mardi 20 septembre 2022

Québec — Plus de 40 % des profs seront à la retraite d’ici 2030

Jusqu’à 32 000 enseignants québécois pourraient quitter leur profession d’ici huit ans. Cela représente déjà tout un casse-tête dans le réseau scolaire, risque fort d’empirer au cours des prochaines années, puisque plus de 40 % des profs permanents pourraient partir à la retraite d’ici 2030.

La pénurie d’enseignants, qui représente déjà tout un casse-tête dans le réseau scolaire, risque fort d’empirer au cours des prochaines années, puisque plus de 40 % des profs permanents pourraient partir à la retraite d’ici 2030, a appris Le Journal.

Cette estimation a été réalisée au cours des derniers mois par Maurice Tardif, directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), en collaboration avec Geneviève Sirois, qui en fait partie aussi.

Ils ont analysé les seules données disponibles au ministère de l’Éducation concernant les groupes d’âge des enseignants, qui remontent à 2015. L’âge moyen de la retraite étant d’environ 63 ans au Québec, les chercheurs en arrivent à la conclusion qu’entre 27 000 et 32 000 enseignants quitteront leur emploi d’ici 2030, ce qui représente plus de 40 % des profs permanents du réseau scolaire québécois.

« C’est immense », laisse tomber Mme Sirois.

Ce nombre ne tient même pas compte des 14 000 enseignants des écoles privées ni de l’impact de la pandémie, qui a poussé des enseignants d’expérience à quitter leur classe plus tôt que prévu.

Encore plus d’élèves (immigrés)

Alors que les nouveaux retraités de l’enseignement se compteront par milliers d’ici 2030, le nombre d’élèves continuera d’augmenter au cours de cette période. Le ministère prévoit une hausse d’environ 1 %, un chiffre qui ne tient toutefois pas compte de la création des nouvelles classes de maternelle 4 ans.

Mme Sirois souligne par ailleurs que les prévisions démographiques du ministère de l’Éducation sont « toujours » en deçà de l’augmentation réelle, puisque le nombre de nouveaux élèves issus de l’immigration est sous-estimé.

La tempête s’annonce donc parfaite et dans plusieurs centres de services, elle a déjà commencé. Selon les plus récents chiffres disponibles, 140 enseignants à temps plein manquent toujours dans les écoles québécoises, sans compter tous les autres postes à temps partiel à combler. Le nombre d’enseignants non légalement qualifiés a quant à lui plus que triplé en cinq ans.

Les récentes initiatives mises en place par le gouvernement Legault pour répondre à la pénurie semblent quant à elles donner des résultats mitigés. La Presse rapportait la semaine dernière que sur les 6000 candidatures reçues dans le cadre de la campagne de recrutement « Répondez présent », seulement 600 personnes avaient été embauchées en date du 2 septembre.

Avec la hausse du nombre d’adolescents qui franchiront les portes des écoles au cours des prochaines années, « l’urgence nationale » se fera surtout sentir au secondaire, précise de son côté Mme Sirois.

Départ à la retraite des profs d’ici 2030

Au primaire

Entre 15 000 et 18 000

Au secondaire

Entre 12 000 et 14 000

Total

Entre 27 000 et 32 000*

Nombre total d’enseignants dans le réseau scolaire

67 263* (2020-2021)

* Enseignants permanents du réseau public — de niveaux préscolaire, primaire et secondaire — ainsi que de la formation professionnelle et de la formation générale aux adultes.

Source : Maurice Tardif, données mises à jour en collaboration avec Geneviève Sirois, du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE).

Quelles solutions ?

Le Journal de Québec s’est entretenu avec des experts et des acteurs du réseau de l’éducation, à la recherche de solutions à la pénurie d’enseignants.

Faciliter la présence en classe des futurs profs

Plusieurs intervenants s’entendent pour dire qu’il faut adapter la formation universitaire pour permettre aux futurs profs d’enseigner pendant leur formation. La Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement réclame même qu’un étudiant puisse enseigner à temps plein dans le réseau scolaire après avoir terminé deux années de son baccalauréat, sur un total de quatre. Le futur prof devrait toutefois être encadré de la même façon que pendant ses stages, afin que les heures travaillées comptent dans sa formation. Les cours théoriques à compléter pourraient être suivis les soirs, la fin de semaine ou pendant une session d’été.

En Abitibi-Témiscamingue et sur la Côte-Nord, des mesures ont déjà été mises en place pour permettre aux étudiants de compléter leur formation à temps partiel, tout en travaillant dans les écoles auprès des élèves.

Encore plus de mentorat

Au cours des dernières années, un programme de mentorat a été mis en place pour les nouveaux profs, afin qu’ils soient moins nombreux à quitter les classes lors de leurs premières années d’enseignement.

Or, les cinq millions $ qui y sont consacrés annuellement ne représentent que du « saupoudrage », déplore la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Les enseignants d’expérience qui encadrent les novices ou ceux qui ne sont pas qualifiés devraient être beaucoup plus nombreux, selon les syndicats d’enseignants.

D’ailleurs, les centres de services scolaires devraient faire preuve de plus de souplesse envers eux, affirme Mélanie Hubert, présidente de la FAE. Plusieurs profs d’expérience ont pris leur retraite après s’être fait refuser de travailler à temps partiel, déplore-t-elle.

Laissez les profs enseigner

Plusieurs enseignants aimeraient être dégagés de tâches bureaucratiques ou connexes pour avoir plus de temps pour enseigner, selon la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).

Des initiatives locales auraient avantage à être mises en place afin que les enseignants passent moins de temps à faire de la surveillance ou à s’occuper de différents comités, affirme sa présidente, Josée Scalabrini.

Au secondaire notamment, des périodes d’enseignement pourraient ainsi être dégagées. Reste toutefois à trouver le personnel pour combler les autres tâches.

Limiter l’immigration ?

Personne d’interrogé par le Journal de Québec ne semble suggérer la limitation de l’immigration alors que c’est une partie de l’équation (l’augmentation du nombre d’élèves).


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