lundi 2 août 2021

Wokisme avec vos impôts — Télé-Québec présente « Décoloniser l’histoire »

Dans la foulée du Jour de l’Émancipation, nouvelle fête décrétée par le fédéral, on apprend que Télé-Québec diffusera dès le 10 août la websérie documentaire Décoloniser l’histoire, présentant 10 chapitres « méconnus » de l’histoire canadienne et québécoise, animée par Vanessa Destiné (d’origine haïtienne qui « défend un féminisme intersectionnel »), Maïtée Labrecque-Saganash (« militante crie » de mère canadienne française) et Youssef Shoufan (d’origine syrienne né à Damas en 1987).

Cette série subventionnée par vos impôts sera présentée du point de vue de personnes autochtones et racisées. Le tout sera diffusé sur le site web de Télé-Québec ainsi que sur son application.

La websérie produite par Picbois abordera entre autres, dans des épisodes de huit minutes, l’histoire des pensionnats autochtones, le destin des travailleurs chinois des chemins de fer, la plus grande émeute étudiante au Canada à l’université anglophone (!) Concordia, ainsi que la vie de Mary Two-Axe Early ou celle de Sam Rabinovitch.

Quelques remarques :

Décoloniser l’histoire est un terme très politiquement chargé. Il s’agit de culpabiliser et par là de délégitimer la présence européenne, d’éliminer au moins symboliquement la prééminence de la colonisation occidentale et de s’attaquer à de prétendus privilèges économiques des blancs en prônant la discrimination positive qui favorisera les « racisés ». La présence européenne étant délégitimée, comment ces descendants européens pourront-ils s'opposer à l'immigration de masse venue d'ailleurs ? C’est un mouvement qui se nourrit des tensions et du ressentiment communautaires. Il n’est pas limité à l’Amérique du Nord, mais il atteint tous les pays peuplés par des Européens. C’est ainsi qu’il existe un mouvement « décolonial » en France qui, dans les termes de Mathieu Bock-Côté, « considère que la France achèvera son processus de décolonisation lorsque les Français seront étrangers chez eux. Les indigénistes croient qu’ils ont désormais, grâce à l’immigration massive, une base sociale qu’ils veulent mobiliser quitte à la contraindre par l’intimidation idéologique pour faire une démonstration de force. Cette mouvance cherche explicitement à construire une conscience raciale révolutionnaire et croit son heure arrivée, devant des élites ébaubies, qui ne comprennent pas que l’antiracisme indigéniste est un racisme antiblanc revendiqué. »

Il est ironique que des immigrants comme Vanessa Destiné et Youssef Shoufan [Choufane] parlent de décoloniser l’histoire du Québec, alors qu’ils sont eux-mêmes des colons modernes. C’est là que l’on comprend qu’il ne s’agit nullement de réparer des torts historiques, mais d’utiliser une histoire biaisée pour promouvoir les racisés, qu’ils soient récemment immigrés ou non, à force de culpabilisations de la majorité européenne.

La société de productions Picbois est coutumière des « documentaires » très « engagés », très « progressistes ». On trouve parmi ses autres productions :

  • « Citoyens du futur [qui] donne la parole à un groupe de jeunes cégépiens environnementalistes et engagés. »
  • « Briser le code révèle comment les personnes racisées et autochtones en sont venues à adopter des attitudes et des comportements pour se fondre dans la majorité québécoise sans déranger.
  • « Les Brutes, deux filles de la génération Y à l’esprit vif, un brin baveuses, qui jettent un regard drôle et irrévérencieux sur des sujets dans l’air du temps » dont nous avions déjà parlé dans Vos impôts à l’œuvre : Télé-Québec et le féminisme extrémiste. En voici une capsule.

  • « Debouttes ! est un documentaire sonore de 48 minutes réalisé par Jenny Cartwright qui relate un pan important et oublié de l’histoire du Québec. En 1971, des membres du Front de libération des Femmes du Québec (FLF) ».
  • « Bagages est un documentaire réalisé avec des jeunes immigrants de l’école secondaire Paul-Gérin-Lajoie-d’Outremont. Ce film donne la parole et la scène à des jeunes de 12 à 17 ans, nouvellement arrivés à Montréal, il y a moins de deux ans. »
  • etc.

Le mouvement décolonial croît de pair avec une immigration non occidentale croissante. L’augmentation rapide de cette immigration qui ne parvient pas à s’assimiler est une des conditions nécessaires à l’apparition de la culture victimaire selon Bradley Campbell et Jason Manning : « Pour qu’il y ait une discrimination réelle ou apparente, il faut une base sur laquelle distinguer facilement oppresseurs et opprimés. La race, notamment, est un facteur de distinction évident. On peut ainsi aisément répartir les rôles entre “dominants” et “dominés” ! » Voir L’essor de la culture victimaire.

Télé-Québec est une société de diffusion détenue par le gouvernement du Québec, son siège social est situé à Montréal dont la mission devrait principalement être tournée vers le Québec (les travailleurs chinois du chemin de fer en Colombie-Britannique !?)

Au sujet de la « plus grande émeute étudiante » mentionnée comme un des épisodes, les causes du conflit à l’Université Sir-George-Williams (devenue Concordia) remontent à 1968, lorsque six étudiants antillais anglophones ont accusé Perry Anderson, professeur de biologie, de discrimination parce qu’ils avaient eu de mauvaises notes à un examen. Les émeutes se conclurent par 2 millions $ de dégâts (13 millions $ en tenant compte de l’inflation) par les étudiants « racisés » et « afrodescendants ». Le professeur accusé de racisme par six étudiants noirs anglophones fut déclaré innocent. La commission d’audience chargée de l’affaire a estimé qu’« il n’y avait aucune preuve pour étayer les accusations générales de racisme ». 

Télé-Québec devrait promouvoir la vision historique de la grande majorité des Québécois (les « Canadiens français ») et non faire la promotion d’une vision radicale racialisée qui mine la société québécoise. 

Que fait la Coalition Avenir Québec au pouvoir, parti censément nationaliste ? La CAQ sait-elle même ce qui se trame à Télé-Québec, ce qui s’y diffuse avec l’argent du contribuable ? A-t-elle un corpus et les outils intellectuels nécessaires pour répondre à ce travail de sape  ? Ou alors, coalition disparate,  la CAQ désire-t-elle surtout ne pas aborder le sujet, son aile patronale poussant à une immigration importante, la loi sur la laïcité devant suffire à satisfaire les identitaires Québécois ? Un os que ces vieux Canadiens français devront se contenter de ronger.


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« Jour de l'Émancipation » et le Québec

Réjouissances à Toronto pour le Jour de l’Émancipation
 
Le site du diffuseur étatique (la SRC) nous apprend que « Le Jour de l’émancipation et ses célébrations, marquant la loi de 1834 sur l’abolition de l’esclavage dans l’Empire britannique, sont officiellement reconnus pour la première fois cette année par Ottawa. La date du 1er août était toutefois commémorée par la communauté afro-canadienne depuis des décennies, et ce, bien avant la Confédération. »

Pour mieux comprendre l’importance ou non de cette célébration et sa pertinence pour le Québec, posons-nous deux questions : l’esclavage existait-il encore au Québec (alors le Bas-Canada) en 1834 et combien d’esclaves « afro-canadiens » y avait-il en Nouvelle-France puis au Bas-Canada ?

L’esclavage existait-il encore au Québec (alors le Bas-Canada) en 1834 ?

Non. En pratique, il n’existait plus depuis la fin du XVIIIe siècle.

En effet, le juge en chef au Bas-Canada, Sir James Monk, rendit une série de décisions judiciaires à la fin des années 1790 qui minèrent la capacité de contraindre les esclaves à servir leurs maîtres ; tout en  n’abolissant pas techniquement l’esclavage, elles l’ont rendu inoffensif. En conséquence, les esclaves ont commencé à fuir leurs maîtres au sein de la province. Cela se produisit plusieurs années avant que l’Assemblée législative n’agisse dans le Haut-Canada pour limiter l’esclavage. La décision était fondée sur un point de procédure : la loi existante autorisait le placement des esclaves dans des maisons de correction, mais pas en prison ; or le Bas-Canada était dépourvu de maison de correction ! Toutefois, Monk ajouta que « l’esclavage n’existait pas dans les provinces et [qu’il avertissait] les propriétaires qu’il appliquerait cette interprétation de la loi à tous les procès ultérieurs. » Dans des décisions ultérieures et en l’absence de législation spécifique, l’interprétation de Monk a été retenue, y compris après la mise en place de maisons de correction. Dans un examen ultérieur de cette interprétation, l’administrateur du Bas-Canada, Sir James Kempt, refusa une demande du gouvernement américain de renvoyer un esclave évadé. Il ajouta : « L’état d’esclavage n’est pas reconnu par la loi du Canada. Chaque esclave qui vient donc dans la province est immédiatement libre, qu’il ait été amené sous la contrainte ou qu’il y soit entré de son propre gré. »

Rapidement informés, les esclaves désertèrent leurs maîtres qui n’avaient plus aucune prise sur eux. Dans le Haut-Canada, une loi protégea les droits acquis des maîtres pendant une autre génération.

Le 14 septembre 1799, Marguerite Boucher de Boucherville veuve de Luc de la Corne vendit un esclave noir de neuf ans à Joseph Campeau. Il s’agissait de la dernière vente d’esclave au Canada.

Combien d’esclaves « afro-canadiens » en Nouvelle-France puis au Bas-Canada ?

À Montréal, les esclaves noirs ont constitué au maximum environ 0,1 % de la population de la ville de 1760 à 1840.

Rappelons d’abord qu’aucun bateau négrier n’accosta jamais dans la vallée du Saint-Laurent pendant le régime français.

L’historien Marcel Trudel nous apprend dans son ouvrage Deux siècles d’esclavage au Québec que les deux tiers des 4 200 esclaves connus sur toute la période de la Nouvelle-France et jusqu’en 1800 étaient des Amérindiens et non des noirs. Tous sauf deux provenaient de nations lointaines, notamment celle des Panis établis au Missouri, d’où le nom de « panis » devenu un nom commun pour désigner tous ces esclaves. Il s’agissait le plus souvent de prisonniers de guerre remis aux Français par des tribus indiennes alliées. Ce chiffre est d’ailleurs peut-être exagéré, car on est en droit de se demander si ces prisonniers de guerre retenus doivent être comptés parmi les « esclaves » puisque leur servitude s’éteignait après un certain temps. La Grande Paix de Montréal de 1701, par exemple, prévoyait que tous les prisonniers de guerre autochtones seraient rendus à leurs nations d’origine.

Les panis servaient en tant que domestiques, plus rarement comme ouvriers, guides, trappeurs ou voyageurs engagés dans la traite des fourrures, la durée de leur servitude variant beaucoup. 

L’absence de plantations et l’agriculture de subsistance qu’on pratiquait en Nouvelle-France puis au Bas-Canada ne nécessitaient pas le travail forcé d’esclaves ; le besoin en main-d’œuvre à bon marché était assuré par une descendance nombreuse. Contrairement aux colonies américaines, 77,2 % des esclaves dans la vallée du Saint-Laurent vivaient dans des villes et y travaillaient pour des familles bourgeoises en tant que domestiques.

Il y eut sans doute moins de 600 panis dans tout le territoire de la Nouvelle-France (y compris l’Ouest américain) à n’importe quel moment. La pratique de l’esclavage ne dépassa pas quatre-vingts ans sous le Régime français, soit de 1680 environ à 1759.

Un des premiers esclaves noirs vendus en Nouvelle-France le fut par un amérindien. Le chef agnier Joseph Brant (ci-contre), chef des Six nations alliées aux Anglais pendant la guerre d’Indépendance des États-Unis, vint s’établir près du Lac Ontario avec les 40 esclaves noirs qu’il avait capturés pendant cette guerre.

Dans son magnum opus, L’esclavage et les noirs à Montréal, Frank Mackey recense 500 esclaves noirs à Montréal de 1760 à 1840 — il n’y en a jamais eu plus de 60 en même temps. Soit environ 0,1 % de la population de la ville. Les esclaves noirs valaient le double des panis. Mackey mentionne le cas d’un noir libre ayant lui-même un esclave noir.

Sous le régime français et le début du régime anglais, écrit Mackey, la condition des esclaves était « exempte des caractéristiques très dures que nous associons aux systèmes esclavagistes ailleurs ». Dans son livre Les Noirs à Montréal, Dorothy-W. Williams ajoute : « Compte tenu de leur état de domestique, de leur coût élevé et de la difficulté à s’en procurer [puisque aucun bateau négrier n'accostait au Bas-Canada], la plupart des esclaves africains bénéficient d’un traitement indulgent tout simplement parce qu’on veut les garder longtemps à son service. »

Un phénomène très marginal au Québec, récemment politisé

Il y eut donc des esclaves en Nouvelle-France et au Québec. Cependant, l’esclavage plus particulièrement des noirs, phénomène au demeurant intéressant pour un historien, y fut toujours marginal. Il n’eut que peu d’impacts économiques et de conséquences démographiques.

L’intérêt soudain pour cet aspect secondaire de l’histoire du Québec ne peut se comprendre qu’à l’aune de l’immigration de masse récente qui a radicalement changé la composition ethnique du Québec et du Canada, d’une américanisation du Canada qui pense devoir imiter les États-Unis et l’importance croissante du mouvement « décolonialiste » dans le débat public. 

Cette pensée décoloniale veut déblanchir l’imaginaire des sociétés occidentales et culpabiliser ses populations blanches pour tailler une plus grande place à des personnes le plus souvent issues de l’immigration relativement récente. Il s’agit à nos yeux d’un moyen simple et efficace (devant le manque de riposte des héritiers occidentaux) pour accroître les avantages d’abord symboliques, ensuite économiques, pour les nouveaux venus « racisés ».

Ce ne sont en effet pas les descendants des panis ou des rares esclaves noirs de Montréal émancipés au début du XIXe siècle qui manifestent leur enthousiasme pour cette nouvelle fête nationale (si tant est que ces personnes existent ou s’identifient ainsi), mais plutôt des personnes issues de l’immigration récente. Ironiquement, certains de ces racisés pourraient bien être des descendants d’esclavagistes, car les trafiquants d’esclaves n’étaient pas rares parmi les Maghrébins et les Africains (voir la vidéo ci-dessous).

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