lundi 26 février 2024

Réaction hostile de la part des élèves immigrés à l'arrivée d'élèves « de souche »

« C’est juste des gens normaux de la Gaspésie ! »

Le documentaire Garçons, un film de genre, de Manuel Foglia, suit un groupe d’adolescents de l’école secondaire de Matane et un autre de l’école Pierre-Laporte à Montréal. Le film est un projet progressiste de lutte contre les stéréotypes conservateurs en matière de rôles sexuels. Il s’agit sournoisement de déconstruire (pourquoi ?) ces conventions. Comme le dit le résumé du film : « Qu’est-ce qu’un “vrai” homme ? Un portrait de l’identité masculine aujourd’hui au Canada, à partir du point de vue d’adolescents confrontés à évaluer les stéréotypes de genre auxquels ils adhèrent. »

Chacun des deux groupes d’élèves part passer quelques jours dans l’école secondaire de l’autre. La classe de l’école montréalaise est massivement « ethnique », un des rares « blancs » est un garçon qui ne se dit ni homme ni femme. Cela ne s’invente pas.

Le documentaire sorti en 2023 se termine par des accolades, mais comme le dit une enseignante, l’accueil fait aux jeunes de Matane (les premiers à être reçus) sera carrément hostile.

À l’écran, une jeune fille de Matane racontera s’être fait traiter « de plotte gaspésienne » [nana, une fille habillée de manière provocante, une femme facile] « d’esti de blanche » [esti = une interjection, proche de « putain de blanche »]. Un autre élève dira que dans les couloirs, « ça t’insultait, te traitait de Blanc ».
Une jeune fille de Pierre-Laporte se demandera quelle mouche a piqué ses camarades. « C’est juste des gens normaux de la Gaspésie venus passer une journée ! » Et une autre de s’inquiéter que la petite minorité de têtes brûlées amènera à tort les jeunes de Matane à penser « que tous les élèves de notre école sont comme ça ».

« Votre présence semble avoir causé un effet de curiosité, dira le directeur de l’école, Philippe Lamoureux. Plusieurs jeunes se sont demandé qui est ce paquet de jeunes Blancs qui débarquent. Je suis désolée de ce que vous avez vu, ils ne sont pas comme cela habituellement. »

Les jeunes qui ont agi de façon inappropriée ont été rencontrés, a insisté M. Lamoureux. À Matane, le personnel scolaire s’est assuré qu’il n’y ait pas de représailles et que l’accueil des jeunes de Montréal serait chaleureux.

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Écoles du Québec — « Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto »

Effet de l'immigration incontrôlée, dans certaines régions, des élèves reçoivent à peine une heure de francisation par semaine. Les services offerts dans les écoles de plusieurs régions du Québec sont tellement insuffisants que de nombreux élèves allophones peinent à apprendre le français, déplorent des enseignantes.

Le nombre d’élèves qui ont besoin de services de francisation a bondi dans des écoles de Québec, si bien que des jeunes qui ne parlent pas un mot de français sont «parachutés» dans des classes régulières, déplorent plusieurs intervenants.

«Dans ma classe, j’ai un seul élève québécois de souche», témoigne une enseignante du primaire qui a préféré garder l’anonymat pour éviter les représailles de son employeur.

«Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto», illustre-t-elle.
«Dans mon école, le français a déjà disparu.»

Son école ne se situe pourtant pas à Montréal, ni à Laval, ni à Brossard, où on a depuis longtemps l'« expertise»  pour accueillir de jeunes allophones (sans que cela soit très concluant, voir
Mépris de l'identité québecoise dans les écoles du Québec : français méprisé, élèves humiliés, propos dégradants sur les femmes, violences, fête de Noël perturbée)

Elle enseigne à Vaudreuil. Un coin de pays où, il n’y a pas si longtemps, l’immigration se faisait au compte-gouttes.

Mais depuis quelques années, la population allophone a explosé. Le nombre d’élèves issus de l’immigration au Centre de services scolaire (CSS) des Trois-Lacs a pratiquement doublé en 9 ans.

Pendant ce temps, les services linguistiques ne suivent pas au même rythme. Beaucoup de jeunes sont laissés à eux-mêmes en classe ordinaire alors qu’ils ne maîtrisent pas le français, dénoncent des enseignants.

30 minutes par semaine

«Trente minutes de francisation une ou deux fois par semaine». Voilà le total de l’aide offerte aux élèves allophones d’une classe de 1re année, peut-on lire parmi les réponses à un sondage réalisé en février par le Syndicat de l’enseignement de la région de Vaudreuil (SERV-CSQ).

Cet enjeu ne concerne pas seulement la Montérégie. Des enseignants de la Côte-Nord, des Laurentides, de l’Outaouais et de la Capitale-Nationale disent aussi vivre le même problème, selon la Fédération des syndicats de l’enseignement et la Fédération autonome de l’enseignement.

Quatre ministres du gouvernement Legault ont tiré la sonnette d’alarme pour quémander à Ottawa plus de fonds et de contrôle pour faire face à l’afflux de demandeurs d’asile.

Élèves ignorés

L’éducation serait un des domaines risquant des ruptures dans les services, un enjeu qui va bien au-delà de celui de l’accueil des migrants.

«Ça prendrait le quadruple des budgets qu’on a actuellement», estime Véronique Lefebvre, présidente du SERV-CSQ.

Les élèves qui auraient besoin d’un soutien linguistique intensif ne reçoivent que du soutien ponctuel, tandis que ceux qui auraient besoin d’un soutien ponctuel n’en reçoivent pas du tout, déplore Mme Lefebvre.

Bon nombre de ces élèves auraient eu besoin de passer par une classe d’accueil, c’est-à-dire de se familiariser avec la langue et les bases culturelles auprès d’un enseignant spécialisé en francisation, estime-t-elle.

Anglais, langue commune

«On peut se retrouver avec des élèves complètement démotivés» parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue, observe Martine Dumas, présidente du Syndicat des Seigneuries.

A priori, on pourrait penser que ces élèves se retrouvent en «immersion» française. Mais où est l’immersion quand la majorité du groupe n’est pas francophone? s’inquiètent les enseignantes interrogées.

«Un des problèmes, c’est que l’anglais devient la langue commune [à l’école]», observe Marie-Claude Nolin, orthopédagogue à Vaudreuil.

Cela lui fait plaisir, en tant que pédagogue d’expérience, de prendre des élèves de 3e année en sous-groupe pour leur apprendre la distinction entre le son «on» et le son «en», par exemple.

Mais ce travail aurait pu être fait beaucoup plus tôt par des professeurs de francisation, s'ils étaient davantage disponibles. «Il y a toujours un enjeu de qui fait quoi», résume-t-elle. Car pendant ce temps, d’autres élèves qui ont des troubles d’apprentissage n’ont pas accès à ses services d'orthopédagogie.

De plus en plus de dépenses pour l'accueil de l'immigration

D'ailleurs, le nombre de classes d’accueil a doublé par rapport à l’année précédente, malgré la difficulté à recruter du personnel, souligne Marie-Claude Barrette, du Service des communications du CSS des Trois-Lacs.

EXTRAITS D’UN SONDAGE ÉLOQUENT

Progression «lente» ou «maigre», services «insuffisants» ou réduits en plein milieu de l’année. Des enseignants ont témoigné dans les commentaires d’un sondage interne de leur impuissance à aider leurs élèves allophones.

    «Service [de francisation] qui s’arrête en décembre car le budget est épuisé.» (niveau : maternelle)

    «Ils sont intégrés n’importe comment, sans soutien, sans que je sois formée. Cela n’aide en rien ces enfants [...] Je ne suis absolument pas qualifiée pour enseigner le français langue seconde.» (niveau : 4e année)

    «Je sais que je peux avoir recours à une application de traduction. Toutefois, on n’en a pas trouvé traduisant en Punjabi.» (niveau : 1re année)

    «Avec 1h seulement [de francisation] par semaine, je ne trouve pas que mon élève s’améliore suffisamment.» (niveau : 3e année)

    «Je suis découragée! [...] Aucun service [pour les élèves qui auraient besoin de soutien linguistique ponctuel] car on a trop d’élèves à cote 22 [qui ont besoin de soutien intensif].» (niveau : 1re année)

    «Je trouve cela très difficile d’enseigner mon programme avec 13 élèves sur 20 qui sont en apprentissage de la langue.» (niveau : 1re année)

    «Plusieurs élèves n’arrivent pas à suivre les consignes de groupe, ils ne peuvent pas réaliser les tâches [...] Ils sont simplement assis dans la classe et entendent du français autour d’eux [...] Les termes mathématiques ne sont toujours pas accessibles alors ils ne cheminent pas à leur plein potentiel.» (niveau : 1re année)

    «Mon élève ne veut pas parler en classe.» (niveau : 6e année)

    «La progression est très lente. Je doute de l’efficacité des services tels qu’ils sont.» (niveau : 1re année)

    «Certains parents ont choisi d’engager un tuteur ou une tutrice au privé pour pallier les difficultés de leur enfant.» (niveau : 6e année)

    «On attend pour obtenir la formation que l’on a demandée depuis plusieurs mois. C’est le silence radio à mon école.» (niveau : 1re année)

Source: Sondage interne réalisé par le Syndicat de l’enseignement de la région de Vaudreuil (SERV-CSQ) auprès de plus de 80 professeurs du primaire.e. L'anglais comme lingua franca dans ces écoles dites francophones.

Source: Journal de Montréal

Mépris de l'identité québécoise dans les écoles du Québec : français méprisé, élèves humiliés, propos dégradants sur les femmes, violences, fête de Noël perturbée

Un texte de Jean-François Lisée dont une version abrégée est parue dans Le Devoir.

Je passe trop de temps sur X, je le confesse. Mais c’est là que le premier indice m’est apparu, l’an dernier. Un internaute a écrit ceci : « Un de mes vieux chums qui a grandi comme moi dans Villeray. Il est prof au primaire dans une école très multiethnique de Montréal. Il en a assez, il déménage hors de l’île. Loin de l’île. Le gars est pas politisé et pas vraiment plus nationaliste que le Joe moyen. À son école, les jeunes, principalement du Maghreb et d’Haïti, refusent l’identité québécoise. S’il leur dit qu’ils sont Québécois (ils sont la plupart nés ici) : hilarité générale ou même mépris ouvert pour notre nation. Les parents affirment également que leurs enfants sont Marocains, Algériens, Haïtiens, mais mon dieu pas Québécois. » J’ai voulu parler à ce prof, mais il a refusé.

Le témoignage fut commenté. Jason (pas de nom de famille) a renchéri : « J’ai été enseignant à Mtl (maintenant en région) et j’ai vécu cette réalité. Je n’ai jamais eu de troubles avec des classes hétérogènes. C’est quand il y a une grosse part d’élèves de même nationalité (Haïti, pays du Maghreb) qu’un phénomène de mépris du Québec s’affiche. » Un dénommé Claude rapporte : « Mon ex, éducatrice spécialisée, quitte son emploi dans une école semblable à ça dans l’Est de Mtl après la fin des cours cette année. Les comportements et dérives dépassent ce qu’elle peut endurer. » Une mère, Emmanuelle, ajoute : « Mon ado fait le même constat à son école secondaire, les propos sont parfois d’un mépris sidérant. Non, ça va pas bien. »

Intrigué, j’avais rangé tout ça dans un coin de mon ordinateur jusqu’à ce que je lise Le duel culturel des nations (Boréal) d’Emmanuel Lapierre. L’ouvrage, à la fois érudit et personnel, explique combien le vécu des théoriciens du concept de nation imprègne leurs conclusions. Il démontre aussi comment les nations dominantes, toutes intrinsèquement ethniques et civiques, culpabilisent les petites. Lapierre est enseignant. Il écrit : « dans toutes les écoles de la région de Montréal où j’ai travaillé ces 15 dernières années, je n’en reviens pas de constater l’attitude de mépris ou de honte à l’égard de la langue et de la culture québécoise. »

L’anglais domine les corridors

Puis, le mois dernier, j’ai commis l’erreur d’affirmer, dans mon texte École anormale, que le français était la langue commune dans les écoles privées de Montréal. Des enseignants ont assailli ma boîte courriel pour me détromper. Celui d’une école privée très cotée de Montréal, et aux longues racines francophones, témoigne : « Bien que le français soit la langue de travail, dans les corridors, la langue commune est de plus en plus l’anglais. La direction et les professeurs ont beau essayer de renverser la vapeur, rien n’y fait. L’anglais prédomine dans ce milieu très multiethnique. Le français, la plupart de nos élèves non francophones s’en foutent (une bonne partie des francophones, aussi d’ailleurs). » Pour éviter les représailles, il demande de ne pas être nommé et de ne pas désigner l’école. Mais une de ses collègues confirme ses constats.

J’ai parlé à la directrice générale du collège, Julie Duchesne, qui conteste cette affirmation. Les conversations de corridors, m’assure-t-elle, se font « principalement en français ». Elle ajoute que ses étudiants « sont tous fiers de parler, d’étudier et de vivre en français » et que toutes les interactions entre le personnel d’une part, les jeunes et leurs parents d’autre part, sont « unilingues francophones ». D’autant que l’institution « fait la promotion de la culture québécoise, des traditions, et les œuvres québécoises tiennent une grande place ». Certains des étudiants ont le droit de s’inscrire à l’école anglophone, mais « choisissent de faire [leurs études] en français ». Cette version et celle des profs sont, de toute évidence, irréconciliables.

Le conflit entre le français et l’anglais comme langues communes des étudiants hors des classes n’est nullement confiné à ces deux institutions. Un enseignant du privé a réalisé un sondage non scientifique auprès de ses amis profs dans d’autres institutions privées francophones de Montréal, et il me livre, sous toute réserve, le résultat suivant :

  • Reine-Marie : majoritairement francophone
  • Collège Laval : français un peu devant l’anglais
  • Collège Notre-Dame : français un peu devant l’anglais
  • Pensionnat-Saint-Nom-de-Marie : long combat entre anglais et français
  • Jean-Eudes : français-anglais égalité  

Le mépris des « Kebs »

Mes sources ne contestent pas que le français soit la langue officielle du collège, mais déplorent que ces efforts ne portent pas suffisamment fruit. Et signalent un autre phénomène : « les élèves détestent les francophones. On fait la vie très dure à ceux qui veulent parler français et défendre le fait français : ils sont humiliés et dénigrés en personne et sur les réseaux sociaux. »

Dans le cadre de son cours, toujours à Régina Assumpta, une autre prof devait aborder le thème de l’identité. Elle raconte : « Alors que nous étions en pleine discussion sur nos valeurs en tant que citoyens, un des deux élèves de souche de mon groupe a levé la main pour s’exprimer. C’est alors que tout le groupe s’est mis à rire et à huer en disant que les Kebs n’avaient pas de valeurs et que nos filles et nos femmes sont en fait des traînées (j’emploie un vocabulaire acceptable ici […]). Je suis rapidement intervenue et fus coupée par un grand gaillard d’origine maghrébine qui m’a lancé : “Madame, vous ne pouvez pas comprendre parce que les Kebs, vous n’avez pas de culture. Vous faites des trucs de Blancs comme aller au chalet et faire du ski et vous n’éduquez pas vos enfants.” »

Elle continue : « Que dire de mon petit élève “de souche”, musicien de l’orchestre à cordes du collège, qui a osé jouer un petit rigodon pour égayer notre activité de Noël en classe ? Les élèves se sont mis à rire de lui, à l’injurier et à lui lancer des objets. Plus tard, cette même journée, de la musique libanaise se faisait pourtant entendre dans la salle de niveau où tous les élèves se rassemblent et où plusieurs se sont mis à danser le dabkeh sous les applaudissements de la foule en délire. »

Elle poursuit : « Et comment se porte aujourd’hui cette élève québécoise francophone qui, en classe, a osé dire que les Québécois francophones avaient subi de la discrimination dans le passé ? [Elle] s’est fait insulter et menacer sur les réseaux sociaux pour ses propos que les autres élèves jugeaient racistes et déplacés puisque, selon eux, les Québécois francophones n’avaient pas vraiment soufferts. » Une élève de cette classe confirme l’incident.

Un autre prof rapporte qu’au moment de l’Halloween : « il y a cinq ans environ, [un] élève de secondaire 4e secondaire s’est présenté au collège costumé d’un sac à ordure Glad comme vêtement. Il avait fabriqué une petite affiche qu’il avait collée sur son ventre sur laquelle était écrit “Culture Keb”. Ça a pris deux ou trois périodes avant qu’un adulte lui demande d’enlever son costume. »

La direction de Régina Assumpta refuse de confirmer ou d’infirmer l’existence de ces anecdotes ou même d’indiquer si des faits de ce genre ont été portés à son attention. Mais elle assure qu’« aucun geste, commentaire haineux, raciste ou intolérant n’est toléré », que la situation est « prise en main par un membre du personnel » et qu’« il y a toujours des interventions qui se font ». Invitée à donner son avis sur l’existence même de cette problématique, d’en estimer l’importance, la montée ou le déclin, la directrice générale a refusé de s’engager sur ce terrain.

Une intolérance de part et d’autre

À Régina Assumpta toujours, dans un groupe de secondaire 2, un intervenant de la « Caravane de la tolérance » a posé la question : qui ici se sent Québécois ? Sur 36 élèves, 34 ont dit non. Cet organisme s’appelle maintenant Ensemble pour le respect de la diversité. Il anime chaque année environ mille ateliers sur la tolérance dans les écoles du Québec, publiques et privées, rejoignant ainsi près de 30 000 élèves par an. J’ai évoqué ce résultat à son directeur général, Rafaël Provost. Sa réaction : « c’est quelque chose qui nous arrive très souvent ».

Je lui ai ensuite lu les anecdotes rapportées par les profs. Il les considère toutes vraisemblables. Ce mépris des Kebs, dit-il, « on le voit et on l’entend dans les écoles ».

Le dernier Portrait socioculturel des élèves inscrits dans les écoles publiques de l’île de Montréal rapporte que 56 % des élèves y sont soit nés à l’étranger, soit nés ici de deux parents étrangers.

Sur un total de 447 écoles, 168 écoles publiques (primaires ou secondaires) de l’île affichent une proportion de 66 % ou plus d’étudiants appartenant à cette catégorie. Parmi elles, 114 en comptent 75 % ou plus, 46 en accueillent 85 % ou plus.

La mise en minorité des natifs peut créer des conditions propices à la propagation du mépris, mais il n’en constitue pas la cause. M. Provost évoque plusieurs raisons qui peuvent l’expliquer. « Aucun jeune ne naît raciste, homophobe ou intolérant. C’est quelque chose qui s’apprend. » Un jeune qui grandit dans une famille immigrante dont l’intégration est réussie aura du Québec et de ses habitants une image positive tandis que les parents qui se sentent rejetés et dévalorisés transmettront leur dépit à leurs enfants. « Si les parents ne se sentent pas eux-mêmes Québécois, c’est difficile de transmettre [l’attachement au Québec] à leurs jeunes. »

Mais l’intolérance, insiste Provost, n’est pas à sens unique. « Beaucoup de jeunes à Montréal ne s’identifient pas comme Québécois parce qu’ils disent qu’ils n’ont pas le droit de se sentir comme ça », explique-t-il. « On leur dit qu’ils ne le sont pas. » Qui est ce « on » ? « Des jeunes Québécois qui disent aux autres qu’ils ne sont pas Québécois [car] pour être Québécois il faut être blanc, francophone, né ici. » C’est le genre de commentaires qu’il entend, aujourd’hui, dans les écoles montréalaises. Et c’est la tâche de son organisme de déconstruire ces préjugés, de part et d’autre. [À moins que cela soit une excuse facile : les de souche sont méchants...]

Je lui ai demandé si ce phénomène est en progrès ou en reflux. Il constate une montée générale de l’intolérance, dans tous les domaines : identitaire, raciale, d’orientation sexuelle. « Il y a des jeunes qui lèvent la main maintenant dans les classes — et ça nous arrive régulièrement — pour dire : “moi je suis raciste”, “moi je suis homophobe et c’est de la liberté d’expression”. Ils le verbalisent. Alors, imaginez ceux qui le pensent sans le dire ! » [Importer des gens de pays très conservateurs et leur imposer à l'école des valeurs très « progressistes » (prétendûment québécoises), qu'ils considèrent comme décadentes. C'est s'assurer le rejet de cette culture imposée en outre considérée comme moribonde, car elle ne fait même plus d'enfants.] Ses services sont d’ailleurs plus sollicités que jamais et il dit sentir les équipes-écoles débordées par l’augmentation des tensions de toutes sortes.

Intérioriser le mépris

Reste que l’ambiance ainsi créée sur la question spécifique de l’attachement au Québec est délétère, y compris pour la santé identitaire des francophones. L’auteur et enseignant Emmanuel Lapierre estime que certains d’entre eux « adoptent la même attitude que les autres Canadiens vis-à-vis du français. Ils le parlent par politesse parmi les leurs, et le parlent mal. Inconsciemment ou consciemment, ils dédaignent leur propre langue, leur propre identité. »

Une enseignante de Régina Assumpta fait le même constat. « J’avais, écrit-elle, des petits Québécois francophones qui étaient si heureux à l’idée d’avoir trouvé un ancêtre écossais, irlandais ou polonais au fin fond de leur arbre généalogique. Aussi “arrière-arrière-arrière” cet ancêtre pouvait-il être, les voilà qui se disaient soudainement “moitié Québécois, moitié…”. Fiou ! [ouf !] Enfin une moitié qui saurait peut-être les sauver de l’ostracisation. »

Bref, quelque chose d’important et d’inquiétant se passe aujourd’hui dans des écoles francophones, privées et publiques, de Montréal. De guerre lasse, certains enseignants choisissent l’exil, dans une autre école ou à l’extérieur de Montréal. Les jeunes n’ont pas cette option. Ni les Kebs, ni les autres. Je n’ai pu ici lever qu’un coin du voile sur cette dynamique. Il m’apparaît urgent de mieux la documenter et la comprendre, trouver des moyens efficaces d’estomper cette dichotomie malsaine, car ce qui se déroule devant nous, c’est le détricotage, voire la déchirure, du tissu identitaire québécois.

Voir aussi

Écoles du Québec — « Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto

Réaction hostile de la part des élèves immigrés à l'arrivée d'élèves « de souche »

Réaction de Bock-Côté à ce texte :