Il y a quelques semaines, une dépêche de presse a fait le tour des salles de rédaction. « Les enfants religieux sont plus méchants que leurs camarades non religieux », titrait le Guardian, journal de gauche britannique de référence. « Les enfants religieux sont des connards », délirait pour sa part le Daily Beast.
Des centaines d’autres journaux reprirent la même nouvelle : Le Monde, Radio Canada, The Economist, Forbes, le Journal de Québec, le Los Angeles Times, Le Soir de Bruxelles, The Independent de Londres. Tous ces articles étaient basés sur une note de recherche de quatre pages et demie publiée dans Current Biology par le professeur Jean Decety, un franco-américain, et six de ses collègues.
En se basant sur les résultats de cette étude, l’ineffable « doc » Mailloux n’a pas hésité à déclarer, dans son émission au 106,9 FM en Mauricie, que les enfants provenant de familles croyantes sont « inférieurs ».
Mais quelles sont les preuves qui étayeraient ces titres sensationnalistes ? Cette étude confirme-t-elle d’autres études ? Vaut-elle tout le battage médiatique qui a entouré sa parution ?
En réalité, ce projet a été mal conçu et l’analyse des données a été bâclée. Leurs auteurs n’ont fait aucun effort ni pour tester d’autres hypothèses ni pour atténuer les lacunes dans la conception de leur travail de recherche. Leurs résultats contredisent la grande majorité des autres recherches sur le sujet. Enfin, les chercheurs surinterprètent les données avant que les journalistes n’en fassent goulûment de même et s’aventurent bien au-delà de ce que les universitaires affirmaient.
Mais, afin que les choses soient claires, voyons d’abord ce qu’affirme l’étude et quelle est sa méthodologie.
L’étude, publiée dans le magazine Current Biology, a été menée auprès d’un échantillon non aléatoire de 1170 enfants de 5 à 12 ans provenant de 6 pays différents (le Canada, la Chine, la Jordanie, la Turquie, les États-Unis et l’Afrique du Sud).
Les enfants ont été divisés en trois groupes différents soit ceux dont les parents sont non religieux, ceux dont les parents sont chrétiens et finalement ceux dont les géniteurs sont musulmans. Les chercheurs n’ont jamais demandé aux enfants s’ils étaient religieux ou non.
Dans l’expérience principale, les chercheurs leur ont remis 30 autocollants et leur ont demandé de choisir leurs 10 préférés en leur mentionnant qu’il n’y en aurait pas assez pour tous leurs camarades.
Les universitaires ont ensuite dit aux enfants que l’on manquait de temps pour terminer l’expérience avec les autres enfants, mais que s’ils étaient prêts à donner certains de leurs autocollants, les chercheurs les distribueraient à leurs camarades moins chanceux. Les universitaires ont alors compté le nombre d’autocollants que les écoliers ont rendu et ont utilisé ce chiffre comme mesure de l’altruisme de ces enfants.
Les auteurs de l’étude ont comparé le nombre d’autocollants que les enfants issus de foyers religieux rendaient et l’ont comparé au nombre rendu par les enfants issus de foyers non religieux.
Les écoliers non religieux ont donné davantage d’autocollants (0,86 autocollant de plus pour être exact). Tout ce ramdam médiatique porte donc sur une fraction de vignette (sur dix).
Malgré la grande diversité de participants regroupés dans cet échantillon transnational (par exemple le Canada et la Jordanie) et les nombreux facteurs qui peuvent influer sur la générosité des enfants dans une telle diversité de contextes (notamment la pauvreté), les chercheurs ont supposé que la seule différence entre les écoliers issus de familles « religieuses » et ceux de familles « non religieuses » était la religion[1]. C’était faire une grosse hypothèse.
Dans la deuxième expérience, les chercheurs ont présenté une série de scénarios où un enfant en poussait un autre et commettait d’autres « préjudices interpersonnels ». Les étudiants religieux considéraient ces comportements comme plus « méchants » que les enfants non religieux. Les enfants de familles musulmanes recommandaient des punitions plus sévères pour ces mauvaises actions que les enfants non religieux. Les punitions recommandées par les enfants de famille chrétienne ne se distinguaient pas de celles proposées par les enfants de familles non religieuses.
Étrangement, dans la conclusion de l’article et dans la plupart des articles de presse, les différents auteurs affirment que les enfants « religieux » étaient « plus méchants », « plus sévères » ou « plus vindicatifs » sans préciser que seuls les enfants musulmans l’étaient (si tant est que l’échantillon était représentatif des enfants de familles musulmanes en général). Les chercheurs n’ont pas interprété le souci des enfants religieux envers les personnes qui avaient été poussées ou blessées par un autre enfant comme un signe d’altruisme, mais l’ont considéré comme vindicatif.
Les auteurs n’ont pas plus ajusté leurs évaluations de la sévérité des peines pour prendre en compte l’interprétation de la gravité des infractions du point de vue des enfants : si ces enfants considèrent que pousser quelqu’un n’est pas grave, ils seront bien évidemment enclins à plus de clémence envers les auteurs de ces impolitesses. Ils n’ont pas plus conclu que les enfants de familles chrétiennes étaient miséricordieux malgré le fait qu’ils considéraient ces actes d’incivilités comme plus mesquins que les écoliers de familles non religieuses alors qu’ils ne demandaient pas de punitions plus sévères que leurs camarades non religieux.
Dans la troisième expérience, les chercheurs ont demandé aux parents à quel point leur enfant est empathique et sensible à l’injustice. Les parents religieux ont classé leurs enfants comme plus empathiques et sensibles à l’injustice que les parents non religieux. Les chercheurs ont considéré ces témoignages comme de l’aveuglement parental et décidé que leur expérience avec les autocollants permettait de mieux capter l’empathie et la sensibilité des enfants que, d’une part, la préoccupation de l’enfant pour les enfants qui ont été poussés et, d’autre part, toute une vie de parents remplie d’expériences. Les chercheurs auraient pu demander à un enseignant ou d’autres élèves d’évaluer l’empathie et la sensibilité des enfants (comme évaluation extérieure), mais ils ne l’ont pas fait.
Dans la première et la troisième expérience, une différence entre les enfants de familles religieuses et non religieuses demeure après ajustement pour l’âge, le pays et une mesure approximative du niveau d’instruction de la mère[2]. L’effet de la religion sur le don d’autocollants devient sans doute plus petit une fois ces facteurs pris en compte, mais il est difficile de déterminer l’ampleur de cette réduction parce que les auteurs passent à des coefficients standardisés sans fournir d’écarts-types. Ainsi, nous ne savons pas ce que veut dire en termes d’autocollants cette phrase absconse de l’étude : « un changement d’écart-type dans l’identité religieuse correspond à un changement de -0,15 d’écart-type de dons d’autocollant ». On ne peut donc pas traduire ces coefficients en unités compréhensibles. Avant d’ajuster les valeurs en prenant en compte l’âge, le pays et le niveau d’éducation de la mère, les écoliers de familles religieuses donnaient 0,86 autocollant de moins ; après ajustement les enfants de familles religieuses donnent peut-être 0,20 autocollant de moins, mais dans les deux cas la différence est peu importante.
Tant dans la conclusion de l’étude que dans les articles de presse, les auteurs et les journalistes n’ont indiqué que la différence entre les écoliers issus de familles religieuses et non religieuses avant ajustement et aucun des articles recensés ne soulignait le peu d’importance de cette différence, à savoir moins d’un autocollant. Les auteurs ne précisent pas si, dans la seconde expérience, la différence dans « l’esprit vindicatif » entre les enfants « religieux » et « non religieux » demeure significative après ajustement pour l’âge, le pays et le niveau d’instruction de la mère, probablement parce que ce n’est pas le cas.
Les chercheurs ont conclu que ces trois expériences indiqueraient que les personnes religieuses se penseraient plus serviables alors qu’en réalité ils sont « moins serviables » et « plus vindicatifs ». Au cours d’entrevues avec des journalistes, Decety explique que si les gens pensent qu’ils sont plus moraux, ils se permettent d’être plus immoraux. Ainsi, penser qu’on est moral serait préjudiciable.
Decety prétend également que sa recherche démontre que la sécularisation est une bonne chose : « ... la sécularisation du discours moral ne réduit pas la bonté humaine. En fait, elle produit exactement le contraire. » Ces deux affirmations sont relativement générales et peu étayées par les données. Nous ne savons pas si les enfants se croient plus moraux, uniquement que leurs parents les pensent plus empathiques et sensibles à l’injustice. Nous ne savons pas pourquoi les enfants de familles religieuses ont donné un peu moins d’autocollants (ni même si cette association est causale), encore moins s’ils ont agi moins « moralement » parce qu’ils se pensent moraux. Les universitaires n’ont pas plus étudié l’effet de la sécularisation sur la bonté.
Les articles dans la presse populaire extrapolent encore plus. Un article paru dans The Mirror affirme que « les enfants des athées sont plus aimables et plus tolérants » — bien qu’il soit peu probable que les 28 pour cent de parents de l’échantillon identifiés comme « non religieux » soient tous des athées. Radio-Canada a commis la même généralisation abusive : « Athée et plus altruiste qu’un religieux ». Un article dans Forbes prétend que la recherche démontre que les personnes religieuses sont « moins morales » et que « l’histoire étaye la preuve scientifique que les laïcs sont plus moraux ». Visiblement pour ce journal une fraction d’autocollants (0,86 sans ajustement !) l’emporte sur les millions de morts d’Hitler et de Staline. Le Monde s’est également aventuré à prétendre que l’histoire prouvait la véracité de cette étude (sans considérer, notamment, les intérêts financiers des uns et des autres).
La plupart des comptes rendus dans la presse supposaient que la relation entre religion et légèrement moins d’autocollants rendus est causale. Aucune des dizaines d’articles de la presse grand public n’a mentionné la moindre étude précédente sur le même sujet ni interviewé un universitaire qui aurait un point de vue différent. Tous les articles de presse lus se félicitaient de cette étude au point de s’époumoner parfois en éloges. Il est clair que cette petite note de recherche allait dans le sens de ce que de nombreux journalistes voulaient entendre et voulaient diffuser. Visiblement, aucun d’entre eux n’a trouvé nécessaire ni de faire une petite recherche sur Google pour voir ce que la recherche publiée affirmait sur le sujet ni d’interroger n’importe quel spécialiste universitaire dans ce domaine.
Penchons-nous maintenant en détail sur cette étude et évaluons-la. Peut-on la prendre au sérieux ?
Pour ce faire, nous poserons six questions.
Des centaines d’autres journaux reprirent la même nouvelle : Le Monde, Radio Canada, The Economist, Forbes, le Journal de Québec, le Los Angeles Times, Le Soir de Bruxelles, The Independent de Londres. Tous ces articles étaient basés sur une note de recherche de quatre pages et demie publiée dans Current Biology par le professeur Jean Decety, un franco-américain, et six de ses collègues.
L’unanimisme et l’amateurisme de la presse dominante
En se basant sur les résultats de cette étude, l’ineffable « doc » Mailloux n’a pas hésité à déclarer, dans son émission au 106,9 FM en Mauricie, que les enfants provenant de familles croyantes sont « inférieurs ».
Mais quelles sont les preuves qui étayeraient ces titres sensationnalistes ? Cette étude confirme-t-elle d’autres études ? Vaut-elle tout le battage médiatique qui a entouré sa parution ?
L’unanimisme et l’amateurisme de la presse dominante (suite)
En réalité, ce projet a été mal conçu et l’analyse des données a été bâclée. Leurs auteurs n’ont fait aucun effort ni pour tester d’autres hypothèses ni pour atténuer les lacunes dans la conception de leur travail de recherche. Leurs résultats contredisent la grande majorité des autres recherches sur le sujet. Enfin, les chercheurs surinterprètent les données avant que les journalistes n’en fassent goulûment de même et s’aventurent bien au-delà de ce que les universitaires affirmaient.
Mais, afin que les choses soient claires, voyons d’abord ce qu’affirme l’étude et quelle est sa méthodologie.
L’étude, publiée dans le magazine Current Biology, a été menée auprès d’un échantillon non aléatoire de 1170 enfants de 5 à 12 ans provenant de 6 pays différents (le Canada, la Chine, la Jordanie, la Turquie, les États-Unis et l’Afrique du Sud).
Les enfants ont été divisés en trois groupes différents soit ceux dont les parents sont non religieux, ceux dont les parents sont chrétiens et finalement ceux dont les géniteurs sont musulmans. Les chercheurs n’ont jamais demandé aux enfants s’ils étaient religieux ou non.
Dans l’expérience principale, les chercheurs leur ont remis 30 autocollants et leur ont demandé de choisir leurs 10 préférés en leur mentionnant qu’il n’y en aurait pas assez pour tous leurs camarades.
Les universitaires ont ensuite dit aux enfants que l’on manquait de temps pour terminer l’expérience avec les autres enfants, mais que s’ils étaient prêts à donner certains de leurs autocollants, les chercheurs les distribueraient à leurs camarades moins chanceux. Les universitaires ont alors compté le nombre d’autocollants que les écoliers ont rendu et ont utilisé ce chiffre comme mesure de l’altruisme de ces enfants.
Les auteurs de l’étude ont comparé le nombre d’autocollants que les enfants issus de foyers religieux rendaient et l’ont comparé au nombre rendu par les enfants issus de foyers non religieux.
Les écoliers non religieux ont donné davantage d’autocollants (0,86 autocollant de plus pour être exact). Tout ce ramdam médiatique porte donc sur une fraction de vignette (sur dix).
Malgré la grande diversité de participants regroupés dans cet échantillon transnational (par exemple le Canada et la Jordanie) et les nombreux facteurs qui peuvent influer sur la générosité des enfants dans une telle diversité de contextes (notamment la pauvreté), les chercheurs ont supposé que la seule différence entre les écoliers issus de familles « religieuses » et ceux de familles « non religieuses » était la religion[1]. C’était faire une grosse hypothèse.
Dans la deuxième expérience, les chercheurs ont présenté une série de scénarios où un enfant en poussait un autre et commettait d’autres « préjudices interpersonnels ». Les étudiants religieux considéraient ces comportements comme plus « méchants » que les enfants non religieux. Les enfants de familles musulmanes recommandaient des punitions plus sévères pour ces mauvaises actions que les enfants non religieux. Les punitions recommandées par les enfants de famille chrétienne ne se distinguaient pas de celles proposées par les enfants de familles non religieuses.
Étrangement, dans la conclusion de l’article et dans la plupart des articles de presse, les différents auteurs affirment que les enfants « religieux » étaient « plus méchants », « plus sévères » ou « plus vindicatifs » sans préciser que seuls les enfants musulmans l’étaient (si tant est que l’échantillon était représentatif des enfants de familles musulmanes en général). Les chercheurs n’ont pas interprété le souci des enfants religieux envers les personnes qui avaient été poussées ou blessées par un autre enfant comme un signe d’altruisme, mais l’ont considéré comme vindicatif.
Les auteurs n’ont pas plus ajusté leurs évaluations de la sévérité des peines pour prendre en compte l’interprétation de la gravité des infractions du point de vue des enfants : si ces enfants considèrent que pousser quelqu’un n’est pas grave, ils seront bien évidemment enclins à plus de clémence envers les auteurs de ces impolitesses. Ils n’ont pas plus conclu que les enfants de familles chrétiennes étaient miséricordieux malgré le fait qu’ils considéraient ces actes d’incivilités comme plus mesquins que les écoliers de familles non religieuses alors qu’ils ne demandaient pas de punitions plus sévères que leurs camarades non religieux.
Dans la troisième expérience, les chercheurs ont demandé aux parents à quel point leur enfant est empathique et sensible à l’injustice. Les parents religieux ont classé leurs enfants comme plus empathiques et sensibles à l’injustice que les parents non religieux. Les chercheurs ont considéré ces témoignages comme de l’aveuglement parental et décidé que leur expérience avec les autocollants permettait de mieux capter l’empathie et la sensibilité des enfants que, d’une part, la préoccupation de l’enfant pour les enfants qui ont été poussés et, d’autre part, toute une vie de parents remplie d’expériences. Les chercheurs auraient pu demander à un enseignant ou d’autres élèves d’évaluer l’empathie et la sensibilité des enfants (comme évaluation extérieure), mais ils ne l’ont pas fait.
Dans la première et la troisième expérience, une différence entre les enfants de familles religieuses et non religieuses demeure après ajustement pour l’âge, le pays et une mesure approximative du niveau d’instruction de la mère[2]. L’effet de la religion sur le don d’autocollants devient sans doute plus petit une fois ces facteurs pris en compte, mais il est difficile de déterminer l’ampleur de cette réduction parce que les auteurs passent à des coefficients standardisés sans fournir d’écarts-types. Ainsi, nous ne savons pas ce que veut dire en termes d’autocollants cette phrase absconse de l’étude : « un changement d’écart-type dans l’identité religieuse correspond à un changement de -0,15 d’écart-type de dons d’autocollant ». On ne peut donc pas traduire ces coefficients en unités compréhensibles. Avant d’ajuster les valeurs en prenant en compte l’âge, le pays et le niveau d’éducation de la mère, les écoliers de familles religieuses donnaient 0,86 autocollant de moins ; après ajustement les enfants de familles religieuses donnent peut-être 0,20 autocollant de moins, mais dans les deux cas la différence est peu importante.
Tant dans la conclusion de l’étude que dans les articles de presse, les auteurs et les journalistes n’ont indiqué que la différence entre les écoliers issus de familles religieuses et non religieuses avant ajustement et aucun des articles recensés ne soulignait le peu d’importance de cette différence, à savoir moins d’un autocollant. Les auteurs ne précisent pas si, dans la seconde expérience, la différence dans « l’esprit vindicatif » entre les enfants « religieux » et « non religieux » demeure significative après ajustement pour l’âge, le pays et le niveau d’instruction de la mère, probablement parce que ce n’est pas le cas.
Les chercheurs ont conclu que ces trois expériences indiqueraient que les personnes religieuses se penseraient plus serviables alors qu’en réalité ils sont « moins serviables » et « plus vindicatifs ». Au cours d’entrevues avec des journalistes, Decety explique que si les gens pensent qu’ils sont plus moraux, ils se permettent d’être plus immoraux. Ainsi, penser qu’on est moral serait préjudiciable.
Decety prétend également que sa recherche démontre que la sécularisation est une bonne chose : « ... la sécularisation du discours moral ne réduit pas la bonté humaine. En fait, elle produit exactement le contraire. » Ces deux affirmations sont relativement générales et peu étayées par les données. Nous ne savons pas si les enfants se croient plus moraux, uniquement que leurs parents les pensent plus empathiques et sensibles à l’injustice. Nous ne savons pas pourquoi les enfants de familles religieuses ont donné un peu moins d’autocollants (ni même si cette association est causale), encore moins s’ils ont agi moins « moralement » parce qu’ils se pensent moraux. Les universitaires n’ont pas plus étudié l’effet de la sécularisation sur la bonté.
Les articles dans la presse populaire extrapolent encore plus. Un article paru dans The Mirror affirme que « les enfants des athées sont plus aimables et plus tolérants » — bien qu’il soit peu probable que les 28 pour cent de parents de l’échantillon identifiés comme « non religieux » soient tous des athées. Radio-Canada a commis la même généralisation abusive : « Athée et plus altruiste qu’un religieux ». Un article dans Forbes prétend que la recherche démontre que les personnes religieuses sont « moins morales » et que « l’histoire étaye la preuve scientifique que les laïcs sont plus moraux ». Visiblement pour ce journal une fraction d’autocollants (0,86 sans ajustement !) l’emporte sur les millions de morts d’Hitler et de Staline. Le Monde s’est également aventuré à prétendre que l’histoire prouvait la véracité de cette étude (sans considérer, notamment, les intérêts financiers des uns et des autres).
La plupart des comptes rendus dans la presse supposaient que la relation entre religion et légèrement moins d’autocollants rendus est causale. Aucune des dizaines d’articles de la presse grand public n’a mentionné la moindre étude précédente sur le même sujet ni interviewé un universitaire qui aurait un point de vue différent. Tous les articles de presse lus se félicitaient de cette étude au point de s’époumoner parfois en éloges. Il est clair que cette petite note de recherche allait dans le sens de ce que de nombreux journalistes voulaient entendre et voulaient diffuser. Visiblement, aucun d’entre eux n’a trouvé nécessaire ni de faire une petite recherche sur Google pour voir ce que la recherche publiée affirmait sur le sujet ni d’interroger n’importe quel spécialiste universitaire dans ce domaine.
Penchons-nous maintenant en détail sur cette étude et évaluons-la. Peut-on la prendre au sérieux ?
Pour ce faire, nous poserons six questions.