
Les informaticiens de Californie préviennent souvent que les progrès de la technologie, en particulier dans l’intelligence artificielle, seront dévastateurs pour les travailleurs peu qualifiés. Une étude importante, menée par Carl Benedict Frey et Michael Osborne de l’Université d’Oxford, a estimé que 47 % des emplois en Amérique pourraient être automatisés au cours des deux prochaines décennies. L'OCDE prévoit plutôt une perte de 9 % des emplois due à la robotisation. Le spectre du chômage de masse, ainsi qu’une inégalité accrue des revenus, a conduit de nombreux décideurs à considérer qu’il était crucial de dépenser plus dans la formation universitaire afin d’assurer la future prospérité économique de leurs pays.

Il est, toutefois, possible que les gouvernements surestiment les avantages économiques liés l’enseignement supérieur. Car, bien que les universités soient des lieux d’apprentissage, elles sont aussi des mécanismes de tri social. Une partie de la raison pour laquelle les diplômés universitaires gagnent plus s’explique par le fait qu’avant même d’entrer à l’université ils sont plus brillants et plus industrieux que leurs camarades, ce sont des bosseurs pour parler familièrement. Certaines professions, comme les médecins ou les ingénieurs, exigent une formation technique poussée, mais ce n’est souvent pas le cas. Le fait que les diplômés en sciences humaines, dont les cours ont souvent peu à voir avec leur travail ultérieur, tendent à gagner plus s’ils proviennent d’établissements plus prestigieux suggère que l’une des raisons d’aller à l’université est de se démarquer de ses pairs sur le marché du travail. Bryan Caplan, économiste à l’Université George Mason, soutient que l’obtention d’un diplôme est comme « se lever lors d’un concert ». On voit mieux le spectacle, mais c’est aux dépens de ceux qui sont assis derrière vous. Et si tout le monde va à l’université, tout le monde se lève pour filer la comparaison, et on est revenu au point de départ, le tout à un coût important.
Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 43 % des adultes âgés de 25 à 34 ans ont aujourd’hui un diplôme d’études supérieures, alors qu’ils n’étaient que 23 % en 1995.
Cependant, on ne sait pas exactement dans quelle mesure ces diplômes se sont traduits par des gains économiques. Une analyse des données sur le marché du travail américain effectuée par The Economist révèle que depuis 1970, la proportion de travailleurs diplômés a augmenté dans presque toutes les professions. Mais pour environ la moitié des professions où les travailleurs sont les mieux éduqués, les salaires moyens ont quand même diminué en termes réels.
L’omniprésence du diplôme signifie que, pour de nombreux travailleurs, aller à l’université est devenu une obligation plus qu’un choix. En outre, l’université ne convient pas à tous. Les études sur le rendement économique de l’enseignement supérieur tendent à supposer que tous les étudiants obtiendront leur diplôme. En pratique, environ 30 % des étudiants en Europe et 40 % des étudiants en Amérique abandonneront leurs études avant d’obtenir leur diplôme. Cela signifie que les rendements économiques attendus d’une éducation universitaire pour les étudiants moyens sont beaucoup plus faibles que ceux que l’on évoque habituellement en ne considérant que la prime des diplômés.

Les gouvernements ont raison de s’inquiéter de la formation de leurs futurs travailleurs, mais ils devraient considérer la hausse du niveau à l'école secondaire pour y acquérir une solide culture générale et de nombreuses autres formations par la suite et pas uniquement l’université.
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