mercredi 24 juillet 2024

L’Australie supprime son système de « visas dorés »

Le dispositif pour attirer les investissements étrangers est sans bénéfice réel pour l’économie.

Il ne suffira plus d’avoir un compte en banque bien garni pour s’installer en Australie. Le gouvernement vient de supprimer son visa pour «investisseur significatif », un titre de séjour communément appelé « visa doré ».

Introduit en 2012 pour faire fructifier l’économie et attirer les investissements étrangers, il permettait aux étrangers de s’installer sur l’île-continent et d’obtenir la nationalité australienne plus rapidement que par les canaux habituels.

Contrairement aux autres titres de séjour délivrés par l’Australie, ni limite d’âge ni test d’anglais n’étaient imposés. Il suffisait pour obtenir un visa doré de passer au moins 40 jours par an en Australie et d’y investir un minimum de 5 millions de dollars (environ 3 millions d’euros).



Mais, selon la ministre des Affaires intérieures, Clare O’Neil, qui a annoncé la suppression de ce dispositif il y a quelques jours, « il est évident depuis des années que ce visa n’apporte pas à notre pays et à notre économie ce dont nous avons besoin», il n’a pas «fourni les résultats économiques attendus ».

En 2022, l’institut Grattan, spécialiste des politiques publiques, s’était penché sur ce visa dans un rapport et avait recommandé sa suppression. «Les détenteurs de visa doré sont plus âgés, moins qualifiés et gagnent peu d’argent en Australie. Au cours de leur vie, ils coûtent en moyenne 120 000 dollars (73 000 euros) aux contribuables australiens, car ils ont un recours élevé aux services publics, bien supérieur au montant des impôts qu’ils paient. À l’inverse, un immigré qualifié typique génère un solde fiscal positif de 250 000 dollars (151 000 euros) », souligne ainsi Brendan Coates, le chef économiste du Grattan Institute, qui a dirigé ce rapport. Dans ses conclusions, il soulignait que la suppression de ce dispositif permettrait d’«accroître chaque année les rentrées fiscales générées par les cohortes de migrants au cours de leur vie de 3,7 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) ».

Selon les données les plus récentes (qui s’arrêtent à juin 2020) du ministère des Affaires intérieures, plus de 2300 visas dorés ont été délivrés depuis leur mise en place, en novembre 2012, et plus de 85% de ses détenteurs sont des ressortissants chinois. Parmi ces derniers, plus de 600 ont depuis obtenu la nationalité australienne. Cela n’a rien d’étonnant puisqu’ils étaient explicitement visés, ce visa portant d’ailleurs le numéro 888, un chiffre symbole de triple chance dans la numérologie chinoise.

Blanchiment et corruption

Sa suppression est saluée par Transparency International Australia, dont la présidente, Clancy Moore, a expliqué à la BBC que «pendant trop longtemps, des officiels corrompus et des kleptocrates ont utilisé ces visas dorés comme un moyen de placer leurs fonds illicites en Australie et probablement y cacher les fruits de leurs crimes ».

Le gouvernement australien lui-même, dans un rapport sur ces visas dorés paru en 2016, s’alarmait de leur « potentielle utilisation pour du blanchiment d’argent et d’autres activités malfaisantes ».

Le quotidien The Australian avait ainsi révélé qu’au moins 80 visas dorés avaient été délivrés à des Cambodgiens, parmi lesquels de nombreux hauts dignitaires du régime corrompu de Hun Sen. C’est ainsi le cas d’Aun Pornmoniroth, le ministre cambodgien des Finances, et de sa femme, qui possèdent plusieurs appartements luxueux à Sydney, où ils sont les voisins du major général Lau Vann et de sa femme, également propriétaires d’un logement dans l’un des quartiers les plus prisés de Melbourne.

L’Australie est ainsi le dernier pays occidental en date à supprimer ce type de dispositif, qui selon l’union européenne, «présente un risque en matière de sécurité, de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme, de corruption et d’infiltration par le crime organisé ».

Si la Grèce, l’Italie et Malte proposent toujours ce type de visa, l’Espagne envisage de supprimer le sien, tandis que l’Irlande et le Portugal ont abrogé le leur l’an dernier.

Source : Le Figaro

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