L’auteur, enseignant dans un établissement libre sous contrat d’association avec l’État français, et donc subventionné par celui-ci, répond aux critiques adressées par de nombreux parents sur le respect du caractère propre de l’enseignement catholique. Il met en lumière les efforts menés par ses dirigeants pour rechristianiser l’école catholique.
IL EST UN EFFET DE MODE, depuis quelques mois, qui consiste, dans certains milieux catholiques, à ouvrir le feu contre l’enseignement catholique en France, dont on oublie un peu vite qu’il est une institution d’Église, dépendant directement des évêques ou des congrégations religieuses.
Pour faire court, celui-ci est accusé de n’être tout simplement pas catholique, de se coucher devant les projets de réformes issus du ministère de l’Éducation nationale français, en somme d’être devenu du « public payant ». (C’est oublier un peu vite que depuis 1959, il est lié à un contrat d’association avec l’État et doit donc accepter ces réformes, tant qu’elles n’attaquent pas son caractère propre. Sans ce contrat, il ne serait pas en mesure de scolariser les 2 000 000 d’enfants qui lui ont été confiés et de salarier les 140 000 adultes qui veillent à leur instruction.)
Plusieurs mises au point s’imposent, car il semble que les auteurs de récentes publications, Béatrice de Ferluc sur Liberté politique, Gabrielle Cluzel sur le site Le Rouge et le Noir, Pierre de Laubier dans son ouvrage L’École privée… de liberté, et quelques autres, fassent de leurs cas particuliers des cas généraux, au risque de l’erreur.
De nouveaux statuts
Premièrement, l’enseignement catholique, loin de ne plus l’être, l’est davantage que par le passé. En 1992, celui-ci s’était doté de nouveaux statuts qui auraient pu être ceux de n’importe quelle structure privée. La référence au catholicisme ou à l’Église en était quasi absente. La conférence des évêques de France, qui alors se désintéressait largement des questions d’enseignement, ne réalisa que tardivement son erreur et fit ajouter, in extremis, un préambule rappelant le caractère catholique de ses écoles.
En 2013, de nouveaux statuts ont été publiés. Sur plus de cinquante pages, presque chaque article fait référence, soit au magistère de l’Église, soit aux Écritures saintes, soit à la personne même de Jésus Christ, à l’Esprit-Saint ou au Père. Le moins que l’on puisse dire est que ces statuts affirment le caractère catholique de l’école, et surtout la manière chrétienne de les gouverner. Or, qui a rédigé ces nouveaux statuts ? Des évêques, des représentants de congrégations enseignantes, des prêtres, des juristes canonistes, des directeurs diocésains de l’enseignement catholique, des chefs d’établissements, des professeurs, des représentants des Organismes de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) et des représentants des associations de parents d’élèves (APEL)
Rechristianiser les programmes
À cette rechristianisation des statuts généraux de l’enseignement catholique, il faut ajouter deux éléments forts des dernières années :
— En 2013, durant le débat sur l’ouverture du mariage aux personnes de sexe identique, non seulement le secrétariat général de l’enseignement catholique a fait savoir son désaccord avec le gouvernement, mais le secrétaire général d’alors, Éric de Labarre, a diffusé à tous les établissements une lettre circulaire incitant les chefs d’établissements à organiser des débats et des temps d’information sur ce projet de loi.
— En 2013 toujours, le nouveau secrétaire général, Pascal Balmand, appelait à christianiser les contenus d’enseignement, dans un entretien accordé au journal La Croix. Dans cette perspective, on comprend mieux son adhésion à la réforme des collèges, en 2015. En effet, cette réforme ne s’attaque pas seulement aux programmes et à l’enseignement des langues vivantes, elle octroie également une plus grande autonomie aux collèges. 20 % du volume horaire des cours sera laissé à la discrétion des chefs d’établissement, dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Que rêver de mieux pour appliquer le souhait émis en 2013 ?
Enfin on ne peut ignorer que l’enseignement catholique, contraint d’appliquer comme l’école publique, le nouvel enseignement civique et moral institué par le ministère après les attentats du 7 janvier, a décidé de l’adapter à sa manière en publiant une brochure à destination des professeurs.
Cette tendance générale se traduit, sur le terrain par un choix des directeurs diocésains et chefs d’établissement généralement plus conforme aux exigences d’un enseignement chrétien.
Contre-exemples
Il ne s’agit pas ici de mettre en cause la véracité des témoignages produits par les critiques de cet enseignement catholique. On pourrait en ajouter d’autres, comme ce directeur diocésain normand soupçonné d’adhésion à la franc-maçonnerie, ou ce chef d’établissement bourguignon, divorcé et vivant notoirement avec une nouvelle compagne, ou encore les professeurs d’un établissement du diocèse de Meaux qui persécutent leurs élèves catholiques pratiquants, ou encore ce collège de la Mayenne dont des professeurs ont sensibilisé leurs élèves aux études sur le genre dans leur version la plus perverse, etc.
Mais on pourrait donner autant de contre-exemples, comme ce lycée du diocèse de Versailles qui a lancé des parcours Alpha jeunes pour ses élèves ; comme ce collège du diocèse de Créteil où les croix ont fait leur réapparition dans les salles de classe, où une prière du matin est organisée chaque semaine pour les élèves et une autre pour les professeurs ; ou encore comme ce lycée du diocèse de Bordeaux où 50 élèves assistent trois fois par semaine à la messe à 7 h 30 dans la chapelle de l’établissement, ou encore ce collège du diocèse de Chartres qui a considérablement renforcé ses cours d’enseignement religieux, etc.
Comment se fait-il qu’une telle diversité de situations existe et que le meilleur côtoie le pire ?
Authentiquement libre
À la différence de l’école publique, l’enseignement catholique est authentiquement libre. C’est-à-dire que chaque établissement est autonome, son patrimoine étant géré par une association, l’OGEC, constituée de bénévoles, le directeur étant nommé par l’évêque ou le supérieur d’une congrégation qui exercent une tutelle sur l’établissement. Le secrétariat général de l’enseignement catholique donne des orientations, exerce une coordination, mais il n’est pas pour ainsi dire le « patron » national. Le vrai « patron » des établissements d’un lieu restant l’évêque dont le directeur diocésain est le représentant, son homme lige dirait-on au Moyen Âge.
Il en résulte que selon la personnalité de l’évêque, ou de son prédécesseur, toute la chaîne de commandement de l’enseignement catholique dans le diocèse est marquée par plus ou moins d’adhésion à la foi chrétienne et sa mise en pratique.
Ressources humaines
En outre se pose un problème de ressources humaines. Dans un pays, la France, où il n’y a plus que 4,5 % de catholiques pratiquants réguliers, dont 40 % ont plus de 60 ans, on mesure quelle difficulté il y a à trouver des chefs d’établissements, des adjoints, des responsables de niveaux de classes et à plus forte raison des enseignants catholiques pratiquants pour les 8500 écoles, collèges et lycées catholiques de France.
140 000 adultes travaillent au sein de l’enseignement catholique. Il n’y a tout simplement pas assez de pratiquants pour pourvoir tous les postes. Ajoutez à cela la crise générale des vocations enseignantes dans l’école publique et privée en France.
La priorité d’une école est d’assurer ses cours avec des professeurs de qualité. Lorsque pour un poste à pourvoir au 1er septembre, il n’y a qu’un seul candidat et qu’il n’est pas catholique, il sera recruté, parce que la priorité est d’assurer le cours. Les parents, même les plus chrétiens, ne comprendraient pas qu’au 1er septembre il n’y ait toujours pas, par exemple, de professeur de français pour leurs enfants… [Note du carnet : encore faut-il qu’il y ait liberté sur l’appréciation de la qualité des professeurs et non pas obligation d’embaucher uniquement des personnes avec les diplômes requis par un État qui n’est en rien catholique. Ainsi, faut-il vraiment les diplômes d’État pour enseigner le français au primaire ?]
L’inertie de l’enfouissement
Par ailleurs, l’enseignement catholique est une institution d’Église, il en a vécu les heurs et les malheurs. C’est-à-dire que dans les années 1970-1980, il a connu la théologie de l’enfouissement, le renoncement à ses valeurs, etc.
À la différence du corps ecclésiastique dont les membres peuvent être déplacés sans difficulté par les évêques ou les supérieurs de congrégations, les enseignants sont en contrat définitif et ne peuvent quitter un établissement que s’ils le désirent. Le besoin de pourvoir les postes de direction avec les volontaires disponibles, peu nombreux, augmente encore plus cet effet d’inertie. [Où l’on voit bien que le qualificatif d’« authentiquement libre » appliqué à l’école catholique sous contrat est tout relatif.]
En conséquence, la crise fut moins violente dans les établissements scolaires à l’époque, où des professeurs et des directeurs « vieille école » ont pu maintenir un semblant de christianisme plus longtemps que dans les paroisses en pleine crise. Mais le phénomène identique produit les mêmes effets aujourd’hui, où les professeurs et directeurs attachés à la théologie de l’enfouissement, demeurent en place et ne partent qu’au rythme des retraites…
En effet, lorsque vous vous plaignez d’un directeur ou d’un professeur non catholique, ou qui s’attaque aux élèves et parents trop visiblement catholiques, ne soyez pas si sûrs de votre fait. Il y a de très grandes chances pour que cette personne soit un chrétien sincère, mais à l’esprit complètement dévié par ces théories de l’enfouissement et du témoignage implicite. Ainsi, toutes ses décisions seront prises à la lumière de la prière et de sa foi personnelle, mais en ayant toujours à cœur que rien ne se voit. C’est une déviance évidente, mais il serait faux d’en accuser tout l’enseignement catholique.
Patience !
Pour conclure on peut dire que l’enseignement catholique [sous contrat], en France, aujourd’hui, est dans une tendance générale de rechristianisation, mais que son histoire récente et la très grande autonomie de ses structures expliquent la lenteur de l’évolution sur le terrain, avec des écoles, collèges ou lycées en grande souffrance, quand d’autres établissements ont déjà déployé toutes leurs voiles pour la nouvelle évangélisation de la jeunesse.
Il faut pour cela de la patience et de la persévérance. Évidemment, les enfants ne sont pas des cobayes. Et s’il faut attendre encore une génération pour que l’école catholique ait repris toutes ses belles couleurs, les enfants, eux n’attendront pas. Donc si vous êtes à proximité d’un établissement catholique qui n’en a plus que le nom… eh bien ! allez voir ailleurs. Mais de grâce, ne jetez pas la pierre à une institution qui fait tout ce qui est en son pouvoir, à l’image de l’Église de France, pour se redresser après des décennies d’abandon.
Gabriel Privat est enseignant.
Source
En contrepoint :
IL EST UN EFFET DE MODE, depuis quelques mois, qui consiste, dans certains milieux catholiques, à ouvrir le feu contre l’enseignement catholique en France, dont on oublie un peu vite qu’il est une institution d’Église, dépendant directement des évêques ou des congrégations religieuses.
Pour faire court, celui-ci est accusé de n’être tout simplement pas catholique, de se coucher devant les projets de réformes issus du ministère de l’Éducation nationale français, en somme d’être devenu du « public payant ». (C’est oublier un peu vite que depuis 1959, il est lié à un contrat d’association avec l’État et doit donc accepter ces réformes, tant qu’elles n’attaquent pas son caractère propre. Sans ce contrat, il ne serait pas en mesure de scolariser les 2 000 000 d’enfants qui lui ont été confiés et de salarier les 140 000 adultes qui veillent à leur instruction.)
Plusieurs mises au point s’imposent, car il semble que les auteurs de récentes publications, Béatrice de Ferluc sur Liberté politique, Gabrielle Cluzel sur le site Le Rouge et le Noir, Pierre de Laubier dans son ouvrage L’École privée… de liberté, et quelques autres, fassent de leurs cas particuliers des cas généraux, au risque de l’erreur.
De nouveaux statuts
Premièrement, l’enseignement catholique, loin de ne plus l’être, l’est davantage que par le passé. En 1992, celui-ci s’était doté de nouveaux statuts qui auraient pu être ceux de n’importe quelle structure privée. La référence au catholicisme ou à l’Église en était quasi absente. La conférence des évêques de France, qui alors se désintéressait largement des questions d’enseignement, ne réalisa que tardivement son erreur et fit ajouter, in extremis, un préambule rappelant le caractère catholique de ses écoles.
En 2013, de nouveaux statuts ont été publiés. Sur plus de cinquante pages, presque chaque article fait référence, soit au magistère de l’Église, soit aux Écritures saintes, soit à la personne même de Jésus Christ, à l’Esprit-Saint ou au Père. Le moins que l’on puisse dire est que ces statuts affirment le caractère catholique de l’école, et surtout la manière chrétienne de les gouverner. Or, qui a rédigé ces nouveaux statuts ? Des évêques, des représentants de congrégations enseignantes, des prêtres, des juristes canonistes, des directeurs diocésains de l’enseignement catholique, des chefs d’établissements, des professeurs, des représentants des Organismes de gestion de l’enseignement catholique (OGEC) et des représentants des associations de parents d’élèves (APEL)
Rechristianiser les programmes
À cette rechristianisation des statuts généraux de l’enseignement catholique, il faut ajouter deux éléments forts des dernières années :
— En 2013, durant le débat sur l’ouverture du mariage aux personnes de sexe identique, non seulement le secrétariat général de l’enseignement catholique a fait savoir son désaccord avec le gouvernement, mais le secrétaire général d’alors, Éric de Labarre, a diffusé à tous les établissements une lettre circulaire incitant les chefs d’établissements à organiser des débats et des temps d’information sur ce projet de loi.
— En 2013 toujours, le nouveau secrétaire général, Pascal Balmand, appelait à christianiser les contenus d’enseignement, dans un entretien accordé au journal La Croix. Dans cette perspective, on comprend mieux son adhésion à la réforme des collèges, en 2015. En effet, cette réforme ne s’attaque pas seulement aux programmes et à l’enseignement des langues vivantes, elle octroie également une plus grande autonomie aux collèges. 20 % du volume horaire des cours sera laissé à la discrétion des chefs d’établissement, dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Que rêver de mieux pour appliquer le souhait émis en 2013 ?
Enfin on ne peut ignorer que l’enseignement catholique, contraint d’appliquer comme l’école publique, le nouvel enseignement civique et moral institué par le ministère après les attentats du 7 janvier, a décidé de l’adapter à sa manière en publiant une brochure à destination des professeurs.
Cette tendance générale se traduit, sur le terrain par un choix des directeurs diocésains et chefs d’établissement généralement plus conforme aux exigences d’un enseignement chrétien.
Contre-exemples
Il ne s’agit pas ici de mettre en cause la véracité des témoignages produits par les critiques de cet enseignement catholique. On pourrait en ajouter d’autres, comme ce directeur diocésain normand soupçonné d’adhésion à la franc-maçonnerie, ou ce chef d’établissement bourguignon, divorcé et vivant notoirement avec une nouvelle compagne, ou encore les professeurs d’un établissement du diocèse de Meaux qui persécutent leurs élèves catholiques pratiquants, ou encore ce collège de la Mayenne dont des professeurs ont sensibilisé leurs élèves aux études sur le genre dans leur version la plus perverse, etc.
Mais on pourrait donner autant de contre-exemples, comme ce lycée du diocèse de Versailles qui a lancé des parcours Alpha jeunes pour ses élèves ; comme ce collège du diocèse de Créteil où les croix ont fait leur réapparition dans les salles de classe, où une prière du matin est organisée chaque semaine pour les élèves et une autre pour les professeurs ; ou encore comme ce lycée du diocèse de Bordeaux où 50 élèves assistent trois fois par semaine à la messe à 7 h 30 dans la chapelle de l’établissement, ou encore ce collège du diocèse de Chartres qui a considérablement renforcé ses cours d’enseignement religieux, etc.
Comment se fait-il qu’une telle diversité de situations existe et que le meilleur côtoie le pire ?
Authentiquement libre
À la différence de l’école publique, l’enseignement catholique est authentiquement libre. C’est-à-dire que chaque établissement est autonome, son patrimoine étant géré par une association, l’OGEC, constituée de bénévoles, le directeur étant nommé par l’évêque ou le supérieur d’une congrégation qui exercent une tutelle sur l’établissement. Le secrétariat général de l’enseignement catholique donne des orientations, exerce une coordination, mais il n’est pas pour ainsi dire le « patron » national. Le vrai « patron » des établissements d’un lieu restant l’évêque dont le directeur diocésain est le représentant, son homme lige dirait-on au Moyen Âge.
Il en résulte que selon la personnalité de l’évêque, ou de son prédécesseur, toute la chaîne de commandement de l’enseignement catholique dans le diocèse est marquée par plus ou moins d’adhésion à la foi chrétienne et sa mise en pratique.
Ressources humaines
En outre se pose un problème de ressources humaines. Dans un pays, la France, où il n’y a plus que 4,5 % de catholiques pratiquants réguliers, dont 40 % ont plus de 60 ans, on mesure quelle difficulté il y a à trouver des chefs d’établissements, des adjoints, des responsables de niveaux de classes et à plus forte raison des enseignants catholiques pratiquants pour les 8500 écoles, collèges et lycées catholiques de France.
140 000 adultes travaillent au sein de l’enseignement catholique. Il n’y a tout simplement pas assez de pratiquants pour pourvoir tous les postes. Ajoutez à cela la crise générale des vocations enseignantes dans l’école publique et privée en France.
La priorité d’une école est d’assurer ses cours avec des professeurs de qualité. Lorsque pour un poste à pourvoir au 1er septembre, il n’y a qu’un seul candidat et qu’il n’est pas catholique, il sera recruté, parce que la priorité est d’assurer le cours. Les parents, même les plus chrétiens, ne comprendraient pas qu’au 1er septembre il n’y ait toujours pas, par exemple, de professeur de français pour leurs enfants… [Note du carnet : encore faut-il qu’il y ait liberté sur l’appréciation de la qualité des professeurs et non pas obligation d’embaucher uniquement des personnes avec les diplômes requis par un État qui n’est en rien catholique. Ainsi, faut-il vraiment les diplômes d’État pour enseigner le français au primaire ?]
L’inertie de l’enfouissement
Par ailleurs, l’enseignement catholique est une institution d’Église, il en a vécu les heurs et les malheurs. C’est-à-dire que dans les années 1970-1980, il a connu la théologie de l’enfouissement, le renoncement à ses valeurs, etc.
À la différence du corps ecclésiastique dont les membres peuvent être déplacés sans difficulté par les évêques ou les supérieurs de congrégations, les enseignants sont en contrat définitif et ne peuvent quitter un établissement que s’ils le désirent. Le besoin de pourvoir les postes de direction avec les volontaires disponibles, peu nombreux, augmente encore plus cet effet d’inertie. [Où l’on voit bien que le qualificatif d’« authentiquement libre » appliqué à l’école catholique sous contrat est tout relatif.]
En conséquence, la crise fut moins violente dans les établissements scolaires à l’époque, où des professeurs et des directeurs « vieille école » ont pu maintenir un semblant de christianisme plus longtemps que dans les paroisses en pleine crise. Mais le phénomène identique produit les mêmes effets aujourd’hui, où les professeurs et directeurs attachés à la théologie de l’enfouissement, demeurent en place et ne partent qu’au rythme des retraites…
En effet, lorsque vous vous plaignez d’un directeur ou d’un professeur non catholique, ou qui s’attaque aux élèves et parents trop visiblement catholiques, ne soyez pas si sûrs de votre fait. Il y a de très grandes chances pour que cette personne soit un chrétien sincère, mais à l’esprit complètement dévié par ces théories de l’enfouissement et du témoignage implicite. Ainsi, toutes ses décisions seront prises à la lumière de la prière et de sa foi personnelle, mais en ayant toujours à cœur que rien ne se voit. C’est une déviance évidente, mais il serait faux d’en accuser tout l’enseignement catholique.
Patience !
Pour conclure on peut dire que l’enseignement catholique [sous contrat], en France, aujourd’hui, est dans une tendance générale de rechristianisation, mais que son histoire récente et la très grande autonomie de ses structures expliquent la lenteur de l’évolution sur le terrain, avec des écoles, collèges ou lycées en grande souffrance, quand d’autres établissements ont déjà déployé toutes leurs voiles pour la nouvelle évangélisation de la jeunesse.
Il faut pour cela de la patience et de la persévérance. Évidemment, les enfants ne sont pas des cobayes. Et s’il faut attendre encore une génération pour que l’école catholique ait repris toutes ses belles couleurs, les enfants, eux n’attendront pas. Donc si vous êtes à proximité d’un établissement catholique qui n’en a plus que le nom… eh bien ! allez voir ailleurs. Mais de grâce, ne jetez pas la pierre à une institution qui fait tout ce qui est en son pouvoir, à l’image de l’Église de France, pour se redresser après des décennies d’abandon.
Gabriel Privat est enseignant.
Source
En contrepoint :
10 commentaires:
Voici une lettre envoyée à Mgr Cattenoz il y a quelques années:
Monseigneur,
[|...]
La joie et l’espérance ont cette vertu particulière de faire oublier beaucoup. Oublier que nous avons quitté l’école catholique, que nous en avons extrait nos enfants. Oublier qu’à certains égards, elle est plus coupable de ne plus être catholique que l’école républicaine n’est coupable d’être encore et fidèlement républicaine.
Comme parents, nous avons opté pour l’école à la maison, que nous faisons en regroupement de dix enfants. Regroupement qui, comme vous le savez, est interdit par la loi, puisque le Sénat vient d’entériner la proposition de loi visant à combattre « les sectes ». C’est ainsi que, de place en place, nous sommes comme éconduits depuis l’enseignement catholique jusqu’à l’enseignement général de la République.
Tout cela, quand l’on y réfléchit bien, est d’une logique qui se tient. Il y a un esprit de système qui s’installe, dont la nature est de rejeter l’enseignement libre. Il est comme un fait certain que les établissements catholiques ne manifesteront guère leur désapprobation de cette loi.
Néanmoins, cette expérience m’a conduit, comme écrivain, à construire une réflexion plus hardie, à partir de ce qu’elle nous enseignait de nous-mêmes et de nos enfants. Les premiers travaux tournaient autour de la question de la vocation de l’homme et de la femme. Bientôt, nous avons été conduits à donner des conférences sur l’école et la construction de l’enfant.
Il y devrait y avoir une anthropologie de l’enseignement catholique : ce qu’est l’enfant, ce qu’il est appelé à être.
Alors, avons-nous à proposer une « refondation » ou seulement à « repenser la définition du caractère propre » des écoles catholiques sous contrat ?
Nous notons que dans vos propositions vous veillez à ne pas interférer dans le domaine scolaire proprement dit. Vous distinguez la double mission de l’Ecole Catholique : la mission d’évangélisation (première annonce et catéchèse), et celle de formation des personnalités . Et vous ajoutez que cette seconde mission est davantage respectée et réalisée dans la majorité des établissements catholiques. Nous pensons qu’il y a là une illusion, car si c’était le cas, la première mission, celle de l’évangélisation directe, ne poserait plus guère de problème parce que les jeunes y seraient peu ou prou préparés. Nous aurions la bonne terre de la parabole ! (à suivre)
Avant même d’avoir à révéler (de livrer une Parole révélée), l’école, au sens noble du terme, se doit d’exposer, d’enseigner, d’édifier, de construire l’enfant. Nous dirions par conséquent que le fait pour une école d’être véritablement une école, au sens plein, ne participe peut-être pas encore d’une évangélisation au sens apostolique, mais tout simplement d’une mission d’enseignement. Vouloir un enseignement au sens véritable paraît à beaucoup un retour en arrière, un excès . Or, il y a une vertu dans une école authentique qui consiste à offrir à l’enfant un univers au sein duquel il s’épanouira et découvrira une liberté profonde (non pas seulement une liberté de choix, mais une liberté de créature capable de prendre un chemin), il sera un enfant accompli, avec toute la beauté que l’enfance peut refléter.
En ce sens, une bonne école est déjà… une œuvre de pré-évangélisation, car la rencontre du Christ relève aussi d’une disposition intérieure, d’une préparation de l’âme, d’une disponibilité.
La bonne école est à l’enfant ce que le terreau est à l’arbre qui peut prendre racine et porter des fruits. Elle peut être même la nuit lumineuse au sein de laquelle l’ange surgit pour solliciter le fiat de Marie.
L’enseignement de la Parole, dans un établissement catholique idéal, est alors la mise en route vers la révélation de tout ce que l’enseignement traditionnel pose sans en expliquer l’essence, la nature véritable. L’être s’explique par des principes secrets qui l’ont fait et le promeuvent, ces principes secrets s’incarnent en une Présence réelle, cette présence enfin est donnée. Reçu ainsi, le catéchisme permet de lier des observations éparses, de soulever des questions, de couronner le « comment » d’un enseignement neutre d’un « pourquoi ».
Cela pourrait rejoindre votre phrase : « Avant même toute catéchèse, une première évangélisation s’impose donc en priorité. »
Par conséquent, l’œuvre prioritaire de l’école catholique consiste à retrouver un enseignement de qualité.
Nous pouvons dire que la Foi n’a que peu de chance de surgir d’un mauvais enseignement ou d’un enseignement insuffisant. C'est-à-dire que si l’enfant ne reçoit pas de quoi se sentir pleinement créature aimée et gratuitement comblée (de savoirs en l’occurrence), il est douteux qu’il puisse avoir d’appétit, de soif et de désir d’une Parole révélée.
Finalement, nous pouvons dire que l’enseignement de qualité correspond déjà à un dévoilement du mystère qui appelle une révélation. En même temps, déplorer un enseignement de mauvaise qualité en se rabattant sur un caractère propre, une « ambiance » et quelques heures de « caté » est aussi douteux que de croire que le bateau sera sauvé grâce à son puissant moteur alors qu’il a la coque percée.
(à suivre)
Qui aujourd’hui forme les personnalités — liberté, intelligence, sensibilité — sous le jour de cette révélation ? Les programmes et les méthodes contrôlés par l’Etat permettent-ils de le faire ? L’état des lieux que contient votre charte le conteste. Nous le contestons aussi, et c’est pourquoi nous avons retiré nos enfants de l’école, pour ne les y remettre qu’à partir de 13 ans.
Cette formation de la personne dans son intégralité relève du scolaire proprement dit et non seulement de la « pastorale ». Nous avons noté pourtant que dans les réflexions qui précèdent les propositions proprement dites, à l’intérieur de votre charte, c’est toutes les dimensions de l’école que vous engagez. Il est question de la crise de la transmission, de la place de l’adulte, et surtout de la décomposition du langage qui est effectivement une des plus grandes violences que l’on peut faire à une génération : celle de lui ôter l’outil de la liberté de penser !
Osons même le dire : une école publique peut être plus catholique que bien des écoles catholiques, en édifiant un être, même en-dehors de tout « caractère propre ». C'est-à-dire qu’il y a, soyons honnêtes, des « caractères propres » qui font de l’école catholique une école qui non seulement n’est plus catholique, mais qui en plus n’est plus même une école.
Ah ! Si l’école catholique peut, en plus, expliquer la raison première et dernière de ce qu’est l’homme et ce à quoi il est appelé, ce n’en est que mieux : c’est le catéchisme. Celui-ci répond au « Pourquoi ? » là où une école non-confessionnelle ne peut que poser le « comment ».
S’il est un catéchisme de convenance , qui permet de recevoir une accréditation en tant qu’établissement, tandis que le programme et la pédagogie sont impropres à édifier l’être, alors on se trouve dans une situation horrible : on dit une chose et on en fait une autre. On affiche une publicité mensongère, qui séduit d’authentiques croyants, ainsi que des parents en recherche. On déçoit également tous ceux qui, fidèles ou non, ont cru en la qualité de l’établissement.
Vous écrivez : « L’enfant sera invité à se décentrer de lui-même pour faire cette rencontre [celle du Christ], puis mettre le Christ au centre de sa vie » (Charte, p.93).
Voudriez-vous bien que nous apportions notre réflexion pour revisiter cette idée ?
Certainement, il y a pour chacun d’entre nous à nous "décentrer" de nous-mêmes, puisque nous ne sommes pas notre "source" ni notre "sommet", notre alpha et notre oméga. L’homme se préoccupe de lui-même et cherche naturellement à assouvir ses besoins, ses espoirs. Là se situe, pense-t-il, son horizon.
Cependant, l’ontologie de l’humanité se situe dans un projet qui est amour parfait : c’est l’amour qui ceint la création originelle de la créature aimée, confirmée par les deux Alliances.
Ainsi peut-on dire que le péché dit originel n’est en réalité que second, puisque la créature préférée est conçue du Verbe divin ; c’est ce que saint Thomas détermine en d’autres termes.
De là, nous proposons, avec d’autres philosophes et à la suite de notre cher pape Jean-Paul II, une "contre-révolution" radicale.
Nous osons dire qu’il y a à se "recentrer" sur ce qui fait l’essence de l’homme, ce dont il participe pleinement et en pleine propriété : son être véritable. La religion catholique pose cette excellence d’une dimension humaine, tandis qu’on peut dire que l’Islam ne pose que l’excellence d’une dimension divine.
(à suivre)
En se faisant homme en Jésus-Christ, Dieu prend le pari de se « centrer sur l’homme », en quelque sorte ! Il se fait notre chair, Il prend sur Lui de nous investir. Cela, l’Eucharistie en est-il pas la révélation et le don ultime. Jésus-Christ étant parfaitement Dieu et parfaitement homme, nous devons admettre qu’en cet homme qu’est le Christ se trouve une plénitude divine. Par conséquent, cette entrée en l’homme-enfant de la nuit de la Nativité préfigure une entrée de la divinité en l’Humanité tout entière.
L’homme véritable n’est pas seulement l’homme rationnel, social, sentimental ou historique. C'est un sujet indéfiniment indéfinissable. L’homme passe l’homme. Dieu s’est complu et se complait en une humanité qui ne lui est pas étrangère, mais qui est la chair de sa chair.
Cet homme-là Lui appartient vraiment. Et cependant l’homme s’appartient lui-même pleinement, car la possession divine sur nous relève d’un amour qui donne totalement. Et c’est parce que l’homme s’appartient totalement qu’il est libre de refuser sa véritable vocation, vocation qui est en germe en ce qu’il est essentiellement : c’est le péché qui le marque depuis Eden et qu’il renouvelle chaque jour.
Nous avons à nous recentrer sur notre véritable nous-même qui est illimité, qui participe de l’amour divin à la fois déjà présent et à la fois promis, source et sommet, parce que l’amour divin, qui est parfait, ne finit pourtant pas de se déployer dans sa perfection .
Notre identité véritable n’est pas seulement humaine, elle ne se réduit pas au péché. Celui-ci est en réalité de nature étrangère à la vie. Il y a une identité divine et christique de l’homme !
C’est en ce sens que la rencontre avec le Christ sera possible. Non pas seulement en vis-à-vis, mais dans l’esprit d’une communion que l’Eucharistie préfigure, prépare et manifeste déjà réellement.
Il nous semble que cette réflexion est d’une importance vitale, et induit une refonte de très grande envergure. Car la divinité du Christ révèle l’homme et l’accomplit.
Alors oui, il y a un pharisaïsme qui respecte des critères "catholiques" mais qui piétine l’esprit de ce catholicisme.
Faisons-nous là un mauvais procès ? Eh bien, la réponse à cette question importe-t-elle ? Car si celui qui représente l’école catholique se sent attaqué, à Dieu ne plaise : il est chrétien, et sa vocation est aussi à porter la Croix ! Il y a plus grave que le procès bon ou mauvais fait à l’école catholique : c’est la condamnation suspendue sur la tête de nos enfants. Voilà pourquoi nos temps ne sont plus à la tiédeur, mais au courage et à l’engagement.
Tous les arguments ne doivent-ils pas se subordonner à cette phrase : « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » (Mat 25, 40) ? C’est à Lui que nous le faisons.
C’est à Lui que nous refusons cet Amour qui, au-delà d’un amour humaniste, exige que l’enfant reçoive et l’enseignement, et la liberté, et la vertu, et le discernement qui sont largement refusés aux enfants de nos écoles. Et cela bien au-delà d’un humanisme, parce que ce qui établit un être dépasse une simple vision sociale : l’être passe l’être. Ce qu’il est dépasse toutes les visions humaines.
(à suivre)
Nous osons donc dire que la lutte pour une "école catholique" au sens militant est (hélas !) faussée, qu’il faut d’abord une école au sens vrai. Pour le dire en un mot : que vaut un militantisme catholique si l’on n’est pas pleinement et véritablement catholique ? Une école au sens vrai est plus près d’être catholique qu’une école qui serait d’un militantisme catholique sans être véritablement une école. Nous rêvons d’une école catholique ; mais cela nous semble pratiquement une chimère, une nostalgie. Alors nous voulons une école, rien que cela, et tout cela à la fois. De même que nous voudrions des hommes et des femmes véritables avant d’avoir des hommes et des femmes qui se diraient catholiques. Le fait d’être catholique, ainsi, n’appartient pas au domaine du « choix » personnel, de l’accessoire, du fait de société ou du rang social, c’est une entrée dans une identité nouvelle. Il y a là une gravité.
Non pas que le qualificatif de catholique nous effraie ! Au contraire. Mais avant tout, et parce que le mot de catholique est compris par beaucoup dans un sens restreint, militant, nous préférons une consistance, une essence, plutôt qu’une déclaration d’intention.
En réalité, nous retrouverons le sens véritable de notre foi lorsque nous aurons appliqué les principes de notre foi, et non pas seulement lorsque nous les aurons affirmés. Il y a loin, de la coupe aux lèvres, de l’idée militante à la vie chrétienne.
Qui plus est. Il est un militantisme, un "affichage" qui exclue d’emblée tous ceux dont vous parlez dans votre ouvrage : athées, musulmans et autres ; qui repousse là où il faudrait accueillir. A bien des égards, comme nous le disons dans nos conférences, mieux vaut créer une école qui ne se dit aucunement catholique mais œuvre conformément à l’enseignement du Magistère, non seulement parce que la création d’une école catholique conduit souvent à des obstructions forcenées de la part de l’autorité religieuse , non seulement parce que cette appellation attire des conflits inutiles, mais aussi et surtout parce qu’il y a à établir les êtres.
Un être qui « s’est reçu » dans un enseignement sérieux délivré par le corps enseignant est à même de comprendre qu’il a été voulu pour lui-même, qu’il a à se recevoir du Créateur. Comme nous l’écrivons par ailleurs en préambule d’un travail commun : « Chacun de nous peut dire en vérité : je ne me suis pas donné à moi-même ma propre existence ». Ce don premier qui m’a fait est la clé de ce que je puis être : don, moi-même.
(à suivre)
Quel catéchiste n’a pas senti que l’annonce de la Parole était pour beaucoup d’enfants l’objet de sarcasmes, parce que ces enfants-là n’avaient pas reçu encore l’annonce de leur propre avènement, l’avènement de la créature aimée de Dieu pour laquelle Il a envoyé son Fils jusqu’à permettre l’épanchement du sang ! Comme catéchiste, j’ai personnellement réalisé qu’il y avait déjà beaucoup à enseigner avant même d’asséner dix Commandements, qu’il y avait à fonder l’immense don que le Créateur fait de Lui-même comme surgissant dans une histoire humaine — biblique — dévastée par le doute, le crime, la trahison, le désespoir, l’idolâtrie ou beaucoup plus simplement la fatigue, l’ignorance, l’affadissement des sens ! Quel enfant n’aime pas la narration d’un tel scénario, quel enfant reste insensible à cette aventure dont il rêve de revivre des pages héroïques, quel enfant mépriserait la pureté et le sacrifice des Prophètes, les martyrs sublimes ? Mais tous, ils boudent les morales sociales, les historiettes à l’eau de rose, les convenances. Et tous, ils ouvrent de grands yeux lorsqu’on leur dit que les saints, tout comme eux, se disaient incapables de sainteté, que tous, sans exception, ils sont appelés à cette sainteté. Tous, ils comprennent que l’impasse atroce dans laquelle s’était plongée l’Humanité jusqu’au temps d’Hérode appelait en suppliant une libération parfaite, un monde immaculé.
Comment peut-on s’imaginer que l’enfant puisse accepter une autorité si celle-ci n’est faite que pour l’écraser ? Cela semble évident. Mais il y a à faire toucher du doigt l’autorité à laquelle ils sont appelés. L’histoire de Maurice, chef romain de la Légion thébaine composée de soldat chrétiens, combattant estimé qui refusa de sacrifier aux dieux, suffit à faire naître la dimension inouïe qu’une autorité peut avoir, lorsqu’elle va jusqu’à faire obéir à l’ordre de mourir.
Il en va de même pour toutes les vertus que nous avons à enseigner : toutes, elles rejoignent un vérité d’homme et de femme que les enfants comprennent bien, et même radicalement.
Vous proposez un chantier dont l’un des thèmes consiste à découvrir ce qu’était la pédagogie de Notre Seigneur. Récemment, nous avons assisté à une conférence au cours de laquelle l’orateur, un prêtre, affirmait que le Chrétien devait se taire, ne pas prononcer le nom de Dieu, et toujours ne parler qu’en tête à tête, « à l’exemple du Christ ». N’avait de valeur que le témoignage passif. Ces mots nous ont marqués comme très symptomatiques de l’évangélisation telle qu’elle est perçue, ou a été perçue longtemps. En réalité, Jésus notre Christ a employé toutes les méthodes : le silence et la parole, le tête à tête ou le discours aux foules, le geste ou l’immobilité. Le Christ a autant de pédagogies qu’Il a d’interlocuteurs ! Tout est possible, pourvu que ce soit juste. Il nous faut plus d’imagination : le Christ dépasse tout.
(à suivre)
De plus, nous devons dire qu’aucun enfant n’est condamné à l’échec, que tous au contraire peuvent s’accomplir. Que s’il y a échec, ce ne peut être qu’un échec d’adulte.
Comment peut-on s’entendre dire que 15 ou 20% d’une classe d’âge soit dite dyslexique, ou "dyscalculique", ou "dysorthographique" sans comprendre immédiatement que ceux-là sont pratiquement tous victimes de mauvaises pédagogies, de mauvais programmes, d’enfances interdites, d’atteintes à ce qu’ils sont ou ont été ?
Cependant, il est d’une importance capitale de ne pas partir depuis la position de la morale, ou du règlement scolaire, ou même de l’Eglise, car le risque est un écartèlement, une distanciation. L’affirmation d’un point de départ idéal est le plus sûr moyen de faire naître les divisions et les conflits. Elle est aussi à l’origine de bien des échecs. Mgr Radcliffe dit très justement que lorsqu’on indique un chemin à un quidam égaré, on ne lui dit pas qu’il est au mauvais endroit, on lui indique la bonne route en partant du lieu où il est !
Beaucoup d’enfant sont incapables de recevoir un sacrement, de faire une profession de Foi, de participer à une liturgie. Que sert de leur dire qu’il faudrait qu’ils en soient là ? Aussi avons-nous à repartir de l’enfant. C’est depuis sa position que l’enfant peut progresser, pas depuis un point idéal. Jésus ne dit pas aux hommes : « Vous n’êtes pas à votre place », mais « Vous avez un chemin à faire depuis cette place » .
C’est là qu’il s’agit de rendre toute sa dimension au Mystère : il existe un espace inconnu pour chaque être, qui lui est réservé. Le Mystère que célèbre l’Eglise universelle est paradoxalement plus proche de chaque enfant que l’affirmation de la Vérité parce que la qualité première de l’enfant est de ne pas savoir et de manifester une attente et une espérance. D’une certaine manière, il faut savoir cacher, pour faire naître les faims et les soifs. La Vérité, elle, est le but à atteindre.
Cela ne signifie pas pour autant qu’aucune affirmation ne peut être faite : tout enseignement affirme. La discipline absolument indispensable est elle-même une affirmation. Cependant ce sont des vérités qui conduisent à la Vérité. Il est du ressort de la Foi de saisir dans un deuxième temps que c’est de la Vérité que découlent toutes les vérités.
Cette proposition résout le problème que pourrait poser l’exigence d’une appartenance préalable au catholicisme, irrecevable pour la société civile et de nombreux parents. Il ne faut pas demander l’impossible, mais le possible. C’est ainsi que le Seigneur procède avec tout homme. De là, il faut obtenir d’autorité l’acceptation de vérités secondes accessibles et acceptables par tous (discipline, respect du règlement, du statut de l’école etc.) pour aller vers l’acceptation cette fois tout à fait libre d’une Vérité première. Voilà un moyen sûr pour ne rien perdre du "caractère propre" des établissements catholiques.
(à suivre)
Une fois encore, on pourrait critiquer cette proposition en disant que l’exigence d’une discipline, d’excellents programmes associés à d’excellentes pédagogies ne suffisent pas à faire un établissement catholique. On se tromperait quelque peu si cette critique induisait que tout cela n’a aucune valeur proprement catholique. En effet, il est de l’essence du catholicisme de se manifester en tous les aspects de l’existence. Le catholicisme ne peut être réduit à un "message". Nous ne disons pas que l’enseignement de la Parole proprement dit ne peut être que le couronnement d’un enseignement plus pragmatique, plus concret, mais : l’enseignement de la Parole touche tous les aspects de l’existence, et par conséquent les ordonne.
S’il peut être risqué et douteux d’exiger la présence d’un enfant aux célébrations liturgiques, par exemple, il est plus aisé d’obtenir réellement le respect de toutes sortes de lois contingentes qui préparent et favorisent l’éclosion d’un être qui, dans sa dimension propre, souhaitera de lui-même être présent à ces célébrations. Cela bien sûr relève du discernement de chefs d’établissement. Mais il est certain qu’à une période de déliquescence et de libéralisme peut répondre une période de durcissement et d’autoritarisme, que l’émergence de l’Islam montre bien. Trop d’hommes et de femmes d’âge mûr se plaignent encore aujourd’hui des obligations qu’on leur a fait supporter jadis et qui les ont éloignées de l’Eglise. Ne donnons pas aux ennemis de l’Eglise d’arguments contre elle, et ne privons personne d’une véritable découverte avec le Christ.
Pourquoi l’essentiel évangélique est-il refusé aux enfants ? Parce que d’abord des exigences d’adulte s’interposent. Les enfants ne décident jamais. On ne se demande plus ce dont ils ont besoin et ce à quoi ils aspirent, on leur confisque leur spiritualité.
Exigences personnelles trop souvent, mais aussi programmes scolaires alambiqués voire douteux, idéologies sous-jacentes, statistiques confortables qui vont jusqu’à mesurer les réussites en termes d’obtention du baccalauréat ; erreur que vous relevez par ces mots de « compétition et d’élitisme ». Comme on se leurre, comme on trompe !
Mais bien plus, il y a un refus de la transcendance de l’être qui s’est transporté de l’enseignement public dans l’enseignement catholique. Alors, si l’être humain est réductible à un "projet pédagogique", à un "caractère propre", il est perdu pour l’homme. Pour Dieu, ça non ! Dieu ne perd pas de vue l’être qu’Il a fait à son image, sa créature préférée. Mais devons-nous pour autant parler pour Dieu, ou nous contenter de l’évoquer dans de vagues engagements d’un enseignement qui se dirait catholique ? Si nous baissons les bras, si nous acceptons l’idée que l’homme appartient au monde tant que Dieu ne vient pas à lui, alors nous refusons de donner aux enfants les moyens de faire quelques pas à Sa rencontre. Or, c’est de l’essence même de l’Eglise, l’épouse du Christ, de conduire ses enfants, de les mettre en chemin.
(à suivre)
Si un jour une Histoire s’écrit, que dira-t-elle de l’Eglise de France du XXème siècle ?
Qui s’aveugle ? S’il y avait eu en France une école véritable catholique, il y aurait des générations catholiques. On ne peut opposer à cela le fait que la société détruit ce que l’école catholique bâtit, car quand bien même, le Bien est plus fort que le Mal, la Vérité est plus vigoureuse que le mensonge et que par conséquent, immanquablement, statistiquement, sur une classe d’âge, s’il y avait vraiment un enseignement catholique, il y aurait parmi ceux qui sortent de ces écoles une génération catholique. Oui, sans doute, quelques exemples vertueux et brillants rassurent. Mais le manque est là, immense, terrible. Point de grand parti chrétien, pas de grands mouvements d’opinion chrétiens… Et une philosophie des Lumières (certainement artificielles) qui figure au sommet des valeurs. La régression de la société chrétienne tient aussi à cela. L’isolement des clercs, dont ils se plaignent, tient aussi à cela : à leurs œuvres.
Nos évêques, Dieu leur pardonne, n’ont pas assumé leur charge, les voilà dans la position des évêques du temps d’Hilaire de Poitiers. Ils n’ont pas assumé leur charge lorsqu’ils n’ont pas dit "non" à ce qui est une imposture. Que disent-ils, à notre grand effroi ? Il ne fallait pas troubler, ni menacer la paix sociale, ni mettre en cause la société laïque, il fallait se taire. Monseigneur, d’où tiennent-ils ces commandements ? Ils auraient donc couru la foule pour ne point se prononcer entre Jésus de Nazareth et Barrabas ?
Alors, les évêques peuvent-ils se dire impuissants ? Non. Puisque tout ce qui se fait se fait en leur nom. C’est toujours ce qu’on oppose aux parents de bonne volonté. Mais que le Pape lui-même se dise impuissant, que les parents se disent impuissants ! Voilà une Eglise de notre temps dont les deux extrémités de la hiérarchie supplient les clercs de retrouver leur courage.
Voilà, Monseigneur, le sentiment qui est le nôtre. Nous, parents, nous avons des comptes à rendre au Créateur. Qu’avons-nous fait de ces "plus petits d’entre les Miens" ? Ils avaient soif, ils avaient faim, les avons-nous abreuvés, rassasiés ?
En tous cas, nous ne cédons pas au défaitisme et nous vous prions de recevoir à la fois nos plus vifs remerciements, notre disponibilité humble et entière.
Je suis, Monseigneur, en union de prières, votre dévoué
RDW
Je ne suis pas opposé à cet article, mais je tiens à préciser que mon livre "L'Ecole privée... de liberté n'est pas la généralisation d'un cas particulier. Je parle de mon expérience propre, que je raconte de manière la plus amusante possible, mais je ne fais pas le catalogue de ce qui ne vas pas. On ne peut donc me répondre en faisant un catalogue de ce qui va. Je fais l'analyse d'un système, analyse dont on ne peut pas faire l'économie. Ce système est celui d'une administration (noyautée) qui s'est constituée en état dans l'état, distincte de la hiérarchie ecclésiale, grâce à laquelle les directeurs diocésains, chapeautés par un secrétariat général de l'enseignement catholique, tendent à échapper au pouvoir des évêques. Les directions diocésaines ont de plus confisqué la liberté de choisir les professeurs qui appartient aux écoles elles-mêmes. En outre, le secrétariat général ne cesse de tenter de jeter le discrédit sur les écoles hors contrat, quand bien même certaines sont meilleures à tous égards que bien des établissement diocésains. Il est une réalité que les directions diocésaines ostracisent les professeurs "trop" catholiques. Il est une réalité qu'elles sont étonnamment muettes devant les initiatives du ministère les plus contraires à la foi et à la morale catholiques, quand elles ne se font pas les relais de sa propagande (concernant notamment la théorie du genre, mise au programme des cours offerts aux professeurs de Paris, avant d'être retirée devant les protestations). Tant que ce système opaque et illégitime perdure, il est vain d'attendre que les choses s'améliorent.
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