dimanche 26 avril 2015

France — les nouveaux programmes d'histoire ou l'effacement de la France

Toujours remarquables ces articles de France où il semble encore y avoir une volonté d’enseigner une culture générale à l’école. (L’université c’est pour apprendre un métier intellectuel, pas pour combler une éducation secondaire lacunaire. Enfin, c'est sans doute une vision « dépassée » aujourd'hui au Québec.)

Que penseraient ces intellectuels français de l’école québécoise qui n'est le plus souvent qu’un désert culturel et un havre du correctivisme politique « consensuel » : au Québec, plus de latin (sauf rarissimes exceptions), ni de grec bien sûr, ni de langues étrangères autres que l’anglais, plus de classiques enseignés ou si peu, plus vraiment d’histoire européenne si ce n’est, semble-t-il, comme occasion de repentance pour les grands méfaits des Européens, par contre les élèves captifs y ont « droit»  à l’écologisme, l’immigration nombreuse nécessairement bonne, le multiculturalisme, l’autochtone mythifié, l’islam nécessairement raffiné et tolérant, la lutte contre l’homophobie au cours d’anglais, de français, de maths, d’histoire (ici et ), etc. Les mauvaises notes y sont aussi bannies. Bref, le Québec est à la pointe du «progrès»... Pourtant, la France partage déjà un trait commun : nettement moins d'heures de français à l'école au Québec comme en France en 40 ans.


Entretien du philosophe et essayiste Pascal Bruckner réalisé par Le Figaro.


— La réforme du collège portée par Najat Vallaud-Belkacem n’en finit pas de susciter la polémique. Les cours de latin, de grec et les classes bi-langues vont être supprimés tandis que l’instauration de cours d’improvisation inspirés de Jamel Debbouze est évoquée. Que cela vous inspire-t-il ?

Pascal Bruckner
Pascal Bruckner — C’est vraiment prendre les Français pour des imbéciles. On leur supprime le latin, le grec et l’allemand pour leur donner à la place du Jamel Debbouze [Note du carnet : un de ces nouveaux « comiques » subventionnés que nous inflige la République]. L’école devient le véhicule de l’ignorance et non du savoir. L’idéal de l’excellence, porté par Jules Ferry, a été progressivement délaissé par les idéologues au profit d’un égalitarisme qui confond égalité et médiocrité générale. Désormais, c’est le cancre qui devient le plus grand dénominateur commun dans la classe. Initialement, l’école de la République avait pourtant l’ambition inverse de porter une classe d’âge vers le niveau le plus élevé. Dans la novlangue actuelle, apprendre à nager aux élèves devient, « se déplacer de façon autonome dans un milieu aquatique profond standardisé ». On touche le fond ! La première réforme à entreprendre d’urgence serait de renvoyer tous ces « Trissotin » de la technocratie républicaine sur les bancs de l’école.

— Dans les nouveaux programmes d’histoire, la chronologie est abandonnée, l’enseignement de l’islam est obligatoire tandis que le christianisme médiéval et les Lumières sont optionnelles. Qu’en pensez-vous ?

Sans chronologie, l’histoire n’a pas de sens. Cette réforme risque donc d’égarer encore un peu plus les élèves. On peut également s’étonner du choix de privilégier l’enseignement de l’islam par rapport à celui des Lumières ou du christianisme médiéval. À mon sens, il ne s’agit pas d’un choix arbitraire, mais idéologique. Il y a sans doute ici une volonté d’ouverture à l’égard de l’islam, un souci de plaire aux nouveaux arrivants en supprimant tout ce qui peut les heurter : l’enseignement d’un autre monothéisme et l’exercice d’un esprit critique. Mais comment comprendre la France sans connaître le « manteau de cathédrale qui la recouvre » ? Comment comprendre qui nous sommes si l’on ne sait pas d’où l’on vient ? C’est-à-dire d’un pays de culture profondément catholique et républicaine. Quant aux Lumières, elles sont au fondement même de la culture laïque contemporaine. Que l’on soit de gauche ou de droite, croyant ou pas, c’est durant cette période que se noue la modernité. Faire l’impasse sur celle-ci me paraît aberrant. Il est vrai que dans certains quartiers, il est désormais impossible d’enseigner la Shoah en raison du conflit israélo-palestinien ou encore Madame Bovary qui soulève la question de l’adultère. La réforme tend à cajoler les éléments les plus rétifs du système éducatif au lieu de les assimiler. Ce n’est pas forcément un bon signe à envoyer aux Français musulmans les plus éclairés qui voudraient prendre leur distance avec leur propre religion et s’ouvrir au reste de notre culture. Pour nourrir une réflexion plus profonde sur les croyances, il me paraît urgent de rendre obligatoire la lecture du traité sur la tolérance de Voltaire.

[Note du carnet : Sauf que Voltaire est un mauvais exemple : un hypocrite, intolérant, affabulateur, envieux, pingre, etc. Voir ici, ici, ici, et .]


— Après la série d’attentats qui a frappé Paris en janvier, ne fallait-il pas envoyer des signes d’apaisement ? [Au Québec : Après la crise des accommodements, ne fallait-il pas assurer un meilleur enseignement du « vivre ensemble », etc.]

Il ne faut pas confondre apaisement et reddition. Dans son dernier livre, Michel Houellebecq a magnifiquement dessiné une France possible dans les dix ans à venir. Soumission est bien sûr une utopie négative pour que nous n’empruntions pas ce chemin. Mais la réalité pourrait rattraper la fiction beaucoup plus vite que prévu. Dans le livre de Houellebecq, l’islam prend un visage presque apaisant pour mieux souligner notre responsabilité, notre lâcheté. Le 11 janvier a été un beau moment de résistance et d’indignation. Puis beaucoup sont retombés dans la culture de la peur, allant même jusqu’à suggérer pour certains de revenir sur l’interdiction du voile à l’école. À travers cette refonte des programmes scolaires, on procède au reformatage du logiciel de la France pour complaire aux ennemis de celle-ci et de la liberté. Cela me rappelle l’abandon par Jacques Chirac de la référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans le projet de Constitution européenne de 2004. On reproduit aujourd’hui la même logique de repentance agressive en niant les fondements de notre nation. Ses fondements catholiques, mais aussi ses fondements républicains nés de l’idéal des Lumières. J’y vois une tentative délibérée d’amputation des traditions nationales. Au motif de favoriser le « vivre ensemble », horrible terme de la novlangue actuelle, on prône l’effacement de ce qu’il y a de meilleur dans notre héritage. On méprise les Français d’origine immigrée qu’on croit incapable d’intégrer notre trésor national et on prive les Français de leur histoire. Dans les deux cas, il s’agit d’un mauvais coup porté à l’intelligence. Ce qu’il y a de plus terrible dans cette réforme, c’est qu’elle est défendue par ceux-là mêmes qui sont censés diffuser le savoir. Comme si le maître voulait inculquer de force l’ignorance à l’élève.

— Que vous inspire la tentative d’attentat contre l’église de Villejuif ?

— Le choix d’une église ne tient en rien au hasard. Les islamistes radicaux cherchent à éradiquer toute trace des monothéismes antérieurs, car ils se veulent les seuls dépositaires de la vérité. Après les Juifs, le tour des chrétiens est venu...

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