Pour Darrell Bricker et John Ibbitson, la chute de la natalité et celle à venir de la population mondiale représenteront le phénomène majeur du XXIe siècle. L’enjeu majeur du XXIe siècle ne sera pas la surpopulation, mais le déclin de l’humanité. Dans le passionnant Planète vide (publié aux Arènes), les Canadiens John Ibbitson, grand journaliste au Globe and Mail (quotidien de tendance libérale et progressiste), et Darrell Bricker, PDG d’Ipsos Public Affairs, montrent que la natalité est déjà en chute libre sur presque tous les continents, et que cela aura des conséquences vertigineuses sur les plans géopolitique, économique ou de l’immigration. Depuis la parution de leur livre en 2019, les données ou l’épidémie du Covid-19 n’ont fait que confirmer cette thèse qui bouleverse toutes nos idées reçues. Extraits d’un entretien de ces deux auteurs paru dans L’Express.
— Dans un monde moderne et technologique, n’avons-nous pas tendance à sous-estimer l’importance de la démographie ?
Darrell Bricker — Comme l’a dit Auguste Comte, « la démographie, c’est le destin ». Plus jeune dans ma carrière, en tant que sondeur, j’ai sous-estimé son influence, en pensant que le plus important était les comportements et les opinions des personnes. Mais si vous changez la structure de la population, cela bouleverse tout. J’ai ainsi compris que Comte était en avance sur son temps. Un grand nombre d’événements historiques peuvent s’expliquer à travers la démographie. Pourquoi les pays font-ils la guerre ? Eh bien, il y a une forte corrélation entre le bellicisme d’une nation et le fait d’avoir une population jeune, à l’image de la France de Napoléon. [Voir Gunnar Heinsohn : jeunesse de la population et index de belligérance] Pourquoi y a-t-il aujourd’hui moins de conflits sur la planète ? Parce que nous n’avons plus autant de jeunes hommes pour combattre…
— Vous rappelez par exemple que le conflit israélo-palestinien est aussi une bataille démographique, les deux populations ayant des taux de fécondité identiques et élevés de 3,1…
D.B. — En plus, le taux naturel fait qu’il y a en moyenne près de 105 garçons qui naissent pour 100 filles. Quand une population a une moyenne d’âge peu élevée, cela renforce la frustration des jeunes hommes, comme on peut le voir en Palestine. Ce n’est bien sûr pas le seul facteur, mais c’est une des explications.
Quant à Israël, il a le taux de fécondité le plus élevé des pays du monde développé, le double de la majorité des nations occidentales. C’est même le seul pays à ma connaissance qui a réussi à remonter ses taux de fécondité, passant de 2,70 enfants par femme au début des années 1990 à plus de 3 aujourd’hui. [Note du carnet : la fécondité en Algérie est passée de 2,4 enfants par femme en 2000 à 3,1 enfants par femme en 2015. Cela s’explique généralement par la réislamisation de la société alors que les conditions économiques ne se sont, paradoxalement, pas améliorées pour former des ménages et accueillir plus d’enfants.]
La population juive, un îlot au milieu de populations arabes qui lui sont hostiles, semble donc ressentir un impératif de conserver un niveau élevé de naissances pour ne pas être submergée, alors même que les taux de fécondité des Arabes israéliens sont eux en baisse.
[…]
— Depuis Malthus, nous ne cessons de craindre la surpopulation. Mais la thèse de votre livre est que l’événement marquant du XXIe siècle sera au contraire le déclin inévitable de la population mondiale…
Famille chinoise. Quatre grands-parents, deux parents, un seul enfant ? L’indice de fécondité chinoise serait de 1,3 enfant par femme en 2020. |
D.B. — Selon les projections des Nations Unies, la population mondiale devrait culminer à la fin du XXIe siècle à environ 11 milliards. Mais nous expliquions dans notre livre que ce modèle n’est pas réaliste. La population devrait plutôt atteindre un maximum de 8 à 9 milliards d’humains au milieu de ce siècle, avant de connaître un déclin important. Personne ne sait jusqu’où ira cette baisse. Tout simplement parce que nous, humains, avons fait le choix de ne plus avoir autant d’enfants que par le passé.
Autre élément clé : ce n’est pas seulement la taille de la population mondiale qui va connaître des bouleversements spectaculaires, mais aussi sa structure. Nous allons ainsi connaître un rapide vieillissement. La disparition des baby-boomers, nés avant le milieu des années 1960, représentera une extinction de masse (rires [!]). Ce ne sera donc pas un déclin progressif, mais une chute dramatique. Il faut vraiment reconsidérer notre avenir, car nos perceptions actuelles sont totalement fausses.
Castropignano, entre Rome et Naples, un des villages italiens qui vend des maisons à 1 euro pour attirer de jeunes habitants |
— Depuis, une étude publiée l’année dernière dans The Lancet a confirmé que le pic de la population mondiale pourrait être atteint dès 2064. Selon vous, le Covid-19 va-t-il encore renforcer ces tendances ?
[Voir À partir de 2064 la population mondiale devrait diminuer rapidement.]
D.B.
— C’est amusant, car tous les journalistes qui nous ont interviewés étaient initialement sceptiques. Mais aujourd’hui, cette idée d’une planète qui va se vider de sa population s’impose de plus en plus. Même les Nations Unies ont en 2019 révisé leurs projections à la baisse, en tablant sur 300 millions de personnes en moins à la fin du siècle. Quant au Covid-19, les chiffres en Chine, en Grande-Bretagne ou en France ont tous illustré une chute importante des naissances durant la pandémie. Quand les personnes se sentent en situation d’insécurité face à l’avenir, ils ne font pas d’enfants.
[Note du carnet : ce n’est pas du tout évident : la natalité a rebondi en France à partir de 1942 pendant la 2e GM. Période très incertaine… La population congolaise (RDC) a continué d’augmenter rapidement malgré des conditions matérielles qui empirent depuis l’indépendance en 1960, la population de l’ancienne colonie belge est passée de 15,3 millions en 1960 à environ 100 millions en 2020, environ car le dernier recensement date de 1984… À contrario, c’est en pleine Trente glorieuses (1945-1975), années très prospères, que la fécondité s’est effondrée en Occident passant pour la France de 3 enfants par femme en moyenne après la 2e GM à moins de 2 enfants en 1975. Au Québec, la chute sera encore plus brutale pendant ces années prospères : après avoir connu un sommet à 4,1 enfants par femme dans les années 1950,
l’indice synthétique de fécondité a chuté de façon constante dans les années qui ont suivi pour passer sous les 2 enfants par femme dès 1971.]
Aux États-Unis, le Brooking Institution a même estimé à 300 000 le nombre de bébés qui ne sont pas nés du fait du Covid-19. Depuis, on observe une petite remontée de la natalité, mais il est fort probable que le Covid-19 n’a fait qu’accentuer une tendance durable, celle de la baisse des taux de fécondité. [Au Québec aussi, après une chute importante en 2020, depuis mars 2021 la natalité remonte. Voir Québec — Indice de fécondité pour 2020 est tombé à 1,52 enfant/femme, il était de 1,57 en 2019.]
Il faut bien avoir conscience que si la population mondiale continue aujourd’hui à croître, ce n’est pas du fait des naissances, mais parce que les humains ne meurent plus aussi vite qu’avant.
— Comment expliquer qu’il y ait encore tant de préjugés et idées fausses sur les niveaux de natalité dans le monde ? Les personnes imaginent par exemple souvent le Bangladesh avec de nombreux enfants, alors que taux de fécondité y est de 2. En Iran, c’est 2,1, ce qui inquiète d’ailleurs le régime des mollahs. Le Brésil, c’est 1,8…
John Ibbitson — Il suffit de regarder les pays qui ne sont pas loin de la France. La Tunisie a un taux de fécondité de 2,2. Pareil en Libye. L’Algérie, c’est 3, mais en était encore à 7 en 1960 ! Votre pays est entouré de pays qui ont une natalité déclinante, et cela ne concerne pas que l’Europe, mais également l’Afrique du Nord. [C’est certainement vrai pour toute l’Europe. Mais ce n’est pas le cas de l’Algérie, répétons-le, dont le taux de fécondité a rebondi depuis 2000.]
Maison vide au Japon. Il y en avait plus de 8,46 millions en 2019… |
— Quelles sont selon vous les principales causes de ces déclins spectaculaires des taux de fécondité dans le monde entier ?
J.I. — La réponse est très simple et peut se résumer à un mot : urbanisation. La planète s’est urbanisée à une vitesse spectaculaire. En 1950, seulement 30 % de la population mondiale était urbaine. En 2007, pour la première fois dans l’histoire, la population urbaine a surpassé celle rurale. Et en 2050, deux tiers d’entre nous devraient vivre en ville. Or à la campagne, l’enfant représente un atout économique, avec des bras supplémentaires pour travailler dans les champs. Mais quand on déménage en ville, il se transforme en un fardeau financier.
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Par ailleurs, et c’est sans doute encore plus important, l’urbanisation favorise l’éducation [enfin une certaine éducation, certaines valeurs] des femmes à travers le système scolaire, internet, les librairies, les médias, mais aussi la fréquentation d’autres femmes. Et une fois que les femmes ont cette liberté, elles veulent contrôler leur vie comme leur corps, ce qui passe par avoir moins d’enfants.
L’influence des religions organisées est également plus forte dans des environnements ruraux que citadins. Or les sociétés religieuses ont des taux de fécondité plus élevés que les profanes. Et puis il y a aussi l’influence clanique — les tantes qui vous poussent à vous marier et faire des enfants — qui, en ville, est remplacée par celle de vos pairs. Vous entendrez ainsi rarement vos collègues [éduqués comme vous, avec les mêmes valeurs] vous inciter à avoir des enfants.
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La végétation envahit un bâtiment à Mostar, en Bosnie-Herzégovine |
— La Chine vient d’autoriser les couples à avoir trois enfants pour tenter d’éradiquer la baisse des naissances. Cela aura-t-il un impact ? [Voir La Chine va autoriser les familles à avoir trois enfants]
D.B. — Autoriser les personnes à avoir des enfants dont ils ne veulent pas ne va pas changer grand-chose (rires).
[Si c’est vrai qu’en Chine le nombre de naissances par femme correspond au nombre idéal d’enfants désiré par les familles, ce n’est pas partout le cas dans le monde. Voir la carte ci-dessous. Dans de nombreux pays, dont le Québec, les gens veulent plus d’enfants qu’ils n’en auront, mais voilà, ces enfants coûtent cher dans nos sociétés urbanisées qui poussent au carriérisme. En orange tous les pays où la fécondité est inférieure à la taille de la famille idéale selon les sondages effectués.
]
Peut-être que cela aura un petit impact sur les taux de fécondité dans les régions plus rurales, mais cela n’inversera pas la tendance. La Chine est l’exemple même du pays qui s’est rapidement urbanisé. En 1960, seuls 16 % des Chinois vivaient dans des zones urbaines. Aujourd’hui, c’est 54 %, et en 2050, cela devrait être plus de trois quarts. Les Chinoises, qui sont d’ailleurs en proportion moins nombreuses que dans les autres sociétés du monde du fait de la politique de l’enfant unique, ont décidé de ne pas vivre l’existence de leur mère, et elles en ont aujourd’hui le pouvoir. Au mieux, cette décision du gouvernement chinois d’autoriser trois enfants par couple ne ainsi fera que ralentir légèrement le déclin démographique. Les médias se focalisent sur la Chine, car c’est le pays le plus peuplé, mais ce déclin de la natalité a lieu partout dans le monde.
J.I. — N’oublions pas non plus que la tragédie des Ouïghours en Chine a aussi une cause démographique. C’est un génocide contre une minorité religieuse commise par le gouvernement, dans le but de réduire de force sa natalité, qui était plus élevée que celle de la majorité Han. D’où des stérilisations contraintes et la déportation de parents de trois enfants ou plus. Ces atrocités sont directement liées aux taux de fécondité. [Voir Chine dit libérer les femmes Ouïgoures de la maternité en les émancipant et en les rendant plus autonomes.]
— Les États-Unis devraient être la seule superpuissance dont la population va croître à la fin du siècle du fait de l’immigration. Est-ce un avantage important ?
J.I. — La Chine va connaître un rapide déclin. Si le taux de fécondité de 1,3 annoncé dans le recensement de 2020 est correct, ce pays peut perdre la moitié de sa population au cours de ce siècle, passant de 1,4 milliard d’habitants à 700 000. La Russie, qui a une faible natalité et une faible espérance de vie, a déjà moins d’habitants qu’à la fin de l’URSS. L’Union européenne a elle aussi un taux de fécondité faible, de l’ordre de 1,5 [comme le Québec]. Les États-Unis sont historiquement la superpuissance la plus ouverte à l’immigration. Si cette tendance continue — ce qui n’est pas une certitude au vu de l’opposition grandissante à l’immigration —, leur population pourrait croître de quelques millions d’habitants en 2100. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est l’inverse de ses rivaux. Cela aura un impact géopolitique évident.
[D’une part, La Russie a jugulé son déclin démographique rapide et si sa population a baissé dernièrement c’est un « écho » de la calamiteuse ère Eltsine. Cependant la fécondité russe est passée de 1,16 enfant en 1999 à 1,50 enfant par femme en 2019. D’autre part, est-ce qu’un pouvoir autoritaire chinois se croisera les bras devant une implosion démographique et ces « femmes qui ont le pouvoir » selon ces deux auteurs anglo-saxons ? Rien ne permet de prévoir avec précision ce qui arrivera dans 80 ans, même si des tendances lourdes sont bien visibles.]Rue qui traverse la partie abandonnée de la capitale lithuanienne, Vilnius. |
— Pays le plus vieux du monde, le Japon a déjà un citoyen sur quatre qui est un senior. Pensez-vous que les robots et l’intelligence artificielle puissent compenser ce déclin démographique ?
D.B. — Vous pouvez certes compenser la productivité grâce à la technologie. Mais vous ne pouvez rien face à la baisse de la consommation. Nous sommes dans une économie qui est tirée par les consommateurs. Mais qui va acheter les nouveaux produits quand, comme au Japon, la population devrait passer de 125 à 80 millions, voir même à 60 millions en 2100 ? Le Japon a ainsi certes le plus grand nombre de robots de service dans le monde. Mais les robots ne sont pas des consommateurs. [Ils n’achèteront pas plus votre maison ou vos actions en bourse… Bref, vos avoirs, votre magot pour votre retraite.]
Après avoir lu notre livre, Charles Jones, un économiste de Stanford, a analysé les implications économiques d’une baisse de la population mondiale. Selon lui, il y a deux grandes conséquences négatives. La première, c’est qu’une diminution des consommateurs signifie une baisse de la croissance. C’est inévitable. La deuxième, c’est une régression en matière d’innovation, qui est le privilège de la jeunesse. Une population vieillissante diminue ainsi la probabilité que vous puissiez développer un nouveau logiciel révolutionnaire. [Le démographe nataliste Alfred Sauvy (1898-1990) disait déjà la même chose… dans les années 1930.]
J.I. — Le Japon mise aujourd’hui tout sur les travailleurs temporaires étrangers pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre liée au déclin démographique.
D.B. — Un démographe japonais m’avait expliqué que le modèle pour le Japon est Dubaï, avec l’importation d’une main-d’œuvre étrangère non intégrée dans la société. Mais cela sera-t-il possible d’un point de vue culturel, en sachant que le Japon, contrairement aux Émirats arabes unis, est une démocratie ? Par ailleurs, n’oublions pas que les pays d’où est issue cette main-d’œuvre sont eux aussi touchés par la baisse des taux de fécondité. L’immigration n’est souvent qu’une solution à moyen terme pour faire face au déclin de la population. Car tous les pays du monde vont connaître cette même transition démographique…
J.I. — Si on regarde le cas du Canada, qui a la politique migratoire la plus ouverte au monde, on voit que l’Inde, la Chine et les Philippines sont les principaux fournisseurs d’immigrés. Or l’Inde a déjà atteint le seuil de renouvellement des générations si on en croit l’étude du Lancet, la Chine est bien en dessous, et aux Philippines, le taux de fécondité est passé de 6,4 en 1969 à 2,75 en 2020. Le Canada pourrait donc, plus vite qu’on ne le pense, être privé de ces réserves migratoires. [Note du carnet : Il restera l’Afrique…]
Wittstock-Dosse en Allemagne de l’Est a été rénovée, ses façades rafraîchies, mais la ville continue à perdre des habitants |
Des « pays en voie de disparition »
— En Europe de l’Est, la Bulgarie pourrait perdre plus de 20 % de sa population en 2050. La Hongrie devrait, elle, connaître une baisse de plus de 10 % sur la même période. Ce qui explique l’obsession de son dirigeant Viktor Orban pour la démographie et une politique nataliste activiste. Pensez-vous que cela puisse fonctionner ?
D.B. — C’est Orban qui a l’approche la plus agressive en matière de politique nataliste. Mais les données dans les autres pays montrent que vous pouvez ralentir la baisse des naissances, mais qu’il est très difficile d’inverser la tendance. C’est ce qu’on appelle le « piège de la fécondité basse ». Une fois que la famille à un ou deux enfants devient la norme, cela le reste. Quand une société arrive à un taux de fécondité en dessous de 1,5, il est presque impossible de remonter ce chiffre. Outre une natalité faible, la Hongrie doit faire face à un autre problème : l’émigration de sa jeunesse. Il y a une forte diaspora hongroise dans toute l’Europe. Résultat, ce pays fait face à une diminution de sa population depuis les années 1980. Je ne pense pas que les aides natalistes changent grand-chose à cela.
[…]
Pour ces nations qui perdent déjà leur population, le coût du vieillissement va être très lourd. « Nous sommes un pays en voie de disparition », avait même averti la ministre de la Santé italienne Beatrice Lorenzin.
— L’Afrique subsaharienne reste aujourd’hui une exception. Un pays comme le Niger a toujours un taux de fécondité au-dessus de 7…
D.B. — L’Afrique subsaharienne n’échappera pas à cette chute de la natalité, car le reste du monde l’a fait avant elle. Cela arrivera, c’est inévitable. La seule vraie question est de savoir à quelle vitesse. Avec l’accélération technologique, je pense que l’évolution démographique en Afrique sera encore plus spectaculaire qu’ailleurs. Il a fallu cent-cinquante ans à l’Europe pour arriver aux taux de fécondité actuels. L’Amérique latine, c’est cinquante ans. En Afrique, je pense que la rapide urbanisation et l’essor de l’accès à la technologie rendront ce processus encore plus court. On voit par exemple que le Kenya est passé d’un taux de fécondité de 8 dans les années 1960 à environ 3 aujourd’hui. [Soixante ans déjà… Ce sera donc plus long que pour l’Amérique latine…] C’est juste une question de temps.
[…]J.I. — Dans notre livre, nous évoquions le fait que le gouvernement kenyan ait rendu obligatoire l’école élémentaire pour les filles comme pour les garçons. Or les résultats de l’examen qui sanctionne la fin de l’école primaire montrent qu’en 2020, les filles représentaient 49,9 % des élèves, et qu’elles ont de meilleurs résultats que les garçons en anglais ou en souahéli. Dans une génération, vous allez automatiquement voir les conséquences de cet accès à l’éducation à travers une chute de la natalité. Et ce qui se passe déjà en Afrique de l’Est va se répandre en Afrique de l’Ouest.
[…]
J.I. — Le ressentiment d’une partie de la population blanche au sein des pays occidentaux contre des immigrés non blancs et non européens est l’un des grands défis politiques de notre époque, cela ne fait aucun doute. C’est vrai au Canada comme aux États-Unis ou en Europe. C’est un débat houleux et miné, mais qui s’avère inévitable, du fait de ces bouleversements démographiques.
D.B. — Dans ce livre, nous ne voulions pas donner de points de vue moraux. On peut estimer l’immigration, c’est bien ou mal. En tout cas, c’est un sujet essentiel. Ces questions autour de la démographie et de l’immigration seront les grands enjeux des années à venir. La plus grave erreur serait d’éviter d’en parler et de faire l’autruche. Nous devons avoir un vrai débat identitaire et culturel. Mais la plupart des gouvernements modérés et centristes tentent de l’éviter, car le sujet les effraie. Mais c’est à eux de trouver de meilleures solutions politiques que celles proposées par les extrêmes. [Mais qu’est-ce que « extrême » veut dire quand on ne veut pas donner de points de vue moraux… ?]
— Pour conclure : une baisse de la population représente donc à la fois de bonnes nouvelles sur le plan environnemental ou de l’éducation, mais aussi de mauvaises d’un point de vue de l’économie et de l’innovation…
D.B. — Sur la question écologique, je pense qu’il faut que nous changions rapidement de logiciel. Car si vous vous focalisez sur la surpopulation et estimez que les humains ravagent la planète, que se passera-t-il quand on sait que dans quelques dizaines d’années, les humains vont diminuer de manière spectaculaire ? La question du changement climatique ne prend généralement pas en compte cette évolution pourtant essentielle. On reste dans une logique popularisée par le biologiste Paul Ehrlich, auteur du succès de librairie La Bombe P, qui avait annoncé à la fin des années 1960 des millions de morts de famine du fait de l’explosion démographique… C’est la même chose du côté des gens du marketing. Tous ceux qui travaillent dans les secteurs de la consommation et de la publicité restent obsédés par la jeunesse. Alors que la réalité, c’est que la majorité des consommateurs sera bientôt âgée. C’est pour cela que la lecture de notre livre peut être difficile à assimiler pour beaucoup de personnes. Cela bouleverse nos certitudes. Pourtant, il va bien falloir complètement changer notre vision du monde. La réalité de ces données sur un déclin démographique inévitable [Note du carnet : certainement sur le court à moyen terme] est d’ailleurs en train de s’imposer. L’ONU a déjà minoré ses modèles prévisionnels de 300 millions de personnes, et d’autres révisions auront lieu après la pandémie. Tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que la population mondiale va se réduire drastiquement. Le seul débat entre démographes est « quand ? » et « à quelle vitesse ? ». Mais à partir de là, il faut aussi se demander ce que nous allons faire face à un changement complet de paradigme. Comment allons-nous faire face à un vieillissement et à une diminution de la population ?Un pays à très faible fécondité peut-il jamais renouer avec le taux de renouvellement des générations ? (l’exemple de la Géorgie dans le Caucase)
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