jeudi 7 novembre 2019

Québec — Instruction à domicile et études postsecondaires

(Moins de 8 minutes)

Si l’instruction à domicile est beaucoup plus connue du grand public qu’il y a 10 ou 20 ans, il reste néanmoins beaucoup d’éducation à faire, notamment du côté des établissements d’enseignement de niveau postsecondaire.

Dans cette deuxième partie de notre entrevue, Sylvie Crasci discute des défis que doivent relever les familles qui font l’instruction à la maison lorsqu’il est temps d’accéder aux collèges et universités du Québec. Puisant dans sa propre expérience, elle encourage les parents à être des pionniers à ce chapitre et à ne pas hésiter à frapper aux portes des établissements d’enseignement pour faire valoir la richesse de l’école à la maison.




Témoignage intéressant sur la fille de Sylvie Crasci qui a entamé sa première année d’université.

Notez qu’on peut aussi passer un bac français (équivalent du DEC) qui est un examen libre (tout le monde peut se présenter) puis s’inscrire à l’université. L’enseignement professionnel technique est également ouvert aux enfants instruits à la maison.

CAQ « conservatrice » applique de fortes pressions contre les enfants instruits à la maison

Le ministre Roberge devant un parent. La réponse sera NON !
Certains prétendent que la CAQ est un mouvement conservateur. Dans le domaine scolaire, ce n’est pas du tout évident. Le ministère est de plus en plus centralisateur et cherche à imposer à tous le programme pédagogique unique du gouvernement (le Québec est un des rares pays qui imposent à toutes les écoles un programme étatique...) Programme qui n’est en rien anodin ou neutre (lire Québec — La construction d’une nouvelle citoyenneté par l’école, extraits d’une thèse de doctorat en sociologie, 2015).


Dans le domaine de l’instruction à la maison, la pression de la CAQ et de son ministre, l’ancien instituteur Roberge, s’accentue également. Nous reproduisons ci-dessous un communiqué de la HSLDA sur le sujet.

Les familles québécoises faisant l’instruction à domicile subissent présentement beaucoup de pression alors que le gouvernement provincial exige que les enfants éduqués à domicile subissent les examens ministériels provinciaux, et ce dans 2 ans. Cette nouvelle exigence apporte une charge supplémentaire sur les parents et les enfants, sans aucun bénéfice éducatif significatif. Il s’agit d’un bel exemple où le « gouvernement pense savoir mieux que quiconque », alors que ce n’est clairement pas le cas.

Lorsqu’un gouvernement suggère ou impose des changements avec lesquels nous sommes en désaccord, la HSLDA se mobilise. Récemment au Québec, cela a impliqué de faire pression sur le ministre et les élus de l’Assemblée Nationale. Cependant, une fois que la nouvelle réglementation est entrée en vigueur, la HSLDA doit informer ses membres pour qu’ils puissent s’y conformer.

Lorsque la HSLDA encourage ses membres à se conformer à la réglementation, cela signifie-t-il que nous sommes d’accord avec cette dernière ? Non, ce n’est pas le cas. Mais nous vivons tous sous l’autorité de la loi et nous ne pouvons pas ignorer celle-ci simplement parce que nous ne sommes pas d’accord avec elle. Partout au Canada, lorsqu’une famille membre de la HSLDA vit des démêlés judiciaires avec une instance gouvernementale à cause de l’école-maison, il peut être très difficile ̶ voire impossible ̶ pour la HSLDA de défendre cette famille s’il est démontré que cette dernière démontre un flagrant mépris de la loi.

Alors, la HSLDA ne devrait-elle pas immédiatement contester en cour la nouvelle réglementation au Québec ? Eh bien, aller au tribunal comporte toujours son lot de risques. En fait, perdre une cause au tribunal peut aggraver la situation. C’est pour cette raison qu’il faut d’abord miser sur d’autres moyens de changement avant de se précipiter devant les tribunaux. Et même dans ce cas, l’action en justice ne devra être intentée que s’il existe une chance raisonnable de succès.

Au Québec, l’exigence des examens écrits entrera en vigueur dans deux ans. Pour l’équipe juridique chevronnée de la HSLDA et pour tous ses membres et sympathisants du Québec, ces deux années représentent une occasion unique de faire pression sur les politiciens pour qu’ils améliorent la réglementation. Et à mesure que nous avançons, nous continuerons d’utiliser tous les outils à notre disposition, y compris les actions en justice, pour promouvoir et défendre la liberté d’enseigner à la maison, tant au Québec que partout au Canada.

Trop d'enfants turbulents ou pénibles classés « précoces » ou « doués » ?

Extraits de deux articles du Figaro sur les enfants faussement « surdoués » alors que de plus en plus de parents expliquent les difficultés de leur progéniture par la précocité. Or l’idée que haut quotient intellectuel et problèmes de comportement sont liés est erronée.

 « Je n’en peux plus. La moitié des parents sont convaincus que leur enfant est surdoué », raconte cette professeur des écoles, qui enseigne depuis cinq ans en maternelle dans un établissement privé et huppé de l’Ouest parisien. Ils demandent des noms de psychologues pour faire passer des tests de QI, achètent des méthodes de lecture dès 3 ou 4 ans « parce qu’il a besoin d’être nourri intellectuellement » ou réclament un saut de classe « pour des enfants qui sont dans la moyenne de leur âge en termes de comportement et d’attention », s’étonne-t-elle. Cela « empire à l’école primaire puis au collège », renchérit une autre enseignante du même établissement, un âge où « les enfants insupportables ou en difficulté scolaire sont souvent présentés comme précoces par leurs parents ».

Confrontés aux multiples légendes entourant les surdoués, prétendument affublés par certains psychologues médiatiques d’une « pensée en arborescence » ou d’une « hypersensibilité », les praticiens de la revue scientifique ANAE (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant) se sont mobilisés l’an dernier lors d’un numéro « Mise au point » sur les hauts quotients intellectuels. Pour exprimer leur ras-le-bol. Jusqu’au début des années 1980, y rappelle-t-on, les publications scientifiques sur les surdoués étaient quasiment inexistantes, tout comme les réflexions sur les mesures à l’égard des enfants concernés. L’institution scolaire française s’y opposa même. Contrairement à ce qui existait dans d’autres pays, elle craignait de creuser les inégalités.

Peu à peu, la précocité intellectuelle n’a plus été mise en avant en France comme une richesse mais a progressivement été associée – dans les médias notamment – à des difficultés, des troubles, des pathologies, des spécificités plus ou moins handicapantes. Parallèlement, depuis une dizaine d’années, on assiste à une multiplication d’ouvrages grand public, diffusant des informations souvent non vérifiées. Avec des conséquences potentielles comme celles de ne plus être pris au sérieux, de stimuler des actions éducatives ou pédagogiques non appropriées, de desservir la cause des personnes concernées et d’attirer, de manière illusoire, vers ce concept prometteur, de nombreux enfants en difficultés psychologiques, sociales ou scolaires pour lesquels la question du haut potentiel n’est pas pertinente.

« Il est possible de présenter un trouble durable dans les apprentissages et, concomitamment, un haut potentiel intellectuel. L’un n’exclut pas l’autre ; ils ne sont pas pour autant corrélés », explique Nicolas Gauvrit, psychologue et mathématicien, chercheur au laboratoire Cognitions humaine et artificielle (École pratique des hautes études). Ce dernier considère malgré tout que les hauts potentiels peuvent et doivent faire l’objet, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays, comme Israël ou les États-Unis, de mesures et programmes éducatifs spécifiques.

Heureusement, « on revient dans la norme mondiale », poursuit-il. Le vade-mecum de l’Éducation nationale concernant les surdoués vient ainsi d’être révisé cette année. Il expliquait auparavant aux enseignants qu’il fallait bien leur expliquer et répéter les consignes ou encore les rassurer sur leurs compétences « comme s’il s’agissait d’enfants handicapés », s’étonne encore Nicolas Gauvrit.



« C’est valorisant de penser qu’on a un fils intelligent plutôt qu’un petit dragon »


CAROLINE GOLDMAN est docteur en psychologie et psychologue pour enfants. Elle est l’auteur du livre Établir les limites éducatives aux éditions Dunod (2019).

LE FIGARO. – La « précocité » ou le « haut potentiel » d’un enfant engendrent-ils nécessairement des difficultés scolaires ou comportementales ? 

Caroline GOLDMAN. – Bien au contraire, les enfants à haut quotient intellectuel ont une santé mentale plutôt meilleure que celle des autres enfants, comme le démontrent les dernières analyses en neurosciences. Ces dernières affirment leur absence de singularité. Leur QI est statistiquement corrélé à une plus forte réussite scolaire. L’ENA, Normale Sup, Polytechnique sont remplis de personnes à haut quotient intellectuel… Il n’y a pas de fragilité particulière liée au QI. L’idée d’une « pensée en arborescence » véhiculée par certains praticiens, par exemple, est infondée. En revanche, les psychologues qui propagent cette idée absurde reçoivent par définition des enfants en souffrance psychique, dont certains à haut potentiel. Ces enfants peuvent être dépressifs, psychotiques, névrosés, souffrir de dyslexie ou de toute autre pathologie mais cela n’a rien à voir avec leur QI ! Et leur constat ne permet pas de conclure à des généralités sur les hauts potentiels.

– Comment expliquez-vous que cette étiquette soit si répandue ? 

– Mon cabinet est rempli de parents qui veulent absolument « faire tester » le QI de leurs enfants. Pourquoi ? Certains psychologues autoproclamés « spécialistes » du HQI (haut quotient intellectuel) règnent médiatiquement depuis des années en France sur ce vaste marché à fantasmes, sans aucun soubassement scientifique, mais avec le soutien d’associations militantes très actives de parents préférant considérer leur enfant comme supérieurement intelligent, plutôt que simplement douloureux et symptomatique. Ces psychologues font exister ces enfants sous un groupe d’appellation lié à leur QI – surdoués, haut potentiel, précoces, zèbres – et leur imaginent un développement particulier. Ils les décrivent comme hypersensibles, débordés par leurs émotions, en proie à des troubles du comportement, du graphisme, du sommeil, anxieux. Ce mythe a malheureusement eu le temps d’infiltrer de très nombreux segments pédiatriques, institutionnels, et même politiques.

– Peut-on parler d’un négoce du « surdon » en France ?

– Oui parce que c’est très valorisant, sur un plan narcissique, de penser qu’on a un fils, ou une fille, intelligent à la maison plutôt qu’un petit dragon. Certains sont allés jusqu’à écrire des livres comme Trop intelligent pour être heureux (SiaudFacchin, 2008). Entretenir cette croyance permet à de nombreux professionnels de surfer sur une vague marchande extrêmement prolifique, en arguant d’une nécessité de « dépistage » indispensable pour tous. C’est un grand cirque. Il faut compter entre 300 et 1 200 euros la passation d’un test Wisc (Wechsler Intelligence Scale for Children) de deux heures. Certains en vivent, tout simplement. Les gens préfèrent passer des tests de QI plutôt que des tests de dyscalculie ou de dyslexie… Vu le coût, ce sont principalement les familles aisées, dans les grandes villes, qui passent ces tests. Quant aux enseignants, ils n’en peuvent plus. Lorsqu’ils ont affaire à un enfant ingérable, les parents, souvent, sortent l’argument du surdon. C’est devenu une caution à être pénible.

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– Conseillez-vous d’éviter ces tests ? 

Ils peuvent être utiles dans des cas précis. Ils peuvent permettre de comprendre certaines difficultés scolaires. Mais les médecins n’ont pas à se faire le jeu du désir narcissique des parents. D’autant plus que les résultats sont le plus souvent violents pour ces derniers. D’abord parce qu’ils sont le plus souvent décevants, moyens. Sans parler du narcissisme de l’enfant qui, lorsqu’il est diagnostiqué HQI, va proclamant, dans la cour de récréation, qu’il est supérieur aux autres. Vous imaginez l’effet désastreux sur ses relations sociales… Sur le moment, obtenir un diagnostic de « douance » est réconfortant mais ça ne dure pas. L’enfant reste seul avec ses symptômes.

–  D’où viennent ces symptômes, dans ce cas ? 

Selon mon expérience d’une quinzaine d’années, les enfants qui viennent dans mon cabinet, souvent avec ce diagnostic flou, sont en réalité à 75 % mal limités. Ils épuisent leurs parents, posent tout le temps des questions, sont excités en permanence, intolérants à la frustration voire violents… Mais les parents ne les limitent pas, semblent avoir interdiction de les frustrer. Il est hors de question, par exemple, de dire à l’enfant d’aller chercher sa réponse dans un dictionnaire. Cette précocité n’a pas à devenir une tyrannie. Ce manque de limites, c’est une conséquence de l’époque, le soubassement culturel du capitalisme. On veut surnourrir l’enfant intellectuellement. Les gens veulent des enfants puissants. Ils raisonnent trop avec eux, finissent même par les craindre. Et ces derniers ont tout le loisir de ne pas se plier à l’ordre établi. À l’entrée au collège, c’est catastrophique. Ces ados nourris de leurs pleins pouvoirs n’ont pas accès à la séduction sociale parce qu’ils ont été trop gâtés.

–  Quelles solutions préconisez-vous pour ces enfants ? 

– Les psychologues doivent aider et guider les parents pour incarner cette fonction limitante et donc frustrante. Au risque de voir ces derniers s’engouffrer dans toutes sortes de pseudo-diagnostics du type « hypersensibilité », etc. Ces enfants à haut QI s’ennuient en classe, certes. Mais une grande majorité d’élèves, quel que soit leur niveau, s’ennuient à l’école et réussissent à le tolérer au même titre que toutes les frustrations. Le fait que cet ennui soit vécu comme intolérable interroge moins le QI que la tolérance à la frustration et le rapport aux limites. Le saut de classe peut être une solution dans certains cas si tout le monde est d’accord. Mais s’imaginer qu’ils s’épanouiront davantage, c’est souvent un leurre. L’urgence, c’est surtout de les outiller à la bienséance.