samedi 31 octobre 2020

Covid-19 : coûteuse indécision que le refus de mesures spécifiques par âge

Extrait d’un billet intéressant d’Antoine Lévy. Notons que la plupart des gouvernements ont au moins pris une mesure spécifique à l’âge depuis l'été : la non-fermeture des écoles (sauf dans quelques États démocrates aux États-Unis qui alimentent la psychose et les désagréments probablement pour des raisons politiques, en rejetant ensuite la faute sur Trump pour sa « gestion désastreuse » alors que la grande majorité des mesures scolaires ou de santé sont du ressort des États fédérés comme au Canada).

Rien n’illustre mieux cette coûteuse indécision que le refus de mesures spécifiques par âge. Toutes les simulations scientifiques mettent en évidence la supériorité de mesures de confinement ciblées par âge ou d’ouverture des commerces via des horaires particuliers pour les seniors. Le risque associé au Covid possède un gradient par âge extrêmement pentu. Entre 70 et 80 % des malades actuellement hospitalisés en raison du Covid ont plus de 60 ans.

Ce sont les seniors qui occupent les lits de réanimation, et c’est pour les préserver que les mesures restrictives doivent être prises, pas pour punir une population entière accusée de n’avoir pas joué le jeu. Cette riposte graduée est d’autant plus essentielle que les restrictions sont bien plus coûteuses socialement lorsqu’elles s’appliquent aux plus jeunes, qu’ils soient en âge d’étudier ou de travailler. Mais le gouvernement fait le choix coupable d’une uniformité délétère, pour s’éviter, au nom de la prétendue force d’âme que requièrent ces mesures « difficiles », le véritable courage politique d’assumer des politiques différenciées.

Comment prétendre qu’empêcher deux jeunes bien portants de 20 ans d’aller marcher une journée en forêt à 2 kilomètres de leur domicile sert un quelconque objectif de santé publique ? Comment justifier, pour les actifs, l’utilité sanitaire de l’humiliante attestation de sortie autoadministrée, qu’aucun autre grand pays d’Europe n’a choisi d’imposer ? Comment ne pas mettre explicitement sur la table du débat démocratique et parlementaire une option différenciée par âge ?

Tout se passe comme si la référence à la scientificité, si chère au gouvernement du Choose France, avait la bonne idée de s’évanouir lorsque les recommandations scientifiques viennent à entrer en conflit avec les impératifs électoraux.

En témoigne la non-ouverture des modèles épidémiologiques de l’Institut Pasteur au grand public, alors même que les 400 000 morts évoqués par le président semblent fondés sur un calcul de coin de table et des hypothèses, toutes deux largement désuètes, d’immunité collective à 50 % de la population [ce taux pourrait être inférieur] et de taux de mortalité de 1,3 % [il est probablement bien inférieur autour de 0,3 % par cas infectés].

En témoigne, l’opacité qui règne quant à la mobilisation des tests dans les laboratoires privés par les ARS, un échec cuisant du modèle jacobin et de la gestion de la crise par les autorités sanitaires. En témoigne l’absence ahurissante de communication politique sur l’état d’avancement des traitements ou des préparatifs pour vacciner la population à grande échelle. Sur tous ces sujets, la geste pseudo-scientiste du mouvement En Marche fait long feu. Lui qui joue depuis 2017 les chevaliers blancs de la politique rationnelle, appuyée sur la science, face aux assauts du populisme obscurantiste, laisse désormais transparaître des motivations qui semblent plus banalement politiciennes, dans un pays où la participation électorale en faveur des partis centristes se concentre chez les plus âgés. Sans doute, les masques, après avoir manqué, devaient-ils finir par tomber.

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vendredi 30 octobre 2020

Covid-19 — La Suède est-elle un contre-exemple ?

Mise à jour, 30 octobre 2020

Suède dans la moyenne haute européenne, Québec a plus de morts par personne et déplore une plus grande augmentation de décès ces dernières semaines que la Suède





Billet originel du 12 août 2020


Résumé :

Le taux de mortalité par habitant de la Suède est inférieur à celui de la Belgique, du Royaume-Uni et du Québec.

L’impact négatif du confinement sur l’économie est inférieur en Suède à celui-ci au Québec et à la moyenne européenne.

Les garderies, les écoles primaires et secondaires jusqu’à 16 ans sont restées ouvertes.

Le port du masque n’a jamais été obligatoire en Suède, mais la distanciation physique y a toujours été recommandée, les rassemblements de 50 personnes ou plus y ont été interdits. Les magasins sont restés ouverts tout au long de ce « confinement a minima ».

Le nombre de décès quotidien de la Covid-19 en Suède approche de zéro.

Le Québec et la Belgique ont des taux de mortalité supérieurs à celui de la Suède

La Suède mal aimée des médias

Les médias occidentaux n’ont pas ménagé leurs critiques quant à la stratégie suédoise qu’ils ont qualifiée de trop « laxiste ». Florilège.

 

 

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les politiciens, les fonctionnaires et bien d’autres dans le monde préfèreraient que la Suède échoue et cela de façon spectaculaire. 

Si la stratégie suédoise débouchait sur un nombre de décès analogue à leur pays, mais avec une économie en meilleur état et un moindre chamboulement social, scolaire et médical, les citoyens de ces autres pays commenceraient à poser des questions délicates. 

Ajoutons à cela l’élément politique : Trump a essayé de relancer l’économie américaine en évitant un confinement trop strict. L’économie est en effet, à ses yeux, le succès le plus manifeste de son mandat. Le président américain misait sur une forte économie pour se faire réélire. Il a donc été tenté de prendre en exemple la Suède afin de relancer au plus tôt l’économie. Ses adversaires politiques semblent, eux, espérer que l’économie américaine ne reprendra pas du poil de la bête de si tôt afin de pouvoir attribuer l’effondrement économique (probablement temporaire) à la gestion « catastrophique » de la pandémie par Trump, tout en oubliant que la gestion de la Santé est très largement décentralisée aux États-Unis.

Bref, nombreux sont ceux qui veulent faire mal paraître la stratégie suédoise.


Les écoles

La Suède n’a jamais fermé ses garderies (crèches) ni ses écoles qui accueillent 1,8 million d’enfants âgés d’un à 15 ans. Parmi tous ces enfants, aucun n’est mort du Covid-19. Le nombre total de cas positifs est inconnu, mais le nombre signalé est de 468, soit 25 pour 100 000. Sur ces 468 enfants, huit ont été hospitalisés dans une unité de soins intensifs. Cela signifie que — que les écoles soient ouvertes ou non — les enfants sont moins à risque de la Covid-19 que de la grippe, qui tue à titre d’exemple en moyenne 40 à 50 enfants en Angleterre et au Pays de Galles chaque année. Contrairement à la grippe, les écoles ne sont pas des foyers de contagion de Covid-19, et en Suède, les enseignants présentaient le même risque d’attraper la Covid-19 que les membres d’autres professions.

Cet élément de la stratégie suédoise de lutte contre le coronavirus a certainement été le plus populaire. Une étude conjointe avec les autorités de santé publique en Finlande, où presque tous les élèves ont été tenus à l’écart de l’école pendant deux mois, a révélé que les approches différentes adoptées par ces deux pays (absence ou présence à l’école) n’avaient entraîné aucune différence mesurable sur les taux de contagion. 

Pourtant le fait d’avoir gardé les écoles ouvertes n’est pas sans conséquence. « Cela présente des avantages considérables pour les parents de jeunes enfants tout en évitant de perturber l’apprentissage des enfants et en prévenant des dégâts à long terme sur le marché du travail », a déclaré Karolina Ekholm, ancienne vice-gouverneure de la Banque centrale de Suède. Ajoutons que les enfants aiment jouer avec leurs compagnons, que l’école permet de détecter certains cas de maltraitance, de faire plus facilement du sport d’équipe.

Esbjorn Lundevall, analyste à la banque scandinave SE, a déclaré que garder les écoles ouvertes a fourni un coup de pouce important à l’économie. « J’ai travaillé à la maison pendant neuf semaines et mes enfants allaient à l’école tous les jours, ma productivité était plus élevée que s’ils étaient restés à la maison », a-t-il ajouté.

 

Rue de Stockholm cet été

Économie suédoise moins touchée

Bien que l’économie suédoise ait souffert de la pandémie, elle s’en sort mieux que des économies comme celles du Québec, de la Belgique ou de la France.

La semaine dernière, le Bureau suédois de la Statistique a indiqué mercredi que l’économie suédoise s’est contractée de 8,6 % par rapport au premier trimestre, et de 8,2 % en glissement annuel. C’est un cataclysme selon les normes habituelles, bien sûr, mais dans les circonstances, cela ressemble à un triomphe. Le PIB de la zone euro a diminué de 12 %, l’économie espagnole plongeant de 18 % en rythme trimestriel.

La Suède, avec l’arrêt de l’économie de plusieurs voisins, ne pouvait échapper à une forte contraction. Volvo, par exemple, a subi une baisse de 38 % de ses ventes en raison de la fermeture de salles d’exposition à travers l’Europe.

Néanmoins, il est possible que la Suède soit à peu près le seul pays développé à réussir à traverser la crise du Covid-19 sans connaître une récession — définie techniquement comme deux trimestres consécutifs de croissance négative. Seule en Europe, elle a réussi à maintenir une faible croissance de 0,1 % au premier trimestre. On a également appris récemment que les grandes entreprises suédoises ont réalisé des résultats qui ont dépassé les attentes et qu’on déplorait moins de faillites que prévu. Qui plus est, ayant maintenu les usines et autres lieux de travail ouverts pendant toute la crise, les Suédois ont une longueur d’avance dans la reprise économique. La main-d’œuvre n’a pas perdu son emploi, ses habitudes de travail, elle est en grande partie restée à son poste. Pour sa part, le taux de chômage suédois s’est établi à 9,4 % en juin.

Selon les estimations du Mouvement Desjardins, le PIB québécois pourrait afficher de son côté une chute de 14,5 % au deuxième trimestre. Avec le plongeon de 2,7 % au premier trimestre, le Québec connaîtrait ainsi une récession selon la définition officielle, alors que la Suède l’a pour l’instant évitée, avec une croissance de 0,1 % au premier trimestre. Le chômage était à 10,7 % au Québec en juin.

À titre de comparaison, voici la baisse de PIB enregistrée dans quelques autres pays européens par rapport au trimestre précédent :

Pays 1er trimestre 2020  2e trimestre 2020  
Allemagne     -2,0 % -10,1 %
Belgique -3,5 % -12,2 %
France -5,9 % -13,8 %



Immunité croissante ? Déficit de décès.

Comme Johan Giesecke, ancien épidémiologiste en chef de la Suède et conseiller auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’a fait valoir en avril, nous ne serons pas vraiment en mesure de juger des performances sanitaires des différents pays tant que la crise n’aura pas abouti à une sorte de conclusion, soit par le biais d’un vaccin ou le déclin naturel du virus. Giesecke est convaincu que, à terme, des pays comparables auront des taux de mortalité similaires, mais l’épreuve — tant sanitaire qu’économique — s’étalera sur beaucoup plus de temps dans certains pays.

Si un vaccin efficace venait à être disponible cet automne (si c’est le cas, on n’aura guère d’indications sur des effets potentiellement indésirables à long terme), la stratégie de suppression proposée dans l’article du professeur Neil Ferguson de l’Imperial College du 16 mars qui fut suivie par la plupart des pays occidentaux semblera sage. Rappelons que cette stratégie de strict confinement faisait suite à des prédictions alarmistes que plusieurs ont très vite critiquées, notamment parce que Neil Ferguson est coutumier des prédictions catastrophistes qui ne se réalisent pas. 

Mais pendant combien de temps les gouvernements sont-ils prêts à brider leurs économies ? Plus un vaccin prendra de temps à arriver — et il n’y a aucune garantie qu’un vaccin sera jamais approuvé, même si les premiers essais étaient prometteurs — plus l’approche suédoise qui mise sur le long terme et l’immunité collective semblera avoir été la bonne.

Malheureusement pour la Suède, les tests d’anticorps suggèrent que le pays est encore loin d’atteindre l’immunité collective dans sa définition classique. Leur agence de santé publique a révélé en juin que même à Stockholm, l’endroit le plus touché du pays, seuls 10 % de la population avaient des anticorps - bien en deçà des 60 à 80 % que l’on associe souvent pour atteindre l’immunité collective.

Cependant, il n’y a pas d’unanimité dans le domaine parmi les experts. La semaine dernière, un groupe international de scientifiques dirigé par Gabriella Gomes de l’Université Strathclyde a affirmé que, à la lumière de ses modélisations, les 60 % ne s’appliquent que lorsque l’immunité collective est acquise à l’aide d’un programme de vaccination administré au hasard à toute une population. En revanche, si un virus se propage naturellement, il affectera d’abord les personnes les plus sensibles (les personnes qui ont moins de défenses naturelles ou qui ont plus de contacts). Une fois que ce groupe a été infecté, le virus a beaucoup plus de mal à se propager et l’immunité collective sera atteinte à un niveau beaucoup plus bas — quand entre 10 et 20 pour cent de la population ont été infectés. Si tel est le cas, la Suède pourrait être bien plus proche de l’immunité collective qu’on ne le croyait auparavant. Ajoutons que plusieurs experts pensent (voir article de Science) que la population bénéficie déjà d’une certaine immunité dite croisée à la Covid-19 par le fait qu’elle a déjà été infectée par le passé par d’autres coronavirus.

Cela pourrait expliquer pourquoi le nombre de décès est en train de s’effondrer en Suède, même si seuls 10 à 20 % de la population auraient contracté la Covid-19 dans les centres urbains. La chute est telle que la Suède enregistre depuis quelques semaines moins de décès (toutes causes confondues) qu’à l’accoutumée. Ce « déficit » tendrait à montrer que les personnes les plus vulnérables sont mortes au début de l’année à cause du coronavirus, mais qu’un certain nombre d’entre elles seraient mortes de toute façon plus tard dans l’année.

La Suède connaît désormais un déficit de décès (la ligne mauve est passée ces dernières semaines sous la ligne verte qui représente le nombre moyen de décès de 2015 à 2019).

La Suède comparée à ses voisins scandinaves et au Québec

Mais les choses ne sont-elles pas simples ? Quand on compare la Suède à ses voisins scandinaves, il est évident que la Suède a choisi la mauvaise stratégie. En effet, la Suède semble avoir fait le mauvais choix : ses 571 décès par million d’habitants semblent très imprudents par rapport aux chiffres du Danemark (106) ou de la Norvège (47). 

Il faut toutefois regarder les choses de plus près et se rappeler que près de la moitié des décès dus à Covid-19 en Suède sont survenus dans des maisons de retraite pour personnes âgées.

Or, comme Anders Tegnell le rappelle, les résidents des maisons de retraite en Suède sont plus âgés qu’en Norvège. Quant à Johan Giesecke, il souligne un autre aspect important : les maisons de retraite en Norvège sont généralement assez petites. Alors que les maisons de retraite en Suède sont assez grandes, avec des centaines de résidents. Ce qui signifie que si le virus pénètre dans une maison de retraite médicalisée en Norvège, cela affectera beaucoup moins de personnes qu’en Suède. Ce serait un des facteurs qui expliquerait la différence de mortalité entre la Suède et la Norvège.  

Le Québec a également de grandes maisons de retraite et des résidences pour personnes âgées. Comme la Suède, le Canada en général et le Québec en particulier dépensent peu pour les soins à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. Selon l’OCDE, seuls 11 % des dépenses gouvernementales pour les soins de longue durée vont aux soins à domicile au Canada, 31 % en Suède… mais 81 % en Finlande et 66 % au Danemark. Pour bien comprendre l’impact potentiel du maintien à domicile, il faut savoir que seules 2 personnes âgées de plus de 65 ans sur 10 000 personnes habitant encore chez elles sont mortes de la Covid-19 au Québec, ce qui est 400 fois moins que celles hébergées dans les CHSLD (centres d’hébergement de soins de longue durée) et 31 fois moins que celles restées dans les RPA (résidences privées pour aînées). Cela s’expliquerait en partie parce que les gens qui restent chez eux sont moins sujets aux multiples contacts que connaissent les résidents des grands foyers pour aînés. Il existe, évidemment, d’autres raisons à cette moindre mortalité : une très grande partie des personnes qui restent chez elles sont encore en relative bonne santé et donc, probablement, plus à même de résister au virus.

Pour ce qui est de la Finlande, Johan Giesecke déclare que l’épidémie n’y a jamais vraiment pris pied : les autorités y ont enclenché le confinement dès que la pandémie éclatait ailleurs en Europe, avant même que l’épidémie n’ait commencé dans leur pays.

Si le Danemark a pour l’instant un bilan exemplaire au niveau sanitaire, l’économie danoise a plus pâti de la pandémie que la suédoise, le PIB du premier trimestre y a baissé de 2 % par rapport au trimestre précédent. Le Danemark n’a pas publié à ce jour de chiffres pour le deuxième trimestre.

Pour Anders Tegnell, la Suède est très différente de ses voisins scandinaves : elle ressemble plus à la Belgique ou aux Pays-Bas : elle a une population immigrée nombreuse, des villes densément peuplées comme Stockholm. En outre, la Suède aurait adopté un des systèmes les plus généreux de comptabilisation des décès reliés à la Covid-19, car de très nombreux décès ne sont pas directement causés par la Covid-19, mais s’accompagne de la Covid-19 plus particulièrement chez ceux qui se trouvent des établissements de soins de longue durée qui ont d’autres maladies ou sont très âgés. 
 
Population immigrée nombreuse, une métropole densément peuplée, une manière de compter large : ce n’est pas sans rappeler le Québec. Car le Québec considère aussi que toute mort suspecte associée à la Covid-19 est une mort due à la Covid-19 et il compte de manière rigoureuse, comme en Suède, les décès en maison de retraite.

Certaines zones en Suède ont des taux de cas positifs aussi bas qu’en Norvège ou en Finlande. Dans le Sud de la Suède, le taux d’infection est plus bas qu’à Copenhague au Danemark, juste en face. La raison, selon Anders Tegnell, serait notamment due au nombre de personnes qui ont introduit le coronavirus en même temps. 

Il y aurait, selon l’épidémiologiste suédois, une forte relation entre le nombre de Scandinaves qui ont voyagé à l’étranger pendant les vacances du printemps et la propagation de l’épidémie. Les vacances du printemps en Suède sont étalées sur quatre semaines différentes selon la zone géographique et, malheureusement cette semaine de relâche pour la région de Stockholm, coïncidait avec une éclosion massive en Europe centrale et dans l’arc alpin. Beaucoup de Stockholmois sont revenus de leur congé avec la maladie, alors que ce ne fut pas le cas pour les autres régions de Suède, ainsi qu’en Norvège, au Danemark ou en Finlande. Une fois encore, il y a ici un parallèle possible avec le Québec dont la semaine de relâche a précédé les vacances du printemps de l’Ontario.

Autre point de similitude entre la Suède et le Québec : des taux d’infection initialement élevés dans certaines communautés de migrants qui vivent dans des appartements plus petits que la moyenne et parmi lesquels on retrouve de nombreux préposés aux soins dans les maisons de retraite et résidences pour personnes âgées.

La Suède n’aurait-elle pas pu faire mieux ?

L’épidémiologiste suédois Anders Tegnell a reconnu que des ajustements auraient pu être faits. Il a ainsi concédé que la gestion des maisons de retraite et de soins de longue durée aurait dû être meilleure pour y limiter les morts qui y ont été très nombreux, comme dans les pays francophones (Québec, Belgique et France).

Car il y a bien eu une catastrophe dans les maisons de retraite qui pourrait refléter des années de négligence pour un secteur composé de travailleurs sous-payés qui enchaînent souvent des mandats dans plusieurs établissements pour joindre les deux bouts.

Une enquête officielle a révélé que près de la moitié des décès dus à Covid-19 en Suède à la fin du mois de juin étaient survenus dans des maisons de retraite pour personnes âgées concentrées dans 40 des 290 municipalités du pays.  
 
De même au Québec, plus de 80 % des décès sont de personnes de plus de 65 ans et près de 90 % de ces personnes vivaient dans une des trois formes d’établissements qui accueillent des personnes âgées (CHSLD, RI et RPA).

 
Tegnell a admis que l’État suédois aurait dû faire davantage pour les protéger. Il semble que de nombreuses personnes âgées aient simplement reçu de la morphine et qu’on les aurait laissés mourir plutôt que de les emmener à l’hôpital de peur de surcharger les services de soins intensifs. 

Pourtant, malgré cet échec patent, Paul Franks,
professeur d’épidémiologie à l’Université de Lund, considère que le confinement strict adopté par d’autres pays est « une mesure très brutale ». Pour ce professeur, la Suède n’a pas commis beaucoup d’erreurs. Il souligne que, selon le modèle de l’Imperial College qui a déclenché le confinement brutal de très nombreux pays occidentaux, la Suède aurait dû dénombrer entre 42 000 et 85 000 morts à cause de la Covid-19. Jusqu’à présent, ce pays de 10,1 millions d’habitants n’a dénombré que 5 763 morts, malgré le carnage des maisons de retraite et les taux d’infection élevés au départ dans certaines communautés immigrantes.

Peut-on juger de l’efficacité de la stratégie suédoise à ce stade ?

Certains continuent néanmoins de faire valoir que, selon eux, la stratégie adoptée par le gouvernement suédois a échoué.

Comme on l’a dit, la stratégie suédoise repose sur le pari qu’à long terme l’épidémie fera son office dans tous les pays — même si ceux-ci parviennent à ralentir temporairement sa diffusion — et qu’il est donc préférable d’atteindre rapidement l’immunité collective et de minimiser ainsi la durée des dégâts économiques, sociaux et psychologiques dans sa population. Aucune pandémie de ce type n’a jamais pu être contenue par le passé par des mesures de confinement, il serait étonnant qu’à notre époque de voyages intercontinentaux nous y parvenions, à moins d’avoir rapidement un vaccin étonnamment efficace et qu’on puisse vacciner une bonne partie de la population. On devrait être fixé sur la disponibilité d’un vaccin dûment testé d’ici quelques mois.

Le pari suédois pourrait s’avérer malavisé, mais le fait que la Suède actuellement compte plus de décès par habitant que certains pays (mais pas le Québec) ne démontre nullement que la stratégie suédoise est un échec, car il fallait s’attendre à cet excès de décès au début de la pandémie avec une stratégie qui consiste à accepter un niveau élevé de contagion dès le début tant que le réseau de la santé n'est pas saturé.

Les autres pays qui n’ont pas misé sur un accroissement rapide de l’immunité collective espèrent l’apparition rapide d’un vaccin ou d’un traitement miraculeux. En absence de ce traitement ou de ce vaccin, il est fort probable que la maladie réapparaisse comme la grippe saisonnière réapparaît. En effet, il semble que la Covid-19 ait une composante saisonnière, car la pandémie est largement jugulée dans l’hémisphère nord alors qu’elle éclate maintenant (pendant l’hiver austral) dans l’hémisphère sud (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Brésil) malgré des confinements commencés très tôt (en mars/avril) dans l’hémisphère sud et bien qu’il n’y eût alors que très peu de décès pendant l’été austral.

Même si un vaccin peut être développé et produit en quantité suffisante en un an, ce dont on peut douter, il ne résoudra pas le problème à moins que suffisamment de gens ne le prennent. 

Dans de nombreux endroits, la vaccination ne sera pas facile à « vendre ». En effet, la confiance du public envers les autorités est entamée par la volte-face des experts et des autorités de la santé publique sur l’utilité du port du masque, leurs deux poids deux mesures quant aux manifestations (Black Lives Matter pas de souci, rassemblementd religieux ou conservateurs très mal), leur sévérité envers l’hydroxychloroquine bon marché, mais leur approbation rapide du Remsidivir (neuf, peu testé et très coûteux).

Les sondages montrent également que de nombreuses personnes ne font pas confiance à un vaccin développé à la hâte. Peut-être se souviennent-ils qu’on avait observé une augmentation du syndrome de Guillain-Barré après l’inoculation du vaccin contre la peste porcine 1976.

Peut-être est-ce regrettable, mais c’est ainsi et il sera difficile d’y changer grand-chose dans les mois à venir. Il est également impossible de rester terrer pendant encore de longs mois, les gens finiront par se lasser et à respecter de moins en moins les mesures draconiennes, malgré le battage médiatique constant auquel ils s’habitueront.

C’est pourquoi il est tout simplement prématuré d’affirmer que la stratégie de la Suède a échoué sur le plan médical parce qu’elle connaît un plus haut taux de mortalité par habitant que dans de nombreux autres pays, bien qu’elle ait fait mieux à ce chapitre que le Québec ou la Belgique. On ne pourra évaluer cette stratégie sanitaire qu’une fois que la pandémie aura suivi son cours et qu’elle sera terminée.

 
Rira bien qui rira le dernier.
Stockholmois prenant le soleil cet été.

Liens annexes

Covid-19 : Christian Perronne, médecin et défenseur de l’hydroxychloroquine (Radio-Canada, audio, 17 minutes)

Les gros médias dont la SRC mettent en avant une étude contre la chloroquine (qui sera retirée après un scandale) et occultent une autre en faveur

Suède et Suisse — Enfants peu à risques et peu contagieux

Construire la Science en prohibant tout débat contradictoire et en traquant les dissidents

Le Québec ne rapporte aucun décès dû au coronavirus pour une 3e fois en 7 jours (màj)

77% des Québécois pour suspendre l'immigration jusqu'à un vaccin Covid-19 et la résorption du chômage 

PISA 2018 — les bons résultats de la Suède s'expliqueraient par l'élimination de 11 % de mauvais élèves, surtout immigrés

Coronavirus : pour l'OMS, il n'y aura peut-être jamais de vaccin

  

Anders Tegnell (en anglais)

 

Le professeur Toussaint sur l’épidémie.

 


mercredi 28 octobre 2020

Interdiction de l'instruction à domicile en France — faux pas de Macron ? (audio)

Radio Présence revient sur l’interdiction programmée de l’école à la maison, avec Anne Coffinier, fondatrice d’Educ'France, présidente de Créer son école et administratrice de la Fondation Kairos-Institut de France, Rébecca Sirmons, co-auteur de « L’instruction en famille, une liberté qui dérange » (éditions L’Harmattan), et Clotilde et Robin Antoons, qui pratique aussi l’instruction en famille. Une émission à écouter, et à partager !

« Le 2 octobre dernier, Emmanuel Macron a, à l’occasion de la présentation d’un plan de lutte contre les séparatismes [euphémisme pour islamisme], annonçait que dès la rentrée scolaire 2021 l’instruction en famille (IEF) serait interdite dès 3 ans, en raison de la radicalisation religieuse de certaines familles. Une actualité qui n’a pas été tant relayée que cela et pourrait pourtant faire grand bruit. »

Écoutez l’émission :
Lien direct à l’audio (54 minutes)

Canada — Demande de moratoire sur l’« aide médicale à mourir » dans les prisons

Ivan Zinger, enquêteur correctionnel fédéral au Canada, a publié son rapport annuel, dans lequel il demande un moratoire sur l’autorisation de l’« aide médicale à mourir » dans les établissements correctionnels fédéraux. Sur les trois cas connus par ses services sur l’année 2019/2020, des questions « de consentement, de choix et de dignité » se posent. Dans deux cas, une série d’erreurs et une mauvaise application de la loi ont été découvertes. Ivan Zinger demande « des solutions alternatives plus humaines », faisant notamment référence à un détenu euthanasié qui purgeait une peine de deux ans. Il était en phase terminale et s’était vu refuser une libération conditionnelle. Il recommande la création d’un « comité d’experts pour examiner les préoccupations éthiques et pratiquées liées à l’“aide médicale à mourir” dans les prisons », qui pourrait formuler des propositions de changement législatif.

Source : La Presse Canadienne, le 27/X/2020

La marque distinctive du monde moderne


« La marque distinctive du monde moderne n’est pas qu’il est sceptique mais qu’il est dogmatique sans le savoir. »

 

G. K. Chesterton

samedi 24 octobre 2020

Question à un candidat prof à un cégep de Montréal : « Que lisez-vous ? Tant que ce n’est pas Mathieu Bock-Côté ! »

Lettre ouverte de Frédérik Pesenti, M. Sc. Science politique, dans Le Devoir sur la censure dans les établissements universitaires et préuniversitaires qui va bien au-delà des mots tabous.

La controverse autour de Verushka [Vérouchka] Lieutenant-Duval, une professeure de l’Université d’Ottawa suspendue et harcelée en ligne pour avoir prononcé un mot tabou dans un contexte universitaire, a exacerbé le débat au sujet de la censure dans les milieux d’enseignement. Il faut toutefois éviter de tomber dans le piège de l’arbre qui cache la forêt et penser que la question de la censure à l’université et dans les cégeps ne se limite qu’à l’emploi ou non de certains termes bien précis, ou encore à un fait divers ne relevant que de la lâcheté momentanée de certaines administrations bien identifiées. Permettez-moi de l’illustrer à l’aide d’une anecdote personnelle révélatrice de l’esprit du temps.

Novembre 2019. Je passe un entretien d’embauche pour un poste d’enseignant dans un cégep de la grande région de Montréal. Vers la fin de l’entrevue, un des trois enseignants siégeant dans le comité m’interroge sur mes lectures du moment. Je demande une précision pour savoir si l’on parle de lectures relatives à la discipline, ce à quoi il rétorque : « Peu importe… tant que ce n’est pas Mathieu Bock-Côté ! » ponctué d’un rire bien gras auquel font écho ses deux collègues.

Je laisse échapper un petit rire étouffé par nervosité. Mais derrière cette façade complice, je suis tétanisé par la proscription implicite qui vient d’être prononcée. Car si je ne suis pas nécessairement un lecteur de M. Bock-Côté, je suis plongé pour l’heure dans saint Augustin et Hannah Arendt, des penseurs qui, si on ne peut remettre en question l’influence majeure qu’ils ont eue sur l’histoire de la pensée, ne logent certainement pas à la même enseigne idéologique qui semble être celle de ces messieurs. Les questions se bousculent dans mon esprit : dois-je dire la vérité, au risque d’enfoncer le dernier clou dans le cercueil d’un entretien qui ne se déroulait déjà pas rondement ? Dois-je plutôt tenter de marquer des points grâce à un mensonge flagorneur, quitte à me faire piéger par une question de suivi ? Le mensonge n’étant jamais l’ami du candidat, j’opte pour la première option, alea jacta est ! Sans surprise, bien loin d’éveiller leur curiosité, ma réponse passe à deux doigts de provoquer chez eux un long bâillement. Les jeux sont faits, mon profil n’est pas le bon. Avoir répondu « une pluralité de points de vue » à la question « Qu’apporteriez-vous au département ? » m’aurait sans doute fait perdre des points…

Ostracisme idéologique

La censure qui sévit dans les milieux d’enseignement s’exprime aussi de cette façon. On nous fera comprendre, explicitement ou implicitement, que toute lecture qui sort du credo du moment est considérée comme séditieuse et illégitime. D’un côté, on nous vantera la diversité et la pluralité, à juste titre, et, de l’autre, on s’assurera pourtant qu’elle ne puisse se manifester que parmi les quelques nuances d’une même couleur. Des diplômés se sentent contraints, afin de poursuivre une carrière dans certains domaines de recherche, de camoufler leurs inclinations conservatrices ou, pire encore, de faire leurs des opinions auxquelles ils ne croient pas. On les entendra ensuite les ânonner en public sans conviction… L’ostracisme idéologique peut s’immiscer si profondément dans les mœurs d’un département que certains en viennent à balayer du revers de la main, avec un naturel désarmant, des courants de pensée entiers, par exemple lors d’un entretien d’embauche ; au diable la pluralité des points de vue !

La censure d’aujourd’hui n’est pas qu’ostentatoire ; elle est aussi latente et insidieuse. On ne la retrouve pas que dans des fatwas qui agitent les réseaux sociaux ou sur des pétitions sur lesquelles des inquisiteurs enfilent les titres d’ouvrages déclarés offensants ou haineux. C’est pourquoi son efficacité est encore plus redoutable, car elle s’intègre de manière intrinsèque à la réflexion. Elle s’imprime dans l’esprit de chacun de ceux et celles qui, afin de pouvoir mettre du « pain sur la table », préféreront taire leurs opinions politiques et courber l’échine devant l’hégémonie idéologique en vigueur dans plusieurs départements de cégep et d’université. Une situation alarmante pour des institutions qui prétendent être les sanctuaires du libre débat d’idées et de la recherche de la vérité.

Hannah Arendt disait que l’essence de la politique est la pluralité ; ce n’est ainsi que par la confrontation des idées qui caractérise cette pluralité qu’il est possible d’en arriver, collectivement, à des vérités justes sur notre monde. Il est inquiétant de constater que ces mots, en certains quartiers, semblent désormais provoquer ennui plutôt qu’appétit.


jeudi 22 octobre 2020

Extraits de La Grande Déraison; Race, genre, identité de Douglas Murray

« La politique de l’identité » est-elle en train de combler le vide laissé par l’effondrement des grands récits dans les sociétés postmodernes ? C’est la thèse que défend Douglas Murray dans son livre La Grande Déraison (Éditions L’Artilleur).

L’obsession des « minorités intersectionnelles » pour la « race », le « genre » et l’« identité » lui paraît potentiellement destructrice pour les sociétés occidentales. « On dresse les gays contre les hétéros, les Noirs contre les Blancs, les femmes contre les hommes », déplore le journaliste et essayiste britannique. C’est en Occident que la situation des minorités est la plus enviable au monde, rappelle-t-il, et c’est paradoxalement la victoire des grandes causes égalitaires qui, selon lui, provoque une surenchère de revendications aussi contradictoires que dangereuses. 

Douglas Murray est un homosexuel revendiqué de l'école libérale classique. 

Succès de librairie en Angleterre, La Grande Déraison paraît en français ce jeudi. En voici quelques extraits:

NAISSANCE D’UNE NOUVELLE IDÉOLOGIE

Nous vivons une époque de grande déraison collective. En public comme en privé, sur internet, dans la vie en général, le comportement des gens est de plus en plus irrationnel, fébrile, grégaire et tout simplement désagréable. On en voit les effets, omniprésents dans l’actualité. Mais bien que nous en observions partout les symptômes, les racines de ce phénomène nous échappent encore. L’origine même de cette situation est rarement reconnue. […] Elle tient au simple fait que nous avons traversé une période de plus d’un quart de siècle au cours de laquelle tous nos grands récits se sont effondrés. Un à un, ils ont été récusés, devenus trop impopulaires pour être défendus ou impossibles à conserver. […] Il était inévitable qu’un nouveau discours vienne occuper le terrain ainsi déserté. Les citoyens des prospères démocraties occidentales actuelles ne pouvaient être les premiers dans l’histoire du monde à ne disposer d’aucune explication sur l’aventure humaine, ni d’aucune vision globale capable de donner un sens à leur existence. 

La réponse qui s’est imposée ces dernières années consiste à s’engager dans de nouvelles batailles, des campagnes toujours plus féroces et des exigences de créneaux qui se multiplient sans cesse ; à dégager du sens en livrant une guerre sans relâche à quiconque semble apporter la mauvaise réponse. Ces guerres sont conduites de façon systématique et inspirées par une visée directrice. Elles obéissent à une stratégie d’ensemble, dont l’objectif est grandiose. Cet objectif – inconscient pour certains, réfléchi chez d’autres – consiste à instaurer dans nos sociétés une nouvelle métaphysique, ou si l’on veut une nouvelle religion. L’attraction qu’exerce cette nouvelle vision du monde est désormais flagrante. On ne voit pas très bien comment une génération qui ne peut accumuler de capital éprouverait une grande passion pour le capitalisme. À l’inverse, il n’est guère difficile de saisir pourquoi une génération convaincue qu’elle ne sera peut-être jamais propriétaire de son logement éprouve une forte attirance pour un système d’opinions qui promet de résoudre toutes les injustices, non seulement celles que subissent ses partisans, mais à l’échelle de la planète. L’interprétation du monde au prisme de la « justice sociale » de la « politique des identités » et de « l’intersectionnalité» est probablement l’effort le plus audacieux et le plus exhaustif, depuis la fin de la guerre froide, pour bâtir une nouvelle idéologie.

OÙ MÈNE LA « POLITIQUE DES IDENTITÉS »

Le concept d’« intersectionnalité » nous invite à passer le reste de notre vie à tenter de résoudre toutes les revendications identitaires et victimaires, les nôtres et celles d’autrui, puis à réviser notre organisation sociale en fonction d’un système compensatoire dicté par la hiérarchie, sans cesse mouvante, que nous découvrirons. Un tel système n’est pas seulement inapplicable, il a en outre pour conséquence de nous rendre fou car il formule des exigences impossibles et nous assigne des buts inatteignables. Aujourd’hui, «l’intersectionnalité» a migré hors des départements de sciences humaines où elle avait pris naissance. Elle est désormais prise au sérieux par une génération de jeunes gens et s’est infiltrée dans les législations sur l’embauche (notamment par le biais des «engagements en faveur de la diversité ») dans l’ensemble des grandes entreprises et des administrations. Une nouvelle dialectique a été mise sur pied pour forcer les citoyens à adopter ces convictions.

Et elles ont été intégrées à une vitesse stupéfiante. Comme l’a souligné l’économiste et écrivain Eric Weinstein (et comme le révèle une recherche sur Google Books) des expressions comme « LGBTQ», «privilège blanc» et «transphobie», inconnues il y a peu, sont passées dans l’usage courant. Tout se passe comme si ces cinq dernières années, la nouvelle métaphysique, une fois son système rodé, avait étendu au grand public son emprise intimidante. Cette expansion a brillamment réussi. […]

Cette forme de prosélytisme dogmatique et vengeur risque tôt ou tard de saper et même de provoquer l’effondrement de toute la culture progressiste. Après tout, il n’est pas certain que les populations majoritaires continueront à accepter des revendications qu’on les somme d’accepter et supporteront longtemps d’être muselées par les qualificatifs qu’on leur assène lorsqu’elles s’y refusent. 

Les failles de cette nouvelle théorie [et justification] de l’existence doivent être identifiées car les souffrances que ce train «intersectionnel» va continuer à provoquer s’il poursuit sur la même voie sont immenses. [Selon cette doctrine], les femmes sont peut-être meilleures que les hommes, les gens peuvent devenir blancs mais pas noirs et chacun peut à son gré changer de sexe. 

Tout individu qui refuse ce schéma est un oppresseur. Et absolument tout doit être politisé. Il y a là assez de contradictions et de confusions pour emplir une existence entière. Et pas seulement sur des points de détail, mais du fait de fondements érigés en absolus. 

Que doivent faire les hommes et les femmes, homosexuels ou hétérosexuels, des affirmations d’experts qui entendent attribuer aux enfants des sexes différents de ceux qui leur ont été attribués à la naissance ? Pourquoi une jeune femme aux caractéristiques de garçon manqué devrait-elle être considérée comme une transsexuelle à opérer pour en faire un homme ? Pourquoi un petit garçon qui aime se déguiser en princesse devrait-il être un transsexuel à féminiser d’urgence ? 

Les experts en matière de genre et leurs convictions sur ceux qu’ils comparent à des « tartelettes» dans le mauvais emballage, trahissent peut-être des capacités interprétatives complètement déficientes. On estime qu’environ 80 % des enfants chez qui on diagnostique ce qu’on appelle aujourd’hui une dysphorie de genre constatent que ce problème se résout de lui-même pendant la puberté. […] C’est-à-dire qu’ils finissent par se sentir à l’aise avec le sexe biologique auquel on les a assignés depuis la naissance. 

Contrairement à ce que prétendent les militants progressistes, ces catégories, en fait, interagissent négativement entre elles. La matrice de l’oppression n’est pas un grand Rubik’s Cube qui attendrait que chaque carré en soit correctement disposé par les sociologues. Il s’agit d’un catalogue d’exigences qui ne sont pas compatibles, et certainement pas sous cette forme.

LE DÉSIR INDIVIDUEL DOIT-IL PRIMER SUR TOUT ?

Toutes les époques qui ont précédé la nôtre ont accompli ou permis des actes qui nous semblent moralement sidérants. Donc, à moins que nous ayons des raisons de penser que les hommes d’aujourd’hui sont plus raisonnables, moralement meilleurs ou plus sages qu’à toute autre époque, il est raisonnable de supposer que certains actes et comportements actuels – peut-être tout imbus de vertu morale – feront un jour pousser des hauts cris à nos descendants qui s’exclameront, scandalisés : «Mais comment ont-ils pu… ?».  

Il est intéressant de se demander quels sont les angles morts de notre époque. Certains de nos actes (et lesquels…?) seront-ils jugés par les générations futures aussi sévèrement que nous estimons aujourd’hui scandaleuse la traite des esclaves ou l’emploi d’enfants comme ramoneurs sous le règne de la reine Victoria ? 

Prenons le cas de Nathan Verhelst, décédé en Belgique en septembre 2013. Nathan était né fille et ses parents lui avaient donné le nom de Nancy. Celle-ci a grandi dans une famille de garçons et a toujours eu le sentiment que ses parents lui préféraient ses trois frères. Nancy qui s’est sentie rejetée par ses parents pendant toute son enfance s’est mise à penser que les choses iraient mieux si elle était un homme. En 2009, à l’approche de la quarantaine, elle a commencé à suivre une hormonothérapie. Peu de temps après, elle a subi une double mastectomie, puis une série d’interventions chirurgicales destinées à la doter d’un pénis. Au total, elle a subi trois opérations majeures de changement de sexe entre 2009 et 2012. À la fin de ce processus, « Nathan », comme il s’appelait désormais, a réagi aux résultats : «J’étais prêt à célébrer ma nouvelle naissance. Mais quand je me regardais dans le miroir, je me dégoûtais moi-même. Mes nouveaux seins ne correspondaient pas à mes attentes et mon nouveau pénis présentait des symptômes de rejet. » Toutes les opérations subies par Verhelst avaient laissé d’importantes cicatrices et il était d’évidence profondément malheureux dans son nouveau corps. La nouvelle vie que Nathan avait tant espérée ne s’était pas concrétisée, et il ne tarda pas à sombrer dans la dépression. En septembre 2013, à l’âge de 44 ans, soit un an seulement après sa dernière opération de changement de sexe, Nathan Verhelst fut euthanasié par l’État. «Je ne veux pas être un monstre», déclarait-il juste avant sa mort. 

Il n’est pas difficile d’imaginer la stupéfaction que pourrait inspirer cette histoire aux générations futures. «Les services de santé belges ont donc essayé de transformer une femme en homme, et ayant échoué ils l’ont ensuite tué(e) ? » Le plus difficile à comprendre est peut-être le fait que ce meurtre, comme les opérations qui l’ont précédé, a été perpétré non dans un esprit de malveillance ou de cruauté, mais par pure bonté. Le cas de Verhelst est certes inhabituel à bien des égards. Mais il vaut la peine de s’y attarder, précisément parce que certaines des questions qu’il soulève suscitent bien peu de réflexions. Que signifie le mot trans ? Qui est trans ? Qu’est-ce qui fait qu’une personne est trans ? Sommes-nous sûrs de l’existence d’une telle catégorie ? Et si oui, sommes-nous certains qu’il est toujours possible d’essayer de faire migrer physiquement quelqu’un d’un sexe à l’autre ? Est-ce même la meilleure façon de faire face à l’énigme d’un désir comme celui-ci ?

ARRÊTONS LE CONCOURS DES OPPRIMÉS !

Peut-être qu’au lieu de chercher à voir l’oppression partout, nous pourrions commencer à sortir du labyrinthe en listant les divers «groupes de victimes » qui ne sont pas opprimés et s’avèrent même avantagés ? 

Des études ont ainsi montré que les rémunérations des gays et lesbiennes surpassent, en moyenne, celles de leurs homologues hétéros. [voir lien ci-dessous] On peut citer plusieurs raisons, notamment le fait que la plupart d’entre eux n’auront pas d’enfants et peuvent donc multiplier les heures supplémentaires, ce qui est bénéfique pour eux et leur employeur. Est-ce un avantage pour les homosexuels ? Jusqu’à quel point les hétérosexuels peuvent-ils se prétendre injustement désavantagés au travail ? Les gays doivent-ils se mettre en retrait pour offrir à leurs contemporains hétérosexuels de meilleures opportunités professionnelles ?

Ces dernières années, les disparités de revenus entre les groupes raciaux ont été systématiquement utilisées comme leviers. Bien que l’on répète souvent que le revenu médian des Hispano-Américains est inférieur à celui des Noirs et que le revenu des Noirs est inférieur à celui des Blancs, on ne s’intéresse jamais vraiment aux Asiatiques, le groupe qui enfonce tous les autres. Le revenu médian des hommes asiatiques aux États-Unis est toujours plus élevé que celui de tous les autres groupes, y compris les Américains blancs. Doit-on tenter de faire baisser ce chiffre en rognant les revenus des Asiatiques de quelques points ?

Ou doit-on essayer de sortir de cette obsession pathologique en traitant les gens comme des individus possédant des aptitudes différentes et en n’essayant pas d’imposer des quotas égalitaires à chaque entreprise ou institution ? Les revendications les plus radicales ayant toujours gain de cause, les gens ont tendance à les croire et à prendre leurs sombres scénarios pour argent comptant. Un sondage réalisé en 2018 révélait ainsi que la plupart des Britanniques (sept sur dix) croyaient les femmes moins bien payées que les hommes à travail équivalent. L’«écart de rémunération entre les sexes » qui existe bel et bien concerne les revenus moyens à l’échelle d’une vie, compte tenu des différences entre hommes et femmes induites par la carrière, l’éducation des enfants et les choix de vie. Mais « l’écart de rémunération » est devenu un sujet de discussion si brûlant dans les médias et les réseaux sociaux que la plupart des gens l’ont interprété comme preuve d’un écart qui n’existe pas sous la forme qu’on leur a fait accroire. Depuis 1970 au Royaume-Uni, et 1963 aux États-Unis, il est illégal de moins bien payer une femme qu’un homme pour effectuer la même tâche. Pour citer un seul effet de cette méprise, dans ce même sondage, alors même que sept personnes sur dix pensaient que les femmes étaient moins payées que les hommes pour effectuer exactement le même travail, un pourcentage quasi identique (67 %) estimait que le féminisme était allé trop loin ou aussi loin qu’il devait. Cette constatation pourrait bien résumer la confusion qui règne aujourd’hui. Nous voyons l’oppression là où elle n’existe pas et nous n’avons aucune idée de la meilleure façon d’y réagir.

La grande déraison
Race, genre, identité
par Douglas Murray
paru le 21 octobre 2020
aux Éditions du Toucan
dans la collection de l’Artilleur
à Paris,
416 pages
Genre : Essais
ISBN-10 : 2810009880
ISBN-13 : 978-2810009886

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Le paradoxe de l’égalité entre les sexes c. la théorie du genre

L'enseignante diversitaire de l'Université d'Ottawa s'excuse, se repent, demande l'établissement d'un index de mots à proscrire en classe


Verushka (à l’anglaise) Lieutenant-Duval, cette professeure suspendue par l’Université d’Ottawa, s’est entretenue avec Patrick Roy de la SRC sur l’affaire qui la concerne. Mme Lieutenant-Duval a été suspendue par son université pour avoir utilisé un terme tabou lors d’une leçon sur la théorie queer.

Le cours (ART3117) en anglais de Veruschka Lieutenant-Duval porte sur la représentation des identités sexuelles dans les arts visuels.

ART3117 : Art and Gender. Exploration des identités sexuelles et de genres à travers l’étude des pratiques et des théories artistiques modernes et contemporaines : féminisme, masculinité, études gaies et lesbiennes, les enjeux de la transsexualité, etc.

Un cours bien diversitaire, à la pointe du correctivisme politique et sexuel.

Le 23 septembre, elle donne son cours en ligne. À l’origine, le terme « queer » était une insulte, leur a-t-elle expliqué. La communauté gaie s’est réapproprié le mot et l’a vidé de son sens initial (bizarre) pour en faire un puissant marqueur identitaire. En langage savant, cette récupération s’appelle la « resignification subversive ». Il y a d’autres cas célèbres, a expliqué la prof à ses étudiants. Aux États-Unis, par exemple, la communauté noire s’est réapproprié l’insulte raciste « nigger ». Tollé. Déchaînement. Elle est suspendue par l’Université d’Ottawa. C’est bien sûr totalement hors de proportion.

La voici donc ce mercredi qui s’explique au micro de Patrick Roy qui n’ose pas prononcer non plus le mot tabou. Alors qu’en français, le mot est nettement moins chargé de connotations racistes. Il suffit de penser à la négritude, fièrement revendiquée. Pour l’auteur Dany Laferrière, « Le mot “nègre”, il va dans n’importe quelle bouche ».

Écoutez cet entretien. Si le temps vous manque, sautez les 7 premières minutes. La professeure qui ne cesse de s’excuser, clamant son orthodoxie. Elle regrette que l’université n’ait pas communiqué une liste des mots interdits pour permettre à tous de mieux respecter la « diversité », de ne pas avoir publié un index de mots à proscrire en classe. Si seulement cet index de mots interdits avait été publié, elle, si orthodoxe, s’y serait pliée et elle n’aurait pas péché.

D’ailleurs, on lui a fait comprendre qu’elle ne devrait sans doute plus parler d’Indiens (elle n’ose bien sûr pas dire le mot, elle parle du « mot qui commence en I ») quand elle aborde l’art autochtone dans son cours.

Elle a également décidé de retirer des œuvres afro-américaines de son programme pour ne pas choquer les militants radicaux. La censure radicale intériorisée. 

Elle s’est dit encouragée que la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle MacCann, quand celle-ci a annoncé qu’il faudrait embaucher plus de professeurs provenant de la diversité, dont des personnes noires. Y compris si Mme Lieutenant Duval devait pour cela perdre son poste pour une personne dont l’attribut majeur serait d’être issue de « la diversité » ? Car, qui dit discrimination positive, dit discrimination négative pour d’autres.

 

Notons le français de cette « professeure » : « donner mes excuses » (calque de « give my apologies ») à la place de présenter ou offrir mes excuses ; « c’est d’un barbarisme sans mot » plutôt que « d’une barbarie », un barbarisme étant une faute contre le langage soit dans la forme, soit dans le sens du mot. Étudier en anglais à Concordia et à Bishop’s a aussi un impact. Bien que de plusieurs commentaires sur son passage comme enseignante à Concordia lui reprochent de mal parler anglais…

Vérouchka Lieutenant-Duval travaille actuellement sur la (non) figuration des seins atypiques (plus particulièrement tubéreux) dans la culture visuelle occidentale.

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dimanche 18 octobre 2020

Décapitation d'un prof : mesures liberticides pour tous sur Internet à l'horizon ?

Des esprits optimistes ou naïfs pourraient penser qu’à la suite de la décapitation en pleine rue d’un professeur par un réfugié tchétchène connu de la police, les politiciens demanderaient un resserrement des politiques d’accueil des réfugiés, de l’immigration ou encore de limiter le pouvoir exorbitant de certains juges à miner les actions de la police et de l’administration.

Rappelons que la Pologne avait rejeté en 2005 la demande d’asile de l’assaillant tchétchène et de sa famille, que cette famille était retournée en Tchétchénie en janvier 2007 où elle se prétendait pourtant gravement menacée. Les Tchétchènes ont le droit de s’installer partout en Russie, le plus vaste pays du monde. Choix étrange que de revenir dans la petite république russe de Tchétchénie.

En 2008, la famille décide de se rendre en France. Abdoullah Anzorov a alors six ans. En 2011, la magistrature française (la malnommée Justice) contraint l’État à octroyer le statut de réfugié à la famille de l’assaillant tchétchène, alors que l’administration le lui refusait. Le terroriste, Abdoullah Anzorov, était connu de la police pour cas de violences en groupe et de dégradations de biens publics, il a pourtant reçu récemment un titre de séjour lui permettant de rester en France. Dans un autre attentat récent devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, l’administration avait décidé que la personne en question était majeure, mais un autre juge avait cassé cette décision et décidé que le Pakistanais était mineur (ce qui s’est révélé faux, il aurait en fait 25 ans).

Il est hors de question pour les progressistes et leurs médias (ceux que les citoyens subventionnent grassement) de remettre en cause des recettes qui ont déjà montré leur terrible efficacité : inutile de revoir la politique irénique d’accueil des réfugiés, les politiques laxistes d’immigration massive, l’échec de l’intégration par l’école publique, l’activisme irresponsable de juges redevables devant aucun simple mortel, semble-t-il.

Le niveau d’immigration est tel, la natalité des « de souche » si basse (environ 1,6 enfant/femme), que l’assimilation ne se fait plus. Près de 69 % des enfants immigrés non européens ou vivant avec au moins un parent immigré non européen habitent dans un quartier où leur proportion est plus importante qu’à Conflans-Sainte-Honorine où a eu lieu cette décapitation.

Les chiffres de l’INSEE (base Saphir) montrent que les enfants immigrés non européens ou vivant avec au moins un parent immigré non européen habitent dans un quartier où ils représentaient en moyenne 42 % des moins de 18 ans en 2015 contre 31 % en 1990. (Cliquer sur le graphique pour l'agrandir.)

De surcroît, la proportion des enfants immigrés non européens ou vivant avec au moins un parent immigré non européen qui résident dans un quartier où ils sont majoritaires chez les moins de 18 ans est passée de 17 % à 38 % entre 1990 et 2015 (base Saphir de l’INSEE) :

Ces chiffres sous-estiment en réalité la présence d’origine immigrée non européenne puisque les chiffres ne prennent pas en compte les petits-enfants d’immigrés. Les efforts consentis pour favoriser la « mixité sociale », peut-être insuffisants, mais réels et très coûteux, ont été rendus vains par l’immigration qui renforce le phénomène de ségrégation. Comment penser que des gens qui grandissent dans des endroits où plus de la moitié de leurs pairs sont aussi d’origine non européenne s’assimileront à la culture française ?

En outre, selon un sondage récent de l’IFOP, les jeunes musulmans de France sont plus radicaux que leurs aînés. En effet, 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans affirment mettre l’islam avant la République. Un autre sondage IFOP, pour Le Point, montre que la fréquentation de la mosquée le vendredi pour les 18-24 ans a quasi doublé en dix ans : de 23 % en 2011 à 40 % en 2019.

Au regard de ces chiffres, la conclusion qui s’impose c’est qu’il est naïf de penser que tout va s’améliorer et qu’il suffit de lutter davantage contre l’extrémisme en général et plus particulièrement sur les réseaux sociaux.

Ne voulant pas aborder ces sujets tabous pour la gauche multiculturaliste, le récit médiatique qui se met en place est le suivant : il s’agit d’un cas isolé, né d’une radicalisation inattendue, importée, car le vivre-ensemble règne dans ce coin de l’île de France au charme provincial, le drame est né d’un « incident mineur » exacerbé par les médias sociaux qu’il faudra donc mieux censurer. De mauvaises langues rapportent que Twitter, Google et Facebook auraient déjà, à l’unisson, claqué des talons.


Cette réponse qui consiste à restreindre les libertés de tous pour garantir le fameux « vivre-ensemble chatoyant multiculturel » n’est pas neuve. Rappelons l’appel à la limitation du choix pédagogique, à l’augmentation des contenus idéologiques obligatoires (ECR au Québec) et aux mesures tatillonnes imposées à de plus en plus d’écoles, de parents et d’élèves pour « garantir le vivre ensemble ». (Voir « L’État devrait agir sur l’école publique perméable à l’islamisation [et non les écoles privées ou l’instruction à domicile comme il le fait]. Tous les djihadistes français en proviennent. », Interdire « l’école à la maison » pour lutter contre l’islamisme : liberticide et inefficace et Restriction des libertés scolaires, rançon de l’immigration de masse « diverse » ?)

La principale conséquence pourrait donc être davantage de censure pour ceux qui critiquent l’islamisation sur Internet. Résultat paradoxal, mais c’est pourtant ce qui semble poindre.

Voici comment le récit médiatique s’est mis en place.

Premier temps.

Le Monde explique comment cette vendetta a fait le tour de l’Internet en passant par l’Algérie. Ariane Chemin, grand reporter au journal Le Monde relaie l’article d’une des consœurs du Monde sur Twitter. Personne sur place à part le parent d’élève qui a tourné cette vidéo n’aurait rien à voir avec l’escalade, tout est venu d’Internet et de l’extérieur ?

Notons que l’article du Monde a changé depuis hier :

« Les Conflanais (lesquels ?) pointaient notamment le rôle des réseaux sociaux » est devenu sept heures plus tard :

Plus de mention aux réseaux sociaux (y compris dans le corps de l’article), mais ce n’est pas grave, ces parents dûment sélectionnés par Le Monde ont fait leur office, la balle est lancée, elle sera reprise par d’autres médias, comme on le verra ci-dessous.

Revenons d’abord à cette petite ville au charme provincial troublée par de vils réseaux sociaux. On en oublierait presque en lisant ces manchettes que la source du problème est plutôt le terrorisme et le radicalisme musulman. Terrorisme et radicalisme importés.

L’ambiance à cette école n’était en rien apaisée. Le professeur décapité faisait face à de nombreuses menaces locales de mort et de harcèlement. RTL rapporte que « “Et plus les jours avançaient, et plus il se faisait harceler par des élèves et en dehors du collège. Il avait beaucoup de menaces de mort. Beaucoup de gens disaient qu’ils allaient le tuer, etc. Mais on ne voulait pas y croire. On se disait que ce n’était pas possible que cela puisse se passer”, explique l’élève du professeur assassiné. » 

Plusieurs personnalités religieuses dont l’imam Abdelhakim Sefrioui, membres du bureau du Conseil des imams de France avait violemment attaqué le professeur (voir ci-dessous)



La mosquée de Pantin (également en Île-de-France) avait diffusé l’appel violent du père mettant en cause le professeur.

Le radicalisme musulman existe localement en France, nul besoin d’invoquer les réseaux sociaux. Son poids s’accroît avec l’augmentation démographique des jeunes musulmans, ils deviennent de plus en plus assurés de leur force, ils ne sont souvent plus minoritaires dans les banlieues. Les réseaux sociaux n’ont pas alimenté le drame qui se tramait en Île-de-France, ils l’ont peut-être rendu plus visible, la police et les services de renseignement auraient donc pu agir plus facilement. Sans préconiser plus de censure. Mais cela attirerait l’attention vers des services de renseignements qui ne parviennent pas à juguler les menaces terroristes islamiques. Mauvaise idée pour le gouvernement. Dévions donc la conversation.

L’idée selon laquelle ce qu’il manque c’est encore plus de censure sur Internet avait donc été lancée. Reuters avançait la même théorie que Le Monde. Radio-Canada a donc docilement recopié et propagé cette thèse :

La faute aux réseaux sociaux, à la « haine » en général. Les élèves et parents d’élèves (tous ?) sous le choc. Pas un mot sur le fait que de nombreux élèves ne louaient en rien « son engagement et sa bienveillance ». Pas un mot pour insister sur l’islamisme du terroriste dans ces premières lignes.


Second temps

Le résultat n’a pas tardé. De nombreux porte-parole officiels ont demandé à censurer davantage Internet, à mettre fin à l’anonymat, à « encadrer les réseaux sociaux » comme on dit poliment. On peut s’attendre à ce que les critiques de droite, les nationalistes, les « islamophobes », les « identitaires » soient souvent les victimes de cette volonté de mise sous cloche.

Xavier Bertrand, centriste, président du conseil régional des Hauts-de-France, déclarait aujourd’hui : 

 

Gabriel Attal (ancien socialiste), porte-parole du gouvernement Macron, a déclaré ce même jour :

Quant à la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, elle aussi ex-socialiste avant de rejoindre Macron, elle a déclaré :

Décision saluée par Laetitia Avia (ci-dessous), députée du parti au pouvoir (LREM), notez que Mme Avia ne parle à aucun moment d’islamisme. Elle semble ne pas pouvoir contenir sa joie d’avoir trouvé un si beau prétexte pour imposer la censure des contenus « haineux ». Mme Avia a porté en 2019-2020 une proposition de loi contre les contenus haineux sur Internet, qui est adoptée par l’Assemblée nationale, mais est en grande partie censurée par le Conseil constitutionnel.


L’éditorialiste bien connu Christophe Barbier approuve cette idée, quitte à modifier la Constitution française pour l’imposer :

Pour les laïcards de gauche (la CGT, communiste) le problème c’est la fraction réactionnaire catholique et ses écoles privées :