mercredi 21 octobre 2009

Vos impôts à l'œuvre : le calvaire pour obtenir une exemption

Nouvelles dans le dossier de l'appel du jugement de première instance déboutant les parents de Drummondville.

La requête en permission d'interjeter appel, dans l'affaire du cours d'éthique et de culture religieuse (ECR), n'a pas été débattue mardi, contrairement à ce qui était prévu. Le procureur du gouvernement a plutôt obtenu le droit d'interroger la mère des deux enfants opposée au caractère obligatoire du cours ECR, chose très rare en Cour d'appel du Québec.

Selon ce qu'a expliqué mardi soir l'avocat des parents, Me Jean-Yves Côté, dans un entretien exclusif avec La Tribune, le juge Jacques Chamberland, devant lequel les deux parties se sont présentées hier à Montréal, a d'abord dû se pencher sur la requête en cassation de citation à comparaître déposé par Me Côté afin de s'objecter à la demande d'interrogatoire.

« J'ai cherché à m'opposer à la demande de Me Benoit Boucher [représentant le Monopole de l'Éducation], car c'est une chose très rare en Cour d'appel de pouvoir procéder à un interrogatoire. À la fin du débat sur cette question, le juge Chamberland a dû reconnaître qu'en vertu de l'article 93 la partie adverse peut en effet avoir le droit d'interroger un témoin, en l'occurrence Suzanne Lavallée (de Drummondville), et il a accordé ce droit », a indiqué Me Côté.

L’avocat du gouvernement a expliqué qu’il veut mettre en preuve que le plus jeune fils de Mme Lavallée ne fréquente plus l’école publique, et qu’il n’a plus droit à l’exemption de l’article 222 de la Loi sur l’instruction publique. Le Juge trouve pertinent que ce fait soit porté à la connaissance de la Cour d’appel. Rien n'empêche cependant ce jeune fils de réintégrer l'école publique à tout moment et plus particulièrement, bien sûr, si cette exemption lui était accordée.

En vertu de l’article 93 du Code de procédure civile, l’interrogatoire de Mme Lavallée est permis :
« Article 93. Lorsqu'une partie a versé au dossier un affidavit requis par quelque disposition de ce code ou des règles de pratique, toute autre partie peut assigner le déclarant à comparaître devant le juge ou le greffier, pour être interrogé sur la vérité des faits attestés par sa déclaration.

Le défaut de se soumettre à cet interrogatoire entraîne le rejet de l'affidavit [déclaration sous serment] et de l'acte au soutien duquel il avait été donné. »
Toutefois, le Juge a précisé que l’interrogatoire devra se concentrer sur les faits de la requête, principalement la 4e allégation :
4. Les demandeurs recherchent (…) l’obtention, au bénéfice de leurs enfants, de l’exemption prévue à l’article 222 LIP;
La date et le lieu de ce court interrogatoire restent à préciser. Le Juge ne s’est pas prononcé sur la requête pour permission d’appel, puisque l’interrogatoire doit avoir lieu auparavant.

Il semble donc que la tactique du Monopole sera de faire rejeter la demande d'appel parce que Mme Lavallée ne chercherait plus vraiment, selon lui, l’exemption prévue à l’article 222 de la Loi sur l'instruction publique puisque les enfants de la Drummonvilloise ne fréquente plus l'école publique qui la leur refusait.






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MLQ — Pagaille en éducation, une crise juridique imminente ?

Texte de la président du Mouvement laïque québécois, Mme Marie-Michelle Poisson, paru dans la revue Cité laïque, Revue humaniste du MLQ, numéro 15, automne.

« Lors d’une conférence de presse qui avait lieu le 24 avril 2008, le MLQ avait anticipé que le nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse (ÉCR) serait au cœur d’une crise juridique. Des membres du conseil national sont même allés rencontrer la ministre Courchesne
Le MLQ qui fait bien peu sauf publier un communiqué de temps à autre a rencontré la ministre, les parents de CLÉ jamais malgré leurs demandes répétées...
pour lui demander d’avoir la sagesse de retirer le volet de formation en Culture Religieuse, seul volet litigieux du nouveau programme,
Note du carnet : c'est inexact, voir les critiques du volet éthique
afin d’éviter cette crise et les frais juridiques faramineux éventuellement encourus par le ministère pour défendre le cours. Cette solution élégante aurait été conforme aux vœux de 29 % de la population préférant que les jeunes ne soient pas exposés du tout à la religion à l’école[1].

Malheureusement, la ministre a fait la sourde oreille et n’a pas écouté nos conseils.

Comme prévu, l’implantation du cours obligatoire d’ÉCR a donné lieu à trois procès intentés par des parents catholiques qui auraient souhaité préserver les anciens cours d’enseignement moral et religieux catholiques tout en évitant d’exposer leurs enfants à un nouveau cours multi-confessionnel qu’ils jugent trop relativiste. Un premier procès s’est tenu à Drummondville et un deuxième à Granby
C'est inexact, il n'y a pas de procès à Granby pour l'instant et ces parents ne sont pas catholiques, mais protestants.
Dans ces deux cas l’exemption du cours ÉCR a été réclamée. Un troisième procès a eu lieu à Montréal. On y a examiné la possibilité, pour un collège privé confessionnel, en l’occurrence le collège Loyola, d’offrir un cours d’enseignement religieux confessionnel équivalent au cours ÉCR. Ces procès ont été entendus au printemps 2009 et nous sommes en attente des décisions qui devraient être rendues cet automne.
La décision du procès de Drummondville a été rendue, les parents ont fait appel.
Ces décisions mettront sans doute le ministère de l’éducation sur la sellette et permettront peut-être de relancer de débat de fond sur la pertinence réelle du cours ÉCR. Plusieurs scénarios sont possibles. Essayons de les anticiper afin que nous soyons un tant soit peu préparés à affronter la pagaille qui s’annonce.

Une bourde administrative ?

Les procès intentés contre le ministère risquent d’être remportés par les plaignants non sur le fond mais sur de simples technicalités. En effet, dans tous les cas, la ministre Courchesne a eu la maladresse d’exprimer publiquement des refus catégoriques intempestifs avant même que les instances administratives dont relèvent les décisions ne puissent être saisies des dossiers. Cela risque tout bêtement d’invalider le refus d’exemption et le refus d’accorder une équivalence qui sont à l’origine des poursuites. Advenant de telles décisions, nous ne pensons pas que la ministre puisse encore sévir longtemps. Sa démission sera vite réclamée pour cause d’incurie administrative due à son intransigeance. Cette quasi victoire des plaignants leur apportera peu de gain politique puisqu’ils pourraient éventuellement faire face à de nouveaux refus, cette fois conformes aux procédures administratives.

Le retour du régime d’option ?

Si l’exemption est accordée par le juge, elle fera jurisprudence, et nous assisterons probablement à une débâcle de demandes d’exemption dans toutes les écoles du Québec. L’ironie de la situation sera alors manifeste. Le cours ÉCR, qui devait assurer le « vivre-ensemble » des élèves, n’aura servi qu’à diviser les classes en sous-groupes.

Que fera la ministre ? Acceptera-t-elle tout bonnement de laisser les parents choisir entre le cours ÉCR et l’exemption ? L’ancien régime d’option avait été rejeté par les milieux de l’enseignement. Seront-ils obligés d’y revenir ? Cela n’est certes pas souhaitable. La ministre décidera-t-elle d’aller en appel, et ce aux frais des contribuables, afin d’imposer le programme ÉCR à tous, coûte que coûte ? Cela n’est pas souhaitable non plus. La seule issue à cette impasse, nous l’avons toujours dit, c’est de retirer le volet litigieux de culture religieuse. Un même cours d’éthique civique et laïque serait offert à tous les enfants. Les frais juridiques seraient évités car nous avons la conviction qu’un cours d’éthique neutre sur le plan religieux ne susciterait pas de recours devant les tribunaux.

Le financement public des écoles confessionnelles privées ?

Si l’équivalence est accordée au collège Loyola, cela aussi ferait jurisprudence et nous assisterions à une multiplication de demandes similaires en provenance de toutes les institutions d’enseignement privées à caractère confessionnel qui s’empresseront de remplacer le cours ÉCR par un cours d’enseignement religieux conforme à leurs dogmes.

Ces écoles privées ne seraient alors pas tenues de respecter le programme national d’enseignement dans son intégralité. Mais pourraient-elles continuer de réclamer l’intégralité du financement accordé par le ministère de l’éducation ?
Elles ne sont déjà financées qu'à 60 %...
Telle est la question qui sera inévitablement soulevée.

Au nom de quoi des contribuables favorables à la laïcité accepteraient-ils de financer l’enseignement religieux de petits catholiques, de petits juifs ou de petits musulmans ?
Les parents qui envoient leurs enfants à ces écoles confessionnelles sont également des contribuables ! En outre, les écoles privées ne sont déjà financées qu'à 60 % justement parce que le gouvernement ne paie pas pour les cours qui ne sont pas ceux du programme obligatoire, donc il ne paie pas pour le cours d'éducation catholique.
Il faut ici se souvenir du tollé général suscité par l’annonce faite par le gouvernement Charest de financer à 100 % les écoles de « culture » juive pour comprendre à quel point ces questions touchent une corde sensible de l’opinion publique.

La ministre aura-t-elle le courage politique de couper, comme il se doit, une partie du financement des écoles privées confessionnelles ? Le parti Libéral n’osera jamais s’aliéner le soutien financier de certains groupes religieux particulièrement chatouilleux sur ces questions. Pour ne pas déplaire à l’électorat de son parti la ministre ne pourra pas non plus envisager d’aller en appel, elle sera donc coincée de tous côtés.

Encore une fois, la seule solution consiste à retirer le volet de culture religieuse. Les écoles privées confessionnelles seraient tenues de respecter le programme d’éthique qui, par sa conformité aux chartes des droits et aux lois en vigueur dans la société, serait extrêmement difficile à contester. Le débat essentiel sur le financement des écoles privées, confessionnelles ou non, demeurerait entier mais au moins le retrait du volet de culture religieuse permettrait à la classe politique d’échapper, du moins sur cette question, à l’emprise de certains groupes religieux influents.

Une crise constitutionnelle ?

Dans les deux causes en litige, les parents, appuyés par leur communauté, se disent prêts à aller jusqu’en cour suprême pour obtenir gain de cause et ce au nom de la liberté de conscience et de religion. Ils se disent convaincus que la plus haute instance canadienne, au vu de jugements antérieurs, sera plus sensible que les cours québécoises à la sincérité de leurs convictions religieuses. Ce calcul est probablement juste. Nous savons tous, depuis « l’affaire du kirpan », que la Cour suprême peut renverser sans trop d’état d’âme une décision de la cour supérieure du Québec. Nous savons aussi que lorsque les choses se rendent jusqu’à cette extrémité, nous avons droit à une nouvelle crise constitutionnelle. Rien de moins.

Est-ce que le maintien du volet de culture religieuse est un enjeu si essentiel qu’on doive envisager de coûteuses démarches juridiques et nous résigner à revivre des débats déchirants ?

Qui a besoin de religion à l’école ?

Ce cours qui aurait dû plaire aux quelques personnes encore soucieuses de préserver une place à la religion dans la vie quotidienne de nos sociétés modernes trépidantes a déplu… aux religieux. Une vaste majorité de la population québécoise, immigrants y compris, n’accorde aucun intérêt à la religion, ne pratiquent plus et ne décident plus rien en fonction des dictats religieux. Il est à parier que le retrait total et définitif de l’enseignement religieux ne susciterait aucune protestation.

L’abolition du service d’animation à la vie spirituelle, du secrétariat aux affaires religieuses et du comité aux affaires religieuses se feraient aussi dans l’indifférence générale puisqu’à peu près personne ne connaît l’existence et encore moins l’utilité de ces entités fantomatiques d’un âge révolu.

L’entêtement de la ministre à maintenir l’enseignement de la « culture religieuse » quel qu’en soit le prix serait incompréhensible pour bien des gens. Politiquement injustifiable voire irresponsable, l’obstination de la ministre engagerait notre société sur un terrain miné de toute part. La neutralité religieuse devient nécessaire lorsque l’espace public institutionnel se trouve paralysé par des querelles stériles. Le monde scolaire doit retrouver sa sérénité et pour ce faire il y a plus que jamais urgence de laïcité.

Espérons cette fois que le message pourtant si simple et si pratique du Mouvement laïque québécois sera enfin entendu.

[1] Seulement 16 % des Québécois préfèrent un enseignement religieux à l’école, Alexandre Shields, Clairandrée Cauchy, Le Devoir, 16 septembre 2008. »