mardi 2 octobre 2007

France — Le niveau du bac augmente-t-il ?

S'il faut en croire les extraits de cette lettre d'une correctrice au baccalauréat français publiée dans le numéro 542 de Marianne, il n'est pas du tout évident que le niveau du bac augmente en France. Ce témoignage semble conforter celui, publié indépendamment, d'une modératrice au bac qui avouait son malaise quant au méthode de corrections des copies du baccalauréat français.
Non, le niveau du bac n'augmente pas!

Professeur d'anglais en lycée, je corrige tous les ans les épreuves du bac à l'écrit et ne peux que constater la pauvreté tant lexicale que syntaxique de la majorité des copies que je suis obligée de surnoter : en effet, les instructions de correction sont telles que même la plus mauvaise copie n'aura jamais moins de 7/20.

De plus, on nous demande de corriger un paquet et de contacter un interlocuteur qui vous dit : « Votre moyenne est trop basse par rapport aux quotas; recommencez tout et alignez-vous sur l'ensemble. » Ce qui veut dire recorriger
le premier paquet et surnoter, car nous sommes contraints d'attribuer la moitié des points même si le candidat ne sait pas construire un énoncé de base, s'il n'a pas compris l'énoncé ou si sa réponse est erronée !

Ensuite, les médias et les inspecteurs nous scandent que le niveau augmente! Il faut rectifier tout cela et arrêter le politiquement correct : le niveau baisse à toute vitesse, car le niveau d'exigence est au plus bas ! Mais, il faut le
dire, avec ce système démagogique qui pervertit l'enseignement — pression voire harcèlement,menaces d'avancement de carrière freiné ... —, tout le monde est content et la paix sociale, assurée.

Le bac actuel ne sanctionne plus un niveau de compétences acquises au lycée mais récompense la médiocrité, voire le néant le plus total, et avec mention ! L'exigence est condamnée et dénoncée par les supérieurs hiérarchiques, le ministère, les parents, les médias. Ainsi, l'enseignant qui attribue de bonnes notes est un bon enseignant qui avancera bien plus vite dans sa carrière que celui qui met la note juste.

[...]

Depuis 2006, le mot d'ordre est d'« attribuer un maximum de mentions ». C'est la nouvelle mode. N'oublions pas que les objectifs européens de réussite
au bac sont de 90 % pour 2010... Très encourageant, n'est-ce pas ? Maintenant que le peuple est habitué à entendre des taux de réussite records, on n'est pas près de voir ces chiffres baisser et donc de retrouver l'exigence qui faisait la qualité et la réputation de notre enseignement !

Monique Ferreira
Heureusement, ce genre de choses ne se passe pas de ce côté-ci de l'Atlantique !

Le pédagogisme envahissant du Monopole

Petite réaction pour faire suite à un article de M. Jean-François Lisée publié dans L'Actualité du 15 avril 2007 :
On sait où va la réforme qui révolutionne le système scolaire: dans le mur. Une suggestion pour éviter le désastre.

Les « compétences transversales » et l’enseignement par projets, implantés dans nos écoles primaires, figureront l’an prochain dans une école secondaire près de chez vous. Il est vrai que ces concepts apparaissaient dans les documents issus des États généraux sur l’éducation, en 1996, qui ont aussi conduit aux garderies à cinq dollars, à la maternelle à cinq ans pour tous et à bien d’autres améliorations.
M. Lisée paie ici un hommage au prêt-à-penser des « élites » québécoises. Les garderies fortement subventionnées par l’État ne sont pas des améliorations, mais constituent une mesure de subventions destinées à la classe moyenne dont la mère est salariée. Elle ne touche que 50 % des familles avec enfants en bas âge, prive le Québec d’importantes ressources pour une politique universelle (quid des autres 50 % ?) efficace. On rappellera que l'allocation universelle naissance a été dénoncée par les féministes québécoises, car il aurait s'agit d'une mesure « cherchant à nous retourner aux berceaux et aux fourneaux » . Ces garderies ont encore grossi le rôle de l’État, alors qu’il était nettement plus simple et juste d’accorder un crédit d’impôt équivalent à la subvention des garderies à tous les parents. Cette politique est inique et inefficace pour ce qui est de la natalité surtout en comparaison avec les allocations de naissances et sans effets bénéfiques éducatifs notables, mais elle pourrait avoir des effets comportementaux et sanitaires néfastes.
Mais ceux qui, comme moi, ont suivi la gestation de la réforme en spectateurs intéressés, même au sein du gouvernement, furent extrêmement surpris de l’importance prise par ces aspects-là en particulier. Nous étions un certain nombre, Lucien Bouchard en tête, à avoir plutôt compris que le but de la réforme était de recentrer l’enseignement sur les matières de base, pas d’opérer une révolution pédagogique totale et unique au monde.

En prenant le pouvoir, en 2003, les libéraux auraient pu tout jeter aux orties, blâmant les péquistes. Au contraire, ils s’en sont fait les défenseurs. On connaissait la force d’inertie. On découvre la force réformiste. Venue de nulle part, elle est de celles que rien ne peut arrêter.
On remarque ici un autre méfait du Monopole amorphe : on ne sait pas très bien qui décide de cette révolution imposée à toutes les écoles, mais on ne peut y échapper au Québec ! Rappelons que même les écoles qualifiées de privées au Québec doivent subir les diktats des gnomes anonymes de Québec en matière de programme et de régime pédagogique.
[...]
j’ai été frappé par le recul des résultats de nos marmots, l’an dernier, dans la première épreuve internationale tenue depuis la réforme. Je suis sensible à ce que disent les enseignants. Ils sont plus de 60 % à noter une détérioration de la réussite des enfants. Cela dit, beaucoup croient qu’il faut persévérer, du moins au primaire.

La situation est plus problématique au secondaire, où la résistance à l’introduction de la réforme est forte chez les enseignants.

C’est majeur, surtout que, à la faveur des mises à la retraite en 1996-1997, plus de 9 000 jeunes profs ont intégré le réseau. Nous ne sommes pas face à de vieux croûtons réfractaires au changement. De plus, on ne souligne jamais assez que le système actuel a permis à nos élèves de 15 ans de se classer premiers en sciences et en mathématiques dans les trois épreuves subies par un million d’enfants dans 45 pays depuis 1994. Aucune autre société n’obtient des résultats aussi élevés, avec aussi peu de différences entre les élèves des milieux favorisés et défavorisés. Ces résultats placent le Québec devant l’Ontario et très loin devant les États-Unis. Le taux de décrochage chez les jeunes est toujours problématique dans l’est de Montréal, mais il a régressé au Québec de 1975 (46 %) à 2005 (30 %). Et le nombre de raccrocheurs augmente sans cesse, ce qui réduit de moitié le nombre de sans-diplôme.
Oui, nous connaissons même des mennonites conservateurs dont l’école ne plaît pas au Monopole et qui, à leur arrivée au Québec, pour avoir accès à certains métiers règlementés ont passé en un jour leur secondaire V, malgré ce que peuvent penser des journalistes médiocres du Journal de Montréal des écoles mennonites en Ontario où on enseignerait, selon eux, « n’importe quoi ». Et ceci, sans que l'instruction de ces mennonites ait coûté un sou aux contribuables, alors que ces mennonites ont payé deux fois pour ce « privilège » : leurs impôts qui paient les écoles publiques et leurs contributions pour financer leurs propres écoles.
Ainsi, selon les derniers chiffres de l’OCDE, le taux d’obtention d’un diplôme secondaire au Québec est supérieur à la moyenne des pays industrialisés, devançant la France, la Suède et les États-Unis.
Amusant. Monsieur Lisée sait-il que le baccalauréat français, qui sanctionne en France la fin des études secondaires, est équivalent au diplôme collégial du Québec et non au diplôme secondaire ? En d’autres termes, le DES ne sanctionne pas le même niveau d’étude que le bachot. Et M. Lisée fait-il semblant d’ignorer la volonté politique d’augmenter sans cesse le taux d’obtention quitte à ajuster les barèmes de correction et à surcoter les copies pour atteindre les objectifs ?

Ce train file droit dans le mur. Comment les partisans de la réforme ne le voient-ils pas ? À quelques jours des élections, les chefs des partis devraient opérer un repli. Si j’étais eux, je déclarerais un moratoire de 10 ans sur l’introduction de la réforme au secondaire, pour appliquer celle-ci seulement dans des écoles-pilotes volontaires et représentatives des milieux fortunés et défavorisés. Cela donnerait le temps à la fois d’évaluer à fond ses effets au primaire et de comparer les résultats des écoles-pilotes avec ceux du secteur non réformé, afin de prendre une décision définitive en connaissance de cause. Si les réformistes sont certains de la valeur de leurs propositions, ils n’ont qu’à se dire que les résultats leur donneront raison. Mais l’enjeu est trop grand pour qu’on leur signe, aujourd’hui, un chèque en blanc.
Beaucoup plus simple et plus définitif : libérer l’école et permettre aux écoles devenues libres de ne plus être soumises aux diktats du Monopole, ni en matière de programme, ni en ce qui a trait à la pédagogie ou même la qualification des enseignants. Ce dernier élément peut surprendre, et pourtant ! En effet, la qualification universitaire de plus en plus longue exigée par le Monopole des enseignants au Québec n'a pas démontré qu'elle augmentait la qualité de l'enseignement (voir « Si j'aurais su »). En revanche, elle renchérit la formation subventionnée de ces futurs enseignants et justifie une rénumération croissante, le tout au frais des contribuables captifs.