lundi 20 février 2023

Réécriture de l'histoire au Manitoba : Louis Riel le multiculturaliste

Louis Riel (22 octobre 1844 – 16 novembre 1885) est un homme politique canadien-français, chef du peuple métis dans les Prairies canadiennes et fondateur de la province du Manitoba. Louis Riel est l’aîné d’une famille de 11 enfants. Son père (Louis Riel aussi) était né à l’Île-à-la-Crosse (Saskatchewan). Sa mère (Julie Lagimodière) était pour sa part née à Saint-Boniface (Manitoba). On dit qu’il avait un huitième de sang indien, sa grand-mère paternelle étant une Métisse franco-chipewyanne. Il quitte Saint-Boniface dès ses 13 ans pour faire ses études au collège des Sulpiciens de Montréal distant de 2000 km du Manitoba. Riel y effectue de bonnes études, mais n’est guère touché par la vocation religieuse. Perturbé par la mort de son père, qui survient en 1864, Riel a alors 20 ans, il quitte le séminaire et travaille quelque temps comme clerc d’avocat avant de revenir en 1868 dans sa région natale. 

Il a dirigé deux mouvements de résistance contre le gouvernement canadien dans le but de protéger les droits et la culture des Métis, alors que l’influence canadienne-anglaise se faisait de plus en plus sentir dans les Territoires du Nord-Ouest. La première révolte est la rébellion de la rivière Rouge, de 1869 à 1870.

À la veille de 1869, la colonie de la Rivière-Rouge qui s’est essentiellement organisée autour de la paroisse de Saint-Boniface, à l’emplacement actuel de la ville de Winnipeg, regroupe une majorité d’habitants Métis franco-canadiens qui forment un groupe distinct et majoritaire qui fait usage de la langue française et qui est de confession catholique. C’est l’arrivée des arpenteurs du Dominion, au cours de l’été suivant, qui est le point de départ de l’organisation de la résistance métisse au plan d’annexion du gouvernement canadien. À la tête de cette résistance se trouve le Métis Louis Riel.

Le gouvernement provisoire, établi par Louis Riel, négocie finalement l’entrée de la province du Manitoba dans la Confédération canadienne. Une Liste des droits est rédigée dont les articles de la dernière version seront repris, pour l’essentiel, dans l’Acte du Manitoba. De cette Liste des droits, retenons qu’elle comporte trois points importants : elle revendique le statut provincial pour le territoire concerné — ce dernier, qui deviendra la province du Manitoba ; en outre, elle demande des écoles séparées selon les confessions religieuses catholique et protestante ; enfin, elle réclame l’égalité du français et de l’anglais tant sur le plan institutionnel que scolaire. La province du Manitoba, qui voit le jour le 15 juillet 1870, est donc officiellement bilingue.

Les Métis subissent l’offensive de la minorité ontarienne venue de l’Est et désireuse de prendre possession des terres agricoles de la colonie, un jeune Orangiste, Thomas Scott, est fait prisonnier et est exécuté. Louis Riel, en tant que chef du gouvernement, sera tenu pour responsable de cet acte : recherché pour meurtre, il sera contraint à l’exil aux États-Unis et il ne reviendra sur le devant de la scène de l’histoire canadienne qu’en 1884 lors de la rébellion métisse en Saskatchewan. La province voisine du Manitoba.

Durant cette période, il est élu à trois reprises à la Chambre des communes du Canada, bien qu’il n’ait jamais pu occuper son siège. 

À l’été 1884, l’évêque Grandin présente au Premier ministre Macdonald les revendications des Métis : que les Territoires du Nord-Ouest, qui sont gouvernés par un conseil nommé par le gouvernement fédéral, deviennent une province avec un gouvernement doté de responsabilités complètes ; que les Métis reçoivent les titres de propriété intégrale de leurs terres ; qu’on arpente ces terres selon le système de partage des terres des Métis, qui divise le territoire en lots avec un accès à la rivière (il s’agit du système hérité du régime français : les fameux rangs) ; et que Louis Riel soit reconnu comme dirigeant en étant nommé au conseil territorial ou au Sénat canadien.

En décembre 1884, Louis Riel rédige une nouvelle liste de réclamations, qui suit les mêmes principes, mais sur un ton plus urgent. La réponse du gouvernement arrive en janvier 1885 : on ne négociera pas avec Riel. C’est la seconde rébellion.

À l’issue de celle-ci, Louis Riel sera pendu en 1885. Le Premier ministre de l’époque, John Macdonald, salua sa condamnation pour « trahison » en ces termes :

« Il (Riel) mourra même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur. »

Or voici qu’en la Journée Louis Riel, l’Assemblée législative du Manitoba annexe en anglais uniquement Louis Riel, partisan des droits des métis francophones et catholiques qui s’opposait à l’émigration d’orangistes spoliateurs, comme figure titulaire d’un monde  qui embrasse toutes les cultures. Louis Riel, figure tutélaire du Canada multiculturaliste ? Louis Riel qui ne lutta pas pour les droits de toutes les cultures à venir au Manitoba, mais pour que les métis autochtones puissent continuer à vivre comme avant... Ce Louis Riel historique-là ? Louis Riel qui aima tellement le nouveau Manitoba sous l'emprise britannique, ses arpenteurs, ses colons et son anglais imposés, qu'il s'en enfuit pour s'établir loin de ceux-ci en Saskatchewan avant de leur y livrer bataille à Batoche ?

Quant Louis Riel Day, cette journée de congé instaurée par la Province du Manitoba en 2008 a été placée sous le signe de l’esprit métis par la volonté d’écoliers manitobains qui avaient soumis le nom de Louis Riel. (11 écoles sur 114 écoles participantes.)

Selon l’hebdomadaire franco-manitobain, La Liberté, « les décideurs politiques ont très judicieusement choisi de respecter leur intuition. Peut-être parce qu’ils ont choisi de mettre leur confiance dans les voix de l’avenir ; sûrement parce que les milieux politiques savent fort bien que la pendaison pour haute trahison du chef métis en 1885 relevait de l’assassinat politique. »

L’ancien juge en chef de la Cour d’appel du Manitoba Alfred Monnin (1920-2013) n’hésitait pas à dire que le procès de Louis Riel représentait un moment sombre dans l’histoire judiciaire du Canada. Le scandale qui s’est joué au tribunal à Regina a engendré un scandale encore plus honteux, puisqu’il a légitimé la falsification de l’histoire. En effet les thuriféraires du Dominion du Canada, convaincus que les peuples autochtones étaient de toute façon voués à la disparition, se sont fait un devoir de dépeindre Louis Riel sous les traits d’un traître, doublé d’un illuminé. Pendant trop longtemps, des générations d’écoliers ont dû entendre ces mensonges.

L’instauration de la Journée Louis Riel a bien sûr contribué à faire réfléchir les Manitobains d’un certain âge prisonniers d’une fausse idée de l’homme qui a joué un rôle central dans la naissance du Manitoba. Pourtant, même si la valeur symbolique accordée au troisième lundi de février est énorme, surtout si l’on chausse les souliers des vieux Métis, la réhabilitation de Louis Riel n’est pas complète.

Paulette Duguay, la présidente de l’Union nationale métisse Saint — Joseph du Manitoba, le soulignait dans une lettre à La Liberté publiée dans l’édition du 18 au 24 novembre 2015. Il importe d’avoir à l’esprit que l’Union nationale métisse est de très loin la plus ancienne organisation métisse au Canada. Elle a été fondée dès 1887, pour rallier les Métis après la pendaison de leur chef. Depuis toujours, les membres de cette organisation entretiennent la volonté d’obtenir un jour la totale réhabilitation de celui qu’ils considèrent comme « l’un des Pères de la Confédération, un homme lésé, un défenseur de son peuple et un protecteur des droits des minorités au Canada ». (En 1992, le Parlement canadien a reconnu à l’unanimité Louis Riel comme le fondateur du Manitoba.)

Paulette Duguay a inscrit son plaidoyer en faveur de Louis Riel dans la perspective du 150e anniversaire de la Confédération après avoir rappelé qu’en 2013 les juges de la Cour suprême du Canada ont tenté, à leur manière, de rectifier le verdict de 1885 en déclarant que « le gouvernement fédéral n’avait pas donné une suite honorable aux promesses de terres faites aux Métis dans la Loi qui a créé le Manitoba ».

Voir aussi

22 janvier 1890 : le français aboli comme langue officielle et d’enseignement au Manitoba

Réécriture de l'histoire au Manitoba : Louis Riel le multiculturaliste

Comment Hollywood (Cecil B. DeMille) en 1940 voyait Louis Riel, les métis, la rébellion de 1885 et la prairie de la Saskatchewan...Après la rébellion de la rivière Rouge de 1869-70, nombre de Métis se déplacèrent du Manitoba vers la Saskatchewan pour fonder la colonie de Batoche. Mais des colons anglophones commencèrent à arriver d'Ontario, imposant — comme au Manitoba — la distribution des terres selon le système de concessions carrées « à l'anglaise » plutôt que d'après le système seigneurial de la Nouvelle-France de bandes perpendiculaires à la rivière (les rangs) que les Métis avaient hérité de leurs ancêtres canadiens français.

« Unir plutôt que diviser » ou comment imposer un monopole en jouant sur les sentiments

Québec — Pénurie d'enseignants, hausse des dépenses et des besoins pour élèves allophones et vulnérables

« On peut dire qu’aujourd’hui, on est toujours en rattrapage par rapport à ces départs massifs qui ont été causés par l’austérité des libéraux », a déploré Bernard Drainville.

(Québec) Questionné sur les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre dans les écoles, Bernard Drainville renvoie la balle aux libéraux tandis que l’ex-ministre des Finances, Carlos Leitão, admet des regrets sur les compressions en éducation.

Cette sortie publique coïncide avec une série de nouvelles sur les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre en éducation. Le centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) s’est résigné à embaucher des enseignants non légalement qualifiés pour enseigner auprès des élèves les plus vulnérables, en adaptation scolaire, rapporte La Presse. Et les délais d’attente subis par les élèves allophones pour obtenir un enseignement en français ont aussi fait l’objet d’articles de presse. Voir La naïveté québécoise face à l’immigration et à la dénatalité : l’anglais langue commune même à l’école en français…

Au moment où le gouvernement Legault entame un deuxième mandat, M. Drainville défend le bilan de la Coalition avenir Québec (CAQ) : « Depuis qu’on est là, les dépenses en éducation, en moyenne, ont augmenté de 1 milliard par année. » 

Hausse constante des dépenses, qu'en est-il de la qualité ?

 

Le Québec chef de file des hausses de dépenses en éducation

En 2017-2018, la dépense globale par élève pour l’éducation préscolaire, l’enseignement primaire et secondaire au Québec était de 13 987 $, soit environ 2 % moins élevée qu’en Ontario (14 254 $) et que la moyenne canadienne (14 253 $).

Il est toutefois important de noter que la comparaison interprovinciale de la dépense par élève pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire et secondaire ne tient pas compte des différences du coût de la vie entre les provinces canadiennes. Celui-ci est moins élevé au Québec comparativement à l’Ontario et à la moyenne canadienne (écart de 15 % et 9 %, respectivement, en 2017). Si l’on tient compte de cette différence, la dépense par élève pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire et secondaire est plus élevée au Québec.

Enfin, notons que l’enseignement secondaire est plus court au Québec. Or, les dernières années du lycée (le collégial au Québec) coûtent plus cher que celles du secondaire québécois. Ceci tend aussi à fausser les comparaisons entre les pays.

(Cliquez pour agrandir)

Hausse des salaires, pensions et des « élèves en difficulté » [y compris les immigrants]

Selon un rapport de l’IEDM en 2017 où l’on observait déjà une hausse des dépenses pendant les dix années précédentes :

Pourquoi les dépenses en éducation ont-elles grimpé autant ? On peut d’office éliminer une cause : les dépenses d’infrastructure. Selon l’évaluation la plus récente, le déficit d’infrastructure, soit le montant qu’il faudrait dépenser pour remettre à niveau les bâtiments des commissions scolaires du Québec — ce qui inclut les écoles —, dépasse les 6 milliards $. Cette remise à plus tard des dépenses d’entretien normales a donc contribué à atténuer la croissance des dépenses du ministère.

C’est plutôt du côté des salaires qu’il faut regarder pour comprendre l’emballement des dépenses au cours des dix dernières années. Premièrement, le rapport élèves-enseignant dans les commissions scolaires est passé de 14,2 à 13,3 entre 2006-07 et 2015-16. Ce changement, qui peut sembler minime, a eu des impacts considérables sur les coûts récurrents en éducation.

La deuxième cause d’augmentation des dépenses est liée aux paiements de l’État dans les caisses de retraite des employés, qui ont bondi de près de 50 % en tenant compte de l’inflation lors de cette même période4. La troisième raison est le vieillissement des employés : comme on embauche pour le moment relativement peu de nouveaux professeurs, la progression automatique dans l’échelle salariale au fil des années fait augmenter les coûts par employé.

Outre les coûts salariaux, un autre phénomène fait croître de façon importante les dépenses en éducation : la croissance rapide de la proportion d’élèves en difficulté d’apprentissage et d’adaptation ou ayant un handicap. Le pourcentage de ces élèves inscrits au secteur public est passé de 16 % en 2006 — 2007 à 21,5 % du total en 2016-2017, une hausse d’un tiers. Étant donné qu’un élève présentant un handicap donne droit à une subvention qui peut être jusqu’à quatre fois plus élevée, ce facteur contribue lui aussi à la hausse des dépenses.

Bref, le gouvernement du Québec dépense de plus en plus en éducation. Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’élèves ni parce que les écoles sont mieux entretenues, mais parce que le rapport d’élèves par professeur a baissé, que les coûts salariaux ont augmenté et qu’il y a plus d’élèves avec des besoins particuliers.

Il n’est pas du tout évident que cette augmentation constante des coûts de l’éducation se soit accompagnée par une hausse de la qualité de l’enseignement :

« Une part non négligeable de l’amélioration du taux de diplomation du secteur public est liée à la création de nouveaux diplômes dont la valeur est remise en question par certains observateurs8. À titre d’exemple, on peut nommer le Certificat de formation préparatoire au travail, qui nécessite que l’élève ait suivi 2700 heures de formation générale au niveau secondaire (soit environ trois années) et complété un stage de 900 heures en milieu professionnel (autrement dit qu’il ait occupé un emploi) ; ou encore le Certificat de formation en insertion socioprofessionnelle des adultes, décerné à un élève qui a réussi ses cours de français, anglais et mathématiques du niveau primaire, ainsi qu’une formation de 900 heures en sensibilisation au marché du travail. Environ 40 % de l’augmentation du taux de diplomation sur sept ans pour l’ensemble du Québec est due à ce nouveau type de qualification.

Enfin, la pression pour améliorer les taux de réussite a-t-elle permis de maintenir la qualité des diplômes, ou a-t-elle plutôt mené à un nivellement par le bas ? Il est difficile de répondre à cette question, mais certains éléments permettent de croire que la volonté de diplômer plus d’élèves a mené à une réduction de la rigueur dans leur évaluation. »

C'est ainsi que, dans un sondage mené auprès de 630 professeurs en avril 2017, on apprenait qu’un enseignant sur deux avait vu la direction de son école hausser la note qu’il avait accordée à un élève sans son consentement. Patricia Cloutier, « Des notes modifiées à l’insu des profs », Le Soleil, 27 avril 2017 ; Tommy Chouinard, « Le ministre de l’Éducation exige la fin des notes gonflées dans les écoles », La Presse, 30 mai 2017.