vendredi 10 novembre 2023

La sous-scolarisation des hommes n'intéresse pas le pouvoir

D'une chronique de Mario Dumont

Avouons-nous la vérité! Si la sous-scolarisation touchait les femmes, on en parlerait tous les jours, il y aurait un plan d’action impliquant tous les ministères. Pour les hommes, on se contente d’un sous-chapitre dans un document des Finances sur la perte de productivité.

Seuls 69% des garçons obtiennent leur diplôme secondaire dans les délais prévus. Seuls 41% des diplômés au Québec sont des gars. C’est la plus faible proportion de tout le Canada.

Évidemment, les garçons n’obtenant pas leur diplôme d’études secondaires, la sous-scolarisation se prolonge et s’aggrave au niveau collégial et universitaire. Au dernier relevé, il y avait 185 000 femmes dans les universités québécoises contre seulement 128 000 hommes. 


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On commence à parler de l’indécence consistant à recruter du personnel médical dans des pays beaucoup moins bien dotés que le Canada. On s’est par exemple insurgé le mois dernier que le Québec démarche au Cameroun, au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire, quatre pays figurant sur la liste rouge de l’Organisation mondiale de la santé. Leur nombre d’infirmières pour 10 000 habitants varie de 1,9 à 6,45 alors qu’il est de… 102,7 au Canada. 
 
Le problème déborde cependant du cadre médical. Quand le Canada recrute des ingénieurs, des informaticiens, des chercheurs, des gestionnaires ou encore des étudiants en ces domaines, il oublie -ou fait mine de ne pas savoir- que ce sont autant de têtes diplômées ou en voie de l’être qu’il vole à des pays qui en auraient besoin pour se construire. Les ambassadeurs de trois pays africains -le Maroc, la Côte d’Ivoire et le Bénin- lancent un cri du cœur pour faire réaliser à l’Occident les conséquences de ce dragage. 

«Ça dépouille, bien évidemment, cette fuite de cerveaux. Nos pays sont en pénurie de cadres de qualité. Au Bénin, nous ressentons le coup», lance Luc Isidore Takpa, consul honoraire à Montréal -le Bénin n’a plus d’ambassade au Canada. «On n’arrive pas à atteindre le niveau d’expertise de ces pays [occidentaux] parce qu’il y a fuite», ajoute-t-il. Il raconte que le Bénin vit un boom similaire à ce qu’a vécu le Québec lors de la Révolution tranquille. Tout est en construction. Mais le manque de connaissances oblige le pays à faire appel à la Chine, qui débarque avec ses ouvriers et repart ensuite avec son savoir-faire.

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Bafétigué Ouattara, l’ambassadeur de la Côte d’Ivoire, abonde. «Il n’y a de richesse que l’Homme. Le développement est porté à bout de bras par les ressources humaines, par des compétences, et sans ces compétences, la crème de notre société s’en va. Le développement ne peut pas être harmonieux.» La Côte d’Ivoire, donne-t-il en exemple, est le plus grand producteur de cacao au monde, mais il aurait besoin de savoir-faire pour le transformer à domicile et ainsi encaisser la plus-value.

Au Maroc, expose l’ambassadrice Souriya Otmani, ce sont de 8000 à 10 000 cadres supérieurs qui quittent le pays chaque année. À eux s’ajoutent des spécialistes divers. Bon an mal an, dit-elle, la moitié des 1500 diplômés de l’École Mohammadia d’ingénieurs, la principale école de génie au pays, partent. Les chasseurs de têtes marocains «travaillent maintenant exclusivement pour l’international». «Cela a un impact direct sur l’économie, les services, sur tout le développement du pays. Et c’est un investissement important du Maroc dans la formation de ces cadres dont il ne bénéficie pas.»

Tous trois plaident pour une migration qui s’inscrirait plutôt dans une perspective de co-développement. Mme Otmani donne l’exemple d’une entente entre le Maroc et l’Allemagne en vertu de laquelle un contingent de personnel médical part pour l’Europe y travailler et parfaire sa formation. Lorsqu’il revient deux, trois ou quatre ans plus tard, il ramène au pays de meilleures connaissances tandis que l’Allemagne reçoit une nouvelle cohorte. M. Ouattara aimerait pour sa part que les pays qui se servent chez lui offrent en contre-partie des ressources pour bâtir des infrastructures éducatives. [...]

Source: Le Soleil