mardi 1 décembre 2020

Éducation à domicile au Québec : pourquoi des parents-éducateurs s'estiment bafoués

Avant l’automne 2017, le cadre légal encadrant l’éducation à domicile était flou. Des changements à la Loi sur l’instruction publique établissent de nouvelles balises, permettant déjà de pressentir qu’il y aurait à la fois plus de reconnaissance du droit à la liberté éducative, mais aussi un contrôle accru de la part du gouvernement.

Les conflits entre les familles-éducatrices et plusieurs commissions scolaires ne sont un secret pour personne et ont créé une méfiance des parents envers toute forme de contrôle qui pourrait cacher une volonté de restreindre leur liberté éducative. La plupart des parents espéraient donc plus d’équité dans le traitement qui leur était réservé.

« Le plus important : la reconnaissance des différences entre l’école publique et l’éducation à la maison. »

Amorce de collaboration

La collaboration entre le ministre, le Ministère et l’AQED a permis une meilleure compréhension de part et d’autre des enjeux qui touchent ce dossier.

L’AQED a été consultée dès le début de ce processus de changement de loi et a été invitée à participer à la Commission parlementaire ainsi qu’à la Table de concertation nationale en matière d’enseignement à la maison. Lors de ces mois de discussions, de réels progrès ont été faits. Le plus important : la reconnaissance des différences entre l’école publique et l’éducation à la maison.

Il était alors reconnu que dans la réalité des familles pratiquant l’éducation à domicile, il n’était pas nécessaire de coller leur enseignement au Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) et à la Progression des apprentissages (PDA). Reconnaître le droit de choisir leur approche éducative était un grand pas en avant (#libertééducative). L’offre du gouvernement de fournir du soutien au lieu de la coercition en cas de difficulté était une idée pertinente pour susciter l’adhésion des familles non inscrites envers une forme flexible de suivi. 

 

L'instituteur ministre Roberge sourit devant le parent impuissant qui implore sa mansuétude

 Un contrôle accru

Toutefois, avec la sanction du projet de loi 144, le Québec devenait l’une des provinces canadiennes qui contrôlent le plus les familles-éducatrices, même celles ne demandant pas de services ni de financement de l’État. Rappelons que l’Ontario et la Colombie-Britannique n’exigent aucun suivi par défaut des familles éducatrices. Seuls les cas qui sont signalés y sont examinés par les autorités scolaires.

La Table de concertation a été suspendue en août 2018 et le gouvernement caquiste ne l’a jamais remise sur pied. [Depuis l’arrivée de l’instituteur Roberge, le Monopole de l’Éducation du Québec n’a jamais aussi bien mérité son nom. Voir Roberge le dogmatique sur le dossier ECR.]

En 2019, sans donner le temps au règlement de 2018 de faire ses preuves et sans consulter les associations de parents, ce nouveau gouvernement a resserré les règles avec un nouveau règlement.

Plusieurs éléments du règlement adopté en juin 2018, et surtout du second règlement de juillet 2019, restent difficiles à accepter pour de nombreuses familles.

Préoccupations

Inquiétudes des familles-éducatrices lors du règlement de 2018 :

  • Délais auxquels la documentation doit être soumise
  • Peur des préjugés
  • Charge de travail exigée pour satisfaire la DEM

Inquiétudes additionnelles avec le second règlement :

  • Perte de liberté dans les choix éducatifs
  • Obligation de viser les objectifs du programme pour plusieurs matières
  • Obligation de faire les examens ministériels dès l’année scolaire 2021-2022
  • Obligation de la présence de l’enfant aux rencontres de suivi

Dans les faits

Le suivi fait par la Direction de l’enseignement à la maison (DEM) se fait beaucoup plus rigide et contrôlant. Il démontre un retour en arrière face à la compréhension de la réalité des familles pratiquant l’enseignement à la maison.

La mise en œuvre du règlement par la DEM, de par l’interprétation qu’elle fait du règlement, semble encore plus stricte que ce qui est prévu par ledit règlement puisque l’obligation de suivre des contenus précis et une progression identique au programme québécois est souvent attendue [exigée].

Évolution du cadre légal

Loi sur l’instruction publique

Avant novembre 2017, l’article 15.4 de la Loi sur l’instruction publique était :

« 15. Est dispensé de l’obligation de fréquenter une école l’enfant qui :… 4° reçoit à la maison un enseignement et y vit une expérience éducative qui, d’après une évaluation faite par la commission scolaire ou à sa demande, sont équivalents à ce qui est dispensé ou vécu à l’école. »
En novembre 2017, l’article 15.4 de la Loi sur l’instruction publique est devenu le suivant :

« 15. Est dispensé de l’obligation de fréquenter une école l’enfant qui :… 4° reçoit à la maison un enseignement approprié, pourvu que soient remplies les conditions suivantes : a) un avis écrit à cet effet est transmis par ses parents au ministre et à la commission scolaire compétente ; b) un projet d’apprentissage visant à instruire, à socialiser et à qualifier l’enfant, par le développement de compétences fondamentales, notamment en littératie, en numératie et en résolution de problèmes, et par l’apprentissage de la langue française, est soumis au ministre et mis en œuvre par ses parents ; c) le suivi de l’enseignement est assuré par le ministre ; d) toute autre condition ou modalité déterminée par règlement du gouvernement, notamment celles relatives aux caractéristiques du projet d’apprentissage, à l’évaluation annuelle de la progression de l’enfant et au processus applicable en cas de difficulté liée au projet d’apprentissage ou à sa mise en œuvre. »
Règlement encadrant l’enseignement à la maison

En juin 2018, le ministre de l’Éducation a mis en place le règlement suivant : règlement Proulx (2018)

Puis, en juillet 2019, le nouveau ministre de l’Éducation a publié une modification à ce règlement : règlement Roberge (2019).

Répercussions

Avec trois changements majeurs en trois ans et un resserrement inadapté à la réalité de l’éducation à domicile, beaucoup de familles ont perdu confiance et se sentent trahies.

Il faut se rappeler que l’absence de documentation n’équivaut pas à l’absence d’éducation. Aussi, le temps que les parents prennent pour faire des tâches administratives prive les enfants de précieux apprentissages avec leurs parents.

Les examens, surtout dans un contexte d’apprentissage alternatif, sont décriés par les experts, dont le Conseil supérieur de l’éducation.

Les familles-éducatrices doivent être conscientes que ce qu’elles acceptent ou non de faire lors de la mise en œuvre du cadre légal pourrait avoir des répercussions à long terme sur le visage de l’éducation à domicile au Québec. 

[Nous attendons de voir que ces contraintes supplémentaires du Monopole de l’Éducation ont réellement amélioré les choses et selon quels critères. Pourquoi n’existe-t-il plus dans la pratique de liberté de choix pédagogique au Québec ? Pourquoi ne peut-on plus choisir d’autres programmes reconnus par d’autres systèmes scolaires ? 

À notre avis, M. Roberge -- souvent cassant et méprisant -- devrait d’abord s’intéresser à l’état des écoles publiques et s’assurer que les jeunes sachent, notamment, écrire en français sans faute en sortant des établissements publics.]

 

Pour en savoir davantage, voir le site de l’AQED. Source : AQED


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