L’attrait de l’anglais ne se dément pas dans les écoles.
Le parent d’une élève qui fréquente le Collège des Marcellines (Montréal) a constaté sur place à quel point échanger en anglais est « cool » entre élèves. Priée de s’expliquer sur cette popularité de la langue de Shakespeare entre adolescentes, l’élève a simplement dit que les jeunes filles « aimaient ça parler en anglais entre elles et que ce n’était pas grave… »
Même si le parent n’a pas voulu épiloguer sur le sujet, nous avons contacté Sœur Martine Dalpé, directrice du secondaire au Collège des Marcellines, qui se dit bien au fait du phénomène, mais à la fois désolée que le projecteur soit braqué sur son école.
« Le phénomène est généralisé dans toutes les écoles de la région métropolitaine, a-t-elle expliqué au Journal des voisin. Montréal, particulièrement dans l’ouest de l’île, accueille des communautés culturelles diverses. Beaucoup de parents d’élèves ne parlent pas le français, ou la langue parlée à la maison est une autre langue que le français. C’est particulièrement vrai à Marcellines, où on accueille 82 nationalités. »
Environnement multiculturel
Sœur Dalpé ajoute que certains parents ne comprennent pas les communications que le collège leur envoie. Une bonne part des élèves vivent dans un environnement où le français est exclu.
« On a discuté du phénomène de l’attractivité de l’anglais aux réunions de la Fédération des établissements d’enseignement privé, révèle-t-elle. C’est une réelle préoccupation pour toutes les directions d’écoles, privées ou publiques. »
La dirigeante du Collège affirme que l’expression voulant que ça prenne un village pour former un enfant, et que l’école soit au cœur de ce village, s’applique pleinement en matière de langue. Car une langue comme le français fleurit d’abord à l’école. Elle reconnaît que l’école a donc une responsabilité évidente dans la défense de la langue. Et qu’elle prend cette responsabilité au sérieux.
« Nous avons beaucoup d’élèves allophones, reprend-elle. Quand ils arrivent, en première secondaire, nombre d’entre elles maîtrisent mal, souvent très mal le français. Quand elles quittent, en secondaire cinq, la qualité de leur français est de niveau supérieur. Nous les encourageons continuellement et reconnaissons leur progression. »
Comme plusieurs écoles, le Collège des Marcellines tient des activités de préparation au français. Le programme de français de ce collège est de niveau enrichi.
« Nos élèves sont reconnues pour leur solide formation dans la langue de Molière, particulièrement par les autorités collégiales, poursuit Sœur Dalpé. On nous affirme souvent que nous sommes parmi les institutions qui forment le mieux nos élèves en français.»
Attrait réel pour l'anglais
Elle ajoute que son bureau est situé au milieu du corridor et qu’elle surprend les conversations d’élèves durant les pauses. Selon elle, les jeunes parlent entre elles moins de 10% du temps en anglais.
« Mais l’attrait de l’anglais est bien réel, reconnaît-elle. Nous baignons dans la culture nord-américaine, qui est anglophone. Elles sont élevées là-dedans. Plutôt que de tomber dans la répression lorsqu’elles parlent anglais, nous nous efforçons plutôt de valoriser les beaux côtés de la culture québécoise. »
Le Collège organise ainsi le visionnement de films québécois, promeut la lecture de romans d’ici, mousse les pièces de théâtre en français et, lorsque les élèves organisent des spectacles, exige 60% de chansons francophones. Ce qui représenterait un effort réel pour les jeunes, qui ne connaissent pas suffisamment la culture francophone.
Elle reconnaît que la valorisation du français représente tout un défi face au rouleau compresseur anglophone, alors que les jeunes générations consomment massivement leurs contenus culturels en ligne, principalement auprès de géants que sont YouTube, Netflix ou les réseaux sociaux, où l’anglais prédomine.
« Les gens, les jeunes en particulier, méconnaissent la culture québécoise, poursuit la dirigeante du Collège. Ils croient qu’elle est moins intéressante. Nos élèves sont souvent surprises par leurs découvertes. Il faut aussi dire que le français est une langue difficile à apprendre et à écrire. C’est un défi supplémentaire. »
Sœur Dalpé demeure malgré tout optimiste lorsqu’elle voit le niveau de maîtrise de la langue et la culture de ses finissantes.
Des chiffres
Les Québécois de langue maternelle anglaise représentent 7,7% de la population québécoise, selon un rapport de l’Office de la langue française (OLF) publié en 2019. Le français est la langue le plus souvent parlée à la maison chez 80% des ménages, l’anglais 9,9% et les autres langues 7,1%.
Alors que l’immigration représente 14% de la population, 53% des allophones ne parlent aucune autre langue que la leur à la maison, 33% parlent aussi le français, 14% l’anglais et 12% des langues multiples avec le français.
Fait à noter, 23% des Québécois ayant une langue maternelle autre que le français se disent capables de soutenir une conversation dans la langue de Félix Leclerc. Sur l’île de Montréal, 41% des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire fréquentant une école française avaient une autre langue maternelle que le français en 2015.
Enfin, l’OLF indique que l’écoute de chansons francophones et anglophones est à égalité chez les francophones… sauf chez les plus jeunes, où les produits culturels anglais dominent. Chez les 15-34 ans, 69% regardent des films et 9% écoutent des chansons en français. Chez les 35-54 ans, cette proportion est de 75% et 18%, et chez les 55 ans et plus, elle est de 83% et 47%.