jeudi 6 septembre 2007

Si j'aurais su que l'escargot est un insecte!

Pierre Foglia relate la rentrée scolaire dans une école primaire du secteur public, l'enseignante est certainement diplômée par l'État québécois :
Une petite école primaire, en banlieue, le jour de la rentrée. Pour l'occasion, les parents ont été invités à passer la première heure en classe avec leurs enfants. L'institutrice, toute jeune, souhaite la bienvenue aux enfants et leur sert le laïus que toutes les institutrices de la province doivent servir aux enfants le jour de la rentrée.

Au fond de la classe, la maman de Marius prête plus ou moins attention quand, tout à coup, elle se raidit. La maîtresse vient de dire :

— Il faut que vous faisiez...

Pardon ? Que vous fassiez, madame l'institutrice, c'est le subjonctif. Bien sûr, la maman de Marius a corrigé mentalement, silencieusement. Mais elle a maintenant les oreilles bien ouvertes et c'est ni plus ni moins l'horreur qui tombe dedans. La maîtresse vient de dire:

— Posez-vous pas la question de qu'est-ce qu'il faut faire.

Holà ! Une heure plus tard, la maîtresse a répété au moins trois fois si j'aurais, pas une seule fois elle n'a employé une négation au complet, omettant systématiquement le « ne », gênez-vous pas, parlez pas, levez-vous pas...

Et puis il y a eu le clou de la matinée. La maîtresse est passée à un jeu. Elle a demandé aux enfants : est-ce que quelqu'un peut me citer des noms d'insectes ? Un petit garçon a levé la main :

— Un escargot, madame.

— Bravo, bien trouvé, a dit la maîtresse. Quelqu'un d'autre pour me donner d'autres noms d'insectes?

Marius s'est retourné, il cherchait sa maman des yeux. Il sait, lui, parce que son papa le lui a appris, qu'un insecte a toujours six pattes. Quand une bestiole a plus que six pattes ou pas du tout de pattes, alors ce n'est pas un insecte.

[...]

La maman de Marius a passé quelques jours à se demander si elle irait trouver le directeur. Si j'y vais, je vais passer pour une emmerdeuse. Si je n'y vais pas, je cautionne une aberration. Finalement, elle y est allée. Le directeur l'a écoutée poliment et, à la fin, il a eu ce commentaire:

— Vous pourriez facilement trouver pire, madame !

C'est tout ce que vous trouvez à me dire ? a demandé la maman de Marius. Très bien, lorsque la maîtresse reprochera à mon fils d'avoir mal travaillé, je vais lui conseiller de répondre : Vous pourriez facilement trouver pire, madame.

Le directeur a dit aussi : Vous savez, cette enseignante est une excellente pédagogue. La maman de Marius est sortie avant d'exploser. Si elle ne s'était pas retenue, ce qu'elle aurait crié au directeur aurait pu ressembler à ceci : que voulez-vous que ça me foute que ce soit une excellente pédagogue? Sa pédagogie en fait seulement une conne plus redoutable, en cela que la pédagogie la rend seulement plus efficace à transmettre que l'escargot est un foutu insecte.

[...]

Le problème n'est pas l'institutrice de Marius, mais le système dont elle est issue. Savez-vous combien de cours de grammaire pure reçoivent, durant leur formation, les étudiants qui vont avoir à enseigner le français au secondaire ? Deux. Tous les deux dans la première des quatre années du bac. Après ça, débarrassés de cette niaiserie, mon vieux, ils peuvent se concentrer sur l'essentiel : la pédagogie.

[...]

Cette réflexion d'Alain Finkielkraut dans L'imparfait du présent, à propos de l'enseignement de la littérature, réflexion que je souligne à l'intention de notre ministre de l'Éducation : « Les pessimistes ne sont pas assez pessimistes. Ils prévoient la catastrophe alors que, ni vu ni connu, elle a déjà eu lieu. Ils noircissent l'avenir quand c'est le présent qui est sinistré ».
Au sujet d'Alain Finkielkraut, lire avec délectation un extrait de L'imparfait du présent où il parle d'un sujet d'invention vu à travers certains manuels… « Transposez la situation dans le monde contemporain et réécrivez en prose le monologue d'Hermione dans Andromaque. » Ça vaut son pesant d’or.

Rappelons que cette enseignante québécoise a dû réussir son examen de français lors de sa formation de quatre ans (4!) pour pouvoir enseigner à de jeunes têtes blondes les bases de l'écriture, de la lecture et de l'arithmétique.

En effet, tous les étudiants en enseignement doivent passer un test de classement de français à leur entrée à l'université. Il varie actuellement selon les universités. Le résultat à cet examen détermine si l’étudiant doit suivre des cours de français ou non. Un bref survol des résultats en dit long sur l’état des connaissances en français des futurs enseignants. Pour l’année 2006, les étudiants du baccalauréat en éducation préscolaire et primaire ont obtenu une moyenne de 64,6 %, alors que la note de passage est de 75 %. Les étudiants du Baccalauréat en enseignement secondaire ne font guère mieux, avec 69,2 % de moyenne. En réalité, seuls 24 % et 38 % obtiennent, respectivement, la note de passage.

Pour palier les lacunes évidentes des jeunes étudiants en éducation, le Ministère a décidé que les futurs enseignants devront désormais se soumettre à un examen de français identique pour tous les étudiants en enseignement des universités du Québec. On nous le promet plus sévère. La réussite de cet examen sera obligatoire pour l’obtention du brevet d’enseignement et l’étudiant n’aura droit qu’à une reprise avant de se faire montrer la porte de sortie, temporairement.

Le ministère de l’Éducation s’est donc entendu avec les universités québécoises pour concocter un examen national qui sera obligatoire pour tous les nouveaux étudiants en enseignement, et ce, probablement dès l’automne 2007. Les étudiants devront se soumettre à cet examen à mi-parcours, soit après deux ans d’études. Un premier échec entraînera une reprise, mais un deuxième échec forcera l’étudiant à interrompre ses études pour au moins un an.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et pourtant, il y a des insectes qui n'ont pas 6 pattes ou en ont plus que 6. Par exemple, les chenilles sont bien des insectes et il faut être un expert pour savoir quelles sont les vraies pattes parmi toutes celles qu'il y a. De même, à l'état de larves, certains insectes n'ont pas de pattes apparentes. Donc, le truc du pouce montré par le père n'est pas toujours vrai.

Ceci dit, c'est vrai que l'école fait dur avec des enseignants qui ne sont pas instruits...

Anonyme a dit…

Ne chipotons pas, il était question d'insectes à l'état adulte, bien entendu !

Pour une école libre a dit…

Pour les chenilles, c'est relativement simple : les trois paires de pattes thoraciques sont des vraies pattes, les autres qui suivent ne sont pas articulées.