La décision rendue par la Cour nationale [française] du droit d’asile le 11 juillet dernier, ayant établi que les Palestiniens pouvaient « bénéficier du statut de réfugié » en France, est une nouvelle preuve de l’avancée du programme « d’accueil inconditionnel » souhaitée par les associations, pointe le directeur de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, Nicolas Pouvreau-Monti.
Stupeur et inquiétude. La décision rendue par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) le vendredi 11 juillet, ayant établi que les « ressortissants palestiniens originaires de la bande de Gaza » pouvaient « bénéficier du statut de réfugié » en France, apparaît avoir suscité ces deux sentiments conjoints, dans un pays où l’importation du conflit proche-oriental est un spectre qui plane depuis plus de deux décennies.
Comme toujours en pareille circonstance, la CNDA a fondé cette nouvelle jurisprudence à l’occasion d’un cas particulier : une femme et son fils venus du nord de la bande de Gaza, qu’ils ont fuie dans la foulée des attaques terroristes du 7 Octobre et de l’offensive menée par Israël. Ayant atteint l’Égypte, les deux Gazaouis ont été pris en charge par l’ambassade de France au Caire et ont reçu deux laissez-passer consulaires pour rejoindre le territoire français.
Cette mère a alors déposé une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’établissement public chargé d’instruire les dossiers d’asile en première instance, qui leur a accordé un statut de « protection subsidiaire ». Il s’agit de l’une des formes du droit d’asile dans l’union européenne, dédiée aux personnes qui ne remplissent pas les critères de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés (car ne faisant pas l’objet d’actes de « persécution » ciblée), mais qui seraient néanmoins en danger en cas de retour dans leur pays. Par exemple, car ils s’y trouveraient exposés à « situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle». Depuis une précédente décision de la CNDA rendue le 12 février 2024, le système français d’asile considère que Gaza se trouve dans un tel contexte.
Comme toujours en pareille circonstance, la CNDA a fondé cette nouvelle jurisprudence à l’occasion d’un cas particulier : une femme et son fils venus du nord de la bande de Gaza, qu’ils ont fuie dans la foulée des attaques terroristes du 7 Octobre et de l’offensive menée par Israël. Ayant atteint l’Égypte, les deux Gazaouis ont été pris en charge par l’ambassade de France au Caire et ont reçu deux laissez-passer consulaires pour rejoindre le territoire français.
Cette mère a alors déposé une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’établissement public chargé d’instruire les dossiers d’asile en première instance, qui leur a accordé un statut de « protection subsidiaire ». Il s’agit de l’une des formes du droit d’asile dans l’union européenne, dédiée aux personnes qui ne remplissent pas les critères de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés (car ne faisant pas l’objet d’actes de « persécution » ciblée), mais qui seraient néanmoins en danger en cas de retour dans leur pays. Par exemple, car ils s’y trouveraient exposés à « situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle». Depuis une précédente décision de la CNDA rendue le 12 février 2024, le système français d’asile considère que Gaza se trouve dans un tel contexte.
Cependant, la requérante palestinienne n’a pas voulu s’en contenter. Elle a fait appel auprès de la CNDA, afin de se voir reconnaître un statut de réfugié plein et entier. Il est permis de s’interroger devant une telle insistance procédurale, dans un contexte personnel que l’on présume bouleversé. Des réponses surgissent à la vue des associations qui ont « accompagné » cette Gazaouie dans son recours. Celui-ci a été lancé par le Collectif des Avocat·es France-Palestine, et appuyé par un ensemble d’organisations qui se sont portées «intervenantes volontaires » à cette occasion : la Ligue des droits de l’homme, la Cimade, le Gisti… De toute évidence, le sujet principal n’était pas le destin personnel de cette femme et son fils - déjà assurés d’un statut de protection sur le territoire français. Il s’agissait, pour ces associations, de saisir une occasion d’étendre plus largement encore les critères d’éligibilité des Palestiniens à l’asile en France, tout en faisant jeter un opprobre juridictionnel sur la politique militaire du gouvernement israélien.
Cette stratégie s’est avérée payante. La CNDA a accordé le statut de réfugiés aux requérants et décidé, ce faisant, que «les ressortissants palestiniens originaires de la bande de Gaza non protégés par L’ONU peuvent se voir accorder le statut de réfugié ». En effet, depuis un précédent jugement de la même Cour rendu le 13 septembre dernier, les 70 % de Gazaouis placés sous mandat de L’UNRWA (l’office spécial des Nations unies pour les réfugiés de Palestine), car descendants des Palestiniens déplacés de 1948, étaient déjà éligibles à l’octroi de ce statut en France. Pour rattacher son nouveau choix d’élargissement aux critères formels de la convention de Genève, la CNDA a estimé que les « méthodes de guerre utilisées par les forces israéliennes » s’apparentaient à une « persécution » fondée sur la « nationalité ».
Cette décision du 11 juillet n’est donc pas exactement la rupture majeure qui est parfois présentée. Elle marque au contraire une continuité, un aboutissement : les deux millions d’habitants de la bande de Gaza peuvent prétendre à la forme la plus protectrice du droit d’asile en France - matérialisée par l’octroi d’un titre de séjour de dix ans, le droit à la « réunification familiale », à la Sécurité sociale et à l’ensemble des aides prévues pour les Français. L’on mesure à quel point cette mécanique du droit d’asile est désormais hors de contrôle. Gérée en autonomie par des institutions spécialisées cultivant une certaine proximité avec le monde associatif, qui les utilise comme un levier permettant de faire avancer son programme «d’accueil inconditionnel», elle prend la forme d’un véritable droit opposable à l’immigration - qui ne connaît aucune limite quantitative, ni aucune délibération démocratique.
Ses bases d’attribution se sont élargies de manière spectaculaire au cours des dernières décennies, en s’appuyant notamment sur la notion de « groupe social ». Celle-ci permet de rendre éligible à l’asile des populations entières pour des motifs sociétaux : les femmes à risque d’excision au Soudan ou en Égypte, les homosexuels birmans, kosovars ou congolais, les anciens esclaves de Mauritanie, les personnes atteintes d’albinisme au Nigeria… En intégrant l’ensemble des critères qui permettent d’obtenir l’un ou l’autre des statuts de protection, au moins 580 millions de personnes à travers le monde sont aujourd’hui éligibles à l’asile en France, si elles se trouvent en mesure de déposer une demande sur le territoire.
Le droit d’asile constitue, de loin, le canal d’immigration en plus forte croissance : 1 habitant sur 100 en France est désormais un étranger bénéficiaire de l’asile ; ils étaient 663 000 à disposer d’une protection au 31 décembre dernier, soit une multiplication par trois en dix ans à peine. Durant les quatre premiers mois de l’année 2025, notre pays a reçu le plus de demandes de protection dans toute l’union européenne - dépassant désormais l’Allemagne.
Quel sera l’effet de cette nouvelle décision de la CNDA, qui s’ajoute à d’autres, sur l’asile des Gazaouis en France? Il est difficile de le prévoir. Seules 250 demandes émanant des Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie ont été enregistrées l’an dernier et il reste, à ce jour, très compliqué de quitter concrètement la bande de Gaza. Mais qu’adviendra-t-il demain, si le gouvernement israélien mène à son terme un plan d’évacuation totale du territoire ? L’Égypte et la Jordanie voisines ont déjà indiqué qu’elles refuseraient d’accueillir sa population.
Comme l’a souligné Didier Leschi, directeur général de l’office français de l’immigration et de l’intégration, dans un rapport publié le mois dernier par L’OID et la Fondapol, la France compte désormais plus de 100 000 Afghans sur son sol - un nombre multiplié par 60 en deux décennies. Personne n’a vraiment souhaité, ni anticipé un tel afflux en provenance d’Afghanistan. L’actuel régime du droit d’asile présente la faculté singulière de faire émerger des diasporas imprévues sur le sol des sociétés d’accueil.
Source : Le Figaro