mercredi 26 juin 2019

« Femmes célibataires sans enfant sont plus heureuses » ? Les données montrent plutôt l'inverse...

Plusieurs médias (voir les illustrations qui émaillent ce billet) ont rapporté ces dernières semaines que les femmes célibataires sans enfant étaient le groupe le plus heureux de la population.

Ces affirmations proviennent d’un chercheur britannique en sciences du comportement, Paul Dolan (ci-contre). Il ne cachait pas son enthousiasme par rapport à cette découverte : c’est « très bon pour l’environnement ! » (voir extrait d’un article de Métro ci-dessous).

Cependant, lorsqu’on s’attarde aux données utilisées par ce chercheur, on constate que ses conclusions sont erronées et que les données indiquent plutôt l’inverse de ce qu’il avance.

Notons que les résultats de cette étude proclamant que le bonheur des femmes était dans le célibat et la stérilité semblaient aller à l’encontre de plusieurs études passées, notamment :




Cette nouvelle est partie d’un article du quotidien britannique progressiste The Guardian qui relayait  les affirmations du chercheur Paul Dolan.



Le quotidien progressiste relatait que Paul Dolan a déclaré que « le sous-groupe de la population le plus heureux est celui des femmes qui ne se sont jamais mariées et qui n’ont jamais eu d’enfants ». Selon le chercheur, le mariage aurait des répercussions positives sur la santé des hommes, mais négatives sur la santé des femmes.

Dans son livre paru en 2019, Happy Ever After, Dolan avançait plusieurs affirmations provocantes sur l’association entre mariage et bonheur, suggérant que les femmes célibataires étaient plus heureuses que les femmes mariées. En faisant la promotion du livre, il a déclaré : « Les personnes mariées sont plus heureuses que les autres sous-groupes de la population, mais seulement lorsque leur conjoint est dans la pièce quand on leur demande à quel point elles sont heureuses. Lorsque le conjoint n’est plus présent, elle est f* ! % trement malheureuse. » Comme nous le verrons ci-dessous, des spécialistes des sciences sociales ont rapidement souligné que cette conclusion reposait sur l’incompréhension du terme « conjoint présent » dans l’American Time Use Survey. Dolan a par la suite rétracté sa déclaration erronée.



Le chercheur a également affirmé que les femmes mariées sont heureuses lorsque leur conjoint se trouve dans la pièce, mais se disent malheureuses dès qu’il est absent.

Des erreurs dans l’interprétation des données

Pour appuyer ses affirmations, le chercheur Paul Dolan s’est basé sur les données de l’American Time Use Survey (ATUS). Ces données sont recueillies par le gouvernement américain pour étudier comment divers segments de la population utilisent leur temps ainsi que leur niveau de bonheur durant leurs activités quotidiennes.


L’économiste Gray Kimbrough, professeur associé à l’American University, qui a aussi étudié les données de l’ATUS, estime que le professeur Paul Dolan s’est trompé à plusieurs niveaux. « Si on fait l’exercice correctement, on constate que [les conclusions] vont dans le sens contraire », explique M. Kimbrough.

Dans un premier temps, les données utilisées ne comparent pas les femmes qui ont eu des enfants avec celles qui n’ont jamais eu d’enfants, mais plutôt celles qui ont des enfants à la maison et celles qui n’ont pas d’enfants à la maison.

Ainsi, les conclusions tirées par le professeur Dolan ne concernent pas que les femmes qui n’ont jamais eu d’enfants, mais aussi celles qui ont des enfants qui vivent ailleurs.

De plus, en se penchant sur les données de l’ATUS (Nouvelle fenêtre), on constate que les femmes non mariées sans enfant à la maison sont en fait légèrement moins heureuses que les autres, contrairement à ce qu’affirme Paul Dolan.

Mais selon l’économiste Gray Kimbrough, il faut éviter de faire des généralisations à partir de ces données.

C’est très difficile de tirer des conclusions en comparant les femmes mariées avec les femmes non mariées. Même si on a des informations détaillées sur leur niveau de bonheur, il y a tellement d’autres facteurs.


Selon M. Kimbrough, Paul Dolan se serait aussi trompé lorsqu’il a dit que les femmes mariées ne sont heureuses qu’en présence de leur conjoint et qu’elles seraient malheureuses dès que ce dernier quitte la pièce. Gray Kimbrough explique que lorsque l’ATUS utilise le terme « conjoint absent », il est question d’un conjoint qui ne réside plus au même domicile que sa femme, et non pas d’un conjoint momentanément absent.

Quant à savoir si le mariage a des effets positifs sur les hommes et négatifs sur les femmes, Gray Kimbrough considère que Paul Dolan s’est aussi trompé sur ce plan.

Paul Dolan affirmait également que les femmes mariées « meurent plus tôt » alors que les études tendent plutôt à montrer l’inverse.
D’ailleurs selon une des études citées par le professeur Dolan dans son livre (ci-dessous), le mariage a des répercussions positives sur la santé des femmes, mais cet effet est moins marqué que chez les hommes.
 

Les personnes mariées légèrement plus heureuses, mais niveau de bonheur relativement semblable pour tous

Alors, quel groupe de la population est le plus heureux ? Selon Gray Kimbrough, bien qu’il y ait quelques variations dans le niveau de bonheur entre chaque groupe (homme ou femme, marié ou non marié, avec ou sans enfant), ces différences sont minimes.

En effet, l’ATUS note le niveau de bonheur sur une échelle de 1 à 6 et tous les groupes sondés se situent en moyenne entre 4,1 et 4,4.

Nous sommes tous raisonnablement heureux, mais pas incroyablement heureux en tout temps. Ceci est vrai pour plusieurs groupes. Les gens sont à peu près tous au même niveau de bonheur.

Le choix de se marier ou celui d’avoir ou non des enfants sont des sujets qui peuvent susciter

Dans un courriel envoyé à une journaliste du site Vox, Paul Dolan indique qu’il a « effectivement mal interprété » les données concernant la présence du conjoint à domicile. Il explique que son livre sera corrigé pour retirer l’affirmation selon laquelle les femmes mariées sont malheureuses dès que leur conjoint est absent.

Gray Kimbrough conclut de manière cinglante : « Il ne semble donc y avoir aucune preuve à l’appui des affirmations sensationnalistes [de Paul Dolan] parue dans la presse. Bien qu’il ait émis une rétraction pour une de ces affirmations, je pense que toutes devraient être retirées et corrigées. »

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Québec — La communauté anglophone a demandé de modifier le programme d'Histoire pour le rendre plus canadien et divers

La communauté anglophone a demandé des modifications au programme Histoire du Québec et du Canada de 3e et 4e secondaires, mais elle a obtenu un succès mitigé, a constaté Le Devoir après avoir parcouru des documents obtenus en vertu de la loi.

Destruction d’une partie de la ville de Québec à la suite des bombardements par la flotte anglaise en 1759, représentation par l’artiste Richard Short

Les « partenaires du réseau de l’éducation de la communauté anglophone » ont reproché au ministère de l’Éducation de relater l’histoire du Québec à travers un « cadre national ». À leurs yeux, le programme est « beaucoup, beaucoup centré sur l’évolution des Canadiens français au Québec ». Ce faisant, le ministère de l’Éducation « propose une orientation qui sied mal à la diversité de la société et les diverses interprétations », ont-ils déploré durant la révision du programme à l’hiver 2017.

Parmi eux, le Comité d’orientation pédagogique du réseau scolaire anglophone du Québec (COPRSAQ) s’est plaint d’une insuffisance de contenu sur l’histoire du reste du Canada. « La place de l’histoire du Canada (hors Québec) dans le programme provisoire ne suffit pas », a-t-il fait valoir selon un compte-rendu d’une rencontre organisée par le ministère de l’Éducation en janvier 2017.


Le Devoir a patienté 172 jours pour mettre la main sur le document, et ce, même si la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics prévoit un délai maximal de 30 jours.

La responsable de l’élaboration du nouveau programme d’histoire a répondu au COPRSAQ que « l’histoire du Québec s’inscrit dans le contexte sociohistorique canadien, nord-américain et mondial ». « Le territoire québécois actuel a toujours, depuis 1534, comporté le nom “Canada” dans son appellation, mis à part un intermède », a-t-elle ajouté.

 Adam Thom envisage une intervention armée pour assimiler ou annihiler les «ennemis français de la race anglaise». « Loin de n'être que l'opinion d'une poignée de fanatiques, ces lettres exposent l'irréconciliable fracture entre le désir d'émancipation des colonies britanniques et la protection des intérêts de l'Empire britannique.»


Effacer la guerre de la Conquête

L’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ) regrette l’utilisation du vocable « guerre de la Conquête » pour désigner le conflit qui a mené à la chute de la Nouvelle-France (1754-1760). « La guerre de la Conquête, terme rarement utilisé en anglais, n’est qu’un siège de la guerre de Sept Ans (sic). Il ne s’agit pas d’une volonté de conquête envers les Canadiens, mais bien d’un conflit entre deux empires coloniaux », a-t-elle plaidé auprès du ministère de l’Éducation.

Le directeur général de l’APEQ, Sébastien Joly, préconise une vision plus « nuancée » de l’affrontement ayant entraîné la déportation des Acadiens et la destruction d’une partie de la vallée du Saint-Laurent. « Il y a différentes façons d’interpréter la chose, [autres] que [celle selon laquelle] ce sont les méchants Britanniques qui ont conquis les Français de Nouvelle-France pour les assujettir », souligne-t-il dans un entretien téléphonique avec Le Devoir. « C’est un peu plus complexe que ça. Il y a différentes théories sur chaque événement historique, mais je pense qu’on se rapproche davantage de la vérité historique. »

Pour M. Joly, le malaise des Anglo-Québécois à l’égard du programme d’histoire de 3e et 4e secondaire dépasse le récit du changement de régime de 1760. Il souligne l’oubli des patriotes anglophones de 1837-1838 par le ministère de l’Éducation. « C’est un mouvement qui est plus démocratique que de libération des Canadiens français », mentionne-t-il à l’autre bout du fil. « On présente les événements liés à une trame narrative nationaliste canadienne-française, québécoise. »

« En août, pendant que le siège s’éternise, Wolfe fait raser Baie-Saint-Paul et La Malbaie, puis des paroisses de Lotbinière et toute la côte de Beaupré. Au tout début de septembre, il ordonne à ses troupes de choc d’aller ravager les riches fermes de la Côte-du-Sud, à l’est de Pointe-Lévy, à des dizaines de kilomètres du théâtre des opérations. »


L’association de quelque 8000 membres a aussi sourcillé en lisant que « René Lévesque rentre bredouille » des conférences constitutionnelles précédant le rapatriement de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1982. « Le texte laisse entendre que le Québec n’a retiré aucun avantage au rapatriement de la Constitution », ce qui est faux, selon elle. Le ministère a réécrit le passage du programme.

Les Québécois n’ont-ils pas en effet gagné une Charte des droits et libertés assortie d’une disposition de dérogation ? « Tout compte fait, la fameuse “clause dérogatoire” et la Charte des droits et libertés se sont plutôt avérées des cadeaux de Grec [empoisonné] en regard des revendications historiques du Québec », répond l’historien Gilles Laporte.

Mordecai Richler, artiste francophone !

D’autre part, le COPRSAQ et l’Association des directeurs généraux des commissions scolaires anglophones du Québec (ADGCSAQ) ont demandé que Mordecai Richler soit ajouté à une courte liste d’artistes francophones.

Aux yeux de M. Laporte, cette demande d’ajout pourrait « s’apparenter à de la provocation ». « L’essentiel de son œuvre est en anglais et ses quelques (trop) célèbres remarques à propos des Canadiens français devraient suffire à le disqualifier », indique le chargé de cours et porte-parole de la Coalition pour l’histoire.

Le ministère de l’Éducation a tout de même acquiescé à la demande commune du COPRSAQ et de l’ADGCSAQ. Au lendemain de la Révolution tranquille, « le milieu culturel, doté d’une première politique, est effervescent avec les Pauline Julien, Félix Leclerc, Alfred Pellan, Mordecai Richler et Michel Tremblay, notamment », peut-on lire dans la nouvelle mouture du programme Histoire du Québec et du Canada de 3e et 4e secondaire.

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