L’actuel projet de loi 96 proposé par le gouvernement s’attaque, et bien faiblement, à un seul des quatre mécanismes de recul du français, soit le bilinguisme de l’état québécois. Il tente de restreindre celui-ci aux seuls « ayants-droits », soit à ceux qui ont accès à l’école anglaise publique selon les termes de la Charte de la langue française. Cette intention est louable, mais il reste à voir comment cela pourra se faire en réalité alors que le bilinguisme anglais-français est en train de s’universaliser chez les jeunes québécois et que ceux-ci, qui n’ont nullement connus les luttes linguistiques des années 60 et 70, sont souvent ravis de « pratiquer » leur anglais en toutes circonstances. Pour vraiment restreindre l’offre de services en anglais, il faudrait procéder comme le gouvernement fédéral et la territorialiser. Il est clair cependant, que l’actuel projet de loi ne va nullement renverser le déclin du français au Québec. Il en faudra beaucoup plus.
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Une offensive qui devra avoir lieu sur plusieurs fronts à la fois. Pour arrêter et renverser le recul du français au Québec, il faudrait s’attaquer à chaque ressort ou mécanisme de ce recul. Ceux-ci sont : 1) un volume d’immigration excessif, 2) de faibles capacités d’intégration, 3) une cassure culturelle entre les « vieux » et les « jeunes » et 4) une faible fécondité.
L’immigration
La question des seuils ou du volume d’immigration est incontournable. La vitalité d’une langue, c’est-à-dira sa capacité à conserver ses locuteurs ou à en recruter de nouveaux, tient à la fréquence des interactions qu’elle impose dans un endroit donné. Toute dilution de la proportion des locuteurs dans cet endroit, telle que celle causée par une présence accrue de locuteurs d’une langue tierce due à l’immigration, risque donc d’entrainer une baisse de la fréquence d’interaction et une baisse de la vitalité de cette langue. Ceci est particulièrement vrai dans une situation de bilinguisme compétitif telle qu’elle se présente dans la région de Montréal où le français a un statut et un prestige inférieur à celui de l’anglais. Toute immigration en excès de la « capacité d’intégration » entraine donc à la baisse la vitalité du français.
Or, quelle est cette « capacité d’intégration » du français au Québec? Aussi incroyable que cela puisse paraitre, nous n’en avons absolument aucune idée. Toute la politique d’immigration du Québec, pour ce qui est des seuils, est fondée sur l’arbitraire. Aucune étude n’a jamais cherché à déterminer, de manière rigoureuse, combien d’immigrants le Québec pouvait accepter sans remettre en cause son caractère français. Le chiffre de 50 000, qui constitue la cible actuelle du gouvernement, a été sorti, comme un lapin lors d’un tour de magie, d’un chapeau. Ou plutôt : il est le résultat de « consultations » où des lobbyistes de l’industrie de l’immigration et des chambres de commerce sont venus expliquer au gouvernement qu’il devait accepter plus d’immigrants, toujours plus, afin de maximiser les profits (à court terme) de certains secteurs de l’industrie (privée). Au diable le bien commun, le fait français et la capacité d’intégration.
Bref, dans le débat sur l’immigration, la question des seuils est centrale. Quel est le nombre approprié d’immigrants que le Québec français peut accueillir? On ne le sait pas. On sait seulement que le nombre actuel, qui entraine l’anglicisation de toute la région de Montréal, est tout à fait excessif. Dans l’état actuel des choses, il faut donc couper. Et de beaucoup.
L’intégration
La « capacité d’intégration » se réfère à la contrainte exercée par une langue pour générer des interactions dans un endroit donné. Cette capacité d’intégration sera élevée dans un lieu où règne la « loi du sol » c’est-à-dire si une seule langue sert de « langue commune » et de langue des institutions. Ceci est loin d’être le cas au Québec, surtout dans la région de Montréal, où règne plutôt le « bilinguisme compétitif », c’est-à-dire la compétition entre deux langues d’intégration.
Dans la région de Montréal, la capacité d’intégration du Québec français est faible. Elle est même inférieure à celle du Québec anglais. Pourquoi? Parce que l’anglais règne en maitre dans le secteur privé et dans une large partie du réseau institutionnel (hôpitaux, cégeps, universités). Il est donc impératif, si l’on souhaite augmenter la capacité d’intégration, d’augmenter la part relative occupée par le réseau institutionnel de langue française.
En clair, cela signifie qu’il faut restreindre le plus possible le bilinguisme de l’État québécois (ce qui est l’axe principal de l’actuel projet de loi 96), imposer la loi 101 au cégep (incluant les collèges privés) et au premier cycle universitaire, revoir les politiques de financement de la recherche pour favoriser la recherche en français, etc. Un Québec indépendant, débarrassé de la toxique Loi sur les langues officielles d’Ottawa, serait bien sûr un atout incontestable pour augmenter notre capacité d’intégration.
La culture
Les dernières données dont nous disposons (OQLF 2016) indiquent qu’un effondrement de la consommation culturelle en langue française est en cours chez les jeunes francophones. Ceux-ci « consomment » beaucoup moins de chansons, films, séries, etc. en français comparé à leurs ainés. Le profil de consommation culturel des jeunes est de plus en plus anglo-américain. Cela ne manquera pas d’avoir des conséquences titanesques à l’avenir.
L’acculturation est en effet la première étape dans la voie menant à l’assimilation linguistique. Pour redresser la barre, il faudra absolument diminuer la place énorme accordée à l’anglais à l’école primaire et secondaire, offrir le choix entre plusieurs « langues secondes », valoriser la culture québécoise à l’école (et partout), rendre notre culture accessible sur les plateformes numériques, etc.
La fécondité
La politique familiale du Québec (CPE, congés parentaux) a déjà permis au Québec d’augmenter légèrement son indice synthétique de fécondité. Il faudrait maintenant aller plus loin et mettre en place une politique nataliste explicite. Il est temps d’aborder cet enjeu. Cette politique devrait avoir pour but de tenter de combler l’écart important qui existe entre le nombre d’enfants moyens désirés par les femmes (2,0) et celui qu’elles ont réellement (environ 1,6).
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