dimanche 17 janvier 2021

Québec — Données inédites suggèrent fortement que les écoles ne sont pas un moteur de l’épidémie

Extraits d’un article du Soleil de Québec sur des données inédites qui confirment les études suédoises, finnoises et suisses : les enfants sont peu atteints par la Covid=19 et peu contagieux. Ces études sont parfois remises en question notamment parce que la COVID-19 ne provoque souvent aucun symptôme chez les enfants, ce qui fait qu’on les teste moins. Une bonne partie des « cas pédiatriques » auraient donc pu passer inaperçus, ce qui aurait fait conclure (erronément apparemment) à certaines études que les écoles ne sont pas des lieux de contagion significatifs.

À cet égard, cependant, la Santé publique du Québec a effectué quelques opérations de dépistage systématique dans des écoles qui permettent de contourner ce problème méthodologique. Quand il semblait y avoir une éclosion sérieuse dans un établissement, la Santé publique a souvent envoyé des équipes sur place pour tester tous les élèves de l’école, ou du moins ceux de plusieurs classes. Il peut certainement y avoir eu des enfants qui sont passés entre les mailles de ce filet — par exemple parce que leurs parents n’ont pas rempli le formulaire autorisant à tester leurs enfants —, mais cela donne quand même des statistiques qui sont largement indépendantes de la présence de symptômes, et possiblement le plus solide indicateur que l’on ait de la transmission dans les écoles.

C’est grosso modo la lecture qu’en font Mme Granvaux et Dre Quach. « Pour réussir à voir combien d’enfants ont été infectés par le cas index [NDLR : la première personne qui amène le virus dans un milieu], le seul moyen est de tester tout le monde à un moment précis », dit cette dernière.

Malheureusement, ni la Santé, ni l’Éducation, ni la plupart des directions régionales de santé publique n’ont pris soin de noter le résultat de ces dépistages systématiques, a constaté Le Soleil en frappant à toutes ces portes. C’est particulièrement dommage dans le cas de Montréal, où se trouve la majorité des cas de COVID-19, dit Dre Quach.

Mais dans les quelques cas où des chiffres (ne serait-ce que partiels) sont disponibles, le portrait qui s’en dégage est plutôt rassurant. Si la propagation était importante dans les écoles, on s’attendrait à trouver des cas en « grappes », concentrés dans les mêmes quelques classes. Mais comme le montre notre tableau ci-dessus, ces opérations de dépistage systématique n’ont généralement trouvé que des cas très uniformément répartis, à raison d’un ou deux par classe.

Il y a eu, soulignons-le, quatre classes en Outaouais où il semblait y avoir eu des véritables éclosions, soit de quatre à six cas par groupe, ce qui montre qu’il peut y avoir de la contagion à l’école. Mais dans les 15 autres classes où le CISSS de l’Outaouais a fait des dépistages systématiques, on ne trouvait qu’un cas (huit classes), deux cas (quatre classes) ou trois cas (trois classes).

Dans l’ensemble, commente Mme Grandvaux, « ces chiffres-là sont quand même rassurants » puisque sans être une preuve formelle ils suggèrent que les écoles ne sont pas des foyers d’infection, mais que la transmission qui s’y produit est plutôt le reflet de ce qui circule dans la communauté en général. Dre Quach interprète ces chiffres essentiellement de la même manière.

Voir aussi 

Confinement : des effets parfois dramatiques sur les enfants

Suède — l’effet des écoles restées ouvertes pendant la pandémie sur la santé sur les élèves et les enseignants 

Profs américains s’opposent à l’ouverture des écoles malgré les leçons européennes

Suède et Suisse — Enfants peu à risques et peu contagieux

Covid-19 — La Suède est-elle un contre-exemple ?

 

 

Loi 101 : des objectifs loin d’être atteints

Frédéric Lacroix répond au texte lénifiant et anesthésiant de Mario Polèse et Pierre Fortin, « Réforme de la loi 101 : si seulement il y avait des solutions faciles », publié le 11 janvier sur le site subventionné de La Presse, entreprise libérale et fédéraliste.

Il rappelle que « Pour simplement assurer la stabilité du groupe francophone, il faudrait que les substitutions linguistiques des immigrants allophones soient dirigées à 90 % vers le français. Nous sommes très, très loin du compte ».

Je suis l’auteur d’un essai (Pourquoi la loi 101 est un échec) sur la question linguistique paru chez Boréal en octobre 2020. Un essai dont la lecture a été recommandée, à ma grande joie, par de nombreux journalistes et chroniqueurs bien connus (Louis Cornellier, Robert Dutrisac et Michel David du Devoir, Joseph Facal, Mathieu Bock-Côté et Antoine Robitaille du Journal de Montréal).

Or, dans un curieux texte publié par La Presse le 11 janvier (« Réforme de la loi 101 : si seulement il y avait des solutions faciles »), Mario Polèse et Pierre Fortin, sans mentionner mon nom, énoncent que « prétendre que la loi 101 est un échec est une absurdité, dans la même lignée que les énoncés de Donald Trump ». Vraiment ?

Il est difficile de ne pas voir dans cette affirmation, qui reprend le titre de mon essai, une attaque gratuite et, disons-le, tout à fait grotesque envers moi. MM. Polèse et Fortin, qui s’intéressent à la question linguistique, ne pouvaient pas ignorer l’existence de mon livre ; ils ont choisi de trumpiser non seulement le discours qu’il défend, mais moi-même, ce qui est une façon de me disqualifier moralement, de me diaboliser, de tenter de m’exclure du débat public.

Ce bas procédé est tout à fait indigne de deux professeurs « émérites ».

Du reste, il est évident que les deux professeurs n’ont pas lu cet essai, qu’ils diabolisent avec autant de légèreté. Ainsi, leur texte ne contient-il aucune réfutation de fonds contre les idées avancées dans mon essai.

S’ils l’avaient lu, ils sauraient que l’affirmation que « la loi 101 est un échec » n’est aucunement lancée à la légère. On peut juger que la loi 101 est un échec en mesurant l’atteinte des objectifs que visait le législateur, objectifs qui sont explicités dans le Livre blanc déposé par Camille Laurin en 1977.

Les objectifs majeurs étaient :

  1.  d’arrêter l’érosion annoncée du poids démographique des francophones au Québec ;
  2. d’inciter une nette majorité des immigrants allophones à s’intégrer au groupe francophone ;
  3. d’améliorer le statut socio-économique du français de façon à déloger l’anglais comme « langue des affaires » au Québec.

La loi 101 est venue, c’est vrai, améliorer le solde des substitutions linguistiques que les immigrants effectuent vers le français (de 10 à 55 %) et a aussi amélioré le statut socio-économique du français.

Ces améliorations, cependant, sont de trop faible ampleur pour empêcher la minorisation des francophones au Québec (le poids des francophones a ainsi chuté de 3,4 % de 2001 à 2016, ce qui est la plus importante chute jamais mesurée).

Pour simplement assurer la stabilité du groupe francophone, il faudrait que les substitutions linguistiques des immigrants allophones soient dirigées à 90 % vers le français. Nous sommes très, très loin du compte ; la chute du poids des francophones va continuer pour tout l’avenir prévisible.

Statistique Canada, un organisme fédéral que l’on ne peut probablement pas accuser de « trumpisme », prévoit que le poids démographique des francophones sera autour de 69 % au Québec en 2036. A contrario, le poids démographique des anglophones sera en augmentation. La loi 101 n’atteint aucunement son premier objectif.

Enfin, il est important de préciser que la loi 101 qui est en échec est celle qui a été façonnée par les tribunaux fédéraux, dont les jugements, un après l’autre, sont venus démolir des pans entiers, et très importants, de la loi 101 originale déposée par Camille Laurin.

Ainsi, la loi 101 actuelle a peu à voir avec celle adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1977. On peut donc penser que cet échec de la loi 101 est consubstantiel à la vision individualiste des droits linguistiques qui a été imposée par les tribunaux canadiens, vision qui est l’antithèse des idées portées par la loi 101 originale, qui était largement basée sur les droits collectifs.


Plus de 2200 enseignants non qualifiés travaillent dans le réseau scolaire du Québec

Le nombre d’enseignants non qualifiés continue d’augmenter dans les écoles du Québec. La pénurie de professeurs pousse les directions d’écoles à embaucher du personnel qui n’est pas légalement qualifié. Ils sont ainsi plus de 2000 dans les classes du Québec à enseigner aux enfants. Leur nombre a plus que doublé depuis cinq ans.

La pénurie d’enseignants est telle au Québec que le ministère de l’Éducation permet aux centres de services scolaires d’embaucher des professeurs qui n’ont pas le baccalauréat en enseignement et le brevet.

On leur octroie alors une tolérance d’engagement qui est valide pour un an.

Avec la pandémie, la pénurie s’est accentuée et le manque de personnel qualifié est encore plus grand dans les écoles. Selon des données du ministère de l’Éducation, il y a actuellement 2210 enseignants non qualifiés dans le réseau scolaire qui ont une tolérance d’engagement, soit une augmentation de 25 % par rapport à l’an dernier.

En fait, cette tendance à la hausse est observable depuis cinq ans. En 2015-2016, ils étaient 896. Il s’agit donc d’une augmentation de 146 % depuis ce temps.

Ce carnet considère qu’il faudrait permettre à davantage de diplômés d’enseigner sans avoir un diplôme en éducation. Des licenciés (B.A., B.Sc.) dans un domaine précis (histoire, français, sciences) devraient — légalement et non par simple tolérance — pouvoir enseigner les matières en question après une formation pédagogique courte, pas nécessairement donnée à l’université. Elle pourrait, notamment, être donnée par des réseaux d’écoles dans leur propre tradition pédagogique.

Baisse de la démographie aux États-Unis

Fin d’une exception ? Le moteur démographique des États-Unis, avec 329 millions d’habitants, ralentit, faute de naissances et d’apport migratoire.

Durant longtemps, l’Amérique a constitué une exception démographique avec la France et Israël. Une forte immigration et un taux de fécondité relativement élevé y faisaient croître plus rapidement la population que dans les autres pays riches.

Mais cette situation à part touche peut être à sa fin, avec plusieurs grands États qui ont perdu leur dynamique de croissance.

Taux de natalité des États-Unis de 1800-2020 (naissances par 1000 habitants)

La population de la Californie stagne et pourrait même décroître : de nombreuses entreprises et citoyens quittent l’État, l’immigration a été limitée par Trump, la natalité atteint un bas niveau inédit. L’Illinois, qui a perdu 250 000 résidents en une décennie, enregistre un déficit démographique depuis sept années consécutives. Mais c’est à New York que la chute est la plus forte : l’État a perdu 126 000 habitants sur les six premiers mois de 2020, soit 0,65 % de sa population. La croissance de quelques États républicains comme le Texas et la Floride, notamment dans le Sud, ne compense pas ce fléchissement.

De janvier à juillet 2020, la population américaine a crû de seulement 0,35 %, soit une hausse de 1,2 million d’habitants pour un total de 329 millions. Le chiffre n’a pas été aussi faible depuis 1900. Ce phénomène est dû en partie à la chute de l’immigration, qui explique la stagnation démographique de villes comme Los Angeles, New York ou Chicago, et qui participe aussi à la baisse de la fécondité. Le taux de natalité par Américaine atteint 1,7 enfant par femme en moyenne, au plus bas depuis des décennies. Il est inférieur au taux français (1,87 en 2019), identique au britannique, mais plus haut que le canadien ou le québécois (1,5-1,6).

 

Indice de fécondité des États-Unis (1800-2020), enfant par femme

Nul doute que la politique migratoire restrictive de Donald Trump a accentué la tendance. Et même si l’administration Biden pourra revenir sur certaines restrictions, elle ne pourra sans doute pas les supprimer toutes, du moins à court terme.

Pour ne rien arranger, deux chercheurs de Berkeley, Joshua Goldstein et Ronald Lee, estiment que les décès dus au Covid, qui pourraient dépasser le demi-million en avril 2021, vont faire chuter de plus d’un an l’espérance de vie. De plus, les experts estiment à 340 000 le nombre de naissances qui n’auront pas lieu en 2021 en raison de la situation sanitaire et économique.

Scénario européen, canadien et québécois

Bien sûr, une partie de ces conséquences pourraient disparaître avec la fin de la pandémie. Les couples qui ont reporté leur projet d’enfant pourraient provoquer un bref baby-boom en 2022 et 2023. Tandis que la possible réouverture des frontières devrait relancer l’immigration. Pourtant, la baisse tendancielle de la démographie devrait se poursuivre ces prochaines années, « parce que l’Amérique ressemble de plus en plus à l’Europe, avec une fertilité moindre et une immigration plus contrôlée », observe le démographe Joseph Chamie.

Par ailleurs, voir sa population décroître constitue un désavantage pour chacun des États américains, dans la mesure où cela diminue son poids politique. Certains États du Midwest et du Nord-Est pourraient perdre plusieurs de leurs grands électeurs.

Selon les scénarios du bureau du recensement américain (US Census), si le pays redevenait l’exception qu’il a longtemps été, avec de hauts niveaux d’immigration, sa population atteindrait les 447 millions en 2060. Mais s’il continuait à maîtriser l’immigration comme sous Donald Trump — avec une natalité équivalente à celle des autres pays riches — ce chiffre pourrait alors tomber à 320 millions.