dimanche 12 février 2023

Ukraine — Sombre perspective démographique, combien reste-t-il d'Ukrainiens en Ukraine en 2023 ?

L’Ukraine a connu plusieurs décennies de croissance démographique rapide entre 1950 et 1990, lorsque sa population atteignit son apogée de 51,46 millions d’habitants.

Depuis les années 1990 et l’effondrement de l’URSS, la population de l’Ukraine est en déclin en raison d’un taux d’émigration élevé, d’un faible taux de natalité et d’un taux de mortalité élevé. Le taux de natalité de l’Ukraine est de 9,2 naissances pour 1 000 habitants, il a diminué de plus de 2 % chaque année ces dernières années, et son taux de mortalité est de 15 193 décès pour 1 000 habitants. Avant même février 2022, beaucoup de gens quittaient le pays parce que l’Ukraine est le deuxième pays parmi les plus pauvres et les plus corrompus d’Europe et qu’une guerre civile ravage l’Est russophone du pays depuis des années.

En 2021, la population déclinait à un taux annuel de 0,59 %, taux en augmentation constante depuis 2015.

La population de l’Ukraine (qui excluait les Ukrainiens expatriés) était de 40 997 699 personnes au 1er janvier 2022, selon l’estimation du Service national des statistiques de l’Ukraine. Ce chiffre excluait la Crimée, mais comprenait les régions (oblasts) qui sont désormais annexées à la Russie (une bonne partie des oblasts de Donetsk, de Kherson et de Zaporojié et tout l’oblast de Lougansk), soit environ 6 à 7 millions de personnes.

En 2022, plus de 8 millions d’Ukrainiens ont été déplacés par l’invasion russe en février 2022. Ce conflit fait suite aux huit années de combats constants entre le gouvernement de Kiev soutenu par l’Occident et ce qui était alors les républiques autonomistes de Donetsk et de Lougansk. Sous les bombardements quasi constants du gouvernement de Kiev malgré des accords de Paix (Minsk II) négociés par la France et l’Allemagne, les provinces orientales auraient produit plus d’un million de réfugiés supplémentaires au cours de cette période, dont beaucoup ont fui vers la Russie ou ailleurs en Ukraine.

Pour sa part, l’ONU rapporte que plus de huit millions d’Ukrainiens se sont réfugiés actuellement dans d’autres pays, à cause de la guerre. Cela représente environ un cinquième de la population ukrainienne d’avant-guerre. Il y en a un peu moins de trois millions en Russie, un peu plus de cinq millions en Europe et 250 000 autres en Amérique du Nord. (Le chiffre pour la Russie pourrait comprendre tous ceux qui y sont allés depuis 2014 en partie du Donbass ; ce point n’est pas clair).

Ceci ne laisserait plus que de l'ordre de 27 millions d'Ukrainiens en Ukraine  :

  41 millions   en Ukraine en janvier 2022 (y compris Donbass)
— 6 millions   approximation de la population dans la partie annexée par Russie (Lougansk, partie de Donetsk, Kherson et Zaporojié)
— 8 millions   réfugiés en Europe y compris Russie
= 27 millions   en Ukraine sous contrôle de Kiev début 2023

 

Depuis le début de l’opération militaire russe en Ukraine en février, 4,8 millions d’Ukrainiens se sont inscrits à la directive de l’Union européenne sur la protection temporaire, qui garantit aux réfugiés l’accès à des logements, aux soins de santé, à l’aide sociale et à d’autres avantages, ou à d’autres programmes européens pour les réfugiés. 

Si les huit millions de réfugiés en Europe (y compris la Russie) étaient un échantillon aléatoire d’Ukrainiens, le seul effet de leur départ serait de réduire de 20 % la population du pays. Avoir une population plus petite est un désavantage à certains égards : cela réduit votre puissance militaire, toutes choses étant égales par ailleurs, et vous donne moins de poids dans les affaires internationales. Mais ce n’est pas particulièrement grave. En fait, tous les pays les plus performants (Norvège, Danemark, Suisse, Nouvelle-Zélande, Singapour) ont des populations relativement petites. Ce qui est grave, c’est la baisse de la population (la demande interne s’effondre) et une pyramide des âges déséquilibrée (qui paiera les services sociaux si les vieux forment une plus grande partie de la population qu’auparavant ?)


Mais les 8 millions ne constituent pas un échantillon aléatoire — loin de là, en fait.

Parce qu’il est interdit aux hommes « en âge de se battre » (ceux de moins de 60 ans) de partir, environ 85 % des adultes qui sont partis sont des femmes. Ce qui signifie que près de six fois plus de femmes sont parties que d’hommes. Selon le World Factbook de la CIA, le rapport des sexes d’avant-guerre en Ukraine était considérablement faussé avec 85,9 hommes pour 100 femmes, on pourrait donc dire que ce n’est pas une mauvaise chose que tant de femmes soient parties. Après tout, cela rétablit l’équilibre entre les sexes. Mais ce raisonnement ne tient pas compte des distributions d’âge.

Pyramide des âges de l'Ukraine en 2021

Le rapport des sexes d’avant-guerre en Ukraine était équilibré pour les moins de 55 ans. Il était de 76 hommes pour 100 femmes dans le groupe d’âge 55-65 ans et de 51 hommes pour 100 femmes dans le groupe d’âge 65+. (Cela est dû au fait qu’un grand nombre d’hommes meurent prématurément notamment d’alcoolisme ; on voit le même phénomène en Russie.) Ainsi, avant la guerre, il y avait beaucoup plus de femmes âgées que d’hommes âgés, mais environ le même nombre de jeunes femmes que de jeunes hommes.

En ce qui concerne les réfugiés ukrainiens, l’ONU rapporte que 72 % des adultes qui sont partis sont des femmes de moins de 60 ans alors que 10 % sont des hommes de moins de 60 ans. Et les 18 % restants parmi les adultes sont des personnes de plus de 60 ans. Dans la tranche d’âge 18-34 ans (celle qui est cruciale pour la formation d’une famille), plus de six fois plus de femmes sont parties. Ainsi, alors que la crise des réfugiés a légèrement égalisé le rapport entre les sexes aux âges avancés, elle a créé un déséquilibre chez les plus jeunes : l’Ukraine a maintenant un déficit de femmes jeunes et d’âge moyen.

Les graphiques ci-dessous montrent la répartition par âge et par sexe de deux échantillons de réfugiés sondés à Cracovie et à Vienne. Comme on le constate, les femmes jeunes et d’âge moyen sont nettement surreprésentées, tandis que les jeunes hommes sont sous-représentés.

Les réfugiés ukrainiens sont peu représentatifs de la population générale non seulement en ce qui concerne le sexe, mais aussi sur le plan de l’éducation. Selon l’ONU, 76 % des réfugiés adultes ont une éducation universitaire — contre seulement 30 % dans la population générale de l’Ukraine en 2021. De même, les chercheurs qui ont créé les graphiques ci-dessus ont découvert que 66 % des réfugiés à Cracovie et 83 % de ceux à Vienne avaient fait des études supérieures. Ainsi, les réfugiés ukrainiens sont plus de deux fois plus instruits que la population générale de même âge.

Bien sûr, il n’est pas surprenant que les réfugiés ukrainiens se distinguent en matières d’éducation. Les personnes éduquées sont plus susceptibles de parler une langue étrangère, plus susceptibles d’avoir voyagé à l’étranger et plus susceptibles d’avoir des amis ou des contacts dans d’autres pays.

Les réfugiés ukrainiens sont également plus souvent des gens qui n’étaient pas au chômage. L’ONU rapporte que seuls 4 % d’entre eux étaient au chômage au moment de leur départ, alors que le taux de chômage d’avant-guerre en Ukraine était de près de 9 %. Cette comparaison souligne le degré de sélection positive parmi ceux qui sont partis, puisqu’en général on s’attend à ce que les personnes ayant un emploi soient moins susceptibles de partir et de déménager.

« Et alors ? » pourrait-on dire. « La plupart de ces gens reviendront quand la guerre sera finie. »

Mais le feront-ils ? Cette crise est très différente des autres crises de réfugiés modernes. Le pays que les gens fuient est beaucoup plus pauvre et plus corrompu que ceux qui l’entourent. En fait, le PIB par habitant de l’Ukraine d’avant-guerre était le plus bas d’Europe à 14 150 dollars (en parité de pouvoir d’achat ; il était de 4 835 $ par an en dollars courants sans ajustement pour le pouvoir d’achat). Il est maintenant encore plus bas, à cause de la guerre. En comparaison, le PIB par habitant en Autriche est de 66 680 dollars. Même le PIB par habitant de la Russie est plus du double de celui de l’Ukraine.

PIB par habitant en $ (PPA) dans différents pays européens.

En outre, les pays où se trouvent les réfugiés ukrainiens ont été relativement accueillants. Les sondages montrent systématiquement que les populations occidentales acceptent mieux les réfugiés ukrainiens que celles des autres zones de conflit, probablement parce qu’elles les considèrent comme plus similaires sur le plan culturel ou ethnique. Alors que les Polonais ont farouchement résisté à l’acceptation de réfugiés syriens en 2015, ils ont ouvert leurs frontières à plus de 1,5 million d’Ukrainiens — plus que tout autre pays en dehors de la Russie.

Les réfugiés ukrainiens se retrouvent donc dans des pays non seulement plus riches et mieux gouvernés que celui qu’ils ont quitté, mais aussi généralement hospitaliers.

C’est ainsi que l’Allemagne a attiré un nombre démesuré de personnes déplacées avec ses importantes aides financières, qui s’élevaient à 449 € (475 $ américains) par mois en juin. La Pologne, en comparaison, proposait un peu plus de 15 € (16 $).

L’accueil généreux de l’Occident donne de bonnes raisons aux réfugiés ukrainiens de rester une fois la guerre terminée. Et naturellement, plus la guerre dure, plus ils sont susceptibles de rester, car ils auront eu plus de temps pour s’intégrer dans leurs sociétés d’accueil alors que la situation en Ukraine elle-même se sera encore empirée.

« Il y a peu de raisons de penser que de nombreux réfugiés ukrainiens rentreront bientôt chez eux », fait valoir le journaliste John Ruehl dans un article récent. De même, la chercheuse Kateryna Odartchenko prévient qu’« au moins cinq millions de réfugiés ne devraient pas rentrer chez eux ». Une enquête menée auprès d’Ukrainiens en Allemagne a révélé que 37 % aimeraient s’y installer « de façon permanente ou pour plusieurs années ». Et cela avant de prendre en compte le biais de désirabilité sociale (les répondants se sentant obligés de dire qu’ils reviendront).

Même si la moitié de ceux qui sont partis finissent par revenir, cela représentera toujours une énorme perte pour l’Ukraine.

Les personnes talentueuses et travailleuses sont la ressource la plus précieuse pour le développement économique d’un pays et l’Ukraine est sur le point d’en perdre beaucoup. Le nombre d’émigrés instruits peut même augmenter, car les hommes mariés pourront rejoindre leurs familles dans d’autres pays à la fin de la guerre. (Les mariages sont très assortatifs, de sorte que les maris des femmes instruites ont tendance à être tout aussi instruits, voire plus.)

Il est possible que la proportion d’hommes dans la population des moins de 60 ans augmente, au moins pendant un certain temps. Cela mettrait l’Ukraine sur la voie d’une plus grande violence et d’une instabilité sociale [voir aussi Gunnar Heinsohn : jeunesse de la population et index de belligérance], alors que les jeunes hommes se font concurrence pour avoir accès à des femmes relativement rares et que certains se retrouvent inévitablement sans partenaire. Le fait qu’une telle concurrence se produise dans un environnement rempli d’armes meurtrières est une autre cause de pessimisme.

Outre la dévastation économique, l’Ukraine fait donc face à une profonde crise démographique : la perte de millions de jeunes femmes éduquées (et potentiellement aussi de leurs maris). L’ampleur de cette crise démographique ne fera que s’aggraver à mesure que la guerre s’éternisera.

Voir aussi 

«Le déclin démographique de l'Ukraine risque d'amenuiser ses capacités de résistance à la Russie»

 

Population allemande : -1,5 million d’Allemands, + 4,3 millions d’immigrants en 8 ans

Vers l’interdiction du russe en Ukraine ?

Pologne — Des classes pour élèves ukrainiens en russe  

L’Algérie mène la chasse à la langue française (pour le remplacer par l’anglais)

Marioupol, les élèves retournent en classe [en mai] (vidéos), heureux de pouvoir étudier en russe

Moldavie — 88 % des réfugiés ukrainiens choisissent le russe comme langue d’enseignement, 6 % l’ukrainien

Lettonie — Vers l’élimination de l’enseignement en russe en 2025 

Ukraine — Sites internet, réseaux sociaux, interfaces de logiciel devront être traduits en ukrainien et cette version doit être présentée en premier

Budapest bloque adhésion de l’Ukraine à l’OTAN en raison des lois linguistiques de l’Ukraine (2017)  

Des élèves réfugiés ukrainiens étudieraient en anglais au Québec malgré la loi 101 (et la loi 96) 

Rentrée scolaire à Marioupol, lent retour à la normalité

Berlusconi (le 12 février 2023) : Biden doit promettre un plan Marshall et menacer d'une fin de l'envoi d'armes à Zélensky en échange d'un cessez-le-feu.

Le documentaire d'Oliver Stone sur la guerre en Ukraine (doublé en français) :

Écologie — Le Reich était vert de gris

Dans un étonnant livre enquête, Philippe Simonnot explique comment le nazisme se fit le champion de l’écologie politique en puisant au même antihumanisme qu’elle.

Carte postale des années 30, « Le Führer, l’ami des animaux »

 À défaut de l’avoir jamais su, on l’avait oublié. Moins par inattention qu’à cause d’un chaînon manquant, qui avait comme interrompu le fil de l’histoire. Entre la naissance de l’écologie comme science en 1866, sous la houlette du biologiste allemand Ernst Haeckel, et sa mutation en idéologie de la contre-culture en 1968, la page serait restée blanche. Il a fallu Luc Ferry et son Nouvel ordre écologique, qui dénonçait, en 1992, les dangers de la écologie profonde et son refus de tout anthropocentrisme, pour rappeler qu’entre ces deux dates, le nazisme avait fait franchir à l’écologie une étape décisive en en faisant une réalité politique. C’est la genèse de cette filiation que retrace et démêle d’abord Philippe Simonnot, récemment disparu, dans Le Brun et le Vert. Avant de scruter le corpus législatif et réglementaire pléthorique dont les nazis dotèrent le IIIe Reich en matière d’écologie, dès l’accession de Hitler au pouvoir en 1933.

À l’origine était donc Haeckel. Inconnu du public français, ce spécialiste des invertébrés marins fut le promoteur de Darwin en Allemagne, mais surtout l’inventeur du darwinisme social, soit l’application aux sociétés des théories du naturaliste britannique, et parmi elles la sélection naturelle et l’élimination des plus faibles. De la théorie évolutive, Haeckel, farouchement antichrétien et anti­sémite, déduisit d’une part le caractère insignifiant de l’humanité et l’absence de frontière entre celle-ci et le monde animal, de l’autre une classification des races humaines. Et c’est sous le patronage d’un Darwin revu et corrigé qu’il plaça son concept d’Ökologie, en le définissant comme « le corps du savoir concernant l’économie de la nature (…), l’étude de ces interrelations complexes auxquelles Darwin se réfère par l’expression de conditions de la lutte pour l’existence ».

Après Haeckel, mort en 1919, son disciple Walther Schoenichen reprit le flambeau de la science écologique naissante. Directeur de l’Office d’État pour la préservation de la nature en Prusse sous la république de Weimar, il adhéra au Parti nazi en 1932 et salua l’arrivée de Hitler au pouvoir l’année suivante en affirmant dans son journal : « Le peuple allemand doit être nettoyé, et de même la campagne allemande. » Un programme que le IIIe Reich naissant allait suivre à la lettre. Car pour les théoriciens nazis, le peuple allemand puise sa force de l’union du sang et du sol (Blut und Boden), menacée par les forces adverses de la démocratie, du capitalisme, du libéralisme, qu’il importe donc de combattre pour protéger l’un et l’autre.

Cette religion de la nature plus ou moins baignée de romantisme agraire et d’anti-urbanisme imprégnait déjà en réalité un appareil nazi hostile à tout anthropocentrisme. Membre du parti, le biologiste Paul Brohmer affirmait ainsi : « Selon notre conception de la nature, l’homme est un chaînon dans la chaîne naturelle comme n’importe quel organisme. » De 1933 à 1942, près de vingt-cinq lois et règlements donnèrent corps à cette croyance. Expression d’un souhait personnel de Hitler, la grande loi sur la protection de la nature de 1935 imposa l’idée d’une nature reine à protéger contre le capitalisme destructeur des paysages. Votée deux ans plus tôt, la loi sur la protection des animaux, qui ne faisait pas de différence entre animaux domestiques et sauvages, utiles et nuisibles pour l’homme, la surclassait pourtant. Elle fut encore renforcée par une loi sur l’abattage des animaux — qui visait en réalité le rituel des Juifs, accusés d’insensibilité — et d’autres lois et décrets sur leur transport, l’éclairage et la ventilation des stalles, le ferrage des chevaux, mais aussi l’interdiction aux Juifs de détenir des animaux domestiques. On alla jusqu’à prohiber l’application d’œillères aux chevaux !

Tous les barons du régime se mobilisèrent pour défendre cet arsenal législatif. Hitler apparut nourrissant des biches dans la forêt sur des cartes postales légendées « Le Führer, ami des animaux ». Apôtre du Blut und Boden, Richard Walther Darré, ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture, justifia l’extension du Reich vers l’est en affirmant que seule la race germanique était apte à tirer le meilleur profit de ses terres, et promut une exploitation agricole permettant de « garder la terre en bonne santé ». Mais c’est Göring qui fut le champion absolu de l’écologie nazie. Comme « grand veneur du Reich », il inspira en 1934 une loi qui encadrait sévèrement la chasse et, note Simonnot, faisait du chasseur « le responsable d’un état originel sauvage ». Comme maître des forêts du Reich, il s’appliqua à sanctuariser ce berceau mystique de la race germa­nique, lieu de son enracinement et de son unicité, à l’opposé du désert des Juifs, réputés un peuple d’errants, ennemi des forêts.

C’est encore le régime nazi qui construisit, sous la houlette du ministre Fritz Todt et de son adjoint Alwin Seifert, nommé « avocat du Reich pour le paysage », des milliers de kilomètres d’autoroutes présentées comme respectueuses de l’environnement, le tout technologique devant s’allier au tout naturel. Et qui promut l’agriculture biodynamique, soutenue par la SS de Himmler dans les territoires conquis à l’est. Là, Seifert entendait « germaniser » le paysage en plantant de forêts la steppe polonaise. À nouveau, l’écologie nazie se faisait l’alliée du nationalisme raciste du régime.

Le IIIe Reich disparu, les thuriféraires de sa politique écologique ne furent pas inquiétés après la guerre. Leur défense consista à affirmer, comme Seifert, qu’ils avaient

« été plus verts que bruns ». Les décennies passèrent et il fallut attendre le milieu des années 1980 pour voir un écologiste allemand membre du parti des Verts, Rudolf Bahro, revendiquer l’héritage écologique du nazisme, jusqu’à souhaiter l’avènement d’un « Adolf vert ». Alors que l’écologie est devenue une sorte de dogme officiel dans le monde occidental depuis les années 2000, lequel de ses militants s’associerait à ce vœu ? Elle n’en formule pas moins, particulièrement dans ses ramifications qui ont pour noms l’animalisme, l’antispécisme et le culte de la nature, des propositions politiques identiques à celles que vota le IIIe Reich, au nom d’un même refus de l’humanisme judéo-chrétien. Cette passionnante enquête refermée, ce sont les conséquences vertigineuses de ce refus qu’elle invite encore à méditer. 

Source : Figaro Histoire

Le brun et le vert
Quand les nazis étaient écologistes
par Philippe Simonnot,
publié le 17 novembre 2022
aux éditions du Cerf,
à Paris,
229 pp,
ISBN-10 : 2 204 152 404
ISBN-13 : 978-2204152402