jeudi 30 mars 2023

« France laïque et républicaine » — En dix ans, le port du voile chez les femmes musulmanes a explosé

C’est la deuxième fois en dix ans que deux organismes de l’état français, l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’institut national d’études démographiques (Ined), livrent une analyse sur l’évolution des religions en France. La première enquête, « Trajectoires et origines » sur la population immigrée de première et de seconde génération, avait été menée de 2008 à 2009. Elle est désormais complétée par une seconde du même nom, conduite cette fois de 2019 à 2020. Ces études permettent de saisir les évolutions du champ religieux français, un sujet qui attise toujours les passions.

Premier enseignement : le port du voile par les femmes musulmanes est en constante hausse, avec une progression de 55 % en dix ans. Entre 18 et 49 ans, la part de celles qui le portent est passée de 18 % à 28 %. C’est dans les populations d’origine subsaharienne que cette pratique a le plus progressé, ayant plus que doublé (de 12 % à 28 %). Plus généralement, « 26 % des femmes musulmanes âgées de 18 à 49 ans disent porter un voile », note l’étude. Et d’ajouter : « C’est parmi les 25-34 ans que cette pratique est la plus répandue pour les descendantes d’immigrés. »
 
 

Second enseignement : entre 18 et 59 ans — le périmètre de l’étude est limité à cette classe d’âge —, le nombre de musulmans en France est estimé à « 10 % » de la population française. En extrapolant ce chiffre à l’ensemble de la population, il y aurait environ 6,77 millions de musulmans dans le pays. Un chiffre qui « consolide » la deuxième place de l’islam parmi les religions en France, assure l’étude. Voire la première parmi les pratiquants (au moins une prière par semaine).


Une religion en « progression ». Le nombre des musulmans en France est toujours un sujet de polémique. Et pour cause, selon les études, il peut varier du simple au double. À noter, donc, que ces chiffres sont basés sur les réponses de 27 200 personnes interrogées, « se déclarant » de telle ou telle religion. Malgré les écueils, c’est la première fois qu’un document officiel livre ce chiffre de « 10 % » de musulmans en France.

Troisième enseignement : l’étude souligne une « désaffiliation religieuse » en cours depuis dix ans dans notre pays, avec une « poursuite du mouvement de sécularisation » au détriment des religions. Ainsi, 51 % de la population des 19-59 ans déclare « ne pas avoir de religion ». Un chiffre qui serait « en augmentation depuis dix ans ».

Mais cette affirmation est nuancée par plusieurs éléments de l’étude. Environ un quart seulement (entre 19 % et 26 %) des personnes immigrées ou issues de l’immigration se tiennent à distance de la religion, soit moitié moins que la population de souche.

Le rôle de la famille

À ce titre, l’analyse reconnaît que « la place de la religion dans l’identité des personnes » varie selon la religion d’appartenance : « Elle est nettement plus grande pour les juifs (54 %) et les musulmans (30 %) que pour les catholiques (6 %) ». En dix ans, ce chiffre mesurant l’« importance » de la religion dans l’« identité », est encore en baisse chez les catholiques, où il est passé de 8 % à 6 %. En légère baisse chez les musulmans, aussi, en passant de 33 % à 30 %, mais en hausse chez les juifs où il progresse de 46 % à 54 %. Le facteur de la transmission de la religion en famille joue un rôle décisif, poursuit l’étude : 91 % des familles musulmanes insistent pour transmettre leur foi à leurs enfants, 84 % des familles juives, 67 % des familles catholiques.

Quatrième enseignement : il est toujours périlleux de mettre sur le même plan des pratiques religieuses qui n’ont parfois rien à voir entre elles, sinon la croyance en un principe divin. Ainsi, 6 % de Français non issus de l’immigration disent se rendre « régulièrement » à la messe. Mais 15 % des immigrés catholiques d’origine portugaise, espagnole ou italienne s’y rendent, quand 24 % des catholiques ultramarins (originaires des DOM-TOM) pratiquent régulièrement, un chiffre qui atteint les 55 % pour les immigrés catholiques issus d’Afrique centrale. Pour ce qui est des musulmans, ils ne sont que 20 % à se rendre régulièrement à la mosquée — 10 % des femmes seulement. En revanche, les trois quarts des musulmans, 75 %, respectent le jeûne du ramadan.
 
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