Le taux de natalité en Afrique diminuerait beaucoup plus rapidement que prévu. Même si la croissance demeure importante, cette évolution pourrait avoir un impact considérable sur la population totale de l’Afrique d’ici à 2100. Selon certains économistes optimistes, cette chute pourrait également donner un coup de fouet au développement économique du continent. « Nous avons sous-estimé ce qui se passe en termes de changement de fécondité en Afrique », a déclaré José Rimon II, de l’université Johns Hopkins interrogé par The Economist.
Les projections démographiques de l’ONU sont considérées comme les plus fiables. Son dernier rapport, publié l’année dernière, contenait des estimations pour l’Afrique subsaharienne nettement inférieures à celles d’il y a dix ans. Pour le Nigeria, qui compte la plus grande population d’Afrique avec environ 213 millions d’habitants, l’ONU a réduit ses prévisions pour 2060 de plus de 100 millions d’habitants (pour atteindre environ 429 millions). En 2100, le pays devrait compter environ 550 millions d’habitants, soit un total de 350 millions de moins que prévu il y a dix ans.
Pourtant, même les dernières projections de l’ONU pourraient ne pas suivre la baisse rapide des taux de fécondité (le nombre moyen d’enfants par femme) que révèlent certaines études récentes. La plus remarquable concerne le Nigeria, où une enquête financée par l’ONU en 2021 a révélé que le taux de fécondité était passé de 5,8 à 4,6 en cinq ans. Ce chiffre semble être globalement confirmé par une autre étude, cette fois soutenue par USAID, l’agence d’aide américaine, qui a trouvé un taux de fécondité de 4,8 en 2021, en baisse par rapport à 6,1 en 2010. « Quelque chose est en train de se passer », estime Argentina Matavel, du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).
Si ces résultats sont exacts, ils suggèrent que les taux de natalité diminuent à un rythme similaire à celui de certaines parties de l’Asie, lorsque cette région a vu ses propres taux de croissance démographique ralentir fortement dans le cadre d’un processus souvent connu sous le nom de « transition démographique ».
Une tendance similaire semble se dessiner dans certaines parties du Sahel, où les taux de fécondité sont encore parmi les plus élevés d’Afrique, et dans les régions côtières de l’Afrique de l’ouest. Au Mali, par exemple, le taux de fécondité est passé de 6,3 à 5,7 en six ans. Au Sénégal, le taux de 3,9 en 2021 équivaut à un bébé de moins par femme qu’il y a un peu plus de dix ans. Il en va de même en Gambie, où le taux a chuté de 5,6 en 2013 à 4,4 en 2020, et au Ghana, où il est passé de 4,2 à 3,8 en seulement trois ans.
Ces baisses rapprochent l’Afrique de l’Ouest des taux de fécondité plus faibles observés dans une grande partie de l’Afrique australe.
Les démographes sont partagés quant à l’interprétation à donner à ces enquêtes récentes, d’autant plus que les données qu’elles produisent peuvent être brouillées. « Lorsque l’on constate une chute brutale de la fécondité, le point de départ est que quelque chose cloche dans les données », de déclarer Tom Moultrie, de l’université du Cap. Certains soulignent que les réponses aux enquêtes menées en Afrique sur la taille souhaitée des familles ont peu diminué (les Africaines veulent toujours autant d’enfants), bien que toutes les enquêtes récentes ne posent pas cette question.