jeudi 11 mars 2021

Ne voir dans ses citoyens que des entités économiques, en oubliant qu’ils sont avant tout des êtres culturels

Chronique de Renaud Girard sur les «Les reculs dramatiques de la chrétienté». À la dénatalité qui affecte la chrétienté occidentale, s’ajoute la déconstruction des sociétés au profit de communautés, aujourd’hui indifférentes les unes aux autres, demain peut-être hostiles.

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L’Union européenne ne voit dans ses citoyens que des êtres économiques, oubliant qu’ils sont avant tout des êtres culturels Le recul de la chrétienté orientale nous semble dramatique car il s’opère sur les lieux mêmes de la naissance du christianisme. Mais n’est-il pas l’arbre cachant la forêt d’un recul encore plus large des valeurs chrétiennes à travers le monde? 

Jadis, le pape Pie XI avait su les rappeler avec force, face à la montée des totalitarismes du XXe siècle, par son encyclique Divini Redemptoris contre le communisme athée, et par son encyclique Mit brennender Sorge, contre le nazisme païen, publiées à deux jours d’écart, en mars 1937. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on avait cru que ces valeurs (égalité de tous les hommes devant Dieu, amour du prochain, pratique du pardon, éthiques de liberté et de responsabilité) avaient définitivement triomphé en Occident. Elles avaient inspiré la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et c’est autour d’elles que les démocraties chrétiennes construisirent la nouvelle Europe unie, que les pays de l’Est voulurent rejoindre dès qu’ils furent libérés du soviétisme.

Mais cette victoire politique des valeurs chrétiennes en Europe s’accompagna curieusement de leur estompement au sein même des sociétés occidentales. Les primats chrétiens du dépassement et du don de soi furent subrepticement remplacés par celui du jouir maintenant, hérité de la culture soixante-huitarde et favorisé par la société de consommation. Dès lors, l’humanisme occidental cessa de considérer l’homme dans son rapport à la transcendance ; il regarda l’individu comme une machine économique. L’Union européenne ne voit dans ses citoyens que des êtres économiques, oubliant qu’ils sont avant tout des êtres culturels. 

[Les immigrés peuvent donc remplacer sans souci les occidentaux : ce sont juste des entités économiques, des « ressources », comme toutes autres.]

À l’initiative d’un président chrétien (Chirac), dirigeant un pays que le général de Gaulle voyait encore comme la fille aînée de l’Église, on refusa d’inscrire la réalité historique des racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule du projet de Constitution européenne. La chrétienté montrait au monde qu’elle ne savait plus où elle était, qu’elle était totalement perdue.

L’accroissement exponentiel de la consommation dans la chrétienté n’a accru ni son bonheur, ni sa confiance en soi, ni son harmonie sociale. L’Europe [l'Occident] vit un lent suicide démographique. À quoi sert aux Européens leur exceptionnelle richesse puisqu’ils ne font plus d’enfants? À la dénatalité qui affecte la chrétienté occidentale, s’ajoute la déconstruction des sociétés au profit de communautés, aujourd’hui indifférentes les unes aux autres, demain peut-être hostiles. Soyons réalistes: l’espérance chrétienne ne renaîtra pas en Orient tant que la chrétienté occidentale n’aura pas renoué avec ses racines.

Source : Le Figaro

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