jeudi 12 janvier 2017

France — La liberté scolaire menacée en son cœur par le pouvoir socialiste

Dans un entretien avec Caroline Beyer paru hier dans les colonnes du Figaro, Anne Coffinier (ci-contre), la Directrice générale de la Fondation pour l’école dénonce les projets du gouvernement.

Figure emblématique de l’enseignement privé, Anne Coffinier vient de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir. En ligne de mire : le projet du gouvernement qui entend contrôler davantage les écoles n’ayant pas de contrat (c’est-à-dire ne recevant pas de subventions en échange de se plier aux conditions multiples du Ministère de l’Éducation français sur les programmes, l’embauche de personnel, etc.) Ces écoles hors contrat n’existent pas au Québec qui régente très sévèrement la création d’écoles, d’où la chasse périodique aux « écoles illégales » en cette époque qui dit chérir la liberté (voir ce que nous en pensons). Normalienne, convertie au catholicisme pendant sa scolarité à l’ENA, Anne Coffinier préside la Fondation pour l’école, qui, depuis 2008, finance des établissements hors contrat.


LE FIGARO. — Comme annoncé par la ministre il y a quelques mois, les conditions se sont durcies pour les établissements hors contrat. Comment l’interprétez-vous ?

Anne COFFINIER. — Najat Vallaud-Belkacem a ouvert les hostilités, en fin de mandat, pour s’offrir une victoire symbolique sur le dos du hors contrat. Mais, paradoxalement, elle a permis la constitution d’une coalition sans précédent pour défendre la liberté scolaire, allant de l’Enseignement catholique aux écoles écocitoyennes en passant par l’Association des maires de France. Une partie de la gauche — des écologistes et des communistes — est hostile à la mainmise de l’Éducation nationale sur la formation de la jeunesse ! Le droit au libre-choix de l’école est une revendication transpartis.

La loi égalité et citoyenneté, adoptée le 22 décembre, prévoit de remplacer le régime d’ouverture des écoles, en le soumettant non plus à déclaration mais autorisation. Cela change-t-il la donne ?

—  Le prétexte est de lutter contre des risques de radicalisation, mais il est clair que l’État n’a pas de légitimité pour s’octroyer le droit de délivrer des permis de naissance aux écoles de la société civile. Ce n’est qu’en contrôlant sur le terrain les écoles qu’il pourra — au-delà des beaux dossiers de projets — jauger l’esprit véritable d’une école, afin de vérifier qu’on y cultive paisiblement l’amour de la France !

Ainsi, un décret daté du 28 octobre organise un renforcement des contrôles de ces écoles. Vous venez pourtant de déposer un recours auprès du Conseil d’État pour excès de pouvoir. Quels sont vos arguments ?

Les écoles indépendantes ne rendent un service au pays que parce qu’elles sont libres de leur recrutement professoral et de leurs programmes et méthodes pédagogiques. Leur imposer la référence des programmes de l’Éducation nationale les prive de l’essentiel de leur intérêt. Ce décret touche en plein cœur la liberté scolaire.

« Il faut changer totalement de logique. Le financement public d’une école doit dépendre non plus de son statut juridique (public, sous contrat, hors contrat), mais de sa performance scolaire. »

Vous réclamez des financements publics. N’est-ce pas contradictoire avec cette revendication de liberté ?

Il faut changer totalement de logique. Le financement public d’une école doit dépendre non plus de son statut juridique (public, sous contrat, hors contrat), mais de sa performance académique. Pourquoi ne pas s’inspirer des « écoles libres » anglaises, ces écoles publiques gratuites créées par la société civile et intégralement financées par l’État, dans le plein respect de leur caractère propre spirituel, éducatif et pédagogique? Elles sont financées par l’État pour autant qu’elles font progresser. Sinon, elles sont fermées sans pitié. La grande révolution, c’est l’évaluation. Par un organisme indépendant, bien sûr, et non par une Éducation nationale juge et partie.

Quel serait alors le rôle de l’Éducation nationale?

Bien gérer ses propres écoles. Et laisser la société civile faire sa part librement en matière d’éducation, sans chercher à la caporaliser. Trop d’enfants sont en échec parce qu’ils n’arrivent pas à entrer dans le moule unique de l’Éducation nationale !

Êtes-vous favorable au chèque éducation (financé par l’État, il permet aux familles de scolariser leur enfant dans l’école de leur choix, NDLR) ?

Oui, mais le crédit impôt est plus facile à mettre en œuvre. Chaque foyer pourrait déduire des impôts ses frais de scolarité ou, s’il n’est pas imposable, recevoir un chèque du même montant. Tous les parents, riches ou pauvres, auraient alors accès à l’école privée de leur choix. Le système actuel, avec la gratuité et la carte scolaire obligatoire pour l’école publique, incite les parents à se laisser porter.

Le chèque éducation est une proposition traditionnelle du Front national… [!!]

Plus aujourd’hui en tout cas. Et certainement pas au niveau international où le mécanisme est plébiscité tant à gauche (Scandinavie, Pays-Bas…) qu’à droite.

Quel type d’école votre fondation finance-t-elle?

Les meilleures écoles libres non lucratives. La plupart sont de confession catholique, même si nous finançons aussi des écoles non confessionnelles répondant à une urgence éducative: écoles de grande ruralité, pour enfants en difficulté, etc.


Pourriez-vous accompagner des projets d’écoles musulmanes ?

Nous ne l’avons jamais fait. Les projets éducatifs qui nous étaient présentés étaient incompatibles avec les valeurs de notre charte, notamment sur l’articulation entre foi et raison. Pour autant, notre Institut libre de formation des maîtres (ILFM) forme des maîtres de toutes confessions. Nous défendons en outre le droit des musulmans à créer leur école, à condition que ce ne soient pas des écoles communautaristes insufflant la haine de la civilisation française. Les liens des écoles musulmanes sous contrat avec les Frères musulmans nous semblent à ce titre inadmissibles.

L’école publique, Normale Sup, l’ENA… Quel souvenir gardez-vous de votre scolarité ?

Disons que cela manquait terriblement d’âme. Heureusement que j’avais un père extraordinaire et que je faisais de la musique en parallèle. Quand j’ai intégré Sciences Po puis l’ENA, j’ai vite compris que dans l’administration, réussite rimait avec servilité.

Un portrait du Monde vous décrivait comme « l’autre égérie de la Manif pour tous ». Quel est votre engagement politique?

Je suis catholique, j’aime la France, je crois en la famille. Je n’appartiens à aucun mouvement ni parti politique. Je suis un acteur de la société civile qui croit à l’incroyable fécondité de cette dernière, dès lors qu’elle prend son destin résolument en mains, sans tout attendre de l’État.

Source Le Figaro


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