samedi 3 novembre 2018

Vu aux États-Unis, bientôt en France... très bientôt au Québec ?

« Aux États-Unis, les féministes et les militants noirs organisent leur propre ségrégation. Les existentialistes les plus fanatiques inventent l’essentialisme des » races et des genres le plus implacable Dans un livre très documenté, Géraldine Smith offre une description apocalyptique du progressisme américain qui transforme le pays en enfer. Et qui a déjà contaminé la France. Géraldine Smith vit depuis onze ans en Caroline-du-Nord. L’ancienne journaliste raconte l’Amérique sur le même ton vif et engagé qui a fait le succès de son précédent livre, Rue Jean-Pierre Timbaud, Une vie de famille entre barbus et bobos, paru chez Stock en 2016.

Présentation de l’éditeur

Sous l’Amérique d’aujourd’hui perce la France de demain. La « flexibilité » à l’américaine — de l’emploi, des horaires d’ouverture des magasins, du départ à la retraite, de la vie familiale désynchronisée —, on connaît déjà. Voici maintenant la revendication de « lieux sûrs », de l’entre-soi, du « droit » de se promener en pyjama dans la rue, des pronoms aussi fluides que le genre. En attendant la dépendance sur ordonnance, la prescription de pilules pour améliorer les résultats scolaires, l’épuration de la littérature, la prohibition de la danse « sexuellement agressive » et du port du sombrero. En huit histoires, toutes de première main, ce livre raconte l’Amérique comme vous ne l’avez jamais vue, la France telle que vous ne la connaissez pas… encore.

Chronique d’Éric Zemmour au sujet de ce livre


Le livre s’intitulait Scènes de la vie future. Georges Duhamel décrivait l’Amérique qu’il avait visitée en 1929 ; une société rongée par le matérialisme, le consumérisme, le puritanisme (en pleine prohibition). Il s’effrayait de l’influence américaine sur une France qui ne demandait qu’à être contaminée par les virus venus d’outre-Atlantique. L’ouvrage publié en 1930 connut un immense succès. Sans le savoir, Duhamel avait inventé un genre éditorial en soi : le vu en Amérique, bientôt en France.

Géraldine Smith n’a ni l’élégance littéraire, ni la vaste culture, ni la hauteur de vue de son lointain prédécesseur. Son style journalistique est sans goût ni saveur, mais il a le mérite d’être concret et pédagogique. Ses analyses sont pauvres, mais ses descriptions sont riches. Comme dans son précédent ouvrage, qui racontait l’échec du « vivre ensemble » dans le XIe arrondissement de Paris, notre observatrice s’avère une bobo contrariée par le réel, mais qui a le mérite, contrairement à la plupart de ses pairs, de ne pas refuser de voir ce qu’elle voit. On peut lui reprocher ses illusions, pas son honnêteté intellectuelle. Bien sûr, elle ne décèle dans ce qu’elle dénonce que « des effets pervers » d’idées justes, puisque provenant du fonds idéaliste de gauche, sans comprendre — ou admettre — que c’est son idéalisme de gauche qui est pervers. Géraldine Smith est une des innombrables incarnations contemporaines de la fameuse phrase [approximative, voir [1]] de Bossuet : « Dieu rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

Pourtant, à part Dieu, personne n’a envie de rire après avoir lu ce qu’elle raconte. Installée depuis dix ans en Caroline du Nord, elle nous montre une Amérique toujours plus riche avec toujours plus de pauvres ; avec moins de chômeurs que jamais, mais toujours moins de protection sociale aussi. Le travail du dimanche désagrège une vie de famille déjà minée par le divorce de masse ; le règne du « cool » dans les vêtements fait songer à la célèbre phrase d’Einstein sur « l’Amérique passée directement de la barbarie à la décadence ». Un Américain sur quatre va quotidiennement au fast-food ; et les autres se nourrissent de pizzas ou de sushis avalés n’importe comment, n’importe où, à n’importe quelle heure. Bien la peine de dépenser des milliards de dollars dans des campagnes contre l’obésité ! Le chapitre sur les enfants traités par amphétamines pour obtenir de meilleurs résultats scolaires fait froid dans le dos. Un médecin explique : « Notre société a décidé que modifier l’environnement de l’enfant coûterait trop cher. Nous avons donc décidé de modifier l’enfant. » Un professeur de psychiatrie analyse les conséquences du laxisme des parents et des profs : « À l’école, on punissait les enfants qui ne restaient pas assis. Aujourd’hui, on les envoie en thérapie et on les drogue. » Pas étonnant que l’Amérique soit aussi le pays où des millions de malades sont devenus de véritables « drogués » après qu’on les eut soignés avec des dérivés de l’opium pour atténuer les effets de la douleur. Le pays également où des parents conduisent leurs enfants de 10 ans chez des médecins afin que ceux-ci bloquent par des traitements chimiques leur puberté, parce que leur fille ne se sent pas à l’aise dans son identité de genre.

Mais c’est à l’université, sur les campus que le monde entier leur envie, que l’Amérique fabrique son avenir. Et le nôtre. Un avenir paradoxal, à la fois hyperprotecteur et hyperconflictuel. La protection de tous ceux qui ne peuvent supporter les « microagressions » concernant leur sexe, leur genre, leur couleur de peau, leurs origines. Ceux-là ont le droit à des « trigger warnings » (déclencheurs d’alerte) et des « lecteurs de sensibilité » pour éviter tout ce qui pourrait les choquer : « Les livres ne sont pas le lieu où un lecteur doit faire face à une représentation nocive ou stéréotypée de ce qu’il est. » En clair, les femmes ne doivent plus lire Madame Bovary, les Juifs ne s’aventureront plus dans la lecture de Rebatet ou de Barrès, ou même de Balzac ou Voltaire ; les homosexuels ne chanteront plus du Brassens ou du Brel et les hétérosexuels ne liront pas Jean Genet. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées, disait le dicton populaire d’antan. C’est exactement ce que nous montre Géraldine Smith, lorsqu’elle nous relate la mésaventure de son fils et d’un de ses amis noirs, à qui la « fraternité noire » (sorte de confrérie étudiante, NDLR) interdit de s’installer ensemble dans le campus. Ou ces femmes noires qui refusent la promiscuité avec les femmes blanches accusées d’être des « privilégiées ». Ou ces filles qui s’écrient : « Stop! You are making me really unconfortable! » [Arrêtez ! Vous me mettez vraiment mal à l’aise ! »] dès qu’elles ont un désaccord avec un garçon. Ou cet étudiant sanctionné par l’université pour une « danse sexuellement agressive ». L’Amérique qui sort de ce tableau édifiant est à rebours des idéaux de ceux qui l’ont forgée : les féministes et les militants noirs organisent leur propre ségrégation. Les existentialistes les plus fanatiques inventent l’essentialisme des races et des genres le plus implacable. Ressuscitent le vieux principe de l’apartheid : « séparé, mais égal ». Comme le reconnaît, effarée, Géraldine Smith : « Les parents noirs cherchaient à se fondre dans l’Amérique blanche ; leurs enfants les accusent de [blanchissement/lavage à blanc] “white washing” ; les premiers luttaient pour le droit de s’asseoir à la même table, les seconds veulent qu’on leur dresse une table de même taille, mais séparée. »


Elle voit juste : tout ce qu’elle décrit viendra en France — y est déjà. Nous allons vivre une nouvelle vague d’américanisation : après celle des années 30 (décrite par Georges Duhamel), celle de l’après-guerre (le yé-yé et la société de consommation), celle des années 80 (McDonald’s et antiracisme multiculturel), nous subirons celle qui vient : séparation de plus en plus conflictuelle des races et des sexes. Comme si, contrairement à tous les lieux communs progressistes, c’était le patriarcat blanc, assis sur la civilisation occidentale, qui s’avérait en dépit de ses limites et de ses crimes le plus « inclusif », car porteur d’une raison universaliste, héritée de l’Antiquité grecque, romaine et chrétienne. Georges Duhamel l’aurait volontiers expliqué à Géraldine Smith, qui ne l’aurait sans doute pas cru.



VU EN AMÉRIQUE BIENTÔT EN FRANCE.
de Géraldine Smith,
paru chez Stock,
17 octobre 2018,
à Paris
257 pages,
19,50 €.
ISBN-13 : 978-2234083745


[1] La vraie citation est en fait la suivante : « Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit[.] » On la trouve au livre IV de l’Histoire des variations des églises protestantes, 2. Le Trouble de Mélancton

Québec — exigences rehaussées pour l’admission dans les programmes universitaires en enseignement ?

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, veut serrer la vis aux futurs enseignants en rehaussant les exigences pour l’admission dans les programmes universitaires en enseignement.

« On a l’intention de placer le test de français en début de baccalauréat, d’en faire une condition d’entrée et que les reprises se fassent strictement au cours de la première année. Ça va placer la barre assez haute », a-t-il affirmé lors d’un entretien avec Le Journal de Québec jeudi.

Selon les plus récents chiffres disponibles, jusqu’à trois étudiants sur quatre échouent à l’examen de français obligatoire pour les futurs professeurs à leur première tentative, certains ayant dû le passer jusqu’à 11 fois avant de le réussir. Les résultats varient d’une université à l’autre, mais dans une majorité d’établissements, plus de la moitié des étudiants ne réussissent pas le test du premier coup.

La situation est « préoccupante », affirme le ministre Roberge, qui n’est toutefois pas surpris puisque le portait est sensiblement le même depuis l’entrée en vigueur de l’examen, il y a une dizaine d’années. Voir par exemple : Épreuve de français pour enseignants — « démission calamiteuse » (2011), Les futurs enseignants peinent à réussir le nouvel examen de français (2010) et Encore plus de chances de passer l’examen de français pour les futurs enseignants.

Pressé d’agir

Le rehaussement des exigences d’admission dans les programmes universitaires d’enseignement pourrait se faire « assez rapidement », a ajouté le ministre, qui veut aussi limiter à trois le nombre de reprises autorisé. « J’ai donné l’orientation de poursuivre les travaux en disant que j’étais assez pressé d’agir sur ce front-là », dit-il.

Ces mesures font partie du plan de valorisation de la profession enseignante de la Coalition avenir Québec, rendu public en mai.

L’examen de français devra être réussi à l’entrée ou au cours de la première année d’étude en éducation, puisque les compétences en français devraient être acquises dès l’entrée au baccalauréat, affirme M. Roberge. « Ce n’est pas au cours du baccalauréat qu’on apprend les règles de grammaire et d’écriture », lance-t-il.

Pascale Lefrançois, doyenne à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, croit au contraire que cet examen doit être passé plus tard au cours de la formation pour laisser le temps aux étudiants de parfaire leur maîtrise du français. « Quand on sort du cégep, c’est normal qu’on ne soit pas prêt à aller enseigner », affirme-t-elle.

À l’Université de Montréal, tous les étudiants en enseignement suivent au moins un cours de français obligatoire au cours de leur baccalauréat.

Dans le réseau universitaire, plusieurs se demandent aussi comment les critères d’admission pourront être rehaussés dans un contexte de pénurie, alors que le nombre de demandes d’admission est déjà en baisse.

L’examen obligatoire de français, qui doit actuellement être réussi avant que l’étudiant entreprenne le troisième stage de sa formation, doit être « vu comme une continuité de la formation plutôt que comme une exigence d’entrée », selon Serge Striganuk, président de l’Association des doyens et directeurs pour l’étude et la recherche en éducation au Québec (ADEREQ).

Voir aussi

Le nouveau ministre de l’Éducation du Québec : une vision étriquée face au choix des parents

Singapour — Il est permis de copier (Formation plus exigeante et continue. Le gouvernement paie bien ses enseignants, mais les classes sont plus importantes [la moyenne est de 36 élèves contre 24 dans l’ensemble de l’OCDE et 12 dans les classes dédoublées des banlieues immigrées en France]