La biologiste évolutionniste explique en quoi cette hormone détermine des comportements différents en matière de compétition, de sexe et de violence. Et elle raconte pourquoi elle a dû quitter Harvard où elle était persécutée par certains étudiants pour ses prises de position scientifiques jugées transphobes.
Carole Hooven vient de publier «Testostérone. Toute la vérité sur l’hormone qui nous définit et nous divise» (Fyp). Entretien de l'auteur dans le Figaro.
LE FIGARO. — Vous consacrez votre livre à une hormone, la testostérone, que vous qualifiez de «clé des mâles». En quoi est-ce une variable déterminante dans la différence entre les sexes ?
CAROLE HOOVEN. — Cette molécule joue un rôle crucial dans la formation des corps et des comportements masculins, en particulier dans notre espèce. La testostérone explique en grande partie pourquoi, en moyenne, les hommes et les femmes diffèrent de façon significative. Pourquoi les hommes sont généralement plus grands et plus poilus que les femmes, en raison de la forte testostérone pubertaire, et pourquoi les garçons s’adonnent plus souvent à des jeux brutaux, à cause de la testostérone fœtale. Cela ne concerne pas seulement les effets physiques. Nous partageons les mêmes gènes du désir sexuel, mais un taux élevé de testostérone, typique des mâles, modifie la psychologie sexuelle, augmentant considérablement le désir sexuel. Les femmes ayant un taux de testostérone élevé développent un désir sexuel plus proche de celui des hommes. Cela se voit clairement chez les hommes transgenres , qui augmentent leur taux de testostérone pour adopter un rôle sexuel masculin.
On peut également voir les effets de cette différence entre les sexes dans les niveaux précoces de testostérone chez les enfants. Les effets comportementaux sont visibles très tôt, avec des garçons qui sont plus actifs, qui prennent plus de risques et participent à des jeux plus brutaux que ne le font les filles. Chez les animaux, ce type de jeu lié à la testostérone sert de test pour se placer dans la hiérarchie sociale adulte. Comprendre comment naviguer dans cet environnement complexe est crucial pour le succès reproductif des mâles. Cela implique d'apprendre à coopérer et à rivaliser, parfois physiquement, et à comprendre ses propres forces et faiblesses. Soulignons que cela peut aussi apprendre aux mâles à contrôler leurs impulsions agressives. Les animaux mâles privés de ce type de jeu deviennent plus agressifs, échouent à coopérer, à se faire des amis et à trouver des partenaires. Leur reproduction en souffre et ils meurent même à des taux relativement élevés.
— Vous avez été confrontée à des théoriciens du genre au cours de votre carrière académique. Votre point de vue sur la biologie était-il minoritaire ?
— Oui, en tant que biologiste évolutionniste, j’ai été persécutée. J’ai été amenée à quitter Harvard en raison de la culture d’intolérance qui y règne. J’ai été accusée de transphobie parce que j’ai exprimé mes doutes sur l’emploi de termes tel que « personne enceinte » plutôt que « femme », et la disparition des mots « mâle » et « femelle » dans le vocabulaire des professeurs de médecine qui ne voulaient pas offenser des étudiants. D’ailleurs, j’ai été citée lors de l’audience de Claudine Gay , la présidente de Harvard, après les manifestations antisémites sur le campus. Le représentant Tim Walberg lui a demandé, lors de l’audience : «Carole Hooven, une biologiste évolutionniste, a été contrainte de démissionner parce qu’elle a affirmé que le sexe d’une personne est biologique et binaire. … et donc, madame la présidente, dans quel monde un appel à la violence contre les Juifs est-il un discours protégé, mais une croyance que le sexe est biologique et binaire ne l’est-il pas ?»
— On parle beaucoup de « masculinité toxique ». Pourtant, vous montrez dans votre livre que le taux d’agression physique est assez similaire entre conjoints. Comment expliquer alors que les femmes sont plus susceptibles de mourir entre les mains de leur mari que l’inverse ? En quoi l’agressivité masculine diffère-t-elle de l’agressivité féminine ?
— C’est une question importante et sensible que j’aborde dans mon livre. J’ai été surprise de découvrir, en approfondissant mes recherches, l’étendue de la violence conjugale perpétrée par les femmes. Les sexes ne diffèrent pas en termes de colère ; les femmes peuvent être tout aussi explosives que les hommes. Ce qui diffère, ce sont les risques physiques que chaque sexe est prêt à prendre et leur réaction face à l’escalade de la violence. Chez les humains et la plupart des autres mammifères, les femelles sont moins disposées à risquer leur sécurité physique, car leur succès reproductif dépend davantage d'une longue vie en bonne santé. Les mâles, quant à eux, peuvent obtenir des avantages reproductifs en prenant des risques pour augmenter leur statut social et acquérir des ressources et des partenaires ; l'équilibre coût-bénéfice est donc différent.
Ainsi, si les femmes peuvent ressentir une colère aussi intense que les hommes, cela se traduit moins souvent par une violence extrême. Les femmes sont tout aussi susceptibles de s’engager dans une agression physique « de bas niveau » ; frapper, lancer des objets, donner des coups de pied, etc., mais moins d’en arriver à une violence sévère ou à un meurtre. Par conséquent, les hommes sont plus susceptibles de frapper violemment leurs partenaires intimes , voire de les tuer, mais les taux globaux d’agression sont à peu près égaux. Bien sûr, cela varie selon la géographie et la culture.
— Les femmes n’excellent-elles pas dans d’autres formes de compétition et d’agression ?
— Si. Alors que les garçons et les hommes sont plus enclins à se confronter directement, via des insultes ou des combats physiques, les filles et les femmes rivalisent de manière plus indirecte et ont plus de difficultés à résoudre les conflits. Les études montrent que les garçons et les hommes sont simplement meilleurs pour naviguer et résoudre les conflits, potentiellement parce qu'ils peuvent se fier à des signaux indiquant leur statut ; c'est une manière assez efficace de réduire la violence au sein des communautés (principalement masculines) qui doivent coopérer pour, par exemple, défendre un territoire ou leurs familles. Regarder trop longtemps dans les yeux d'un autre homme, draguer sa copine ou marcher vers lui avec le torse bombé sont, en un sens, des défis à son statut. Une confrontation directe, verbale ou physique, est une manière simple de déterminer qui est le chef et, une fois cela réglé, le conflit est résolu.
L’agression directe n’est évidemment pas idéale, et certains mâles peuvent ne pas avoir les capacités d’y participer et se retrouvent en bas de l’échelle sociale. Certains appellent cela la « masculinité toxique », mais je n’aime pas trop ce terme. Les filles et les femmes ont leurs propres méthodes de compétition, moins idéales, mais nous ne les qualifions pas de « toxiques ».
Les filles et les femmes sont plus susceptibles de rivaliser pour un statut de manière indirecte, comme par le commérage ou en dénigrant une rivale sur les réseaux sociaux. Cela rend plus difficile la résolution des conflits, souvent parce que l’identité de l’attaquante est inconnue. Cette forme de compétition permet aux femmes de rivaliser pour un statut ou pour une personne d’une manière qui réduit les risques de préjudice physique, mais elle peut être aussi très cruelle et nuire à la santé mentale.
— Mettre en avant la dimension biologique des différences entre les sexes, n’est-ce pas encourir le risque du fatalisme ? Cela signifie-t-il que nous ne pouvons rien changer à la violence masculine ?
— C’est une question extrêmement importante. Premièrement, il faut rappeler que les différences sexuelles existent selon une moyenne. Certaines femmes ont un fort désir sexuel et peuvent être violentes, tandis que certains hommes sont extrêmement pacifiques et n’aiment pas le sexe. Nous sommes tous des individus. Certaines personnes croient que, la biologie, c’est le destin. Que, si les hommes sont plus volages ou plus violents que les femmes, cela est dû à des différences évolutives et hormonales, et que nous devons donc l’accepter. Que les gens ne pourraient pas changer. C’est le concept de « déterminisme biologique », et il est faux. Il suffit de regarder comment les sexes se comportent dans votre culture, puis de comparer avec d’autres cultures à travers le monde.
Si vous avez beaucoup voyagé ou simplement suivi les actualités, vous savez que les hommes dans certaines cultures sont beaucoup plus violents entre eux ou que les agressions sexuelles y sont presque encouragées. Dans d’autres régions, vous pouvez laisser votre maison ouverte ou ne pas vous inquiéter si vous êtes une femme marchant seule en ville. Les standards sexuels varient également énormément. Dans certains endroits, il est accepté que les femmes aient de nombreux partenaires sexuels, tandis que, dans d’autres, elles peuvent être exécutées pour cela. Mais, ce qui n’existe pas, ce sont des cultures où les femmes ont une totale liberté sexuelle, avec de nombreux partenaires sexuels et où on attend des hommes qu’ils soient fidèles à une seule partenaire ; ou encore des cultures où les femmes violent et tuent et où les hommes restent à la maison avec les enfants. La direction de ces grandes différences sexuelles en matière de sexe et d’agression est presque toujours la même, mais la nature et l’ampleur de ces différences varient.
Le sophisme naturaliste conduit à la croyance que nous devrions accepter plus facilement ce qui est naturel que ce qui est culturel. Bien sûr, c’est une fausse dichotomie, car nature et culture contribuent tous deux au comportement.
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