mercredi 30 mars 2016

Étude française — collégiens et pratique religieuse

En février dernier, le CNRS a publié les premiers résultats de l’enquête Les adolescents et la loi. Dirigée par Sebastian Roché, Sandrine Astor et Guillaume Roux, elle s’est faite dans le cadre de la 3e édition de l’enquête internationale de victimisation et de délinquance autodéclarées. Elle cherche notamment à déterminer le rapport entre les jeunes et les institutions publiques, mais également à étudier les pratiques sociales et culturelles des adolescents, et les valeurs qui les tendent.

Pour ce faire, plus de 9 000 collégiens (de la 5e [12 ans] à la 3e [15 ans]) des Bouches-du-Rhône (sud de la France) ont été interrogés. Répartis dans 91 établissements scolaires, ils forment un échantillon extrêmement large, qui permet de mieux connaître les jeunes de la France « métissée » d’aujourd’hui.

Si cette étude aborde de nombreuses questions, allant de l’environnement familial des élèves à leurs pratiques délinquantes en passant par leur rapport à l’école, la partie 5, « Athéisme, religion et laïcité », met en lumière un véritable chiasme entre les élèves se disant musulmans et les catholiques.

Les auteurs remarquent une première grande différence entre les musulmans et les catholiques : la place que la religion a dans la vie des uns et des autres. Les musulmans sont 83 % à considérer que la religion est importante ou très importante dans leur vie quotidienne (ils sont qualifiés de musulmans affirmés), quand ce n’est le cas que de 22 % des catholiques.


Si l’on regarde dans le détail, on constate que les musulmans se sentent très largement liés aux membres de leur religion (78,7 %), beaucoup plus que les catholiques (30,3 %). De plus, les musulmans sont 90,7 % à être fiers de leur religion, ce qui n’est le cas que de 49,4 % des catholiques.


Les jeunes musulmans ont une vision rigoriste de leur religion : 84,9 % d’entre eux sont fortement ou complètement d’accord avec l’affirmation « il n’y a qu’une seule interprétation du livre sacré » ; ce n’est le cas que de 31,9 % des catholiques.


De même, 80,1 % des musulmans sont plutôt ou tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle « il faut appliquer scrupuleusement tous les principes de sa religion » ; ils ne sont rejoints que par 35,9 % des catholiques.


Cette vision rigoriste des choses a une application concrète dans le rapport des jeunes à la loi. Si une loi heurtait un principe religieux, 68,1 % des jeunes musulmans déclarent qu’ils suivraient le principe religieux, et 14,7 % qu’ils suivraient la loi. Les jeunes catholiques, eux, sont 33,9 % à privilégier le principe religieux, et 26,6 % à suivre la loi.



La religion a un rapport beaucoup plus important avec l’école et la culture chez les musulmans que chez les catholiques, quel que soit le degré de religiosité.

Prenons par exemple le rapport à la théorie de l’évolution. 71,8 % des musulmans affirmés (qui représentent 83 % des musulmans) pensent que Dieu a créé les espèces vivantes, et 6 % qu’elles sont le résultat de l’évolution. Chez les catholiques affirmés (qui représentent 22 % des catholiques), 48,2 % des jeunes interrogés pensent que Dieu a créé les espèces vivantes, 30 % qu’elles sont le résultat de l’évolution.

Il y a également une nette différence parmi ceux qui sont modérés. C’est ainsi que 39,5 % des musulmans modérés pensent que Dieu a créé les espèces vivantes, quand c’est le cas pour 14,8 % des catholiques modérés. 31 % des musulmans pensent que les espèces vivantes sont le fruit de l’évolution, contre 58,6 % des catholiques.

Les athées, eux, sont 66,3 % à penser que les espèces vivantes sont le résultat de l’évolution (et 5,7 % qu’elles ont été créées par Dieu, ce qui est quelque peu étonnant pour des gens qui se disent athées).




Les musulmans sont également beaucoup moins tolérants vis-à-vis du blasphème. 53,3 % des musulmans affirmés et 37,9 % des musulmans modérés pensent que les livres et films qui attaquent la religion devraient être interdits ; ce n’est le cas que pour 32,3 % des catholiques affirmés et 20,3 % des catholiques modérés.

Les athées sont 16,6 % à penser que les œuvres culturelles attaquant la religion devraient être interdites, et 37,1 % autorisées (soit moins que chez les catholiques modérés).


Le rapport entre hommes et femmes est également très différent pour les musulmans et les catholiques. Ainsi, 36,4 % des musulmans affirmés et 16,9 % des musulmans modérés trouveraient normal de séparer hommes et femmes à la piscine ; ce n’est le cas que pour 9,8 % des catholiques affirmés et 6,4 % des catholiques modérés. Quant aux athées, ils sont 5,3 % à trouver normale l’idée de séparer les hommes et les femmes à la piscine.



Quant au rapport aux homosexuels, 47 % des jeunes musulmans affirmés et 24,5 % des musulmans modérés considèrent que les homosexuels ne sont pas des gens comme les autres, quand ce n’est le cas que de 23,5 % des catholiques affirmés et de 16,8 % des catholiques modérés. Les athées, eux, sont 13,2 % à considérer que les homosexuels ne sont pas des gens comme les autres.



Rappelons que les musulmans sont 83 % à rentrer parmi les affirmés, quand les catholiques ne sont que 22 %…

Ces résultats sont riches d’enseignement. Ils démontrent que les jeunes musulmans ont une approche beaucoup plus rigoriste de leur religion que les jeunes catholiques. Surtout, ils montrent que le rapport aux femmes, aux homosexuels, à la tolérance religieuse ou à la science ne dépend pas tant du niveau de religiosité que de la religion en elle-même : les jeunes catholiques affirmés sont plus tolérants vis-à-vis des homosexuels que les jeunes musulmans modérés.

Cette étude pourrait indiquer que les fractures d’aujourd’hui ne se situent pas tant entre religieux conservateurs et athées progressistes, mais bien entre les diverses religions avec les musulmans d’un côté, les catholiques et les athées de l’autre. Pour d’autres, cette étude souligne des divergences culturelles (les athées et catholiques étant assez permissifs, individualistes et modernes) alors que les musulmans perpétuent une culture méditerranéenne traditionnelle.

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