement une personne qui souhaite se donner la mort elle-même. Mais ce projet de loi ne permet pas l’aide à mourir dans les cas de maladie mentale ou pour les mineurs. Ni ne permet de signer une autorisation à l’avance « au cas où », un jour, la personne sombre dans la démence.
Bien sûr, des zélotes des droits individuels crient déjà que C-14 ne va pas assez loin... Un jour, pas très lointain, on leur donnera raison, n’ayez crainte.
Lise Ravary rapporte avoir entendu un collègue chroniqueur en vue dire à la radio : « Prenons ce qu’on nous donne maintenant. Un jour, la loi sera plus permissive ».
Nous sommes émus à en pleurer quand un jeune dépressif se donne la mort, mais le lendemain, nous pouvons discuter calmement de la possibilité de permettre à un autre jeune qui souffre de dépression de « se faire suicider » par un professionnel de la santé.
La Belgique en déroute
Depuis l’adoption de sa loi sur l’euthanasie, à son honneur, c’est le terme qu’elle emploie, la Belgique glisse allègrement vers la permissivité totale.
L’an dernier, le magazine The New Yorker a raconté aux Américains médusés l’histoire de la Belge Godelieve de Troyer qui s’enfonçait dans la dépression après une rupture amoureuse. De plus, elle ne s’entendait pas très bien avec ses enfants. Elle a choisi l’euthanasie. Ce qui fut accordé.
Au fil des ans, la Belgique a euthanasié des autistes, des dépressifs, des transgenres, des anorexiques, des personnes souffrant du trouble de la personnalité limite, comme Stéphanie St-Jean, la gagnante de La Voix, des personnes affligées du syndrome de fatigue chronique, des sourds et muets, des enfants, des bipolaires, des paralysés partiels, etc.
Depuis cinq ans, le nombre de personnes euthanasiées ou « suicidées » en Belgique a augmenté de 150 %. En Hollande, il a doublé.
Au Québec, on nous a répété pendant des mois que les cas d’aide médicale à mourir seraient rarissimes. Or, chuchotent des professionnels de la santé à qui j’ai parlé, c’est tout le contraire qui se passe depuis la mise en application de Mourir dans la dignité.
Il y aurait foule au mouroir, mais le gouvernement refuse de donner des statistiques.
Selon Andrew Coyne, normaliser le suicide amènera des changements sociaux significatifs. Il ne s’agit pas que d’une question de droits individuels. Ce dont nous refusons de discuter, trop apeurés par notre propre mort, et le risque relativement élevé de souffrir avant que notre lumière ne se ferme pour toujours.
Ou tout simplement parce que nous manquons de courage et que nous sommes mal équipés intellectuellement et moralement pour s’engager dans un débat en profondeur sur le sens de la vie, de la mort et de la souffrance humaine dans un contexte social.
Un exemple : les jeunes, qui ont grandi dans un vide moral, et à qui on essaie de faire comprendre que le suicide n’est jamais la solution, doivent bien se bidonner devant notre enthousiasme pour l’euthanasie ou le suicide assisté, dignement ou pas.
Pour Andrew Coyne, il est désormais clair ce que le « suicide assisté » signifie et ce qu’il ne signifie pas. Il ne s’agit pas du droit d’adultes sains d’esprit de mettre fin à leur propre vie ou de refuser un traitement qui pourrait sauver : ce droit existe longtemps et il n’est pas remis en question.
Selon Andrew Coyne, le suicide assisté ne vise pas à soulager la douleur des mourants, mais à soulager la douleur des vivants |
Mais il est également clair que nous n’en sommes qu’au début. Ce qui constituait naguère les limites les plus extrêmes imaginables, quelque chose autorisé que dans quelques autres pays sur la Terre, est devenue la ligne de base. Les sénateurs, armés d’aucun mandat démocratique, qui promettent de retarder ou d’abroger le projet de loi n’y opposent pas parce qu’il va trop loin : parce que, par exemple, il ne nécessite pas dans tous les cas le consentement du patient, car il permet à une autre adulte de signer en leur nom ; ou parce que la période d’attente de 15 jours est facultative, à la discrétion du médecin ; ou parce qu’il ne nécessite pas que la mort soit imminente et inévitable, mais seulement qu’il soit « raisonnablement prévisible ». Pour ce carnet, la mort est raisonnablement prévisible dès la naissance...
Non, la raison pour laquelle le projet de loi est critiqué par ces sénateurs c’est qu’il n’irait pas assez loin : en particulier, car il ne permet pas la mettre la fin aux jours des enfants, ni à ceux des malades mentaux, ni à ceux qui prévoient officiellement leur disparition à l,avance de peur de ne pouvoir consentir à leur suicide assisté le moment venu. Pire encore, le projet de loi oserait encore exiger pour ces sénateurs que la mort soit vaguement à l’horizon : la souffrance physique ou psychologique ne suffirait pas. Les sénateurs reprochent cette condition qui n’est pas stipulée dans la décision de la Cour suprême de l’année dernière, laquelle décision est brusquement devenue parole d’Évangile.
Pour Lise Ravary, « nous a chanté la sérénade à l’effet qu’il existe un vaste consensus autour de la loi québécoise, admirablement élaborée dans un contexte non partisan, mais rapidement, des voix dissidentes se sont fait entendre, tant du côté des médecins que des patients, certains trouvant que la loi n’allait pas assez loin. Qu’elle devrait permettre aux personnes souffrantes, mais dont la vie n’est pas menacée, d’être admissible à l’aide à mourir. »
Le Canada pourrait le permettre — et le Québec devrait suivre —, car son projet de loi retire la condition de fin de vie pour la remplacer par cette phrase ambigüe : « la mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de sa l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie. »
De plus, C-14 permet aux médecins, infirmiers ou pharmaciens d’aider activement une personne qui souhaite se donner la mort elle-même. Mais ce projet de loi ne permet pas l’aide à mourir dans les cas de maladie mentale ou pour les mineurs. Ni ne permet de signer une autorisation à l’avance « au cas où », un jour, la personne sombre dans la démence.
Bien sûr, des zélotes des droits individuels crient déjà que C-14 ne va pas assez loin... Un jour, pas très lointain, on leur donnera raison, n’ayez crainte.
Lise Ravary rapporte avoir entendu un collègue chroniqueur en vue dire à la radio : « Prenons ce qu’on nous donne maintenant. Un jour, la loi sera plus permissive ».
Nous sommes émus à en pleurer quand un jeune dépressif se donne la mort, mais le lendemain, nous pouvons discuter calmement de la possibilité de permettre à un autre jeune qui souffre de dépression de « se faire suicider » par un professionnel de la santé.
La Belgique en déroute
Depuis l’adoption de sa loi sur l’euthanasie, à son honneur, c’est le terme qu’elle emploie, la Belgique glisse allègrement vers la permissivité totale.
L’an dernier, le magazine The New Yorker a raconté aux Américains médusés l’histoire de la Belge Godelieve de Troyer qui s’enfonçait dans la dépression après une rupture amoureuse. De plus, elle ne s’entendait pas très bien avec ses enfants. Elle a choisi l’euthanasie. Ce qui fut accordé.
Au fil des ans, la Belgique a euthanasié des autistes, des dépressifs, des transgenres, des anorexiques, des personnes souffrant du trouble de la personnalité limite, comme Stéphanie St-Jean, la gagnante de La Voix, des personnes affligées du syndrome de fatigue chronique, des sourds et muets, des enfants, des bipolaires, des paralysés partiels, etc.
Depuis cinq ans, le nombre de personnes euthanasiées ou « suicidées » en Belgique a augmenté de 150 %. En Hollande, il a doublé.
Au Québec, on nous a répété pendant des mois que les cas d’aide médicale à mourir seraient rarissimes. Or, chuchotent des professionnels de la santé à qui j’ai parlé, c’est tout le contraire qui se passe depuis la mise en application de Mourir dans la dignité.
Il y aurait foule au mouroir, mais le gouvernement refuse de donner des statistiques.
Selon Andrew Coyne, normaliser le suicide amènera des changements sociaux significatifs. Il ne s’agit pas que d’une question de droits individuels. Ce dont nous refusons de discuter, trop apeurés par notre propre mort, et le risque relativement élevé de souffrir avant que notre lumière ne se ferme pour toujours.
Ou tout simplement parce que nous manquons de courage et que nous sommes mal équipés intellectuellement et moralement pour s’engager dans un débat en profondeur sur le sens de la vie, de la mort et de la souffrance humaine dans un contexte social.
Un exemple : les jeunes, qui ont grandi dans un vide moral, et à qui on essaie de faire comprendre que le suicide n’est jamais la solution, doivent bien se bidonner devant notre enthousiasme pour l’euthanasie ou le suicide assisté, dignement ou pas.