mardi 22 juillet 2025

«La revanche des “ploucs ” sur les diplômés qui ne trouvent pas de travail aux États-Unis»

Les difficultés des jeunes «graduates» (diplômés) donnent du grain à moudre à tous ceux qui dénoncent « la surproduction d’élites » quand celles-ci ne trouvent pas à employer leurs compétences.


Les cérémonies de  remise des diplômes  ont été moins festives qu’à l’accoutumée pour clôturer l’année 2024-2025 outre-Atlantique. Traditionnellement, les nouveaux « graduates » , affublés de leur toge noire, se trémoussent joyeusement, lançant en l’air leur « mortier », cette toque à fond plat. Or, non seulement l’Administration Trump cherche noise aux universités les plus prestigieuses, Harvard en tête, mais le marché de l’emploi s’est assombri pour les nouveaux diplômés. Les « bachelors » ayant accompli quatre années de « college » doivent désormais se battre pour se faire une place au soleil qui leur semblait acquise.

Une enquête de la Banque de la Réserve fédérale de New York vient de révéler que les « graduates » de 22 à 27 ans, titulaires au minimum d’un bachelor, d’un master, voire d’un  doctorat (PhD), ont subi un taux de chômage de 5,8 % au premier trimestre 2025, bien supérieur à celui de la population américaine dans son ensemble (4 %). Cela va à l’encontre de la norme qui prévalait depuis 1945, donnant un avantage d’emploi aux diplômés. Le croisement des courbes s’est amorcé avec la pandémie de Covid de 2020, qui avait détraqué le marché du travail, propulsant brièvement le chômage total à plus de 16 %. Et depuis, l’écart ne cesse de se creuser en défaveur des jeunes ayant terminé leurs études.

Les « graduates » des anciennes générations paraissent pour le moment épargnés et leur niveau de chômage n’est que de 2,7 %. Mais le dividende salarial dont ils bénéficiaient en raison de leur formation tend à s’effriter. Selon les données de la Réserve fédérale de New York, les « graduates », tous âges confondus, gagnaient en moyenne 69 % de plus qu’un simple diplômé du secondaire en 2015 et cet avantage n’est plus que de 50 % aujourd’hui.

Déboire des jeunes «graduates»

L’heure de la revanche a-t-elle sonné pour les sans-grade, les « ploucs » («hillbillies», en anglais) comme aime à les appeler JD Vance, le vice président américain, qui estime en être issu et a intitulé son autobiographie Hillbilly Élégie ? « Je veux tout mettreà bas, et détruire nos élites actue lles », a pu dire de son côté l’idéologue populiste trumpiste Steve Bannon, très remonté contre le « wokisme universitaire ».

Les déboires des jeunes « graduates » tiennent d’abord à leur nombre semble-t-il excessif par rapport aux besoins effectifs de l’économie. La baisse des standards universitaires est également incriminée ; selon une enquête de l’université d’État de Pittsburg (Kansas), même les étudiants en lettres ne parviennent plus à lire Charles Dickens ! Et l’intelligence artificielle (IA), qui vient concurrencer en priorité les professions intellectuelles, y compris scientifiques, n’arrange pas les choses.

Durant les deux premières décennies de ce millénaire, et jusqu’à la pandémie de Covid de 2020, la transformation numérique à marche forcée des entreprises américaines a provoqué une très forte demande de services informatiques et scientifiques. Et dans la foulée, les formations de Stem («science, technology , engeenering, mathematics ») ont explosé dans les universités. Or la marée montante de la numérisation s’est stabilisée, observe Matthews Martin, économiste d’Oxford Economics, et les nouveaux entrants sur le marché du travail en font les frais. « Alors que l’emploi pour les qualifications informatiques et mathématiques a progressé d’à peine 0,5 % depuis 2022 pour les “graduates” de plus de 27 ans, il a reculé de 8 % pour les 22-27 ans », a-t-il calculé, dans son étude intitulée « Educated but unemployed ».

Surproduction d’élites

De son côté, l’IA n’est plus une menace sur les emplois mais une réalité qui prend corps à grande vitesse, à en croire les déclarations récentes récurrentes des CEO (patrons) américains. «  L’IA remplacera la moitié des postes de cols blancs dans un avenir proche » , pronostiquait fin juin Jim Farley, le CEO de Ford. Stéphane Bancel, le patron des vaccins Moderna, explique de son côté que sa société « n’aura besoin que de quelques milliers d’employés » grâce à l’IA. Les dirigeants de la tech s’accordent à penser que celle-ci supprimera en priorité les emplois de « matière grise » - programmeurs, « data scientists », juristes, analystes financiers, etc. – et plus leurs qualifications sont techniquement pointues, plus ils seront concernés au premier chef. À l’inverse du titan Cronos dévorant ses enfants (dont le dieu Zeus), l’IA est-elle amenée à avaler ses propres géniteurs ?

Le paradoxe de Moravec - du nom du chercheur en robotique -, qui remonte aux années 1980, nous a appris que les raisonnements intellectuels de haut niveau sont plus aisés à reproduire par un logiciel d’IA que les aptitudes sensorimotrices les plus basiques. C’est en train de se réaliser à grande échelle. La robotique et l’IA remplaceront plus difficilement un plombier réparant une baignoire qu’un chercheur en mathématiques.

Ces tendances de fond, certes difficilement quantifiables, donnent du grain à moudre à tous ceux qui dénoncent « la surproduction d’élites » quand celles-ci ne trouvent pas à employer leurs compétences. Alors que 15 % des Américains étudiaient dans l’enseignement supérieur durant les années 1950 et qu’ils sont 60 % aujourd’hui, l’anthropologue Peter Turchin, de l’université du Connecticut, explique cette envolée des effectifs de l’enseignement supérieur par le passage d’une société industrielle à une économie de la connaissance. Mais il met en garde contre les phénomènes de déclassement et la formation de « contre-élites » plus ou moins violentes. (Le Chaos qui vient, Éditions Le Cherche midi).

À cet égard, l’hebdomadaire The Economist cite le cas de  Luigi Mangione , 27 ans, bachelor of Science in Engineering de l’université de Pennsylvanie, qui a assassiné par balle en décembre 2024 le CEO de UnitedHealthcare, compagnie américaine d’assurances santé. Plus stupéfiant encore, Mangione a suscité un courant de sympathie et de ressentiments anti-élites à la fois au sein de la population, permettant de collecter plus de 1 million de dollars en sa faveur. Fait divers ou fait de société ?

Source : Le Figaro
 
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23 juillet 1840 — Sanction royale de l’Acte d’union du Haut-Canada et du Bas-Canada

Après les insurrections patriotes de 1837-1838, le pouvoir colonial et les grands milieux financiers souhaitent régler définitivement le « problème » des affaires canadiennes. En mars 1838, la constitution parlementaire de 1791 est suspendue au Bas-Canada et un conseil spécial administre le pays. Le gouverneur Durham présente, en 1839, un rapport visant l’union des deux Canadas et l’assimilation graduelle de l’élément francophone.

Au pays, une opposition s’organise contre cette union perçue comme une menace pour l’avenir national. Une pétition contre le projet, signée par 87 000 personnes, est envoyée à Londres. La nouvelle constitution, appelée « Acte d’Union », est néanmoins votée au Parlement de Londres par une très forte majorité. Elle reçoit la sanction royale le 23 juillet 1840 et entre officiellement en vigueur le 10 février 1841. Rappelons que la Province de Québec (1763-1791) avait été divisée en Haut et Bas-Canada pour garantir une majorité anglophone dans le Haut-Canada.

Province de Québec en 1774

La représentation parlementaire du Bas-Canada passe de 90 à 42 députés, le même nombre que le Haut-Canada, pourtant moins peuplé. La langue française est proscrite des institutions, mais on traduira encore les lois en français. La lourde dette publique du Haut-Canada est reportée sur la nouvelle colonie unie. Or, le Bas-Canada avait une dette de 375 000 $, alors que le Haut-Canada avait dû contracter d'énormes emprunts (soit cinq millions de dollars, avec des intérêts annuels de 224 000 $) notamment pour l’aménagement de son territoire (routes et canaux). Le Bas-Canada épongera donc le prix du développement du futur Ontario.

Le Parlement n’obtient qu’un contrôle limité des finances publiques. La responsabilité ministérielle devient possible, mais ne se concrétisera qu’en 1848. De plus, en 1841, le nouveau gouverneur Sydenham choisira Kingston (ancien Fort-Frontenac au Haut-Canada) comme nouvelle capitale, ce qui fera perdre ce statut à la ville de Québec. Elle prendra alors le surnom de Vieille Capitale...

Sous l’Union, les Canadiens francophones seront désormais minoritaires au Parlement. Pourtant, le régime fonctionne comme une simple addition des deux anciennes colonies et les gouvernements auront toujours deux chefs à leur tête.

Haut et Bas-Canada de 1791 à 1840

L’Union devait annoncer la fin du Canada français, mais le jeu des alliances et des politiques, ainsi que les réalités démographiques (« la revanche des berceaux ») feront mentir cette volonté de sceller le destin d’un peuple que le conquérant jugeait « sans histoire et sans littérature ».

L’Acte d’Union sera la principale source de l’instabilité politique qui régnera dans le Canada-Uni jusqu’en 1867. En effet, certains membres de l’élite politique, tant francophone qu’anglophone, réclameront à hauts cris la représentation au parlement en fonction de l’importance de la population. Cette situation deviendra intenable. Elle mènera à la création de la Grande Coalition en 1864 et, finalement, à la Confédération en 1867.

Note : avant 1867, la Rivière-Rouge est peuplée à majorité de francophones