vendredi 27 mars 2020

L’école à l’heure du coronavirus

Anne Coffinier s’entretient avec Guillaume Bonnet de l’hebdomadaire France Catholique, au sujet des mutations de l’école...

Et si la crise du Covid-19 était l’occasion de repenser le système éducatif ? La fermeture des établissements ouvre de multiples perspectives, estime Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école.

Depuis le 16 mars, 12 millions d’élèves travaillent à domicile. Quels fruits ce confinement peut-il porter ?


Anne Coffinier : Notre vision sera nécessairement modifiée en profondeur. Nous allons sans doute comprendre que huit heures de cours par jour ne sont pas forcément nécessaires, que la structuration des journées n’est pas intangible, que les parents doivent redevenir décideurs dans le domaine éducatif en tissant des relations nouvelles avec les professeurs, que le fameux socle éducatif [la partie imposée par l’État à toutes les écoles, mêmes celles dites libres] est en réalité un mammouth qu’il serait souhaitable de réduire à l’indispensable pour cultiver les passions de l’enfant. Les pistes sont très nombreuses.

Le confinement peut-il rendre les Français plus pragmatiques ?

Le cas français est atypique, voire bizarre. Ne pas choisir l’école publique serait faire montre d’antirépublicanisme et menacerait le «  vivre-ensemble  ». Cette approche idéologique pourrait être fragilisée par ce confinement qui rend obligatoire l’école à la maison, pourtant considérée en France avec méfiance par l’État… C’est l’occasion de changer les regards et de rappeler qu’il existe mille manières de faire l’école à la maison et d’articuler ce mode éducatif avec les autres approches.

Du pragmatisme, mais aussi de la souplesse ?

Observons l’approche anglo-saxonne. C’est souvent en utilisant les passions des enfants qu’on développe le goût du dépassement et de l’excellence, qu’il est ensuite plus simple de décliner dans les autres disciplines. Il s’agit aussi d’un univers dans lequel les jeunes sont responsabilisés tôt et invités à participer à la vie de leurs établissements. Enfin, l’école y est considérée comme une communauté de valeurs à part entière qui prépare à servir la communauté nationale une fois adulte.

Quels conseils donneriez-vous aux parents confinés et à la peine ?


Ce n’est pas un drame si les élèves ne parviennent pas à suivre tous les cours et à réaliser l’ensemble des exercices. Cette parenthèse est l’occasion de se concentrer sur les bases comme le calcul et la dictée, souvent fragiles, en utilisant les bons vieux classiques comme le Bled ou le Bescherelle. Pour les collégiens et lycéens, on peut lire du théâtre en famille ou apprendre de la poésie. C’est l’occasion de transmettre ce qui fait la force de notre patrimoine culturel. J’invite enfin les parents à se rendre sur le site educfrance.org pour y découvrir de nombreuses vidéos pour apprendre à faire de l’exercice sans matériel et dans un espace restreint.

Face à cette crise sans précédent, certains élèves sont moins égaux que d’autres…

Les écoles hors-contrat [privées non subventionnées] ont été fermées, comme les autres établissements, sur décision gouvernementale. Mais nous faisons face à une rupture d’égalité. Souvent, ces écoles ne disposent pas d’espaces numériques de travail (ENT) et n’utilisent que les courriels pour communiquer. Nous demandons donc au ministre un accès gratuit au CNED et à ses «  classes virtuelles  » ou l’octroi de subventions pour équiper les écoles hors-contrat avec des ENT classiques. Enfin, nous demandons un soutien pour équiper les familles avec des ordinateurs et des tablettes durant la durée de la crise. Sur le site educfrance.org, chacun peut signer la lettre ouverte que nous avons adressée en ce sens au ministre.

Source : france-catholique.fr, « L’école à l’heure du coronavirus », entretien avec Anne Coffinier, présidente de Créer son école. Propos recueillis par Guillaume Bonnet.