vendredi 10 juin 2022

Russie — Le rejet du processus de Bologne et les convulsions idéologiques de l'élite

Nous avions déjà rapporté que la Russie avait signalé sa volonté de sortir du processus universitaire européen dit « de Bologne ». Le processus de Bologne est un processus de rapprochement des systèmes d’études supérieures européens amorcé en 1998 et qui a conduit à la création en 2010 de l’espace européen de l’enseignement supérieur, constitué de 48 États. Cet espace concerne principalement les États de l’Espace économique européen ainsi que, notamment, la Turquie et jusqu’à présent la Russie. Il s’agit du processus de réforme du système d’enseignement supérieur au niveau international, qui a débuté en 1999 à l’Université de Bologne, dont il tire son nom. Cet accord a permis la mise en place d’un système presque unifié de reconnaissance et d’équivalence des qualifications universitaires. De nombreux États européens adhèrent au processus. Toutefois, depuis trois ans, on assiste à un abandon progressif de la convention.

Nous reproduisons ci-dessous l’opinion d’Alexandre Guelievitch Douguine sur le processus de Bologne. Douguine, né à Moscou le 7 janvier 1962, est un intellectuel et théoricien politique nationaliste russe. Il est l’auteur de nombreux essais. Il a été le conseiller du président de la Douma d’État Guennadi Selezniov, ainsi que de Sergueï Narychkine, membre dirigeant du parti Russie unie, pour les questions stratégiques et géopolitiques.


Parlons du rejet du processus de Bologne. Le point central est une question de principe. L’introduction du système de Bologne faisait partie d’un projet global : la pleine intégration de la Russie dans le monde global, ce qui signifie l’adoption sans restrictions de toutes les normes et règles de l’Occident. Il ne s’agissait pas seulement d’éducation, mais de la principale stratégie du gouvernement russe depuis 1991. L’adaptation de tous les niveaux de vie — éducation, économie, culture, science, politique, technologie, mode, art, éducation, sports, médias — aux normes de l’Occident moderne était le principal objectif de toutes les réformes. Cela s’appliquait à tout et constituait l’objectif principal des autorités, tant sous Eltsine que sous Poutine. La mise en œuvre du système de Bologne est un élément mineur de cette stratégie globale.

Bien sûr, il y a une différence entre les années 1990 et les années 2000. Sous Eltsine, l’acceptation totale des normes et modèles occidentaux s’accompagnait d’une intégration dans le monde global et d’une volonté de tout sacrifier pour elle, y compris la souveraineté et l’indépendance. La standardisation est donc allée de pair avec la dé-souverainisation.

Sous Poutine, la souveraineté a été proclamée comme la valeur la plus élevée, mais l’occidentalisation et la standardisation se sont poursuivies. Apparemment, suivant l’exemple de Pierre le Grand, Poutine a décidé d’utiliser la technologie occidentale pour renforcer le pays et, à un moment donné, en s’appuyant sur ces normes empruntées, de frapper un grand coup. Pierre lui-même a ouvert une fenêtre sur l’Europe pour les canons russes. Dans le même temps, Pierre brisait également la tradition russe, alors que Poutine a hérité d’une société dans laquelle la tradition était déjà brisée.

Si l’on accepte l’hypothèse selon laquelle Poutine poursuivait une stratégie consistant à copier le système occidental dans le but de renforcer la souveraineté russe, et il n’y a pas d’autre hypothèse intelligible, alors avec le début de l’OMU [Opération militaire en Ukraine] est venu le moment de vérité : il était temps de contre-attaquer, l’Occident, qui s’était entêté à essayer de nous arracher l’Ukraine en trompant et en hypnotisant la population naïve de la Petite Russie, était touché. Là encore, il y a un parallèle avec Pierre : celui qu’évoque la bataille de Poltava [contre la Suède en Ukraine en 1709], modèle que la Russie actuelle s’entête à poursuivre depuis février 2022. Tout s’emboîte.

Cependant, il y a une différence entre le XVIIIe siècle et le XXIe siècle : la technologie occidentale moderne est inextricablement liée à l’idéologie, la technologie elle-même porte un code clair de globalisme et de libéralisme. Ni les biens ni les objets ne sont idéologiquement neutres, et encore moins les méthodes d’enseignement et les disciplines universitaires, que la Russie actuelle a servilement copiées au cours des 30 dernières années. Au début, c’était un signe de défaite, puis un « plan astucieux » pour se concentrer et se préparer à une attaque en représailles. Maintenant, que faire de ces éléments, technologies et institutions que la Russie a copiés de l’Occident ? Pas seulement le système éducatif, mais tout le reste : les technologies de l’information, les institutions financières, les codes culturels, les mécanismes du marché, la mondialisation de la main-d’œuvre et de l’approvisionnement en énergie, et même la démocratie elle-même, le parlementarisme, les élections, les droits de l’homme, bref, tout…

Plus de médecins seront formés au Québec

Devant la pénurie de main-d’œuvre qui touche également le domaine de la santé, le Québec formera davantage de médecins afin de rééquilibrer l’offre et la demande de services médicaux, ont annoncé, vendredi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, et la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann.

Ainsi, pour les trois prochaines années, le nombre d’admissions au doctorat en médecine augmentera pour atteindre 1021 nouveaux étudiants au programme en 2024-2025.

« L’augmentation des admissions en médecine pour les trois prochaines années nous permettra d’améliorer la prise en charge des Québécois par un médecin, a déclaré Christian Dubé. C’est d’ailleurs l’une des priorités de notre Plan santé. Pour y parvenir, il faut s’assurer de la disponibilité de la main-d’œuvre clinique, et tout particulièrement des médecins. »

Graphique fourni par Christian Dubé
 
En plus de ces augmentations annoncées par Québec, les facultés de médecine de la province se sont engagées à augmenter le nombre de nouveaux étudiants dans le contingent régulier à 1050 pour 2025-2026.

« L’accès de la population québécoise aux services de santé dépend notamment de notre capacité à assurer une relève médicale adéquate pour les prochaines années […] Les capacités de formation et les places disponibles dans celles-ci sont sans cesse réévaluées et adaptées de manière cohérente avec les enjeux observés sur le terrain à travers le Québec », a précisé pour sa part Danielle McCann.

Combien formés à l’université anglophone McGill ?

Au Québec, le programme de médecine est offert par quatre facultés :

  1. Université Laval à Québec
  2. Université McGill (campus de Montréal et celui de l’Outaouais)
  3. Université de Montréal (campus de Montréal et celui de Trois-Rivières)
  4. Université de Sherbrooke (campus de Sherbrooke et celui de Saguenay)

Une université sur quatre (avec deux campus) qui forme des médecins est donc anglophone.

On ne connaît pas la répartition des nouvelles places en fonction des facultés de médecine. Or, on ne voit pas pourquoi le Québec paierait pour la formation de médecins anglophones, la langue officielle étant le français. En outre, former un médecin à McGill, c’est s’exposer à un risque plus grand que ce diplômé fortement subventionné par le contribuable québécois pendant ses longues études s’exile, les diplômés anglophones étant plus enclins à quitter le Québec.


Étude — Aucune perte d'apprentissage en lecture parmi les élèves en Suède pendant la pandémie

La pandémie de COVID-19 a entraîné des fermetures d'écoles dans le monde entier, avec un risque de perte d'apprentissage.

La Suède a maintenu les écoles primaires ouvertes, mais on ne sait pas si l'absence des élèves et des enseignants et les facteurs de stress liés à la pandémie ont eu un effet négatif sur l'enseignement et les progrès des élèves. Dans une étude (Anna Eva Hallin et al., 2022) dont les résultats sont publiés dans l'International Journal of Educational Research, les résultats d'évaluation de la lecture de 97 073 élèves suédois du primaire (de la 1re à la 3e année) ont été analysées pour étudier la perte d'apprentissage potentielle.

Les résultats ont montré que les résultats de décodage de mots et de compréhension de lecture n'étaient pas inférieurs pendant la pandémie par rapport à ceux précédant la pandémie, que les élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés n'étaient pas particulièrement touchés et que la proportion d'élèves ayant de faibles compétences en décodage n'avait pas augmenté pendant la pandémie .

Les auteurs concluent que d'avoir gardé les écoles primaires ouvertes a été avantageux pour les élèves en Suède.

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L’Afrique du Sud dans la tourmente de la corruption

Le président sud-africain, sur la défensive après des accusations de corruption autour d’une affaire gênante de cambriolage, a éludé vendredi les questions sur cet épineux sujet lors d’une conférence de presse, après une nouvelle séance houleuse au Parlement.

« Le vol qui a eu lieu dans ma ferme de Phala Phala [Nord du pays] en 2020 fait l’objet d’une plainte et il faut laisser la justice suivre son cours », a répété Cyril Ramaphosa malgré les relances, accusant les journalistes de continuer à « glisser les mêmes questions sous une autre forme ».

« Je ne répondrai pas aux questions sur le sujet à ce stade, je suivrai les conseils qui m’ont été donnés », a ajouté le chef d’État, qui s’exprimait pour la première fois en conférence de presse sur ce qui est désormais appelé « le scandale de la ferme ».

La séance au Parlement qui devait être centrée sur le vote du budget a une nouvelle fois été agitée vendredi, après une session déjà houleuse la veille. Des députés de la gauche radicale qui perturbaient la séance par des interruptions répétées ont à nouveau été expulsés de force.

M. Ramaphosa, 69 ans, est visé par une plainte déposée la semaine dernière par l’ex-chef du renseignement, Arthur Fraser. Ce dernier l’accuse d’avoir dissimulé à la police et au fisc un cambriolage dans l’une de ses propriétés, au cours duquel l’équivalent de 3,8 millions d’euros en liquide a été trouvé caché dans du mobilier.

Le président à la tête d’une importante fortune personnelle a reconnu que de l’argent avait été volé, mais conteste le montant annoncé. Il nie avoir jamais volé d’agent à quiconque, a dénoncé de « sales coups » et des « intimidations ».

L’argent dérobé, dont le montant avancé est exagéré, était tiré de la vente d’animaux, a-t-il expliqué, dénonçant des « motivations politiques ».

Ces accusations interviennent alors que l’ANC, parti au pouvoir, doit décider d’ici décembre de présenter ou non Cyril Ramaphosa comme candidat pour un second mandat à la présidentielle de 2024.

M. Ramaphosa a déclaré qu’il se présenterait devant la commission « intégrité » du parti, qui a pour règle de suspendre systématiquement les membres faisant l’objet de poursuites pénales. Aucune date n’a été fixée.

Successeur de Jacob Zuma, poussé à la démission en 2018 après une série de scandales, l’actuel président est attendu sur le front de la corruption qu’il a promis d’éradiquer.

La médiatrice de la République a ouvert une enquête publique sur l’affaire. Le chef d’État l’a suspendue jeudi, dans le cadre d’une longue procédure de destitution déjà en cours.

Un passé controversé

En août 2017, Ramaphosa a été impliqué dans un scandale où il aurait entretenu plusieurs relations extraconjugales et aurait versé de l’argent à des individus pour taire l’affaire. 

Le président sud-africain a également été critiqué pour la conduite de ses intérêts commerciaux, bien qu’il n’ait jamais été inculpé d’activité illégale dans aucune de ces controverses. Sa fortune suscite des questions. Parmi les relations commerciales controversées : 

  • sa participation dans la Glencore (une importante entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et d’extraction de matières premières),
  • des allégations de bénéfices illégaux à la suite d’accords de livraison de charbon à la société publique d’électricité Eskom, bénéfices illégaux qu’il a fermement niés.
  • son emploi au conseil d’administration de la minière Lonmin où il préconisa de traiter de la manière forte les mineurs grévistes peu avant le massacre de Marikana dans les locaux de la Lonmin à Marikana. Le 15 août 2012, il avait appelé à une action résolue contre la grève des mineurs de Marikana, grève qu’il avait qualifiée de conduite « ignoblement criminelle » et qui nécessitait une « action concomitante ». Plus tard, Ramaphosa admit et regretta son implication dans cette tragédie et déclara qu’elle aurait pu être évitée si des plans d’urgence avaient été élaborés avant la grève. 

Son fils, Andile Ramaphosa, a été reconnu coupable d’avoir accepté des paiements totalisant 2 millions de rands (environ 200 000 $) de Bosasa, une société de sécurité impliquée dans la corruption et la capture de l’État par la Commission Zondo.

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