Une pénurie chronique malgré une formation abondante
Le Québec manque toujours de médecins — environ 1000 spécialistes et autant d’omnipraticiens, selon les estimations les plus récentes. Certaines régions, comme le Saguenay, en viennent même à signer des ententes pour attirer des praticiens étrangers. Paradoxalement, la province fait partie de celles qui forment le plus de médecins par habitant au Canada. Et malgré des investissements massifs, notamment les 3,6 milliards injectés dans les mégahôpitaux du CHUM et du MUHC, le déficit médical s’aggrave.
Un exode massif, particulièrement chez les diplômés de McGill
Dès 2006, les données montraient que le Québec offrait l’un des plus faibles taux de rétention de médecins au pays. Chaque année, plus de 75 praticiens quittaient la province, principalement pour l’Ontario et les États-Unis — un exode deux fois plus important qu’en Ontario. Contrairement à ce qu’on croit souvent, la rémunération n’était pas la seule cause. L’analyse révélait que l’immense majorité des départs provenait de l’Université McGill, alors que les diplômés des universités francophones — Montréal, Laval, Sherbrooke — restaient en grande partie au Québec.
En dix ans, plus de 550 diplômés de McGill avaient quitté la province, représentant près des deux tiers de tous les départs. À la fin de leurs études, environ la moitié des jeunes médecins mcgillois partaient exercer ailleurs, tandis que ceux issus des facultés francophones demeuraient, pour la plupart, au service du réseau québécois.
Une erreur de politique publique connue depuis longtemps
La conclusion du rapport de 2006 était sans équivoque : en finançant massivement une université anglophone dont la majorité des diplômés s’en vont, le gouvernement québécois subventionne la formation de médecins pour l’Ontario et les États-Unis. Chaque médecin formé coûte environ 150 000 $ (en 2006, voir encadré pour une mise à jour des coûts)aux contribuables, mais une grande partie de cet investissement profite à d’autres systèmes de santé.
Pire encore, les autorités universitaires de McGill assumaient ouvertement ce rôle d’exportation de talents, se félicitant de former des médecins francophones « destinés à faire carrière aux États-Unis ». Cette tendance s’observe d’ailleurs dans d’autres domaines, comme la physique médicale, où de faibles taux de rétention à McGill ont forcé la création de programmes francophones au CHUM et au CHUQ pour combler les besoins locaux.
Une solution qui existe depuis vingt ans
L’article de 2006 proposait déjà un correctif simple : rééquilibrer les quotas et les investissements en faveur des facultés de médecine francophones, qui forment les médecins les plus susceptibles de rester. Ramener le taux d’exode de McGill à la moyenne des autres universités suffirait presque à combler le déficit migratoire des médecins québécois.
Presque vingt ans plus tard, cette « fuite des cerveaux » demeure l’un des secrets les plus coûteux du système de santé. Le Québec, en continuant à financer sans condition une université dont la majorité des diplômés quittent le territoire, forme toujours un médecin pour le prix de deux — et n’en garde qu’un.
