mercredi 3 mai 2023

Ces petites villes pleines d'enfants, le rôle du mimétisme et de la religion

La une de l'hebdo italien Panorama:
Une Italie sans Italiens


La dépopulation n’est pas uniforme dans les pays riches
 
Quelle est l’apocalypse la moins médiatisée au monde ? Le changement climatique censément incontrôlé ? La menace d’une guerre nucléaire ? La possibilité d’une nouvelle pandémie plus meurtrière ? Tous ces éléments pourraient faire disparaître des millions, voire des milliards de personnes de la surface de la planète. Mais, encore une fois, cela ne s’est pas encore produit.

Le plus inquiétant est certainement la crise de réduction de la population qui est déjà en cours. Dans tous les pays du monde, y compris les pays riches, les naissances ont chuté.

Certains gouvernements ont tenté de renverser la situation en adoptant des politiques natalistes. Mais, dans le meilleur des cas, les résultats sont mitigés. Au lieu de chercher une nation qui a rétabli son taux de natalité au niveau de remplacement (aucune n’y est parvenue vraiment, à l’exception peut-être de la Géorgie), des exemples plus locaux sont sûrement dignes d’attention.

C’est le cas de la petite ville de Nagi, au Japon. Les estimations de l’indice synthétique de fécondité (ISF) de la ville varient. Un article paru en 2022 dans l’Asahi Shimbun cite un chiffre de 2,95 enfants par femme, ce qui est certainement bien supérieur à la moyenne japonaise de 1,4.

Qu’est-ce qui a fait la différence ? L’explication classique est que les autorités locales ont offert diverses formes de soutien matériel aux jeunes familles, notamment une aide pour la garde des enfants et l’accès à des logements abordables. Sans écarter ces facteurs, un article d’opinion paru dans le New York Times propose une autre théorie. L’auteur, Peter Coy, suggère que « peut-être les gens de Nagi ont des bébés parce que d’autres gens de Nagi ont des bébés ».

La grossesse n’est évidemment pas contagieuse, mais, comme le souligne M. Coy, « nous sommes des animaux sociaux et nous nous inspirons de notre famille, de nos amis et parfois même des passants ». Si l’offre de soutien aux parents de Nagi a pu lancer le mouvement, l’effet d’imitation aurait pu avoir un effet multiplicateur.

Manifestation religieuse à Larsmo au printemps 2011
 

Larsmo, en Finlande, est un autre exemple de ville qui défie la crise mondiale de la natalité. Pendant longtemps, la Scandinavie a été présentée comme un exemple de pro-natalité grâce à des prestations sociales généreuses. La Finlande, avec son célèbre programme de boîtes à bébés (un trousseau de produits pour bébé donné à sa naissance), est considérée comme particulièrement douée pour donner à ses citoyens les plus jeunes un bon départ dans la vie. Pourtant, cela n’a pas empêché l’indice synthétique de fécondité finlandais de chuter. L’année dernière, il est tombé à 1,32 enfant par femme, ce qui constitue un nouveau record, un nadir.

Toutefois, les nouvelles sont meilleures à Larsmo : selon Birth Gauge, la communauté côtière a maintenu son ISF à un niveau plus de deux fois supérieur au niveau national.  

 
Qu’est-ce qui fait la particularité de Larsmo ? La plupart de ses habitants appartiennent à la minorité suédophone de Finlande ; mais si l’ISF de l’ethnie suédoise est un peu plus élevé que celui de l’ethnie finlandaise, cela ne suffit pas à expliquer les excellents résultats de la ville en matière de natalité. Le facteur crucial semble plutôt être d’ordre religieux. Larsmo est un bastion du mouvement laestadien, une ramification revivaliste de l’Église luthérienne.

Bien qu’ils ne soient pas étroitement liés aux Amish des États-Unis — qui sont également connus pour leur taux de fécondité élevé — les Laestadiens mettent l’accent sur la simplicité et les valeurs familiales.

Il est facile pour les urbains des grands centres de se moquer des petites communautés isolées, surtout si elles sont religieuses. Mais l’isolement, qu’il soit géographique ou idéologique, est peut-être nécessaire pour isoler les gens d’une culture qui a normalisé l’absence d’enfants, le refus de la descendance, le refus d’un avenir si ce n’est par l’hypothétique assimilation de population importée en masse.


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Québec subventionne des projets pour rehausser la « qualité éducative » en garderies, serait-elle donc médiocre ?

Le Devoir nous apprend que :

Le ministère québécois de la Famille investira plus de 3,5 millions de dollars au cours de l’année dans 120 projets destinés à améliorer la « qualité éducative » des services de garde éducatifs à l’enfance, aussi bien en milieu familial qu’en « installation ».

Ces projets visent à développer des outils ou des stratégies qui permettront aux équipes de direction, aux éducatrices et aux responsables d’un service de garde « d’améliorer la qualité éducative dans leur milieu », indique dans un communiqué le cabinet de la ministre de la Famille, Suzanne Roy.

À la suite d’un appel de projets l’hiver dernier, 111 bureaux coordonnateurs de la garde éducative en milieu familial bénéficieront d’une subvention maximale de 25 000 $ pour améliorer la « qualité éducative » dans ces garderies. Selon le ministère, plusieurs projets portent notamment sur « la pédagogie par la nature, la gestion des émotions et le soutien émotionnel ».

La qualité des garderies laisserait-elle à désirer ?

C’est ce que plusieurs études internationales tendant à montrer quand on compare l’éducation en garderie à  la garde par un des parents à la maison (à l’exception notamment de familles dysfonctionnelles ou défavorisées).


Rappel :

Selon l’« Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de maternelle 2017 », publiée jeudi, la fréquentation d’un service de garde n’aurait aucun impact significatif sur le développement cognitif et langagier, de même que sur la santé physique et le bien-être des enfants. Ces mêmes enfants « éduqués » en garderie sont aussi plus susceptibles d’être considérés comme vulnérables en matière de « compétences sociales » et de « maturité affective » que ceux qui restent à la maison.

Une publication récente par trois chercheurs de l’Université de Bologne, dont Andrea Ichino, suggère que les crèches et garderies ne sont pas la panacée.

Cette étude confirme qu’un temps plus important passé à la crèche entre l’âge de 0 à 2 ans pour les enfants issus de familles relativement aisées réduit de manière significative les capacités cognitives et comportementales durant l’enfance et l’adolescence.

Concernant l’intelligence, un jour supplémentaire  passé à la garderie par mois est associé à une réduction du quotient intellectuel (QI) de 0,5 %.

Ce phénomène aurait une explication claire : la crèche réduit les interactions en face à face avec les adultes, qui sont essentielles pour le développement cérébral. Les effets sont encore plus prononcés chez les filles — qui sont capables plus tôt de bénéficier de ces interactions — et dans les familles aisées, où la qualité des interactions parents-enfants est meilleure quand elle peut prendre place. 

Michael Baker, Kevin Milligan et Jon Gruber ont constaté dans leur recherche que le programme de garde d’enfants du Québec, l’accès à des services de garde subventionnés universels, aboutissait à une augmentation d’effets comportementaux défavorables chez l’enfant et de résultats préjudiciables dans la famille.

Pour Steven Lehrer et Mike Kottelenberg,  lorsque les parents envoient leurs enfants à la garderie [ou le CPE, distinction un peu stérile parfois faite au Québec], ils finissent par s’occuper nettement moins de ceux-ci, ils lisent notamment nettement moins à leurs enfants. Les parents supposent que leur enfant bénéficie de nombre d’activités éducatives dans les garderies. Ils pensent qu’il s’agit plus d’une éducation précoce que d’une garde précoce. Ce que nous avons constaté, c’est que les enfants qui sont vraiment très peu stimulés à la maison bénéficient de la garderie qu’ils y reçoivent plus de stimulation qu’à la maison. Mais pour les autres enfants, ils finissent par s’en tirer plus mal parce qu’une garde collective n’est pas aussi efficace qu’une garde individuelle.

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