Scène de rue de Montréal confinée | |
C’est un véritable pavé dans la mare. Alors que les gouvernements, sous la pression de certaines voix du monde médical et médiatique, réfléchissent à l’opportunité de nouvelles mesures restrictives, une étude, parue le 5 janvier dans « European Journal of Clinical Investigation », une revue scientifique de notoriété moyenne, est en train d’enflammer les réseaux sociaux — sinon dans le grand public, du moins dans la petite communauté des épidémiologistes, virologues et autres experts de la pandémie.
Ce qui lui donne tout son poids, c’est qu’elle est signée du Pr John Ioannidis, un ponte de l’épidémiologie à Stanford, dont les travaux font autorité (il est même l’un des scientifiques les plus cités au monde).
Or, que suggère l’étude qu’il vient de faire paraître ? Que le confinement et la fermeture des entreprises et commerces n’apportent rien de plus, en termes de baisse du nombre de cas de contaminations, que les simples mesures barrières du type port du masque, lavage des
mains et distanciation sociale.
L’étude souligne que le confinement et la fermeture des lieux culturels, bars et restaurants n’ont été d’aucune utilité significative. Il n’aurait pas eu d’impacts sur le nombre de cas de contaminations et cela pourrait même être l’inverse. L’effet escompté par le confinement n’est pas là, selon cette étude, comme le révèlent les chiffres analysés par l’équipe de John Ioannidis.
Le confinement a favorisé les contaminations à l’intérieur des foyers.
Pour arriver à ces conclusions, l’équipe de John Ioannidis a mis en place un protocole. Parmi les 10 pays analysés par l’équipe : la France. Les scientifiques ont mis le nombre de contaminations dans l’hexagone — à partir du moment où le confinement a été déclaré — et les entreprises fermées, en face de celles de pays où le confinement n’a pas été prononcé. Comme cela a été le cas en Suède ou en Corée du Sud. Le résultat est sans appel. L’effet des mesures restrictives n’a presque pas apporté d’avantages en termes de contaminations.
Au contraire, même. Selon les chiffres collectés et analysés par John Ioannidis et son équipe, les deux confinements qu’a connus la France (17 mars-11 mai, 30 octobre-15 décembre), en favorisant les contaminations à l’intérieur d’un même foyer, n’auraient fait qu’aggraver un peu plus le bilan de l’épidémie — sans parler des innombrables effets collatéraux (économiques et sanitaires) de ces mises sous cloche. Des conclusions qui ne font évidemment pas consensus, très tant s’en faut, mais qui n’en constituent pas moins une pièce supplémentaire à verser au dossier.
En revanche, ce qui est certain, c’est que le confinement coûte très cher à l’économie française. Selon Capital qui se fait l’écho de l’AFP, un confinement d’un mois amputerait le produit intérieur brut d’environ un point (1 %). Ce serait 20 milliards que la France perdrait en l’espace de quatre semaines de restrictions strictes, avec la fermeture des entreprises.
« Des réductions similaires de la croissance des cas [de Covid-19] peuvent être obtenues avec des interventions moins restrictives » que le confinement, conclut l’étude.
Qui est John IOANNIDIS ?
C’est un professeur de Stanford, il est comme je vous le disais une sorte de terreur du monde de la science ; il avait déjà lancé un gros pavé dans la mare il y a presque 10 ans en publiant dans la revue PLOS Medecine un article qui s’intitulait « Pourquoi la plupart des découvertes publiées sont fausses ». Article consulté depuis plus d’un million de fois.
Il reprend aujourd’hui une partie de ces arguments pour attaquer de front le système de publication de la recherche scientifique — vous savez, ce système régi par la règle tacite dont je vous ai déjà parlé ici « publish or perish », publier ou périr, qui entraîne les chercheurs dans une surenchère de publications s’ils veulent obtenir reconnaissance, promotion et crédits pour leur laboratoire.
Que dit John IOANNIDIS ? Il dénombre déjà, entre 1996 et 2011 plus de 25 millions d’études publiées ; à comparer au très faible nombre d’avancées scientifiques concrètes et matérielles qui sont, elles, beaucoup moins fréquentes…
Et il explique que, dans cette course à la publication, eh bien de très nombreuses études sont tout simplement fausses : qu’il s’agisse de « faux positifs », c’est-à-dire de résultats biaisés par le protocole de recherche, de résultats impossibles à reproduire, d’échantillons de tests trop petits, donc pas significatifs, voire carrément de malhonnêteté intellectuelle.
Selon lui, dans son secteur de recherche, la biomédecine, jusqu’à 85 % des investissements faits dans ce secteur le sont à pure perte, soit un total de plus de 200 milliards de dollars jetés par la fenêtre.
Il dénonce, également, la technique dite « du salami », qui consiste à découper une seule recherche en plusieurs « tranches », et à proposer chacune de ces tranches à plusieurs revues, de façons à pouvoir attester de plusieurs publications, alors qu’il n’y a qu’une seule étude.
Le tout, à cause de ce système, ce cercle vicieux qui fait que les chercheurs sont poussés à la publication par leur laboratoire, par les investisseurs, dans un secteur dominé par la cooptation, le népotisme et le sexisme… bref, vous voyez, il n’y va pas de main molle comme disait ma grand-mère auvergnate.
Mais ce qui est intéressant, c’est que IOANNIDIS ne se contente pas de critiquer le système. Il propose plusieurs pistes pour le réformer. Un système assez radical, un barème qui attribuerait des points — positifs pour les études qui ont pu être reproduites ou qui se sont traduites par des avancées concrètes, négatifs pour les autres. Et c’est ce barème qui présiderait à l’attribution, ou non, d’avancement de carrière et de postes prestigieux.
À ce sujet lire : Comment publier un article scientifique en 2020
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