jeudi 10 avril 2008

Reportage radio-canadien sur la résistance au cours ECR

L’émission Second regard de Radio Canada a diffusé un reportage le 30 mars 2008 portant sur les opposants au programme d’Éthique et de culture religieuse (ECR) que le Monopole de l’Éducation veut imposer à tous les élèves du Québec, dès six ans et ceci même dans les écoles confessionnelles.



Subtile allusion à la Grande Noirceur

Le reportage commence par de vieilles images en noir et blanc où l’on voit M. Duplessis en 1959 défendre l’enseignement confessionnel. On comprend qu’il s’agit de conjurer chez le pauvre téléspectateur des images d’un « passé ténébreux et heureusement révolu ». Le tout avec le commentaire exquis qui nous rappelle que « l’opposition à l’école laïque ne date pas d’hier ».

Cette séquence introductive mérite quelques commentaires :
—   Elle fait suite à un autre reportage idyllique sur le programme d’ECR filmé dans une école pilote à Outremont : classe proprette, lumineuse, jeunes enfants innocents qui parlent et approuvent, jeune et belle institutrice, jeune couple de catholiques « modernes » et bourgeois qui sont enchantés par le cours et qui font participer leurs enfants à une « interprétation moderne de la nativité ». Bref, l’opposition caricaturale entre, d’une part, l’ouvert, le jeune, l’innocent, le beau et le moderne en couleurs et, d’autre part, un Québec monochrome recroquevillé sur lui-même. Le trait est gros.
—   Nous reviendrons par la suite sur l’am­bi­güité entretenue autour du mot « laïque », notons cependant dès maintenant que le Mouvement laïque du Québec s’oppose au cours qui symboliserait selon Radio-Canada l’école « laïque », c’est pour le moins paradoxal et Radio-Canada n’en dira rien bien que ce reportage est censé nous parler des opposants au cours que le Monopole de l’Éducation veut imposer.
—   Enfin, notons que « l’opposition à l’école confessionnelle ne date pas d’hier » non plus et qu’on a parfois l’impression que le Québec suit la France républicaine avec un bon siècle de retard. Il est, en effet, facile de tracer un parallèle entre la glorieuse Révolution tranquille et la IIIe République avec le PQ dans le rôle des radicaux socialistes et les enseignantes québécoises dans celui des hussards noirs de la République. On aurait donc pu agrémenter cette séquence introductive de vieux daguerréotypes de quelque membre de l’Institut canadien de Montréal vitupérant contre le cléricalisme et l’obscurantisme qui n’a rien à faire dans les écoles du savoir et des Lumières, etc.

Jules ferry croqueurs de curés


Qui avait mis les catholiques dans un placard ?

La voix hors champ s’étonne ensuite que les catholiques « sortent du placard »... Mais qui les y auraient mis si ce n’est les médias qui ne s’intéressent pas à ces parents par trop traditionnels ? Il faut dire qu’entre les reportages sur les familles décomposées (pardon « recomposées » dans le jargon moderne), les familles monoparentales, les « droits » des homosexuels à se marier, à adopter, l’adoption internationale à encourager, l’avortement toujours aussi populaire et qu’il faut protéger, les hommages annuels aux femmes tuées lors de la tuerie de la Polytechnique par Marc Lépine (Gamil Gharbi), les combats des femmes chiliennes ou afghanes, il ne restait plus beaucoup de temps à la SRC pour s’intéresser aux mères traditionnelles québécoises parmi lesquelles, bien sûr, les catholiques. Ces mères qui soutiennent encore quelque peu la démographie et qui sont si souvent laissées pour compte : l’aide de l’État québécois va principalement ­– les garderies à 7 $ sont ruineuses, alors que seuls 50 % des enfants en bas âge les utilisent – aux femmes « modernes » salariées qui retournent au bureau. Une mesure dispendieuse si peu nataliste et si peu équitable.

Et voilà que la journaliste s’étonne de voir apparaître des femmes catholiques précédemment reléguées dans un placard. Redécouverte par Radio-Canada d’une espèce qu’elle croyait disparue. Cet étonnement ne trahit que la coupure qui existe entre ceux qui accaparent les antennes et la population que ces journalistes ne fréquentent pas. Ce n’est pas sans rappeler la réaction de la critique de théâtre américaine Pauline Kael à la suite de la victoire écrasante de Richard Nixon sur George McGovern en 1972 : « Comment est-ce possible ?» aurait-elle dit. « Je ne connais personne qui ait voté pour Nixon ! »

Ridiculiser et manier les ciseaux

Suit ensuite la séquence habituelle qui vise à discréditer les critiques par des scènes bien choisies, des répliques coupées et des commentaires hors champ qui aident le téléspectateur à interpréter correctement les images déjà soigneusement sélectionnées.

Monsieur Dumont passe de la lecture d’un texte préparé, dépose ce dossier et commence avec quelques secondes d’hésitation sa conclusion improvisée. L’hésitation est immédiatement expliquée par la SCR aux spectateurs : « Mario Dumont s'est empêtré dans les fils de son histoire ». Il n’y pourtant pas de contradiction dans les propos de M. Dumont, mais une simple pause alors qu’il passe de la lecture d’une liste étourdissante de figures historiques exotiques de différentes croyances à un résumé qu’il entame sans notes.

La SCR coupe également l'explication de la Dre Chevrier sur l'invasion de la vie privée que constituerait ce cours. On n’entendra donc pas que le cours ne fait pas qu’exposer des croyances, qu’il faut ensuite les confronter par le dialogue et que les enfants doivent ensuite expliquer ce qu’ils ont appris de ce « dialogue » sacrosaint. Il est évident que certains élèves en situation minoritaire pourraient se sentir bien mal à l’aise devant ce déballage et ce « dialogue » sur leur cas. Radio-Canada a coupé l’explication.

Notons au passage que l'idée selon laquelle l'information sur la religion de l'autre favorise un meilleur « vivre ensemble » est simpliste. Car, enfin, les juifs et les musulmans connaissent le plus souvent fort bien les fondements de leurs religions respectives, ceci n'empêche nullement ces communautés de s’affronter. Pour atteindre son but de meilleur « vivre ensemble » le Monopole devra donc aller plus loin que la simple exposition : il devra légitimer et relativiser ces différentes croyances, ce qui contrevient bien sûr à la neutralité en matière de croyances. Car, enfin, inculquer le relativisme ou l'athéisme ce n'est pas respecter la foi des parents croyants comme seule vérité !

Quelques mots encore sur les questions en cascade posées à la Dre Chevrier qui portaient sur les raisons pour lesquelles, selon Mme Chevrier, il n’est pas satisfaisant de reléguer l’enseignement de la religion à la maison ou à l’église. Notons tout d’abord que dans le reportage idyllique sur l’école pilote d’Outremont qui précède celui-ci, la journaliste n’oppose jamais un barrage de questions avant d’avoir une réponse. Sur le fond, si la religion doit sortir de l’école, pourquoi ne pas sortir l’ECR de l’école ? En effet, il s’agit également de transmission de valeurs, relativistes et pluralistes dans ce cas-ci, mais elles ne sont en rien obligatoires à la formation de futurs ingénieurs, mécaniciens ou médecins comme les langues ou les mathématiques. Enfin, le français peut aussi s’apprendre à la maison, les parents décident pourtant d’approfondir le sujet à l’école pour des raisons de commodité et d’expertise, pourquoi pas ne faire la même chose à l’école pour la religion du choix des parents ? L’école doit rendre un service aux parents, pas servir de chasse gardée à ceux qui veulent inculquer leurs valeurs aux enfants des autres au nom de la « laïcité ».

Le Devoir à la rescousse du programme d’ECR, ce « défi grandiose »

Alors que, dans la partie qui présentait le programme d’ECR en prenant le cadre idéal d’une école d’Outremont, on n’avait entendu aucune critique, voilà que dans la partie réservée aux opposants au programme d’ECR – dont on a évincé les laïques du MLQ – Radio-Canada a jugé bon d’interroger longuement et sans question agressive une journaliste du Devoir connue pour sa défense de ce programme !

La séquence commence par les images du bureau de la chroniqueuse Marie-Andrée Chouinard sur lequel s’étale en grand un article du Devoir selon lequel « Un lobby catholique réclame un accommodement ». Rappelons que ce titre contenait déjà trois imprécisions : lobby à un sens précis pour la Loi québécoise (la coalition en question n'en est pas un), cette coalition n'est pas catholique et regroupe des personnes non catholiques (par exemple MM. Caldwell et Walsh sur l’estrade plus tôt dans le même reportage de la SCR!) et, enfin, il ne s'agit pas d'un accommodement, mais d'un droit et d'une liberté religieuse retirée récemment, mais laissons M. Guy Durand rappeler quelques faits sur la laïcité et sur Mme Chouinard interrogée par la SCR :
«  Mme Marie-Andrée Chouinard, vous semblez trouver outrancière la position de la Coalition pour la liberté en éducation [à propos du cours d'éthique et de culture religieuse]. Il ne faudrait quand même pas sombrer dans l'exagération.

Vous parlez de laïcité. Mais vous savez bien que la laïcité admet des modèles multiples, y compris des options en enseignement religieux confessionnel, comme dans la plupart des pays européens, y compris dans une partie de la France (Alsace-Moselle et certains départements d'outre-mer). »
Il est intéressant de voir à quel point la journaliste du Devoir ose prendre fait et cause pour ce programme d’Éthique et de culture religieuse, elle en vient à conseiller le gouvernement qui doit « mieux communiquer » (signalons que cette communication se fait avec nos sous : dépliants, DVD, 400 formateurs à travers le Québec). Le gouvernement « devrait affirmer haut et fort la qualité du programme » selon Marie-Andrée Chouinard qui ensuite ne peut réprimer une envolée lyrique sur le « défi grandiose » (!) que serait ce programme. Belle impartialité !

Lettre ouverte du théologien Guy Durand à la ministre Michèle Courchesne

Mme la ministre Michèle Courchesne,

En lisant le journal Le Devoir du 7 avril, j'ai été frappé par l'article « L'Association des professeurs de français se retire du processus de validation des programmes » et je ne puis éviter de penser au programme d'enseignement de l'histoire et au programme projeté d'éthique et de culture religieuse. Les mêmes reproches s'entendent: programme conçu par une équipe restreinte selon une idéologie loin de faire consensus, consultations qui ne peuvent remettre en cause les orientations de fond et n'acceptent que des corrections cosmétiques, expérimentation trop restreinte et trop courte.

Je sais que vous ne pouvez pas tout faire en même temps. Raison de plus pour imposer un moratoire pour vous permettre d'analyser les choses et mettre de l'ordre dans votre ministère. Je veux bien qu'on se soit entendu, il y a plusieurs années, sur une réforme qui insistait sur les matières de base; malheureusement, celle-ci s'est transformée progressivement en une réforme pédagogique basée sur la méthode socio-constructiviste contestée partout et sur une idéologie tout aussi contestée, au moins en histoire et en éthique et culture religieuse (ECR).

Le programme projeté d'ECR, en particulier, s'est imposé en trompant la population, et ce, en opposition à la volonté de beaucoup de parents. Il conduit tout droit au scepticisme et au relativisme. Il risque de perturber l'enfant en l'exposant trop vite à des valeurs différentes de celles de ses parents.

La démocratie et l'avenir des jeunes exigent une intervention vigoureuse de votre part. Vos « compétences » nous le laissent espérer.

Guy Durand, le 8 avril 2008.