lundi 30 novembre 2020

Est-il permis d'être LGBT, d'être mal dans sa peau et de vouloir devenir hétéro « cisgenre » ?

Est-il permis d’être LGBT, de ne pas être bien dans sa peau et de vouloir devenir hétéro « cisgenre » ? Peut-on aider ces personnes ?

C’est une des questions que pose le film Censuré. C’est un film engagé qui prône la possibilité d’aider les personnes qui se disent LGBTQ et qui veulent devenir hétérosexuelles et « cisgenres ». C’est un des côtés du débat (qu’on n’entend quasiment pas d’où le titre Censuré) qui entoure des questions au cœur du projet de loi C-6, l’interdiction proposée par le gouvernement libéral qui empêche ce type d’assistance.

 

Voir aussi

Derek Sloan s’insurge contre projets de loi qui criminalisent l’affirmation positive de son corps.  (Le projet de loi C-8 est devenu C-6 après sa réintroduction dans la nouvelle session parlementaire.)

Colombie-Britannique : Cour suprême interdit aux parents de s’opposer au traitement hormonal de transition de leur fille de 14 ans

Trans — Médecins inquiets que des enfants s’exposent à des « dégâts à long terme » en raison de groupes de pression et de parents agressifs

Endocrinologues mettent en garde contre le traitement hormonal de la dysphorie sexuelle chez l’enfant

Grande-Bretagne — enfants autistes poussés à s’identifier comme transgenres ?

Fonctionnaires contre père : qui décide si un enfant mineur peut subir une thérapie de transition de genre ? (le cas en Cour d’appel)

La théorie de la « fragilité blanche »

Greenpeace — que d’aucuns pourraient croire une association purement vouée à la défense de l’environnement — donne encore raison à un de ses fondateurs (voir Patrick Moore et son livre Pour une écologie scientifique et non politique), il s’agit d’une organisation très en pointe dans le correctivisme politique. C’est une organisation qui fait la promotion du racialisme et d’un concept aussi tordu que celui de la fragilité blanche.


« Le test »

La « fragilité blanche » serait une « entrave » à la lutte contre le racisme qui afflige les blancs. Cette fragilité touche les blancs qui osent demander des excuses quand ils se sentent injustement accusés de racisme (point 6). Si vous n’êtes pas d’accord ou posez une question dans les commentaires (point 13) sur cette conclusion, c’est une preuve de votre « fragilité blanche ». Comment toujours avoir raison.




 

 


Greenpeace Québec revendique cette « lutte intersectionnelle »

À la suite de la publication de ce « test », Greenpeace a été assaillie de critiques et a tenu à s’expliquer. L’Association revendique son soutien aux théories fumeuses de Robin (une femme) DiAngelo :

Bonjour à toutes et à tous, à celles et ceux qui nous demandent pourquoi nous ne nous concentrons pas sur l’environnement au lieu de dévier sur des sujets de justice sociale, voici un billet de blogue de notre directrice Christy Ferguson qui, nous l’espérons, vous permettra de mieux comprendre notre positionnement ! Ne rien dire, c’est être complice. Voilà pourquoi Greenpeace Canada parle du racisme.

La « fragilité blanche », un concept fumeux raciste

Robin DiAngelo
Pour Matt Taibbi :

Il est ahurissant de voir La Fragilité blanche célébrée ces dernières semaines. Quand ce livre a dépassé un livre de Hunger Games sur les palmarès des meilleures ventes, USA Today a applaudi : « Les lecteurs américains sont plus intéressés par la lutte contre le racisme que par l’évasion littéraire. Lorsque DiAngelo est apparu sur The Tonight Show, Jimmy Fallon s’est exclamé : « Je sais… tout le monde veut vous parler maintenant ! » La Fragilité blanche a été présentée comme une solution incontestée pour lutter contre le racisme, à un moment où, après le meurtre de George Floyd, les Américains souhaitent soudainement (et à juste titre) lutter contre celui-ci. Sauf que ce n’est pas simplement un livre qui nous invite à nous pencher sur nos propres préjugés. Les gens qui aiment ce livre incroyablement insensé l’ont-ils vraiment lu ?

DiAngelo n’est pas la première personne à faire de l’argent en relayant de la foutaise pseudo-intellectuelle comme étant de la sagesse d’entreprise, mais elle pourrait être la première à le faire en vendant une théorie raciste digne de l’Allemagne nazie. La Fragilité blanche colporte un message simple : il n’existe pas d’expérience humaine universelle et nous ne sommes pas définis par nos personnalités individuelles ou nos choix moraux, mais uniquement par notre catégorie raciale.

Si votre catégorie est « blanche », mauvaise nouvelle : vous n’avez aucune identité en dehors de votre participation à la suprématie blanche (“L’anti-négritude est à la base même de nos identités… La blanchitude [ou blanchité] a toujours été fondée sur la négritude”), ce qui signifie pour DiAngelo que naturellement « une identité blanche positive est un objectif impossible ».

DiAngelo nous dit qu’on n’y peut rien sauf « s’efforcer d’être moins blanc ». Nier cette théorie ou avoir l’effronterie de vouloir échapper à l’ennui d’une conférence de DiAngelo — ce qu’elle décrit comme « sortir d’une situation stressante » — revient à confirmer sa conception de la suprématie blanche. Cet équivalent intellectuel de « l’épreuve de l’eau » (si vous flottez, vous êtes une sorcière [épreuve interdite dès 1601 par le Parlement de Paris]) est devenu l’orthodoxie dans une grande partie du monde universitaire.

Le style de DiAngelo est pure souffrance. Le lexique privilégié par les théoriciens intersectionnels de ce type est construit autour des mêmes principes que la novlangue d’Orwell : il bannit l’ambiguïté, la nuance et le sentiment et se structure autour de paires de mots stériles, comme raciste et antiraciste, accorder ou refuser une tribune [à un orateur], centre et silence, qui réduisent toute pensée à une série de choix binaires.

« La Fragilité blanche » un négoce très juteux

 Comme le révèle Douglas Murray dans le Spectator (Londres), la fragilité blanche est un filon très juteux qui se nourrit de contrats très rentables tant dans les entreprises privées que dans la fonction publique.

Parmi toutes les personnes qui ont gagné de l’argent au cours du mois dernier, peu d’entre elles peuvent en avoir amassé autant que Robin diAngelo. Depuis la mort de George Floyd, le thème du racisme systémique est devenu la vache à lait de cette universitaire américaine blanche et auteur de La Fragilité blanche. Un terme que je ne devrais probablement pas utiliser, puisque PETA a déclaré la semaine dernière que le lait était un symbole de la suprématie blanche. DiAngelo fait son beurre avec ses thèses, bien qu’au moment où vous lirez ces lignes, l’idée de « beurre » pourrait aussi être devenue un concept raciste. Dans ce cas, le beurre rejoindra la campagne britannique, qualifiée de raciste par l’émission Countryfile de la BBC la semaine dernière. Un fait que j’ai appris après l’ouverture de ma page d’accueil de recherche Google, où Google m’a informé sur la défunte travestie américaine noire Marsha P. Johnson.

La recherche Google fait la promotion de l’activiste noire travestie (LGBTQ)

Quoi qu’il en soit, je mentionne diAngelo parce que, même avant sa récente célébrité, quiconque souhaitait l’employer pour être rééduqué devait débourser 6000 $ de l’heure. Ou 12 000 $ pour deux heures. C’est ce que diAngelo a facturé l’année dernière à l’Université du Kentucky pour une session de deux heures sur l’injustice raciale. J’imagine qu’elle fait payer plus cher tous ces PDG qui font maintenant la queue pour embaucher la Dominatrix de l’antiracisme, la faire venir dans leurs bureaux et passer un après-midi à leur répéter à quel point ils sont des salauds de vaut-rien.

Ensuite, il y a les ventes de livres. Depuis qu’un flic du Minnesota a tué M. Floyd, d’innombrables entreprises et individus ont envoyé des « listes de lecture » pour nous dire à tous ce qu’il faut lire. Chaque fois que l’ouvrage de diAngelo publié en 2018 figure en tête.

Prenons un document qui vient d’être divulgué provenant du bureau du directeur général du Birmingham and Solihull National Health Service Mental Health Trust [une partie du système de la santé publique du Royaume-Uni]. Daté du 5 juin et intitulé « Inégalités et discrimination raciale », il commence par affirmer que les événements récents en Amérique “ont mis en évidence une fois de plus la discrimination et l’inégalité vécues chaque jour par les personnes issues des minorités ethniques, notamment noires et asiatiques (MENA)”. La lettre de trois pages continue : « Ce n’est pas à nos collègues des minorités ethniques de corriger cela. Ils en ont assez honnêtement et naturellement de raconter leurs histoires à plusieurs reprises et de ne pas être compris. »

L’auteur de cette lettre est un Roisin Fallon-Williams, qui en ces temps antiracistes, je dois le signaler, est blanche. Elle sait quoi faire. « Je nous écris cela alors que je sais et comprends désormais que ma position ignorante et incompétente », dit-elle. « Bien que je reste ignorante et incompétente, je comprends maintenant mieux que je suis coupable, j’ai été complice. » Elle poursuit en exhortant ses collègues tout aussi incompétents et ignorants à prendre le temps d’aller voir leurs collègues issus des minorités (MENA) et de leur dire : « Comment allez-vous ? » et « Ça va ? » et « écouter vraiment » ce qu’ils disent. Tout cela pose la question — comme le font toujours les « antiracistes » — de ce qu’ils ont fait jusqu’à avant-hier.

Sur la troisième page de son auto-flagellation, Mme Fallon-Williams propose quatre ouvrages que ses collègues ignorants et incompétents devraient lire. C’est la liste habituelle, bien que Fallon-Williams ignore peut-être que la moitié de ses textes suggérés sont écrits par des auteurs blancs. L’un de ces textes est un article de Peggy McIntosh, du Wellesley College, « Les privilèges des Blancs : Au-delà des apparences ». Il est si souvent cité depuis sa parution il y a trente ans que, jusqu’à ce que je le lise récemment, j’avais cru qu’il contenait quelque chose d’intéressant.

Peggy McIntosh

J’avais tort. L’ensemble du « travail » se compose simplement de quelques pages d’affirmations destinées à démontrer les effets quotidiens du « privilège blanc ». La première est : « Je peux, si je le désire, m’arranger pour être en compagnie de gens de ma race la plupart du temps. » L’affirmation numéro 33 [supprimée du site de l’Alliance de la fonction publique du Canada, mais bien présente ailleurs :] est : « Je ne suis pas pleinement conscient que ma silhouette, mon allure ou mon odeur corporelle seront interprétées comme une réflexion de ma race. » Une affirmation qui évoque toute une série de réflexions sur la silhouette, l’allure et l’odeur corporelle des universitaires blanches de Wellesley.

Mais en tête de la liste de lecture de Fallon-Williams se trouve cet ouvrage qui, bien que plus long que celui de McIntosh, est à bien des égards encore plus déficient. L’affirmation centrale de la fragilité blanche est que tous les blancs sont racistes. DiAngelo dit que les Blancs qui sont mécontents qu’on leur apprenne qu’ils sont racistes font preuve de « fragilité blanche ». Ce qui est une nouvelle démonstration de leur racisme. Tout cela laisse tous les Blancs dans le dilemme qui se posait aux sorcières condamnées à l’ordalie de l’eau [si elles flottent dans l’eau, elles sont sorcières et brûlées, si elles coulent à pic et se noient, c’est une regrettable erreur judiciaire.]  DiAngelo a inventé un jeu de sa façon, auquel nul ne gagne. Sauf elle, bien évidemment.

 

L'ancêtre du test de la fragilité blanche

 [La chasse aux sorcières était une spécialité protestante, en plein XVIe et XVIIe siècles – et pas typique de l’époque médiévale, a fortiori pas de l'époque du roi Arthur comme dans ce film de Monty Python]

Bien sûr, de bonnes personnes se laissent avoir — des personnes de toutes les couleurs de peau qui croient que notre société est intrinsèquement raciste et qu’en conséquence tout doit être compris à travers le prisme de la couleur de la peau. D’autres parmi nous, également de toutes les couleurs de peau, ne sont pas d’accord. Non pas parce que nous sommes racistes ou parce que nous pensons que nos sociétés ne peuvent pas être meilleures, mais parce que nous pensons que ce qui est exigé de nous par les professeurs « antiracistes » est un enfer racialiste d’un nouveau type.

À l’instar du mouvement Black Lives Matter lui-même, la « justice sociale », caractérisée par les travaux de McIntosh et de diAngelo, est conçue pour qu'il soit en pratique impossible de s’y opposer. À l’instar de ces départements « d’études de la paix » qui ont mystérieusement surgi pendant la guerre froide, ce front apparemment impossible à réfuter a des racines et des objectifs profonds, destructeurs et, oui, marxistes.

Aujourd’hui, cela se présente comme si c’était éminemment simple à assimiler. Nous devons simplement lire les bons livres, corriger notre langage, suivre les instructions et exécuter le programme autrement.

Eh bien, vous pouvez le faire. Ou vous pouvez vous y refuser. Et je recommanderais fortement cette dernière option. Car ce que les bonimenteurs de la race proposent n’est pas une mise à niveau de notre logiciel sociétal. Leur programme vise plutôt à déformer et à détruire tout le système : un système qui peut avoir ses défauts, mais qui ne mérite pas l’introduction de leur logiciel sociétal malveillant. Des salles de conseil d’administration au Service national de la santé et partout ailleurs dans la société, je suggère aux gens de s’assurer qu’ils comprennent les conséquences de ce qu’ils acceptent. Soyez très, très prudent avant de cliquer sur « Tout accepter ».

Voir aussi

Extraits de La Grande Déraison ; Race, genre, identité de Douglas Murray

Race, genre, identité, les ferments de la violence qui vient (le titre et la couverture ont depuis changé)

Le Canada vu par Douglas Murray : un pays avec un singulier manque d’adultes

Un diplôme universitaire en lettres et sciences humaines en vaut-il encore la peine ?

Un historien canadien, « expert en études du genre », avoue avoir falsifié ses recherches

L’Université Evergreen (États-Unis) et les dérives du progressisme militant 

Australie — Recrutement sur base de CV anonymisés augmente nombre d’hommes blancs sélectionnés 

Canada — Projet-pilote de recrutement anonyme : pas de biais détecté 

Angleterre : enfants blancs défavorisés moins aidés que ceux des minorités ethniques

Ministère de la Justice accuse Yale de discrimination raciale contre blancs et asiatiques

Association des librairies cède au correctivisme et retire la liste de suggestion de Fr. Legault qui incluait L'Empire du politiquement correct (m à j)

Mise à jour lundi 30/XI/2020

L'Association des libraires du Québec se rétracte et republie une liste des coups de coeur littéraires du premier ministre qu'elle avait supprimée de ses réseaux sociaux.


Le Journal de Montréal titre en ce dimanche 29 novembre : « François Legault partiellement censuré par l’Association des libraires ».

L’Association des libraires du Québec (ALQ) a fait disparaître des suggestions de livres à lire de François Legault après avoir reçu des plaintes de gens qui lui reprochaient qu’elle eût offert une tribune au Premier ministre.

Mercredi dernier, M. Legault a présenté, dans une vidéo d’une demi-heure, dix suggestions de livres à lire dans le cadre du mouvement #lireenchoeur de l’ALQ, qui a donné la parole à quelque 150 auteurs et personnalités depuis le printemps.

Or, plusieurs critiques ont rapidement fusé. « Il y a eu beaucoup de commentaires de gens, notamment du milieu littéraire, qui nous reprochaient d’avoir donné une tribune à M. Legault » et qui critiquaient sa liste de livres, a reconnu la directrice générale de l’ALQ, Katherine Fafard, en entrevue avec l’Agence QMI dimanche.

Sur Instagram, plusieurs intervenants ont dénoncé le fait que M. Legault refuse de reconnaître le racisme systémique au Québec ou ses politiques « racistes » pour critiquer le fait que l’ALQ lui offre une tribune. Certains s’en sont aussi pris à l’une des suggestions du Premier ministre, L’empire du politiquement correct du chroniqueur Mathieu Bock-Côté.

Des intervenants ont aussi réclamé des excuses à l’Association

Devant le tollé, l’ALQ a choisi de faire disparaître de ses réseaux sociaux les suggestions de lecture du Premier ministre. Quant à la vidéo, elle est demeurée en ligne, mais un message précisant que « les opinions exprimées par le participant n’engagent que lui » a été ajouté vendredi.

M. Legault est le seul intervenant dont la vidéo est assujettie de cette mise en garde et dont les publications ont été effacées.

Mme Fafard a expliqué que son organisation a voulu écouter les préoccupations des militants, d’autant plus que la question du racisme a occupé une part importante du débat lors de la dernière année.

Elle se défend cependant d’avoir cédé devant les demandes des militants. « Si on avait retiré la vidéo, ça aurait été de la censure », a-t-elle plaidé, en précisant que l’ALQ n’a pas l’intention de s’excuser pour avoir invité le Premier ministre à partager ses coups de cœur littéraires.

Au cabinet du Premier ministre, on soutient avoir été informé de la décision vendredi dernier. « Nous sommes déçus de voir que les suggestions de lecture du Premier ministre ont été retirées des réseaux sociaux de l’Association », a réagi un attaché de presse de François Legault, Ewan Sauves, tout en qualifiant de « bonne chose » que la vidéo soit toujours en ligne.

De la « lâcheté » Le chroniqueur du Journal de Montréal Mathieu Bock-Côté, montré du doigt dans certaines publications de militants qui critiquaient la liste de lecture, a accusé l’ALQ d’avoir fait preuve de « lâcheté épouvantable » en déplorant un cas de « censure grossière ».

« Nous sommes devant un geste absolument discourtois. François Legault est invité à présenter sa liste de livres, mais puisque les militants n’aiment pas ses recommandations, on la retire grossièrement. Faut-il mettre certains livres à l’index, désormais ? » s’est-il interrogé lorsqu’invité à réagir.

« Tout cela, au final, nous confirme à quel point la censure progresse et la liberté d’expression régresse. Et cela, dans les milieux qui devraient y tenir plus que tout », a-t-il ajouté.

Addendum:

Richard Martineau s'en prend au directeur de l'Association des libraires du Québec


Voir aussi

L'Empire du correctivisme politique 

Conférence de Mathieu Bock-Côté à Bruxelles sur le correctivisme politique

Le sort des Chrétiens d'Orient est-il différent de celui des Juifs d'Orient ?

Depuis 2014, en Israël, le 30 novembre est la Journée annuelle de commémoration de l’exil des réfugiés juifs du monde arabe. Alors que l’on parle régulièrement, aux Nations unies et ailleurs, du sort des Arabes ayant quitté la Palestine lors de la création de l’État d’Israël, on parle moins des Juifs qui ont vécu naguère dans des pays méditerranéens et orientaux, notamment en Algérie, Irak, Iran, Liban, Libye, Maroc, Syrie, Tunisie, au Yémen.


Dans les quelques années qui suivirent la création de l’État d’Israël et de décolonisation, environ 900 000 Juifs ont dû quitter ces pays où ils vivaient depuis des siècles, voire des millénaires, bien avant la conquête musulmane. Beaucoup ont été privés de leurs biens et victimes de violences et de persécutions. Deux tiers d’entre eux se sont réfugiés en Israël, qui les a absorbés rapidement, après un bref passage dans des camps d’accueil. Les autres ont essaimé à travers le monde, notamment en France, Italie, RoyaumeUni, Canada, États-Unis, Argentine ou Brésil.

L’histoire de cette destruction de toutes les communautés juives en terre d’Islam n’a quasiment pas été racontée, ni analysée, sinon dans quelques films documentaires comme celui de Michaël Grynszpan, Les Réfugiés oubliés (2007), ou dans des livres. On peut citer Shmuel Trigano (L’Exclusion des Juifs des pays arabes et le contentieux israélo-arabe, Éditions In Press, 2003), Georges Bensoussan (Juifs en pays arabes. Le grand déracinement, Tallandier, 2012), ou Lyn Julius (Uprooted, Vallentine Mitchell, 2018).

On peut également lire de nombreuses monographies nostalgiques. L’historien Benjamin Stora, né en 1950 à Constantine, raconte le triste sort des 140 000 juifs d’Algérie, fiers d’avoir obtenu la nationalité française grâce au décret Crémieux de 1870 — temporairement abrogé par Vichy — dont on fête aujourd’hui le sesquicentenaire (Les Trois Exils. Juifs d’Algérie, Pluriel, 2011). Certains d’eux voyaient d’un bon œil les velléités d’indépendance des Algériens, mais ont dû faire vite leur valise après l’incendie de la synagogue d’Alger en 1960 et l’assassinat de Raymond Leyris, beau-père d’Enrico Macias, à Constantine en 1961, pour rejoindre en masse la métropole en 1962, comme leurs compatriotes non juifs devenus « rapatriés ».


Évoquons l’autobiographie du journaliste Serge Moati, né en 1946 à Tunis (Villa Jasmin, Fayard, 2003), qui fait partie des 105 000 juifs tunisiens exilés au milieu du XXe siècle en étant autorisés à n’emporter qu’un dinar (2 euros !), après avoir subi de nombreuses spoliations. Raphaël Devico, descendant d’une lignée de juifs andalous venus à Fès après la chute de Grenade en 1492, habitant aujourd’hui à Casablanca, dévoile pour sa part la réalité complexe de la communauté juive marocaine (Juifs du Maroc. Des racines ou des ailes ?, Éditions Biblieurope, 2015). Avant d’être spoliée et rançonnée pour pouvoir partir en 1961, elle fut, avec ses 265 000 membres, la plus importante du monde arabe et compte aujourd’hui encore 3 000 membres.

La romancière Bat Ye’or (littéralement « la fille du Nil »), née au Caire en 1933, décrit les discriminations dont ont été victimes les 75 000 juifs égyptiens dès les années 1930, bien avant la création de l’État d’Israël, et leur expulsion par Nasser en 1956 (Le Dernier Khamsin, Éditions Provinciales, 2019). Ils furent obligés de laisser tous leurs biens, de renoncer à leur nationalité et de devenir apatrides.

L’universitaire Orit Bashkin raconte l’histoire de la communauté juive d’Irak, qui comptait près de 135 000 membres (New Babylonians, Stanford University Press, 2012). Très intégrée avant la guerre, elle a quasi totalement émigré en quelques années, notamment à la suite du pogrom de 1941. Les communautés juives d’Iran, du Liban, de Libye, de Syrie, de Turquie ou du Yémen, dont certaines existaient bien avant Jésus-Christ, ont également quasi complètement disparu.


Le Musée du monde séfarade, le Mussef, qui est en projet à Paris a pour objectif de faire exister ce qui n’est plus, en retraçant au centre de la capitale l’histoire et la culture de ces communautés juives disparues en quelques années sans faire de bruit. Car il est temps pour le monde d’entendre et de voir leur histoire.

La paix en bénéficiera sans doute, car on ne bâtit pas de paix durable sans regarder la vérité en face. Longtemps après les accords de paix avec l’Égypte et la Jordanie, des accords viennent d’être conclus entre Israël et les Émirats et Bahreïn et sont envisagés avec le Soudan et même avec l’Arabie saoudite, mais il reste beaucoup à faire pour qu’il en soit de même dans tout le monde arabe et musulman. Et pour permettre à tout un chacun de comprendre que ce qui menace au XXIe siècle les chrétiens d’Orient n’est pas très différent de ce qui est arrivé aux Juifs en terres d’Islam au milieu du siècle dernier. (1) Association loi 1901 fondée en 2018.

« Ce qui menace les chrétiens d’Orient aujourd’hui n’est pas très différent de ce qui est arrivé aux Juifs dans des pays méditerranéens et orientaux » au milieu du XXe siècle

Source : Le Figaro